S. f. en Mécanique, se dit d'une force, laquelle étant appliquée à une machine, tend à produire du mouvement, soit qu'elle le produise actuellement ou non. Voyez MACHINE.

Dans le premier cas, elle s'appelle puissance mouvante ou mobîle ; et dans le second, elle est nommée puissance résistante.

Si la puissance est un homme ou un animal, elle est dite puissance animée.

Si c'est l'air, l'eau, le feu, la pesanteur, l'élasticité ou le ressort, on la nomme puissance inanimée.

Puissances conspirantes. Voyez CONSPIRANT.

Le mot puissance est aussi d'usage dans les mécaniques, pour exprimer quelqu'une des six machines simples, comme le levier, la vis, le plan incliné, le tour, le coin et la poulie, que l'on appelle particulièrement puissances mécaniques ou forces mouvantes. Voyez PUISSANCES MECHANIQUES.

Voyez aussi chaque puissance à l'article qui lui est particulier, comme aux mots LEVIER, BALANCE, etc.

Il est à propos de remarquer que les puissances ou forces qui meuvent les corps, ne peuvent agir les unes sur les autres que par l'entremise des corps mêmes qu'elles tendent à mouvoir : d'où il s'ensuit que l'action mutuelle de ces puissances n'est autre chose que l'action même des corps animés par les vitesses qu'elles leur donnent, ou qu'elles tendent à leur donner. On ne doit donc entendre par l'action des puissances, et même par le terme de puissance dont on ne sert communément en Mécanique, que le produit d'un corps par sa vitesse ou par sa force accélératrice. De cette définition et des lois de l'équilibre et du mouvement des corps, on conclut aisément que deux puissances égales et directement opposées se font équilibre ; que deux puissances qui agissent en même sens, produisent un effet égal à la somme des effets de chacune ; que si trois puissances agissant sur un point commun sont en équilibre entr'elles, et qu'on fasse sur les directions de ces puissances un parallélogramme, la diagonale de ce parallélogramme sera dans la direction prolongée de la troisième puissance, et que les rapports de ces trois puissances seront ceux de la diagonale aux côtés, etc. et plusieurs autres théorèmes semblables qui ne sont pas toujours démontrés dans la pratique avec toute la précision possible, parce qu'on y donne communément une notion un peu confuse du mot de puissance. Voyez dans les mém. de l'acad. de Petersbourg, tom. I. un écrit de M. Daniel Bernoulli, intitulé examen principiorum Mechanicae. (O)

PUISSANCE, en terme d'Arithmétique, se dit du produit d'un nombre ou d'une autre quantité multipliée par elle-même un certain nombre de fais. Voyez NOMBRE et QUANTITE.

Ainsi le produit du nombre 3 multiplié par lui-même, c'est-à-dire 9, est la seconde puissance de 3 ; le produit de 9 multiplié par 3 ou 27, est la troisième puissance ; et le produit de 27 encore multiplié par 3 ou 81, est la quatrième puissance, et ainsi à l'infini. Par rapport à ces produits ou à ces puissances, le nombre 3 est appelé la racine ou la première puissance. Voyez RACINE.

La seconde puissance s'appelle le carré, dont 3 est la racine carrée. Voyez QUARRE.

La puissance 27 est appelée le cube, dont 3 est la racine cubique. Voyez CUBE.

La quatrième puissance 81 est appelée biquadratique ou carré-quarré, dont 3 est la racine carrée-quarrée.

Le nombre qui indique combien de fois la racine est multipliée par elle-même, pour former la puissance, ou combien de fois la puissance doit être divisée par sa racine, pour parvenir à cette racine, est appelé l'exposant de la puissance ; ainsi dans la seconde puissance 2 est l'exposant, 3 dans la troisième. Remarquez que nous disons que ce nombre indique combien de fois la racine doit être multipliée par elle-même, et non pas que ce nombre exprime le nombre de fois que la racine doit être multipliée ; car dans la troisième puissance, par exemple, la racine n'est multipliée que 2 et non 3 fois par elle-même, dans la seconde puissance, la racine n'est multipliée que 1 fois ; ainsi le nombre de fois que la racine doit être multipliée par elle-même, est égal à l'exposant diminué d'une unité. Voyez EXPOSANT.

Les modernes, après Descartes, se sont contentés de distinguer la plus grande partie des puissances par leurs exposans ; ainsi ils disaient première, seconde, troisième puissance, etc. Ce sont les Arabes qui ont donné les premiers les noms particuliers des différentes puissances, comme carré, cube, ou carré-quarré, sur-solide, carré-cube, second sur-solide, carré-quarré-quarré, cube-cube, carré-sur-solide, troisième sur-solide, etc.

Ces noms qu'a donné Diophante, et qu'ont suivis Viete et Oughtred, sont le côté ou la racine, le carré, le cube, le carré de carré, le carré-cube, le cube-cube, le carré-quarré-cube, le carré cube-cube, le cube-cube-cube, etc.

Les caractères avec lesquels on désigne les différentes puissances, suivant la manière des Arabes et celle de Descartes, sont exposés dans les notes suivantes :

D'où il suit qu'élever une quantité à une puissance donnée, c'est la même chose que de trouver le produit qui vient en multipliant cette quantité, un certain nombre de fois par elle-même. Par exemple, élever 2 à la troisième puissance, c'est la même chose que de trouver le produit 8, dont les facteurs ou les composans sont 2, 2, 2. Voyez QUARRE, CUBE, etc.

Les puissances du même degré sont l'une à l'autre dans le rapport de leurs racines multipliées autant de fois que leur exposant contient d'unités : ainsi les carrés sont en raison doublée, les cubes en raison triplée ; les carrés-quarrés ou les quatriemes puissances sont en raison quadruplée. Voyez RAISON et RAPPORT.

Les puissances des quantités proportionnelles sont aussi proportionnelles l'une à l'autre. Voyez PROPORTION.

D'une puissance donnée extraire la racine, c'est la même chose que de trouver un nombre, par exemple, 2, lequel multiplié un certain nombre de fois par lui-même, comme deux fais, produise la puissance donnée, telle que la troisième puissance ou 8. Voyez RACINE.

Pour multiplier ou diviser une puissance quelconque par une autre puissance de même racine, voici la règle : 1°. Pour les multiplier, ajoutez les exposans des facteurs, la somme est l'exposant du produit ; ainsi qu'on le voit dans l'exemple suivant :

2°. Pour les diviser, ôtez l'exposant de la puissance du diviseur de l'exposant du dividende, le reste est l'exposant du quotient. Voyez les exemples suivants :

Commensurable en puissance se dit de deux quantités qui ne sont point commensurables, mais dont les carrés ou quelqu'autre puissance le sont ; ainsi la diagonale d'un carré et son côté sont commensurables en puissance, parce que le carré de l'une est double du carré de l'autre, mais la diagonale et le côté sont incommensurables. Voyez COMMENSURABLE et DIAGONALE.

Puissance d'une hyperbole équilatère dans les sections coniques, c'est le carré de la ligne droite CI ou AI des coniq. fig. 20.

La puissance de l'hyperbole est la moitié du carré du demi-axe. Voyez HYPERBOLE. (O)

PUISSANCES des lignes sont leurs carrés, cubes, etc. ainsi la seconde puissance de la ligne a est représentée par le carré a 2 fait sur cette ligne la troisième puissance par le cube a 2 dont cette ligne est un côté, etc. (E)

PUISSANCE, s. f. (Droit natur. et polit.) ce mot se prend en différents sens ; 1°. il marque la supériorité et les droits qu'un individu a sur d'autres, alors c'est un synonyme de pouvoir ; c'est ainsi qu'on dit la puissance paternelle, la puissance maritale, la puissance souveraine, la puissance législative, etc. Voyez POUVOIR. 2°. Par puissance on entend la somme des forces d'un état ou d'une société politique ; c'est sous ce point de vue que nous allons la considérer.

La puissance d'un état est toujours relative à celle des états avec qui il a des rapports. Une nation est puissante lorsqu'elle peut maintenir son indépendance et son bien-être contre les autres nations qui sont à portée de lui nuire.

La puissance d'un état est encore relative au nombre de ses sujets, à l'étendue de ses limites, à la nature de ses productions, à l'industrie de ses habitants, à la bonté de son gouvernement ; de-là vient que souvent un petit état est beaucoup plus puissant qu'un état plus étendu, plus fertile, plus riche, plus peuplé, parce que le premier saura mettre à profit les avantages qu'il a reçus de la nature, ou compensera par ses soins ceux qui lui seront refusés.

La principale source de la puissance d'un état est sa population ; il lui faut des bras pour mettre ses champs en valeur, pour faire fleurir ses manufactures, sa navigation, son commerce ; il lui faut des armées proportionnées à celles que ses voisins peuvent mettre sur pied ; mais il ne faut point pour cela que l'agriculture et les autres branches de sa puissance souffrent. Un sol fertile, une situation favorable, un pays défendu par la nature contribueront beaucoup à la puissance d'un état. Enfin, il est essentiel qu'il jouisse de la tranquillité dans son intérieur ; jamais un peuple déchiré par des factions, en proie aux cabales, aux intrigues, à l'anarchie, à l'oppression, n'aura le degré de puissance qui lui est nécessaire pour repousser les entreprises de ses ennemis.

Mais c'est en vain qu'un empire jouira de tous ces avantages, si une mauvaise administration lui en fait perdre les fruits. Le souverain est l'âme qui donne le mouvement et la vie à l'état, c'est l'usage ou l'abus qu'il fait de ses forces qui décide de sa puissance ou de sa faiblesse. En vain commandera-t-il à des peuples nombreux ; en vain la nature lui aura-t-elle prodigué les richesses du sol ; en vain l'industrie de ses sujets lui amenera-t-elle les trésors du monde ; ces avantages seront perdus, si une bonne administration ne les met à profit. Les Ottomans commandent à de vastes états, qui jouissent du ciel le plus favorable ; depuis le Danube jusqu'à l'Euphrate tout reconnait leurs lois ; cependant leur puissance n'approche point de celle d'un grand nombre d'états d'Europe, qui sont renfermés dans des bornes plus étroites que la plupart des royaumes soumis à l'empire des sultants. L'Egypte, la Grèce, qui font aujourd'hui les moindres parties de cet empire, avaient, sous leurs premiers maîtres, des forces auxquelles on ne peut point comparer la totalité de celles des despotes modernes qui ont asservi ces pays : ceux-ci commandent à de vils esclaves, accablés sous leurs fers, qui ne travaillent que pour satisfaire les caprices d'un tyran, d'un vizir, d'un eunuque ; les premiers commandaient à des citoyens échauffés par l'amour de la patrie, de la liberté, de la gloire. Combien de fois la Grèce a-t-elle ébranlé les trônes de ces monarques asiatiques, soutenus par des millions de bras ? Les armées innombrables des Xerxès, des Darius, sont venues briser leurs forces contre la puissance athénienne. Tous les efforts de la monarchie espagnole, soutenue par les richesses des deux mondes, ont échoué contre la vigueur des Hollandais généreux.

C'est de l'esprit dont un souverain sait animer ses peuples que dépend sa vraie puissance. S'il leur inspire l'amour de la vertu, de la gloire ; s'il leur rend chère la patrie par le bonheur dont il les y fait jouir ; s'il les excite aux grandes actions par des récompenses ; s'il effraie les mauvais citoyens par des peines, l'état sera puissant, il sera respecté de ses voisins, ses armées seront invincibles. Mais s'il souffre que le luxe et le vice corrompent les mœurs de ses sujets ; s'il permet que leur ardeur guerrière s'amollisse ; si la subordination, les lais, la discipline sont méprisées ; si l'on dégrade les âmes des peuples par l'oppression ; alors l'avidité prendra la place de l'honneur ; l'amour des richesses succédera à celui de la patrie, de la gloire ; il n'y aura plus de citoyens ; chacun ne s'occupera que de ses intérêts particuliers ; on oubliera le bien général auquel toutes les volontés doivent concourir pour rendre une nation puissante. Alors ni le nombre des armées, ni l'immensité des trésors, ni la fertilité des champs ne pourront procurer à l'état une puissance réelle.

Ainsi que les hommes robustes, les nations sont souvent tentées d'abuser de leurs forces. Ceux qui les gouvernent font consister leur puissance à étendre leurs conquêtes ; à faire la loi à leurs voisins ; à entrer dans toutes les querelles qui agitent les autres peuples ; à entreprendre des guerres longues et sanglantes, auxquelles des passions injustes ou frivoles ont souvent plus de part que les intérêts de l'état ; ainsi, pour faire une vaine parade de puissance, on épuise des forces réelles qui devraient être réservées pour le soutien de la nation. Voyez PAIX.

PUISSANCE LEGISLATIVE, EXECUTRICE et DE JUGER, (Gouvernement politique) on nomme puissance dans un état la force établie entre les mains d'un seul, ou de plusieurs.

On distingue dans chaque état trois sortes de pouvoirs ou de puissance ; la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, autrement dite la puissance exécutrice de l'état, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.

Par la première, le prince ou l'état fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers, c'est pourquoi nous appelons cette dernière la puissance de juger.

La liberté doit s'étendre à tous les particuliers, comme jouissant également de la même nature ; si elle se borne à certaines personnes, il vaudrait mieux qu'il n'y en eut point, puisqu'elle fournit une triste comparaison qui aggrave le malheur de ceux qui en sont privés.

On ne risque pas tant de la perdre, lorsque la puissance législative est entre les mains de plusieurs personnes qui diffèrent par le rang et par leurs intérêts ; mais là où elle se trouve à la discrétion de ceux qui s'accordent en ces deux choses, le gouvernement n'est pas éloigné de tomber dans le despotisme de la monarchie. La liberté ne saurait jamais être plus assurée que là où la puissance législative est confiée à diverses personnes si heureusement distinguées, qu'en travaillant à leur propre intérêt, elles avancent celui de tout le peuple ; ou pour me servir d'autres termes, que là où il n'y a pas une seule partie du peuple qui n'ait un intérêt commun, du moins avec une partie des législateurs.

S'il n'y a qu'un seul corps de législateurs, cela ne vaut guère mieux qu'une tyrannie ; s'il n'y en a que deux, l'un risque d'être englouti avec le temps, par les disputes qui s'éleveront entr'eux, et ils auront besoin d'un troisième pour faire pancher la balance. Il y aurait le même inconvénient à quatre, et un plus grand nombre causerait trop d'embarras. Je n'ai jamais pu lire un passage dans Polybe, et un autre dans Ciceron sur cet article, sans goûter un plaisir secret à l'appliquer au gouvernement d'Angleterre, auquel il se rapporte beaucoup mieux qu'à celui de Rome. Ces deux grands auteurs donnent la préférence au gouvernement composé de trois corps, du monarchique, de l'aristocratique, et du populaire. Ils avaient sans doute en vue la république romaine, où les consuls représentaient le roi, les sénateurs, les nobles ; et les tribuns le peuple. Ces trois puissances qu'on voyait à Rome, n'étaient pas si distinctes et si naturelles qu'elles paraissent dans la forme du gouvernement de la Grande-Bretagne. Il y avait cet abus dans le gouvernement de la plupart des républiques anciennes, que le peuple était en même-temps et juge et accusateur. Mais dans le gouvernement dont nous parlons, le corps législatif y étant composé de deux parties, l'une enchaine l'autre par sa faculté naturelle d'empêcher, et toutes les deux sont liées par la puissance exécutrice, qui l'est elle-même par la puissance législative. Voyez-en le détail dans l'ouvrage de l'esprit des lais, l. II. ch. VIe C'est assez pour moi de remarquer en général que la liberté politique est perdue dans un état, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple exercent les trois puissances, celle de faire des lais, celle d'exécuter les résolutions publiques, et celle de juger les crimes ou les différends des particuliers. (D.J.)

PUISSANCES de l'Europe, (Politique) c'est ainsi qu'on nomme les divers états souverains de cette partie du monde. L'intérêt forme leurs nœuds, l'intérêt les rompt. Aujourd'hui alliées, demain engagées dans une guerre funeste, dont les peuples paient le jeu. (D.J.)

PUISSANCE, (Jurisprudence) est le pouvoir que quelqu'un a sur la personne ou sur les biens d'autrui.

Toute puissance sur la terre a été établie de Dieu pour maintenir chaque chose dans l'ordre où elle doit être.

On distingue deux sortes de puissances, la spirituelle et la temporelle ou séculière.

La puissance spirituelle est celle qui s'étend sur les personnes relativement aux choses purement spirituelles, telles que les sacrements. Celles-ci appartiennent aux ministres de l'Eglise, lesquels n'ont, pour se faire obéir, que les armes spirituelles. Voyez CENSURE, ÉGLISE, EXCOMMUNICATION, INTERDIT.

La puissance ecclésiastique, est celle qui appartient à l'Eglise ; elle comprend, outre la puissance spirituelle, celle que les princes ont donnée à l'Eglise dans certaines matières qui ont quelque rapport aux choses spirituelles. Voyez JURISDICTION ECCLESIASTIQUE.

La puissance temporelle est celle qui s'étend sur les personnes et les biens relativement à des intérêts temporels.

On divise la puissance temporelle en puissance publique et particulière de plusieurs espèces ; savoir, la puissance paternelle et la puissance maritale, celle des tuteurs, curateurs, gardiens, et autres administrateurs ; celle des maîtres sur leurs esclaves et domestiques ; ces diverses sortes de puissances particulières sont les plus anciennes de toutes : le gouvernement domestique étant aussi plus ancien que le gouvernement politique.

L'union de l'autorité avec les forces forme ce que l'on appelle puissance publique.

La puissance souveraine ou publique est celle qui a le gouvernement d'un état ; elle se subdivise en puissance monarchique, puissance aristocratique et puissance démocratique. Voyez MONARCHIQUE et ROYAUME, ARISTOCRATIE, ETAT et DEMOCRATIE.

L'objet de toute puissance publique est de procurer le bien de l'état au-dedans et au-dehors.

Les droits de la puissance publique consistent dans tous les droits de souveraineté.

Dans tous les états, celui ou ceux en qui réside la puissance publique, ne pouvant seuls en remplir tous les devoirs, ils sont obligés de se décharger sur différentes personnes d'une partie des fonctions attachées à cette puissance : tous les ordres émanent médiatement ou immédiatement de la puissance publique ; ainsi ceux qui exercent quelque portion du gouvernement militaire, ou de celui de justice ou de finances, sont autant de dépositaires d'une partie de la puissance publique, et qui agissent au nom de cette puissance.

Le devoir de tous ceux qui ont quelque part à la puissance publique, est de maintenir le bon ordre, de faire rendre à chacun ce qui lui appartient, d'empêcher les abus qui peuvent troubler l'harmonie politique. Voyez la loi 215. au digeste de verb. signific. Richerius, de potestate eccles. et politicâ ; les lois civiles, tome II. et les mots ETAT, GOUVERNEMENT, SOUVERAIN, SOUVERAINETE ; les mots PUISSANCE MARITALE, PATERNELLE, ROYALE, etc.

PUISSANCE DE FIEF, est le droit que le seigneur du fief dominant a sur le fief servant, tant pour le saisir féodalement, faute d'homme, droit et devoirs non-faits et non-payés, que pour le reprendre par droit de retrait féodal, en cas d'aliénation de la part du vassal. Voyez FIEF, RETRAIT FEODAL, SAISIE FEODALE, SEIGNEUR, VASSAL.

PUISSANCE DES MAITRES sur leurs domestiques, est l'autorité que les maîtres ont sur ceux qui les servent pour leur commander ou défendre de faire quelque chose. Les domestiques doivent avoir de la soumission et du respect pour leur maître, et ceux qui s'écartent du respect qu'ils leur doivent sont punis de la peine du carcan, ou autres peines plus sévères, selon la qualité du délit : les maîtres ne doivent point maltraiter leurs domestiques ; lorsqu'ils en reçoivent quelque sujet de mécontentement, ils ont seulement le droit de leur faire une réprimande, de leur ordonner de faire leur devoir : ils peuvent aussi les congédier quand bon leur semble, même rendre plainte contr'eux, s'il y échet ; mais ils ne peuvent pas se faire justice eux-mêmes.

Les domestiques sont aussi libres de quitter leurs maîtres, lorsqu'ils le jugent à-propos, sauf les dommages intérêts du maître, au cas qu'ils se fussent loués pour un certain temps, et que par l'inexécution de la convention, le maître souffrit un dommage réel. Voyez le règlement du parlement de Rouen du 26 Juin 1722. rapporté dans les pièces justificatives du code rural, tome II.

La puissance des maîtres sur les esclaves est plus étendue que celle qu'ils ont sur de simples domestiques. Voyez ce qui en a été dit ci-devant aux mots AFFRANCHISSEMENT, ESCLAVE, MANUMISSION.

PUISSANCE MARITALE, est celle que le mari a sur la personne, et les biens de sa femme.

La femme est naturellement et de droit divin dans la dépendance de l'homme : sub viri potestate eris, et ipse dominabitur tui. Genèse, c. IIIe vers. 16.

Cette dépendance était telle chez les Romains, que la fille qui n'était plus sous la puissance paternelle et qui n'était pas encore mariée, demeurait toujours sous la tutele, soit de ses proches, soit des tuteurs, qui lui avaient été donnés par le juge ; telle était la disposition de la loi des douze tables.

La loi attilia ordonnait que le préteur et les tribuns donnassent des tuteurs aux femmes et aux pupilles.

Mais il y avait cette différence entre les tuteurs des pupilles et ceux des filles ou femmes puberes, que les premiers avaient la gestion des biens, au lieu que les tuteurs des femmes interposaient seulement leur autorité.

Or, de même que la femme non-mariée était en la puissance d'un tuteur, la femme mariée était en la puissance de son mari ; cela s'appelait être en la main du mari ; et cette puissance maritale s'établissait en la forme indiquée par Ulpien, tit. de his qui in manu sunt, in manum convenire, venir en la main du mari.

La manière la plus solennelle et la plus parfaite de contracter mariage était celle où la femme passait en la main de son mari ; elle était appelée mater familias, parce qu'elle était réputée de la famille de son mari, et y tenir la place d'héritier ; au lieu que celle qui était mariée autrement, était seulement qualifiée de matrone, matrona. On voit par ce qui vient d'être dit, que la puissance maritale ne différait pas alors de la puissance paternelle.

Mais le dessein de faciliter le mariage, ou plutôt la liberté du divorce, ayant fait peu-à-peu tomber en non-usage les formalités par lesquelles la femme venait en la main de son mari, la puissance maritale fut grandement diminuée.

Tout ce qui est resté de l'ancien droit, c'est que le mari est le maître de la dot, c'est-à-dire qu'il en a l'administration et qu'il fait les fruits siens ; car du reste il ne peut aliéner ni hypothéquer le fonds dotal, même du consentement de sa femme, si ce n'est dans le ressort du parlement de Paris, suivant l'édit du mois d'Avril 1664, qui permet au mari l'hypothèque et l'aliénation des biens dotaux, quand elle se fait conjointement avec son mari.

La femme est seulement maîtresse en pays de droit écrit de ses paraphernaux.

Les effets ordinaires de la puissance maritale en pays coutumier sont 1°. que la femme ne peut passer aucune obligation, ni contrat, sans l'autorité expresse du mari ; elle ne peut même accepter sans lui une donation, quand même elle serait séparée de biens. 2°. Elle ne peut pas ester en jugement sans le consentement de son mari, à moins qu'elle ne soit autorisée ou par justice au refus de son mari, ou qu'elle ne soit séparée de biens, et la séparation exécutée. 3°. Le mari est le maître de la communauté, de manière qu'il peut vendre, aliéner ou hypothéquer tous les meubles et conquêts immeubles sans le consentement de sa femme, pourvu que ce soit au profit de personne capable et sans fraude. Cout. de Paris, art. 223, 224 et 225. Voyez COMMUNAUTE, CONQUETS, DOT, MARI, FEMME, PARAPHERNAL, PROPRES, REMPLACER, VELLEIEN. (A)

PUISSANCE PAPALE, (Gouvern. ecclésiast.) l'autorité que l'on voudrait attribuer aux papes, ne parait pas raisonnable à tout le monde. On ne saurait considérer sans étonnement, que le chef de l'église, qui n'a que les armes spirituelles de la parole de Dieu, et qui ne peut fonder ses droits que sur l'Evangile, où tout prêche l'humilité et la pauvreté, ait pu aspirer à une domination absolue sur tous les rois de la terre : mais il est encore plus étonnant que ce dessein lui ait réussi. Tout le monde a fait cette observation ; mais Bayle l'a démontré contre l'auteur de l'Esprit des cours de l'Europe, qui prétendit, dans le dernier siècle, que la puissance papale n'est pas une chose bien merveilleuse, et que leurs conquêtes, dans certains temps, n'ont pas dû être difficiles. Rapportons ici ces raisons et les réponses de l'auteur du dictionnaire critique. On peut diviser en deux parties les réflexions de l'anonyme qui a mis au jour en 1699 le livre que j'ai cité. Il parait que, dans la première partie, il se contente de railler finement la puissance papale ; mais dans la seconde, il établit sérieusement la facilité de s'agrandir, qu'il suppose qu'ont eue les pontifes de Rome.

Les ironies ingénieuses de la première partie sont telles qu'un docteur ultramontain y pourrait être attrapé, et les employer tout de bon comme des preuves. C'est pourquoi il ne sera pas hors de propos de les discuter. " N'est-il pas dit (c'est l'anonyme qui parle) que tout genouil terrestre fléchira au nom du chef invisible ? Comment le chef visible ne terrassera-t-il pas tous ses ennemis ? Comment n'aurait-il pas confondu tous ceux qui ont osé lui résister ? Le chef visible n'agit que par le pouvoir du chef invisible : si le maître est toujours victorieux, il faut bien que le vicaire le soit aussi. Ce miracle est un article de foi : c'est trop peu dire, il est le grand mobîle de la religion. La religion ne doit pas moins assujettir le corps que l'esprit à son empire : personne ne le dispute : elle a droit sur l'homme tout entier : comme les récompenses sont proposées à la substance matérielle, aussi-bien qu'à la spirituelle, l'une et l'autre doivent subir également le joug des lais, et les menaces regardent indifféremment toutes les deux. Ce principe une fois renversé, que deviendrait la sainte inquisition ? Ce divin tribunal n'aurait plus d'autre fondement qu'une cruauté barbare ; et cet arsenal sacré ne renfermerait pas une arme qui n'eut été forgée au feu de l'enfer. Le pape est donc le maître des corps aussi-bien que des âmes ; et comme son autorité sur les consciences n'a point de bornes, son pouvoir sur les corps doit être invincible ; d'ailleurs n'était-il pas de la juste économie du salut que la puissance ne fût pas moins étendue que la lumière ? De quoi servirait à un chef divinement établi de connaître tout, s'il n'avait pas le pouvoir de disposer de tout ? Il serait fort inutîle à cet Hercule d'écraser les monstres de l'erreur, s'il n'avait pas droit de terrasser les monstres de l'impiété : ce droit embrasse les rois et les empereurs, qui, pour commander à des peuples, ne sont pas moins les sujets de l'Eglise. Les papes ont tenu tête à ces premiers sujets toutes les fois qu'ils se sont révoltés contre cette bonne mère : ils leur ont opposé une puissance infinie ; comment les papes auraient-ils eu le dessous ? Et voilà le véritable dénouement des glorieux et inimaginables succès de la nouvelle monarchie romaine ".

Ce discours étant pris sans ironie, formerait ce raisonnement sérieux ; que dès-là que les évêques de Rome ont été considérés comme les vicaires de Jesus-Christ, dont la puissance sur les corps et sur les âmes n'a point de bornes, il a fallu que leur empire se soit établi facilement sur les peuples, et même sur le temporel des souverains. Une distinction suffira pour résoudre cette difficulté. Qu'on avance tant qu'on voudra que Jesus-Christ a établi un vicariat dans son Eglise, le bon sens, la droite raison ne laisseront pas de nous apprendre qu'il l'a établi, non pas en qualité de souverain maître, et de créateur de toutes choses, mais en qualité de médiateur entre Dieu et les hommes, ou en qualité de fondateur d'une religion qui montre aux hommes la voie du salut, qui promet le paradis aux fidèles et qui menace de la colere de Dieu les impénitens. Voilà donc les bornes de la puissance du vicaire que Jesus-Christ aurait établi. Ce vicaire ne pourrait tout-au-plus que décider de la doctrine qui sauve ou qui damne. Il faudrait qu'après avoir annoncé les promesses du paradis et les menaces de l'enfer, et après les instructions, les censures, et telles autres voies de persuasion et de direction spirituelle, il laissât à Dieu l'exécution des menaces non-seulement à l'égard des peines à l'autre vie, mais aussi à l'égard des châtiments corporels dans ce monde-ci. Jesus-Christ lui-même n'en usait pas autrement. Il suivit dans la dernière exactitude le véritable esprit de la religion, qui est d'éclairer et de sanctifier l'âme, et de la conduire au salut par les voies de la persuasion sans empiéter sur la politique, l'autorité de punir corporellement les opiniâtres et les incrédules, dont il trouvait un nombre infini ; car il n'est pas vrai qu'à cet égard le chef et le maître de l'Eglise soit toujours victorieux.

Ainsi ceux-mêmes qui ont été le plus fortement persuadés que le pape est le vicaire de Jesus-Christ, ont dû regarder comme un abus du vicariat tout ce qui sentait la juridiction temporelle et l'autorité de punir le corps. Et de-là devaient sortir naturellement une infinité d'obstacles aux principes contraires. Il n'est pas inutîle de connaître tout, encore que l'on n'ait pas le pouvoir de disposer de tout. C'est assez que la religion fasse connaître surement ce qu'il faut croire, et ce qu'il faut faire ; c'est assez qu'elle puisse clairement réfuter l'erreur, et ce n'est qu'en ce sens-là que l'autorité de terrasser les monstres de l'hérésie et de l'impiété lui appartient. Si les hommes résistent à ses lumières, c'est à Dieu à les en punir comme des inexcusables. Ce n'est point l'affaire de la religion, ni une partie du ministère établi par Jesus-Christ. Voici la seconde partie de la réflexion de l'anonyme.

" Ne volons pas si haut, et parlons plus humainement, il n'y a rien de si surprenant dans la grandeur des papes. A la faveur de quelques passages de l'Ecriture, des entousiastes ont persuadé le monde de leur divinité ; cela est-il nouveau ? Jusqu'où les hommes ne se laissent-ils pas entraîner en fait de religion ? Ils aiment surtout à diviniser leur semblable. Le Paganisme le démontre. Or posé une fois que les papes aient pu facilement établir les divins privilèges de leur charge, n'était-il pas naturel que les peuples se déclarassent pour eux contre toutes les autres puissances ? Pour moi, bien-loin d'être surpris de leur élévation, j'admire comment ils ont pu manquer la monarchie universelle : le nombre des princes qui ont secoué le joug romain me confond ; quand j'en cherche la raison, je ne puis me prendre qu'à ces deux causes si générales et si connues, que l'homme n'agit pas toujours conséquemment à ses principes, et que la vie présente fait de plus fortes impressions sur son cœur que celle qui est à venir ".

Laissons croire, dit M. Bayle, à l'auteur anonyme de l'Esprit des cours de l'Europe, à cet écrivain fin et subtil, que les papes ont pu aisément persuader qu'ils étaient des dieux en terre, c'est-à-dire qu'en qualité de chefs visibles de l'Eglise, ils pouvaient déclarer authentiquement, cela est hérétique, cela est orthodoxe, régler les cérémonies et commander à tous les évêques du monde chrétien. Résultera-t-il de-là qu'ils aient pu aisément établir leur autorité sur les monarques, et les mettre sous leur joug avec la dernière facilité ? C'est ce que je ne vois point. Je vois au contraire que, selon les apparences, leur puissance spirituelle devait courir de grands risques par l'ambition qu'ils avaient d'attenter sur le temporel des rais. Prenez garde, dit-on un jour aux Athéniens, que le soin du ciel ne vous fasse perdre la terre ; tout au rebours, on aurait dû dire aux papes : " Prenez garde que la passion d'acquérir la terre ne vous fasse perdre le ciel : on vous ôtera la puissance spirituelle, si vous travaillez à usurper la temporelle ". On sait que les princes les plus orthodoxes sont plus jaloux des intérêts de leur souveraineté que de ceux de la religion. Mille exemples anciens et modernes nous l'apprennent : il n'était donc point probable qu'ils souffriraient que l'Eglise s'emparât de leurs domaines et de leurs droits, et il était probable qu'ils travailleraient plutôt à amplifier leur autorité au préjudice de l'Eglise, qu'ils ne laisseraient amplifier la puissance de l'Eglise au préjudice de leur puissance temporelle.

Cette dispute devait donc être fatale aux usurpateurs de l'autorité temporelle ; car il est aisé de montrer, et par des textes formels de l'Ecriture, et par l'esprit de l'Evangile, et par l'ancienne tradition, et par l'usage des premiers siècles, que les papes ne sont nullement fondés dans leurs prétentions de disposer des couronnes, et de partager en tant de choses les droits de la souveraineté. Cela peut même frayer le chemin à ébranler leur autorité spirituelle ; et en les mettant sur la défensive à l'égard de ce point-là, dans quel embarras les jete-t-on ? Quel péril ne leur fait-on pas courir par rapport même aux articles que les peuples s'étaient laissé persuader d'adopter ? Il ne faut pas compter pour peu de chose la disposition, qu'il est probable qu'auront à servir les princes, les ecclésiastiques, que la cour de Rome veut contraindre à ne se point marier. Le nombre de ceux qui trouvent ce joug trop dur, est innombrable : les incontinens honnêtes sont ceux qui ont le plus à cœur le privilège de se marier ; car, pour ceux qui n'ont guère de conscience, ils se dédommagent par le concubinage.

Mais lisons l'histoire des papes, nous verrons qu'ils n'ont avancé dans leur chemin et qu'ils n'ont gagné du terrain qu'en renversant des obstacles qu'ils ont rencontrés à chaque pas. On leur a opposé des armées et des livres, on les a combattus et par des prédications, et par des libelles et par des prophéties ; on a tout mis en usage pour arrêter leurs conquêtes, et tout s'est trouvé inutile. Mais pourquoi ? C'est à cause qu'ils se sont servi de tous les moyens imaginables. Les armes, les croisades, les tribunaux de l'inquisition ont secondé en leur faveur les foudres apostoliques ; la ruse, la violence, le courage et l'artifice ont concouru à les protéger. Leurs conquêtes ont couté la vie à autant de gens, ou peu s'en faut, que celles de la république romaine. On voit beaucoup d'écrivains qui appliquent à la nouvelle Rome, ce que Virgile a remarqué touchant l'ancienne.

Multa quoque et bello passus dùm conderet urbem

Inferretque deos latio.

Aeneïd. lib. I. vers. 3.

Concluons que la puissance où les papes sont parvenus est un des plus grands prodiges de l'histoire humaine, et l'une de ces choses qui n'arrivent pas deux fais. Si elle était à faire, je ne crois pas qu'elle se fit. Une singularité de temps aussi favorable dans cette entreprise ne se rencontrerait point dans les siècles à venir, comme elle s'est rencontrée dans les siècles passés ; et si ce grand édifice se détruisait et que ce fût à recommencer, on n'en viendrait pas à bout. Tout ce que peut faire présentement la cour de Rome, avec la plus grande habileté politique qui se voie dans l'univers, ne Ve qu'à se maintenir : les acquisitions sont finies. Elle se garde bien d'oser excommunier une tête couronnée, et combien de fois faut-il qu'elle dissimule son ressentiment contre le parti catholique qui dispute aux papes l'infaillibilité, et qui fait bruler les livres qui lui sont les plus favorables ? Si elle tombait aujourd'hui dans l'embarras de l'antipapat, je veux dire dans ces confusions de schismes où elle s'est trouvée tant de fais, et où l'on voyait pape contre pape, concîle contre concile, infestisque obvia signis signa, pares aquilas, et pila minantia pilis, elle n'en sortirait pas avec avantage : elle échouerait dans un siècle comme le nôtre avec toute sa dextérité : elle a perdu les plus beaux fleurons de sa couronne, et les autres sont bien endommagés. (D.J.)

PUISSANCE PATERNELLE, est un droit accordé par la loi au père ou autre ascendant mâle et du côté paternel, sur la personne et les biens de leurs enfants et petits-enfants nés en légitime mariage, ou qui ont été légitimés, soit par mariage subséquent, ou par lettres du prince.

On entend quelquefois par puissance paternelle le droit de supériorité et de correction que les pères ont sur leurs enfants ; droit qui appartient également aux mères, avec cette différence seulement que l'autorité des mères est subordonnée à celle des pères, à cause de la prééminence du sexe masculin. Grotius, lib. I. Ic. Ve n. 1.

La puissance des père et mère, considérée sous ce point de vue, est de droit naturel.

L'homme en naissant est si faible de corps, et sa raison est encore enveloppée de tant de nuages, qu'il est nécessaire que les père et mère aient autorité sur leurs enfants pour veiller à leur conservation, et pour leur apprendre à se conduire.

On peut donc regarder la puissance paternelle comme la plus ancienne puissance établie de Dieu sur la terre.

En effet, les premières sociétés des hommes n'étaient composées que d'une même famille, et celui qui en était le chef en était tout-à-la-fais le père, le juge ou arbitre, et le souverain ; et cette puissance des pères n'avait aucune autre puissance humaine au-dessus d'elle, jusqu'à ce qu'il s'élevât quelques hommes ambitieux qui s'arrogeant une autorité nouvelle et jusqu'alors inconnue, sur plusieurs familles répandues dans une certaine étendue de pays, donnèrent naissance à la puissance souveraine.

Ce n'est pas seulement ce droit naturel qui accorde aux père et mère une certaine puissance sur leurs enfants, elle a été également admise par le droit des gens ; il n'est point de nation qui n'accorde aux père et mère quelqu'autorité sur leurs enfants, et une autorité plus ou moins étendue, selon que les peuples se sont plus ou moins conformé à la loi naturelle.

Le droit divin est venu fortifier en nous ces principes ; le Décalogue apprend aux enfants qu'ils doivent honorer leurs père et mère, ce qui annonce que ceux-ci ont autorité sur leurs enfants.

Mais comme les enfants ne restent pas toujours dans le même état, et que l'homme a ses différents âges, l'autorité des père et mère a aussi ses différents degrés.

On doit relativement à la puissance paternelle distinguer trois âges.

Dans le premier, qui est celui de l'enfance où l'homme n'est pas encore capable de discernement, les père et mère ont une autorité entière ; et cette puissance est un pouvoir de protection et de défense.

Dans le second âge, que l'on peut fixer à la puberté, l'enfant commence à être capable de réflexion ; mais il est encore si volage, qu'il a besoin d'être dirigé : la puissance des père et mère devient alors un pouvoir d'administration domestique et de direction.

Dans le troisième âge, qui est celui où les enfants ont coutume de s'établir, soit par mariage, soit en travaillant pour leur compte particulier, ils doivent toujours se ressouvenir qu'ils doivent à leurs père et mère la naissance et l'éducation ; ils doivent conséquemment les regarder toute leur vie comme leurs bienfaiteurs, et leur en marquer leur reconnaissance par tous les devoirs de respect, d'amitié et de considération dont ils sont capables : c'est sur ce respect et sur l'affection que les enfants doivent avoir pour leurs père et mère, qu'est fondé le pouvoir que les père et mère conservent encore sur leurs enfants dans le troisième âge.

Le droit naturel, le droit des gens et le droit divin ne donnent point aux père et mère d'autre puissance sur leurs enfants que celle qu'on vient d'expliquer ; tout ce qui est au-delà provient de la disposition des hommes, et est purement arbitraire.

Ainsi ce que l'on entend en droit par puissance paternelle, entant que cette puissance attribue au père certains droits singuliers sur la personne et les biens des enfants, est une prérogative émanée du droit civil, et dont l'exercice plus ou moins étendu dépend des lois de chaque pays.

C'est par cette raison que Justinien observe que la puissance que les Romains avaient sur leurs enfants était particulière à ces peuples, parce qu'en effet il n'y avait aucune autre nation où les pères eussent un pouvoir aussi étendu.

Ce qui était de particulier aux Romains n'était pas l'autorité en général que les pères ont sur leurs enfants, mais cette même autorité modifiée et étendue telle qu'elle avait lieu parmi eux, et que l'on peut dire n'avoir ni fin, ni bornes, du-moins suivant l'ancien droit.

Elle n'avait point de fin, parce qu'elle durait pendant toute la vie du fils de famille.

Elle n'avait point de bornes, puisqu'elle allait jusqu'au droit de vie et de mort, et que le père avait la liberté de vendre son enfant jusqu'à trois fais.

Le père avait aussi le droit de s'approprier tout ce que son fils acquérait, sans distinction.

Ces différents droits furent dans la suite restreints et mitigés.

On ôta d'abord aux pères le droit de vie et de mort, et celui de vendre et aliéner leurs enfants ; il ne leur demeura à cet égard que le droit de correction modérée.

Le droit même d'acquérir par leurs enfants et de s'approprier tout ce qu'ils avaient, fut beaucoup restreint par l'exception que l'on fit en faveur des fils de famille de leurs pécules castrense, quasi castrense, et autres semblables. Voyez PECULE.

La puissance paternelle, telle qu'elle était réglée, suivant le dernier état du droit romain, a encore lieu dans tous les pays du droit écrit, sauf quelques différences qu'il y a dans l'usage de divers parlements.

Le premier effet de la puissance paternelle, est que ceux qui sont soumis à cette puissance, et qu'on appelle enfants de famille, ne peuvent point s'obliger pour cause de prêt quoiqu'ils soient majeurs ; leurs obligations ne sont pas valables, même après la mort de leur père. Voyez FILS DE FAMILLE et SENATUS CONSULTE MACEDONIEN.

Le 2d. effet de la puissance paternelle, est que les enfants de famille ne peuvent tester, même avec la permission de leur père, et leur testament n'est pas valable, même après la mort de leur père ; on excepte seulement de cette règle les pécules castrenses et quasi castrenses.

Le troisième effet, est que le père jouït des fruits de tous les biens de ses enfants étant en sa puissance, de quelque part que leur viennent ces biens, à l'exception pareillement des pécules castrenses et quasi castrenses.

Il y a aussi des cas où il n'a pas l'usufruit des biens adventifs ; savoir, 1°. lorsqu'il succede conjointement avec ses enfants à quelqu'un de ses enfants prédécédé, il ne jouït pas de l'usufruit des portions de ses enfants, parce qu'il a une virîle en propriété : 2°. lorsqu'il refuse d'autoriser ses enfants pour accepter une succession, donation ou legs : 3°. il en est de même des biens donnés ou légués à ses enfants, à condition qu'il ne jouira pas des fruits.

Le quatrième effet de la puissance paternelle, est que tout ce que le fils de famille acquiert du profit des biens qu'il avait en ses mains, appartenant au père, est acquis au père, non seulement en usufruit, mais aussi en pleine propriété, surtout si le fils faisait valoir ce fonds aux risques du père.

Le cinquième effet, est que le père ne peut faire aucune donation entre vifs et irrévocable, aux enfants qu'il a sous sa puissance, si ce n'est par le contrat de mariage du fils de famille.

Le sixième, est que le père qui marie son fils étant en sa puissance, est responsable de la dot de sa belle-fille, soit qu'il la reçoive lui-même, ou que son fils la reçoive.

Le septième effet, est que le père pour prix de l'émancipation de son fils, retient encore quelque droit sur ses biens. Suivant la loi de Constantin, il avait le tiers des biens en propriété ; Justinien au-lieu de ce tiers lui donne la moitié en usufruit.

Enfin le huitième effet, est que le père a droit de jouir en usufruit, d'une portion virîle des biens qui écheaient à ses enfants par le décès de la mère, après leur émancipation. Les docteurs sont d'avis qu'il en est de même des biens qui écheaient d'ailleurs aux enfants.

Le père ne peut pas renoncer en fraude de ses créanciers, à l'usufruit qu'il a par droit de puissance paternelle ; mais ses créanciers ne peuvent l'empêcher d'émanciper ses enfants sans aucune réserve d'usufruit.

L'émancipation est un des moyens qui font finir la puissance paternelle.

Nous ne parlerons point ici de la forme de l'émancipation, on peut voir ce qui en a été dit ci-devant à la lettre E.

Les autres moyens qui font finir la puissance paternelle, sont la mort naturelle ou civîle du père ou du fils, la profession religieuse de l'un ou de l'autre, les grandes dignités ; en droit il n'y avait que la dignité de patrice qui exemptait de la puissance paternelle, celle de sénateur n'avait pas cet effet.

En France les premières dignités de l'épée et de la cour émancipent, et dans la robe celles de président, procureur et avocats-généraux.

A l'égard des dignités ecclésiastiques, il n'y a que l'épiscopat qui fasse cesser la puissance paternelle, les dignités d'abbé, de prieur, de curé n'émancipent point.

L'habitation séparée ne fait pas seule finir la puissance paternelle, si ce n'est dans quelques endroits où il y a un usage singulier.

Pour ce qui est du mariage, il émancipe dans les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, et dans toutes les coutumes, mais non pas dans les parlements de droit écrit.

M. de Laurière, sur la règle 37 de Laisel, emploie de bonnes autorités pour prouver que dans toute la France coutumière, les pères avaient anciennement une telle puissance sur leurs enfants qu'ils pouvaient les vendre ; mais que la barbarie s'étant abolie peu-à-peu sous les rois de la troisième race, les enfants furent traités avec tant de douceur, qu'Accurse qui vivait vers l'an 1200, écrit que de son temps ils étaient en France comme affranchis de la puissance paternelle, ut prorsus absolutos.

Quelques auteurs qui ont mal entendu ces termes d'Accurse, ont cru qu'il avait nié que les François admissent la puissance paternelle, quoiqu'il ait seulement voulu dire qu'elle y était extrêmement mitigée.

Laisel parlant de l'usage du pays coutumier, dit que droit de puissance paternelle n'a lieu.

Coquille en son institution, dit qu'elle n'est que superficiaire en France, et que nos coutumes en ont retenu quelques petites marques avec peu d'effet.

Dumolin, §. 2. de l'anc. cout. glos. 2. dit que les François en usent en quelque sorte seulement quadamtenus tantum, et dans ses commentaires sur Decius, il ne fait consister cette puissance qu'en honneur dû au père, et dans le droit d'assister ses enfants et de les autoriser pour agir et pour contracter.

Il est évident que cet auteur n'a entendu parler que de ce que la qualité de père opère plus communément parmi nous.

En effet, nous avons plusieurs coutumes qui admettent expressément un droit de puissance paternelle, en vertu duquel le père fait les fruits siens du bien de ses enfants.

Cette puissance, telle qu'elle a lieu présentement dans les pays de coutume, est un composé du droit des gens, du droit romain, dont les peuples, suivant leur gout, ont emprunté plus ou moins ; c'est un mélange de la tutele et du droit de garde.

Par exemple, dans la coutume de Berri, les enfants sont sous la puissance paternelle ; mais cette puissance ne dure que jusqu'à 25 ans, quand les enfants ne sont pas mariés, et finit plus tôt quand ils sont mariés avant cet âge. Les seuls effets de cette puissance sont que les enfants qui y sont encore soumis, ne peuvent ester en jugement, agir ni disposer. Du reste, ce n'est de la part du père qu'un droit de protection, et une tutele naturelle ; car il ne gagne pas les fruits des biens de ses enfants, si ce n'est après le décès de sa femme, pendant qu'il est légitime administrateur. Mais cette administration, qui est commune à la mère, n'est proprement qu'un droit de garde ; elle ne dure que jusqu'à 18 ans pour les mâles, et 14 pour les filles ; au-lieu que la puissance paternelle dure jusqu'à 25 ans, quand les enfants ne sont pas mariés.

Dans la coutume de Montargis, les enfants sont en la puissance de leur père, mais cette puissance cesse à 20 ans et un jour, et même plus tôt si les enfants sont mariés, ou si le père ou la mère meurt ; alors les enfants tombent en garde, et s'ils sont nobles, la garde emporte perte de fruits : cette puissance n'est encore qu'un droit d'autorité et de protection.

Les coutumes de Châlons et de Rheims sont plus mélangées. Leurs dispositions sont émanées de différentes sources ; les enfants y sont en la puissance de leur père, ce qui est du droit des gens ; mais ils cessent d'être en cette puissance dès qu'ils ont l'âge de 20 ans, ou qu'ils sont mariés, ou qu'ils tiennent maison et feu à-part au Ve et au su de leur père : ceci est du droit coutumier. Si pendant que cette puissance dure on donne à l'enfant quelque héritage, les fruits en appartiennent au père : ceci est du droit romain. Si la mère meurt, la puissance du père est convertie en tutele, ce qui est conforme au droit commun.

Les dispositions de la coutume de Bretagne sur la puissance paternelle, tiennent plus du droit romain. Le fils y est en la puissance du père, fût-il âgé de 60 ans ; il n'y a que le mariage contracté du consentement du père, ou une émancipation expresse, requise par l'enfant âgé de 20 ans, qui puisse les en faire sortir. Tout ce que l'enfant acquiert appartient au père de plein droit ; mais pour les autres biens des enfants, le père n'en jouït qu'à la charge de rendre compte quand ils ont atteint l'âge de 25 ans.

Dans la coutume de Poitou la puissance paternelle dure tant que le fils n'est point marié, pourvu que le père lui-même ne se remarie point ; en sorte qu'un fils non marié, âgé de 30, 40 et 50 ans, est toujours sous la puissance du père, lequel gagne les fruits des biens patrimoniaux de ses enfants jusqu'à ce qu'ils aient 25 ans, au cas qu'ils soient mariés, et indéfiniment lorsqu'ils ne le sont pas.

Mais les enfants quoique en la puissance de leur père, peuvent acquérir ; et même s'ils ont alors 25 ans, le père n'a rien dans ces acquêts ; s'ils acquièrent au-dessous de 25 ans, les meubles appartiennent au père avec l'usufruit des acquêts immeubles jusqu'à 25 ans.

L'enfant qui est en puissance, peut dans cette même coutume, disposer par testament ; savoir, pour les immeubles, les garçons à 20 ans, les filles à 18 ; et pour les meubles, les garçons à 17, et les filles à 15 ans accomplis, à moins qu'ils ne soient mariés plus tôt.

La coutume d'Auvergne tient beaucoup du droit romain sur cette matière, ainsi que sur plusieurs autres. Le fils de famille y est sous la puissance du père ; mais à 25 ans il peut ester en jugement, tant en demandant qu'en défendant, sans l'autorité ou licence du père ; mais le jugement ne porte aucun préjudice au père pour les droits qu'il a sur les biens de ses enfants ; car le père est administrateur légitime de leurs biens maternels et adventifs, et fait les fruits fiens, et cette jouïssance dure nonobstant que l'enfant décede avant son père.

Le statut de la puissance paternelle, en tant qu'il met le fils de famille dans une incapacité d'agir, de contracter et de tester, est un statut personnel dont l'effet se règle par la loi du lieu où le père avait son domicîle au temps de la naissance du fils de famille, et ce statut étend son empire sur la personne du fils de famille, en quelque lieu que le père ou le fils aillent dans la suite demeurer.

Mais ce même statut, en tant qu'il donne au père la jouïssance des biens du fils de famille, est un statut réel, qui n'a conséquemment de pouvoir que sur les biens de son territoire. Voyez aux instit. le tit. de patria potestate ; Bretonnier en ses quest. Bodin dans sa république, livre I. chap. iv. Argou, Ferrières, Boulenais, dissertations, xx. question, et les mots FILS DE FAMILLE, PERE, PECULE, SENATUS-CONSULTE MACEDONIEN.

PUISSANCE ROYALE, est l'autorité souveraine du roi. Dans le préambule des ordonnances, édits, déclarations et lettres-patentes, le roi met ordinairement ces mots, de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, déclaré et ordonné, etc. Voyez ci-devant les mots AUTORITE, GOUVERNEMENT, MONARCHIE, PRINCE, et ci-après ROI, SOUVERAIN. (A)

PUISSANCE SACREE, (Histoire de Rome) nom qu'on donnait à Rome au pouvoir des tribuns du peuple, parce que ces magistrats étaient sacrés ; en sorte que si quelqu'un les offensait de parole ou d'action, il était regardé comme un impie, un sacrilege, et ses biens étaient confisqués. On sait d'ailleurs que les tribuns du peuple en vertu de la puissance sacrée dont ils étaient revêtus, s'opposaient non seulement à tout ce qui leur déplaisait, comme aux assemblées par tribus, et à la levée des soldats ; mais ils pouvaient encore assembler, quand ils le voulaient, le sénat et le peuple, et semblablement en rompre les assemblées : en un mot, leur puissance sacrée était un pouvoir immense. (D.J.)

PUISSANCES, (Théologie) terme usité dans les Peres, dans les Théologiens, et dans la liturgie de l'église romaine, pour exprimer les anges du second ordre, de la seconde hiérarchie. Voyez ANGE et HIERARCHIE.

On croit qu'ils sont ainsi nommés à cause du pouvoir qu'ils ont sur les anges inférieurs ; qu'ils restraignent la puissance des démons, et qu'ils veillent à la conservation du monde.

PUISSANCES HAUTES, (Histoire moderne) titre qui commença à être donné aux états des Provinces-unies des Pays-bas vers l'an 1644, pendant les conférences de la paix de Munster. Depuis que leur souveraineté a été établie et reconnue par l'Espagne, par le traité conclu en cette ville en 1648, les rois d'Angleterre et du Nord ont donné aux états-généraux le titre de hautes-puissances ; les électeurs et princes de l'empire les ont qualifiés de même, mais l'empereur et le roi d'Espagne se sont abstenus de leur accorder ce titre, excepté depuis que la branche d'Autriche étant éteinte en Espagne, celle qui subsistait en Allemagne n'a pas cru devoir ménager les honneurs à une république dont l'alliance lui était nécessaire. Les rois de France, en traitant avec les Hollandais, les ont autrefois qualifiés de leurs états-généraux, et leur donnent maintenant le titre de seigneurs états-généraux ; mais l'Espagne qui ne les traite d'ailleurs que de seigneuries, leur a toujours constamment refusé le titre de hautes-puissances, apparemment pour ne pas paraitre abandonner les anciens droits qu'elle prétend avoir sur eux.