S. f. (Logique et Métaphysique) science, en terme de philosophie, signifie la connaissance claire et certaine de quelque chose, fondée ou sur des principes évidents par eux-mêmes, ou sur des démonstrations.

Le mot science pris dans le sens qu'on vient de dire est opposé à doute ; et l'opinion tient le milieu entre les deux.

Les sceptiques nient qu'il soit possible d'avoir la science sur rien, c'est-à-dire qu'il y ait rien sur quoi on puisse arriver à un degré de connaissance capable de produire une conviction entière.

La science se partage en quatre branches, qui sont l'intelligence, la sagesse, la prudence et l'art.

L'intelligence consiste dans la perception intuitive du rapport de convenance ou de disconvenance qui se trouve entre deux idées ; telle est la science de Dieu, telle est la connaissance que nous avons des premiers principes.

La sagesse s'élève toujours aux vues générales, et ne considère dans les êtres que les rapports qu'ils ont les uns avec les autres, pour en tirer des conclusions universelles. Les êtres spirituels sont aussi de son ressort.

La prudence s'applique à former les mœurs à l'honnêteté, conformément à des règles éternelles et immuables. On l'appelle dans les écoles, habitus verâ cum ratione activus.

L'art donne des règles sures et immanquables pour bien raisonner. On le définit dans les écoles, habitus verâ cum ratione effectivus.

SCIENCES, (Connaissances humaines) je dirai peu de choses des sciences, non pas qu'elles ne fassent la partie la plus importante de l'Encyclopédie, mais parce qu'on a exposé profondément leur origine, leur nature, leurs progrès, leur enchainement dans la belle préface de cet ouvrage.

Il est certain que les sciences sont l'ouvrage des plus grands génies. C'est par elles que l'immensité de la nature nous est dévoilée ; ce sont elles qui nous ont appris les devoirs de l'humanité, et qui ont arraché notre âme des ténèbres pour leur faire voir, comme dit Montaigne, toutes choses hautes et basses, premières, dernières et moyennes ; ce sont elles enfin qui nous font passer un âge malheureux sans déplaisir et sans ennui. " Illustre Memmius, celui-là fut un dieu qui trouva l'art de vivre auquel on donne le nom de sagesse ".

Telle est aujourd'hui la variété et l'étendue des sciences, qu'il est nécessaire pour en profiter agréablement, d'être en même temps homme de lettres. D'ailleurs les principes des sciences seraient rebutants, si les belles lettres ne leur prêtaient des charmes. Les vérités deviennent plus sensibles par la netteté du style, par les images riantes, et par les tours ingénieux sous lesquels on les présente à l'esprit.

Mais si les belles-lettres prêtent de l'agrément aux sciences, les sciences de leur côté sont nécessaires pour la perfection des belles-lettres. Quelque soin qu'on prit de polir l'esprit d'une nation, si les connaissances sublimes n'y avaient accès, les lettres condamnées à une éternelle enfance, ne feraient que bégayer. Pour les rendre florissantes, il est nécessaire que l'esprit philosophique, et par conséquent les sciences qui le produisent, se trouvent, sinon dans l'homme de lettres lui-même, du-moins dans le corps de la nation, et qu'elles y donnent le ton aux ouvrages de littérature.

Socrate qui mérita le titre de père de la philosophie, cultivait aussi l'éloquence et la poésie. Xénophon son disciple sut allier dans sa personne l'orateur, l'historien et le savant, avec l'homme d'état, l'homme de guerre, et l'homme du monde. Au seul nom de Platon toute l'élévation des sciences, et toute l'aménité des lettres se présentent à l'esprit. Aristote, ce génie universel, porta la lumière dans tous les genres de littérature, et dans toutes les parties des sciences. Alexandre lui écrivait, qu'il aimerait beaucoup mieux être comme lui au-dessus des autres hommes par l'étendue de ses lumières, que par celle du pouvoir dont Dieu l'avait comblé. Eratosthène traita dans des volumes immenses, presque tout ce qui est du ressort de l'esprit humain, la grammaire, la poésie, la critique, la chronologie, l'histoire, la mythologie, les antiquités, la philosophie, la géométrie, l'astronomie, la géographie, l'agriculture, l'architecture, et la musique.

Lucrèce employa les muses latines à chanter des matières philosophiques. Varron, le plus savant des Romains, partageait son loisir entre la philosophie, l'histoire, l'étude des antiquités, les recherches de la grammaire et les délassements de la poésie. Brutus était philosophe, orateur, et possédait à fond la jurisprudence. Cicéron qui porta jusqu'au prodige l'union de l'éloquence et de la philosophie, déclarait que s'il avait un rang parmi les orateurs de son temps, il en était plus redevable aux promenades du portique, qu'aux écoles des rhéteurs. Combien d'autres exemples ne pourrais-je pas tirer des siècles reculés ? On ne pensait point alors que les sciences fussent incompatibles dans une même personne, avec une érudition fleurie, avec l'étude de la politique, avec le génie de la guerre ou du barreau. On jugeait plutôt que la multitude des talents était nécessaire pour la perfection de chaque talent particulier, et cette opinion était vérifiée par le succès.

Le même temps qui vit périr Rome, vit périr les sciences. Elles furent presque oubliées pendant douze siècles, et durant ce long intervalle, l'Europe demeura plongée dans l'esclavage et la stupidité. La superstition, née de l'ignorance, la reproduisit nécessairement, tout tendit à éloigner le retour de la raison et du gout. Aussi fallut-il au genre humain pour sortir de la barbarie, une de ces révolutions qui font prendre à la terre une face nouvelle. L'empire grec étant détruit, sa ruine fit refleurir en Europe le peu de connaissances qui restaient encore au monde. Enfin par l'invention de l'Imprimerie, la protection des Médicis, de Jules II. et de Léon X. les Muses revinrent de leur long évanouissement, et recommencèrent à cultiver leurs lauriers flétris. De dessous les ruines de Rome, se releva son ancien génie, qui secouant la poussière, montra de nouveau sa tête respectable. La sculpture et les beaux-arts ses aimables sœurs ressuscitèrent, et les blocs de marbre reprirent une nouvelle vie. Les temples réédifiés, Raphaël peignit, et Vida, sur le front duquel croit le laurier du poète et le lierre du critique, écrivit avec gloire. Nous devons tout à l'Italie ; c'est d'elle que nous avons reçu les sciences et les beaux-arts, qui depuis ont fructifié presque dans l'Europe entière.

L'étude des langues et de l'histoire abandonnée par nécessité dans les siècles de ténèbres, fut la première à laquelle on se livra. L'impression ayant rendu communs les ouvrages des Grecs et des Romains, on dévora tout ce qu'ils nous avaient laissé dans chaque genre ; on les traduisit, on les commenta, et par une espèce de reconnaissance, on se mit à les adorer, sans connaître assez leur véritable mérite ; mais bien-tôt l'admiration se montra plus éclairée, et l'on sentit qu'on pouvait transporter dans les langues vulgaires les beautés des anciens auteurs ; enfin on tâcha de les imiter, et de penser d'après soi. Alors on vit éclore, presque en même temps, tous les chefs-d'œuvres du dernier siècle, en éloquence, en histoire, en poésie, et dans les différents genres de littérature.

Mais tandis que les arts et les belles-lettres étaient en honneur, il s'en fallait beaucoup que la philosophie triomphât, tant la scolastique nuisait à l'avancement de ses progrès. De plus, quelques théologiens puissants craignirent, ou parurent craindre les coups qu'une aveugle philosophie pouvait porter au christianisme, comme si une religion divine avait à redouter une attaque aussi faible. Ajoutons qu'un tribunal odieux, établi dans le midi de l'Europe, y forçait les Muses au silence. Heureusement que la raison bannie du Latium par des armes impies, franchit ses anciennes bornes, et se réfugia dans des climats plus tempérés : " c'est-là qu'elle éclaira de beaux génies qui préparèrent de loin, dans l'ombre du silence, la lumière dont le monde devait être éclairé par degrés insensibles.

L'immortel Bacon examina les divers objets de toutes les sciences naturelles, et justifia la nécessité de la physique expérimentale, à laquelle on ne pensait point encore. Ennemi des systèmes, il sut borner la philosophie à la science des choses utiles, et recommanda par-tout l'étude de la nature. Au célèbre chancelier d'Angleterre, succeda l'illustre Descartes, qui s'égara sans-doute en théorie, mais qui acquit une grande gloire par l'application qu'il fit de l'algèbre à la géométrie. Newton parut enfin, bannit de la physique les hypothèses vagues, découvrit la force qui retient les planètes dans leurs orbites, calcula la cause de leurs mouvements, dévoila la vraie théorie du monde ; et créateur d'une optique toute nouvelle, il fit connaître la lumière aux hommes en la décomposant. Locke créa la métaphysique à-peu-près comme Newton avait créé la physique. Il réduisit cette science à ce qu'elle doit être en effet, la physique expérimentale de l'âme. Ses principes aussi simples que des axiomes, sont les mêmes pour les philosophes et pour le peuple ". Disc. prélim. de l'Encyclopédie.

Plusieurs autres savants ont infiniment contribué par leurs travaux, au progrès des sciences, et ont pour ainsi-dire levé un coin du voîle qui nous cachait la vérité. De ce nombre sont Leibnitz, qui suivant l'opinion de l'Allemagne, partage avec Newton l'invention du calcul différenciel ; " Galilée à qui la géographie doit tant de choses utiles ; Harvey que la découverte de la circulation du sang rend immortel ; Huygens, qui par des ouvrages pleins de force et de génie, a bien mérité de la physique ; Pascal, auteur d'un morceau sur la cycloïde, qu'on doit regarder comme un prodige de sagacité, d'un traité de l'équilibre des liqueurs et de la pesanteur de l'air, qui nous a ouvert une science nouvelle ; Boyle, le père de la physique expérimentale ; plusieurs autres enfin, parmi lesquels je ne dois pas oublier Boerhaave, le reformateur de la médecine ". On sait aussi tout ce que le droit naturel, la morale et la politique doivent à Grotius, Puffendorf, Thomasius, et autres écrivains célèbres.

Voilà quel était l'état des sciences au commencement de ce siècle. Portées rapidement du premier essor à leur faite, elles ont dégénéré avec la même promptitude, comme si elles étaient des plantes étrangères à la nature, qui doivent sécher sur pied, et disparaitre dans le sein de l'oubli, tandis que les arts mécaniques, enracinés pour ainsi-dire dans les besoins de l'homme, ont un esprit de vie qui les soutient contre les ravages du temps.

Les sciences offrent aux yeux une belle avenue, mais fort courte, et qui finit par un désert aride. Comme parmi nous leur midi s'est trouvé fort près de leur levant, leur couchant n'est pas éloigné de leur midi. On vit à Rome la même révolution ; soixante ans après le règne d'Auguste, Quintilien écrivait déjà sur la chute de l'éloquence, et Longin qui fleurissait sous Galien, fit un chapitre sur les causes de la décadence de l'esprit. Cependant les récompenses des beaux-arts n'étaient point tombées chez les Romains. Semblablement nos académies subsistent toujours, mais elles ont dans leur institution des vices qui les ruinent. Ici l'inégalité des rangs est fixée par des statuts du prince ; lorsqu'on n'y devrait connaître d'autre supériorité que celle du génie. Là se rend un tribut perpétuel d'éloges fastidieux, honteux langage de la servitude ! Souvent dans ces mêmes académies, la récompense du mérite est enlevée par les menées de l'intrigue ou de l'hypocrisie. La cupidité, la vanité, la jalousie, la cabale, se sont encore emparés de nos sociétés littéraires, plus que la noble ambition de s'y distinguer par ses talents ; la sagacité a dégénéré en suffisance, l'amour du beau, en amour du faux bel esprit : in deteriùs quotidie data res est.

D'ailleurs ce n'est point au centre du luxe que les sciences établissent toujours leur domicile, s'il en était ainsi, les connaitrait-on glorieusement aux bords des lieux où le Rhin vient se perdre, dans le voisinage des îles Orcades, et de celui du mont Adule ? Il ne faut pas pour être savant, arroser l'âme comme nous faisons, de quelques idées superficielles ; il la faut teindre de connaissances qui ne s'acquièrent que par les veilles et les travaux.

Ajoutons que la noblesse du royaume, plongée dans la mollesse et l'oisiveté, a trouvé que l'ignorance était un état paisible, et elle n'a pas manqué d'en accréditer merveilleusement le parti. Aristote, Platon, Solon, Périclès, Démocrite, Hippocrate, Scipion, Cicéron, Hortensius, Lucullus, César, Pline, et tant d'autres grecs et romains, ne se croyaient pas en droit, parce qu'ils étaient de grands seigneurs, de négliger les sciences, et de vivre dans une glorieuse stupidité. Tout au contraire, ils firent cet honneur à leur rang et à leur fortune, de ne les employer qu'à acquérir des lumières ; ils savaient bien que les gens éclairés conduisent par-tout les aveugles. Mais une nation qui dominée par l'exemple, fait gloire de préférer la légèreté et les agréments frivoles, au mérite que l'étude et les occupations sérieuses peuvent donner à l'esprit ; une telle nation, dis-je, doit tomber dans la barbarie. Aussi faut-il croire que dans cette nation, l'amour des sciences n'était sous Louis XIV. qu'une nouvelle mode ; dumoins leur culture a passé comme une mode. Quelqu'autre Louis, dans la révolution des temps, pourra la faire naître, et la changer en un goût durable ; car c'est au génie éclairé des monarques, et à leurs mains bienfaisantes, qu'il appartient de fonder aux sciences des temples, qui attirent sans-cesse la vénération de l'univers. Heureux les princes qui sauront ainsi mériter de l'humanité ! (D.J.)

SCIENCE EN DIEU, (Théologie) c'est l'attribut par lequel il connait toutes choses, de quelque nature qu'elles soyent. Dieu a une science parfaite et infinie ; il connait tout ce qu'il y a de possible, tout ce qu'il y a de réel, tout ce qu'il y a de futur, soit absolu, soit conditionnel.

Quoique la science de Dieu considérée en elle-même soit un acte très simple, et comme un coup-d'oeil net et juste par lequel tout est présent devant lui, cependant les divers objets qu'elle embrasse, ont fait distinguer aux Théologiens trois sortes de sciences en Dieu ; savoir, la science de simple intelligence, la science de vision, et une troisième que quelques-uns appellent science moyenne.

La science de simple intelligence est celle par laquelle Dieu voit les choses purement possibles qui n'existent, ni n'existeront jamais. C'est l'attribut par lequel Dieu a la représentation simultanée et adéquate de tous les possibles. Pour le concevoir, autant que nous en sommes capables, il faut faire attention 1°. au nombre immense des possibles, 2°. à ce qu'emporte leur représentation distincte.

1°. Quant au nombre immense des possibles, l'univers étant l'enchainure de toutes les choses tant simultanées que successives, pour arriver par la contemplation de la nature à une sorte de détermination du nombre des possibles, il faut faire attention tant aux choses qui coexistent ensemble dans cet univers, qu'à celles qui s'y succedent les unes aux autres. Il faut de plus remarquer que l'univers est composé de grands corps qu'on peut appeler totaux, et de moindres que nous nommerons partiaux. Le nombre des grands corps de l'univers assez limité tant qu'on n'a pu les observer qu'à la simple vue, s'est prodigieusement augmenté depuis l'invention des télescopes. M. Wolf a fait là-dessus un calcul fort propre à donner l'idée de l'immensité des corps célestes. Voici sur quoi il le fonde. Le P. Riccioli donne à la constellation d'Orion près de cinq cent degrés en carré d'espace dans le ciel. Or Galilée a observé cinq cent étoiles dans un espace de quatre degrés ; ainsi sur le même pied on pourra supposer dans Orion entier 62500 étoiles. La circonférence du cercle est de 360 degrés, et son diamètre de 115 : ce qui donne, suivant les théoremes d'Archimède, pour la surface entière de la sphère, 41400 degrés en carré. En prenant donc pour hypothèse que la surface de la sphère du monde est également remplie d'étoiles, le nombre des fixes irait à 5175000 ; et quoique l'arrangement des systèmes planétaires autour des fixes ne soit pas le même, on peut pourtant supposer que chaque étoîle fixe placée comme soleil au centre, peut éclairer et échauffer quinze planètes : ce qui fera monter le nombre des corps totaux du monde à 77625000. Il n'y arien dans les suppositions précédentes qui ne soit admissible. Si au télescope divers espaces paraissent moins remplis que les quatre degrés d'Orion sur lesquels on a calculé, il y en a d'autres où ces étoiles fourmillent en beaucoup plus grande abondance, comme la voie lactée et les étoiles nébuleuses. Si du nombre des grands corps du monde nous passons aux dimensions de l'espace qu'ils doivent occuper, la somme en sera bien plus prodigieuse encore. Suivant les observations de M. Cassini, la distance moyenne de la terre au soleil est de 22000 demi-diamètres terrestres, ou de 18920000 milles d'Allemagne. Cette distance étant à celle de Saturne comme 2 à 19, cela donne 179740000 milles de plus à cause de la proportion du diamètre de la terre qui est de 1720 milles d'Allemagne au diamètre de l'anneau de Saturne, laquelle proportion est comme 1 à 45. Le diamètre de cet anneau est de 77400 milles d'Allemagne : ce qui donne, suivant les calculs de Cassini, pour distance du dernier satellite au centre de Saturne, 812700 milles d'Allemagne. En ajoutant cette distance à celle de Saturne au soleil, vous avez le demi-diamètre du système planétaire auquel la terre appartient, lequel étant doublé, il en résulte le diamètre entier de 36115400 milles. Cela irait encore beaucoup plus loin, si l'on reçoit la détermination de la parallaxe du soleil, telle qu'elle a été donnée par M. de la Hire. Il est incontestable que Saturne est séparé par un fort grand espace des étoiles fixes de la première grandeur ; et quoique les systèmes planétaires puissent différer entr'eux par rapport à l'étendue, il n'y a pourtant point d'inconvénients à les supposer égaux. En multipliant donc le cube du diamètre du système planétaire, par le nombre des étoiles fixes ci-dessus indiqué, le nombre qui en provient, exprime le cube du diamètre de la sphère qui comprend tous les systèmes que nous pouvons découvrir probablement par la voie des télescopes ordinaires. Mais pour diminuer les difficultés de cette multiplication, en resserrant les nombres, prenons le diamètre du système planétaire en diamètres terrestres qui, suivant les hypothèses précédentes, seront 209904, leur cube qui fait 92483305005195264 multiplié par 5175000, donne pour cube du diamètre qui égale toute l'étendue de la sphère observable, 478601103401885491200000 diamètres terrestres, dont chacun est de 5088448000 milles cubiques. Quelle ne doit donc pas être l'étendue de l'intelligence divine, qui comprend l'univers formé de l'assemblage immense de tous ces systèmes ? Mais que sera-ce, si nous y joignons l'idée de tous les mondes possibles, de toutes les combinaisons qui peuvent résulter des choses qui entrent dans la composition de l'univers et de tant d'autres choses que la puissance divine pourrait effectuer ? Ici se présentent des abymes impénétrables pour nous : ici cessent tous les calculs. Que si de l'ordre physique on passe à l'ordre moral, et qu'on veuille examiner toutes les choses possibles que Dieu voit clairement, le philosophe, ainsi que le chrétien, n'est-il pas obligé de s'écrier plein d'admiration et de respect : domine, quis similis tibi ?

On est encore plus effrayé si l'on passe à la considération de ce qu'emporte la représentation distincte de tous les possibles dans l'entendement divin. Reprenons encore pour un moment la voie du calcul. On peut comparer l'étendue des entendements aux grandeurs des espaces, et suivant cette idée, un entendement qui saisirait distinctement toute notre terre, serait à celui qui comprendrait avec la même distinction le système planétaire entier, comme 1 à 92483305005195264. Mais quelle sera la proportion de l'entendement humain à celui qui comprendrait distinctement le globe terrestre ? Pour en juger, prenons l'oeil, le plus propre de nos organes aux perceptions distinctes. Un bon oeil qui n'est ni miope, ni presbyte, voit distinctement ce qui est compris dans l'espace de huit pouces. L'optique enseigne que ce que l'oeil saisit d'un seul coup, est compris dans la circonférence d'un angle droit, et que le diamètre d'un objet Ve sous cet angle droit, est double de la distance. En égalant donc la force visuelle à la force perceptive, on aura pour mesure de l'étendue de l'entendement humain, le cube d'un diamètre de seize pouces, c'est-à-dire, 4096 pouces cubiques. Le diamètre de la terre mesuré par Mr. Cassini, a été trouvé de 39391077 pieds ou 472692924 pouces. Ainsi le diamètre de la sphère qui mesure la capacité de l'entendement humain, sera comme 1 à 29543308, et par conséquent l'entendement humain est à celui qui saisit distinctement la terre entière d'un coup d'oeil, comme 1 à 257856074311206674112. L'entendement de ce dernier à celui qui comprend tout le système, est en raison sous millionième : donc et pour dernière conclusion, l'entendement humain est par rapport à celui qui comprend tout le systéme planétaire 40/100000000000000000000000000000000000000000 Nous ne pousserons pas plus loin ces observations. Ce ne sont là que les bords de l'intelligence divine ; qui pourrait en sonder la profondeur ? Cet article est tiré des papiers de M. Formey, historiographe et secrétaire de l'académie royale de Prusse.

La science de vision est celle par laquelle Dieu voit tout ce qui a existé, existe ou existera dans le temps : ce qui emporte la connaissance de toutes les pensées et de toutes les actions des hommes, présentes, passées et à venir, aussi bien que du cours de la nature, et des mouvements qui sont arrivés, qui arrivent ou qui arriveront dans l'univers : tout cela connu dans la dernière précision, et toujours présent aux yeux de Dieu. On peut juger par ce qu'on vient de lire sur la science de simple intelligence, de ce que c'est que l'entendement humain le plus éclairé sur le présent et le passé ; car pour l'avenir il est impénétrable à ses yeux, et Dieu seul s'en est réservé la connaissance qu'il communique aux hommes, quand il lui plait.

On demande dans les écoles si cette science de division est la cause des choses qui arrivent, et quelques théologiens tiennent pour l'affirmative ; mais ils confondent la science de Dieu avec sa volonté. Le plus grand nombre reconnait que la science divine est seulement cause directive, mais non pas efficiente, des choses qui arrivent ou qui doivent arriver, parce que selon l'axiome reçu, les choses ne sont pas futures, parce que Dieu les prévait, mais Dieu les prévait, parce qu'elles sont futures.

Mais comme les choses futures sont ou futures absolument, ou futures conditionnellement, et qu'entre ces dernières il en est qui arriveront certainement, parce que la condition dont elles dépendent, sera posée, et d'autres qui n'arriveront pas, parce que la condition dont elles dépendent, ne sera pas posée : quelques théologiens ont distingué en Dieu une troisième espèce de science qu'ils nomment la science des conditionnels, scientia conditionatorum.

Ils définissent cette science des conditionnels, la connaissance que Dieu a des choses considérées du côté de leur essence, de leur nature ou de leur existence réelle, mais sous une certaine supposition, laquelle entraîne une condition, qui cependant ne sera jamais accomplie.

Ainsi, disent-ils, lorsque David fuyant la persécution de Saul, demanda à Dieu si les habitants de Ceïla, ville où il s'était retiré, le livreraient à ses ennemis, Dieu qui savait ce qui arriverait à David, au cas qu'il continuât de rester à Ceïla, lui répondit : ils vous livreront, tradent. Ce que Dieu savait, ajoutent-ils, par la science des conditionnels.

Le P. Daniel remarque que les vérités qui font l'objet de la science des conditionnels, sont fort différentes de celles que la science de simple intelligence ou celle de vision, ont pour objet ; que c'est une troisième classe d'idées mitoyenne entre les choses purement possibles, et les choses qui existent ou existeront absolument. Mais les Thomistes et les Augustiniens leur répondent que de deux choses l'une : ou les conditionnels sont futurs sous une condition qui doit être remplie, et qui le sera effectivement, et en ce cas ils rentrent dans la classe des futurs absolus : ou ils sont futurs sous une condition qui ne sera jamais remplie, et alors il faut les ranger dans le nombre des choses purement possibles.

Au reste ces derniers ne refusent pas d'admettre cette science des conditionnels, comme une opinion philosophique, mais ils la combattent fortement considérée comme opinion théologique, c'est-à-dire, comme nécessaire pour éclaircir les questions de la prédestination, de la réprobation et de la grâce.

La science des conditionnels considérée sous ce rapport, est appelée dans les écoles science moyenne, scientia media. Les Molinistes qui l'ont imaginée, la définissent : la connaissance des conditionnels par laquelle Dieu voit ce que la créature libre fera, ou ne fera pas de bien ou de mal conditionnellement, c'est-à-dire, si dans telles ou telles circonstances Dieu lui accorde telle ou telle grâce. Ils la supposent antérieure à tout decret absolu et efficace en Dieu, et qu'elle dirige Dieu dans la formation de ses decrets. Cette opinion a ses défenseurs et ses adversaires, dont on peut voir les raisons pour et contre dans tous les théologiens modernes ; et il est libre de la soutenir dans les écoles, quelques efforts qu'on ait fait pour la noircir et pour la décrier. Voyez AUGUSTINIENS, THOMISTES, MOLINISTES, etc.

SCIENCE SECRETTE, (Histoire de l'Egl.) c'est selon Clément d'Alexandrie, la doctrine particulière qui ne devait être communiquée qu'aux parfaits, trop sublime et trop excellente pour le vulgaire, parce qu'elle est au-dessus de lui. Il parait que ce père de l'Eglise est un des premiers qui ait tâché d'introduire la discipline de la science secrète chez les chrétiens ; car avant lui, personne ne l'imagina ; mais Clément s'écarta de l'usage reçu, et se fit des principes à part, semblables à ceux des payens, qui cachaient leurs mystères, et qui enveloppaient la science d'énigmes. Leur exemple l'entraina, et on le voit aisément par ce mot de Pindare qu'il rapporte lui-même pour étayer son opinion : n'exposez point les anciennes doctrines en présence de tout le monde ; la voie du silence est la plus sure.

D'ailleurs, c'était une ancienne coutume des sages, de voiler la sagesse, et de ne la communiquer que par des emblèmes, par des figures énigmatiques, et par des sentences obscures. Les Egyptiens le faisaient ; Pythagore l'avait fait à leur exemple. Hipparque ayant osé décrier les dogmes de Pythagore, et les expliquer dans un livre exprès, on le chassa de l'école, et on lui éleva un tombeau, comme s'il eut été mort. Il y avait des ouvrages d'Epicure qu'on tenait secrets ; il y en avait de Zenon, et d'autres philosophes. Ainsi Clément d'Alexandrie se persuada sans peine, qu'il y avait aussi des doctrines secrètes qu'il ne fallait communiquer que de vive voix de chrétien à chrétien, digne de les recevoir.

Cependant il ne faut pas s'imaginer, que ces doctrines secrètes, que S. Clément ne permet de communiquer qu'aux parfaits, soient des vérités de la foi, ou des vérités essentielles, puisqu'on les prêchait à tout le monde ; mais ce qu'il nomme doctrines secrètes, sont les explications mystiques des lois, des cerémonies, en général de celles qui avaient été instituées dans le vieux Testament, ou ce qui avait été dit mystiquement par les prophetes. C'était là la science secrète, dont il ne fallait parler qu'aux initiés. C'était là la tradition que J. C. avait enseignée à ses disciples, la sagesse mystérieuse. Ce que S. Clément avait permis de divulguer et d'enseigner à tous ; c'est ce que S. Paul appelle le lait, c'est-à-dire la doctrine des catéchumenes, la foi, l'espérance, la charité ; mais ce qui, selon lui, ne devait point être divulgué ; c'est ce que l'apôtre appelle viande solide, c'est-à-dire la connaissance des secrets, ou la compréhension de l'essence divine. Voilà, continue-t-il, cette science secrète dont J. C. fit part à ses disciples depuis sa résurrection.

Quoi qu'il en soit de toutes les idées de Clément d'Alexandrie sur la science secrète, il est constant que les chrétiens n'ont jamais caché leurs mystères aux infidèles. S. Paul n'avait point cette pratique ; elle ne fut point d'usage du temps de Tertullien, de Minucius Felix, et de Justin martyr ; ce dernier déclare qu'il serait bien fâché qu'on l'accusât de rien dissimuler par malice, ou par affectation ; mais Clément d'Alexandrie se fraya une nouvelle route, et l'applanit si bien par son crédit et par son érudition, qu'il trouva des sectateurs, et S. Chrysostome lui-même tout homme sensé qu'il était. On peut voir la dissertation de Casaubon sur le silence mystérieux, exercit. XII. n °. 43. (D.J.)

SCIENCES, jeux instructifs pour apprendre les, (Littérature) C'est ainsi qu'on a nommé divers jeux de cartes, et même de dez, imaginés pour apprendre aux enfants et aux jeunes gens, non-seulement les sciences qui ne demandent que des yeux et de la mémoire, telles que l'histoire, la géographie, la chronologie, le blason, la fable ; mais ce qu'il y a de plus singulier, les sciences mêmes qui demandent le plus de raisonnement et d'application, telles que la logique et le droit.

Le premier qui ait cherché la méthode d'apprendre les sciences par des figures, et à rendre utîle pour l'esprit le jeu de cartes, est un cordelier allemand, nommé Thomas Murner, né à Strasbourg. Ce religieux enseignant au commencement du XVIe siècle la philosophie en Suisse, s'aperçut que les jeunes gens étaient rebutés des écrits d'un Espagnol, qu'on leur donnait pour apprendre les termes de la dialectique. Il en fit une nouvelle par images et par figures, en forme de jeu de cartes, afin que le plaisir engageant les jeunes gens à cette espèce de jeu, leur facilitât la peine d'une étude épineuse. Il réussit si bien, qu'on le soupçonna de magie, par les progrès extraordinaires que faisaient ses écoliers ; et pour justifier sa conduite, il produisit son invention aux docteurs de l'université, qui non-seulement l'approuvèrent mais l'administrèrent comme quelque chose de divin.

Ce jeu de cartes de Murner, dit le P. Menestrier, contient cinquante deux cartes, dont les signes qui les distinguent, sont des grelots, des écrevisses, des poissons, des scorpions, des chats, des serpens, des pigeons, des cœurs, des bonnets fourrés, des soleils, des étoiles, des croissants de lune, des couronnes, des écussons, etc.

Un pareil assemblage de figures si bizarres et si diverses, tenait en quelque façon du grimoire, et devait dans un temps d'ignorance, contribuer autant à faire accuser leur compilateur de magie, que les prétendus progrès de ses disciples ; je dis prétendus, car s'ils ont eu quelque chose de réel, on ne peut guère mieux les expliquer que, par ce que Charles II, roi d'Angleterre, disait d'un de ses aumoniers, bonhomme, mais grosse bête, qui n'avait pas laissé que de convertir en peu de temps une partie de son troupeau, " c'est que la bêtise du curé était faite pour ses paraissiens ".

Quoi qu'il en sait, c'est à l'imitation du P. Murner que l'on a inventé depuis tous les autres livres et jeux qui ont été faits en Europe, pour apprendre les sciences aux jeunes gens. Le lecteur sera peut-être bien aise de trouver ici les titres de quelques-uns de ces livres, qui ne sont pas aujourd'hui communs, et qui ont été fort recherchés par les curieux.

Jeux de cartes pour la grammaire et les belles-lettres. 1°. Le jeu des lettres, ou de l'alphabet, inventé il y a près de deux mille ans, et renouvellé en faveur de la naissance de Mgr. le duc de Bretagne, par Alexandre Fleuriau, prêtre ; c'est une grande feuille ouverte, sur laquelle est empreinte une gravure représentant un cercle presque entier, où sont écrites de suite les 24 lettres de l'alphabet, et sur laquelle on jette 4 dés, sur les 24 faces desquelles sont aussi gravées les mêmes 23 lettres, ce qui, dit l'auteur, accoutume les enfants à se les imprimer dans la mémoire, tant par la figure, que pour le nom.

2°. Le jeu royal de la langue latine, avec la facilité et l'élégance des langues latine et française, par Gabriel de Froigny. Lyon, chez la veuve Coral 1676, in -8°. Ce Gabriel de Froigny, était un cordelier défroqué, établi à Geneve, où il embrassa le calvinisme, sans mener cependant une vie fort régulière. Il se donna pour être l'auteur du voyage de la terre australe, imprimé sous le nom de Jacques Sadeur ; mais il mentait selon toute apparence, car il y a dans cette relation certaines choses ménagées trop finement, pour que ce cordelier ait été capable de la délicatesse qui s'y trouve.

3°. Chartae lusoriae, cum quatuor illustrium poètarum, nempè Plauti, Horatii, Ovidii, et Senecae, sententiis. Parisiis, apud Wechel.

Pour la logique. 4°. Ars ratiocinandi lepida, multarum imaginum festivitate contexta, totius logices fundamenta complectens, in chartiludium redacta, à patre Guischet, ordinis minorum. Salmurii, Harnault 1650, in -4°. Ce pourrait bien être ici le livre de Murner, imprimé d'abord à Strasbourg en 1509 in -4°. et reproduit ici sous un nouveau titre.

Pour les mathématiques et la médecine. 5°. Ludus mathematicus, per E. W. ubi scachi, tabulae cuidam mathematicae aptati, quasvis propositiones arithmeticas et geometricas resolvunt. Anglicè. Londini 1654, in -12.

6°. Claudii Buxerii Rythmomachia, seu pythagoricus numerorum ludus, qui et philosophorum ludus dicitur. Parisiis, apud Guill. Cavallat 1556, in -8°.

7°. Le très - excellent et ancien jeu pythagorique, dit Rythmomachie, fort propre et très-utîle à récréation des esprits vertueux, pour obtenir vraie et prompte habitude en tout nombre et proportion, par Claude de Boissière. Paris 1556, in -8°. Ce dernier livre n'est vraisemblablement que la traduction du précédent.

8°. Guidonis Falconis melpomaxia, sive ludus geometricus. Lugduni, in -4°.

9°. Liber Ouranomachia, seu astrologorum ludus, in abaco rotundo, cùm calculis, ubi duo ordines planetarum pro mundi imperio certant, in -4°.

10°. Francisci Monantholii ludus jatro-mathematicus, musis factus, ad averruncandos tres hostes, et . Parisiis 1597, in -8°.

Pour la Géographie, l'Histoire et le Blason. 11. Matth. Kirchofferi orbis lusus, id est, lusus geographicus, pars I. Grascii 1659, in -4°.

12. Joannis Praetorii, J. H. Sinfriden, und Franc. Nigrini, Europaeisch geographische spiel-carte, Nuremberg 1678, in-12.

13. Le jeu du monde, ou l'intelligence de ce qu'il y a de plus curieux dans le monde, par le sieur Jeaugeon, Paris, Amable-Auroy, in -12.

" On joue ce jeu sur une table de 18 pieds de long, où est représentée une mappemonde avec les lieux les plus remarquables, tant par leur situation, que par les faits notables qui s'y sont passés ; ce qui peut être de quelque utilité pour se donner une légère teinture de la géographie et de l'histoire ".

14. Jeu de cartes du blason, contenant les armes des princes des principales parties de l'Europe, par le P. Claude-Français Menestrier. Lyon, Amaulry 1592, in -8°.

Pour la Politique et la Morale. 15. Jacobi de Cessolis, seu Cessulis, ordinis praedicatorum, liber de moribus hominum, officiisque principum, ac populorum, argumento sumpto ex ludo schaccorum. Mediolani 1479, in-fol. Il y a des traductions de cet ouvrage dans presque toutes les langues. La première qu'on vit en français, fut imprimée à Paris en 1504, in -4°. L'anglaise parut à Londres en 1480, in-fol. La version hollandaise à Gouda, en 1479, in-fol.

Pour la Théologie. 16. Le livre du roi Modus, qui, sous les termes de la chasse des bêtes de toute espèce, moralise sur lesdites bêtes, les dix commandements de la loi, les sept péchés mortels, etc. et parle de Dieu le père, qui envoya à son fils la cause de ratio et de sathan ; et de Dieu le fils, qui jugea contre sathan ; du S. Esprit, qui détermina les âmes au monde, et la chair à satan ; de la bataille des vices et des vertus ; du roi d'orgueil, qui fit défier le roi Modus ; du songe de pestilence, etc. C'est un manuscrit qui se trouve dans quelques bibliothèques, car l'ouvrage imprimé ne concerne que la chasse.

17. Une espèce de jeu d'oie, imaginé par un jésuite, pour apprendre aux enfants les éléments du Christianisme, et dont on peut voir la description dans le voyage d'un missionnaire de la compagnie de Jésus en Turquie, etc. pag. 204. et dans le journal littéraire, tom. XV. pag. 463. Les Apôtres ne se sont jamais avisés d'un si merveilleux expédient ; mais les Jansénistes ont fait un pareil livre sur la constitution Unigenitus, intitulé, Essai d'un nouveau conte de ma mère l'oie, avec les enluminures. Paris 1722, in -8°.

18. Le combat de Maladvise avec sa dame, par Amours, sur les jeux de paume, cartes, dez et tablier ; montrant comme tels jeux, joint celui des femmes, font aller l'homme à l'hôpital, avec plusieurs rondeaux et dixains, présentés au puits de risée. Lyon 1547, in -16.

Autres jeux d'amusement. 1°. Le plaisant jeu du dodécaèdron de fortune, non moins recréatif que subtil et ingénieux, composé par maître Jean de Mehun, du temps du roi Charles-le-Quint, imprimé à Paris par Jean Longis, en 1560 in -4°. et à Lyon par Fr. Didier, en 1577 in -8°. On y jouait avec un dé à douze faces, d'où lui venait le nom de dodécaèdron ; et sur chacune de ces faces, était un nombre qui renvoyait à une réponse en vers, sur quelque question agréable, plaisante ou badine.

2°. Le passe-temps de la fortune des dés, inventé par Laurents l'Esprit, italien, translaté en français, et imprimé à Paris chez Guil. le Noir, 1559 ; et à Lyon chez Ben. Rigaud, en 1583, in -4°.

3°. Le passe-temps de la fortune des dés, d'une autre bien plus gaillarde invention, que n'est celle de Laurents l'Esprit ; car pour trouver sa fortune, il ne met qu'un seul renvoi à l'empereur, au roi d'Aragon, etc. Ici chacun répond à un distique français, sur la demande de la chose qu'on veut savoir. A Paris chez Nic. Buffet, in -16.

4°. Jeu de l'adventure et devis facétieux des hommes et des femmes, auquel par élection de feuillets, se rencontre un propos pour faire rire la compagnie, le tout par quatrains ; imprimé à Paris et à Lyon, in -32.

5°. La pratique curieuse, ou les oracles des Sibylles, avec le sort des humains, tirée des mystères du S. de Combiers ; imprimée à Paris chez Michel Brunet, en 1693, in -12. " Ce sont cinq imitations du livre de Jean de Mehun ; mais la dernière est la plus ingénieuse et la plus agréable ; chacune de ses réponses formant un quatrain accommodé au goût et aux maximes du temps présent. On y joue avec deux dés, ou simplement en proposant un nombre, depuis 1 jusqu'à 12 ".

6°. Giardino di Pensieri, overo le ingeniose sorti, composte da Francesco Marcolini da Forli, imprimé à Venise en 1550, in-fol. avec quantité de figures gravées en bois. Ce dernier jeu se joue avec des cartes.

En 1660, M. de Brianville fit un pareil jeu de cartes pour le blason ; mais comme il avait composé ce jeu des armoiries des princes du Nord, de l'Italie, de l'Espagne et de la France, la rencontre des armoiries de quelques princes, sous les titres de valets et as, lui fit des affaires ; les planches furent saisies par le magistrat, et l'auteur fut obligé de changer ces titres en ceux de princes et de chevaliers. C'était-là sans-doute une étrange petitesse ; car outre que le mot de valet signifiait autrefois un haut officier chez les souverains, les habillements et les armes des valets de cartes, n'indiquent point de la canaille ; aussi vont-ils immédiatement après les rois et les reines. Leurs noms même Hector, Ogier le Danois et la Hire, sont de beaux noms. Quant aux as, comme ils sont les plus hauts points, et même supérieurs aux rais, dames et valets, dans la plupart des jeux de cartes, il n'y avait pas plus de sujet de s'en scandaliser.

Enfin M. Desmarets de l'académie française, fit pour l'instruction de la jeunesse, le jeu des rois de France, des dames renommées, des métamorphoses et de la géographie.

Au reste, tous les titres de livres qu'on vient de transcrire, sont tirés de l'ouvrage de Thomas Hyde, de ludis orientalibus ; de la bibliotheca scriptorum de ludis, par Beyer ; et du dictionnaire historique de Prosper Marchand.

La nouveauté donna d'abord du cours à tous les livres de jeux, accommodés aux sciences ; mais depuis qu'on a trouvé de bonnes méthodes pour étudier l'histoire, la chronologie, la géographie, la fable et le blason, on les a préférées à ces frivoles inventions, dont les jeunes gens tirent peu d'utilité, et dont ils se servent d'ordinaire pour perdre leur temps. On a remarqué que lorsqu'on veut ensuite les instruire sérieusement, ils croient toujours jouer, et sont incapables de donner de l'attention à tout ce qui n'est pas jeu.

D'ailleurs on ne saurait apprendre que peu de choses par la méthode des jeux, d'autant qu'une carte ne porte qu'un nom, et que le jeu entier n'admet qu'une courte nomenclature. Erasme a porté un jugement fort judicieux de tous ces prétendus jeux instructifs, pour l'étude des sciences, et qu'on nommait ars notoria de son temps : Ego, dit-il, aliam artem notoriam scientiarum non novi, quam curam, amorem et assiduitatem. (D.J.)