S. f. (Tapisserie) pièce d'étoffe ou d'ouvrage dont on se sert pour parer une chambre, ou tel autre appartement d'une maison.

On peut faire cet ameublement de toutes sortes d'étoffes, comme de velours, de damas, de brocards, de brocatelle, de satin de Bruges, de calemande, de cadis, etc. mais quoique toutes ces étoffes taillées et montées se nomment tapisseries, on ne doit proprement appeler ainsi que les hautes et basses lisses, les Bergames, les cuirs dorés, les tapisseries de tenture de laine, et ces autres que l'on fait de coutil, sur lequel on imite avec diverses couleurs les personnages et les verdures de la haute-lisse

Ce genre de tableaux, ou si l'on veut cette sorte d'ameublement, dans lequel les soies, la laine et les pinceaux

Tracent de tous côtés

Chasses et paysages,

En cet endroit des animaux,

En cet autre des personnages.

n'est point d'une invention nouvelle ; les Latins avaient de riches tapisseries, qu'ils nommaient aulaea, et les Grecs les appelaient avant eux peripetasmata. Pline nous apprend que les Romains donnèrent seulement le nom aulaea aux tapisseries, lorsqu'Attale, roi de Pergame, eut institué le peuple romain héritier de ses états et de tous ses biens, parce que parmi les meubles de son palais, il y avait des tapisseries magnifiques brodées d'or ; ainsi aulaea est dit ab aulaeâ. (D.J.)

Tapisserie de haute et basse-lisse. Voyez l'article LISSE.

Tapisserie de Bergame. Voyez BERGAME.

Tapisserie de cuir doré. Voyez CUIR DORE.

Tapisserie de coutil. Voyez COUTIL.

TAPISSERIE DES GOBELINS ; l'on nomme ainsi une manufacture royale établie à Paris au bout du fauxbourg saint Marceau, pour la fabrique des tapisseries et meubles de la couronne. Voyez TAPISSERIE.

La maison où est présentement cette manufacture, avait été bâtie par les frères Gobelins, célébres teinturiers, qui avaient les premiers apporté à Paris le secret de cette belle teinture d'écarlate qui a conservé leur nom, aussi-bien que la petite rivière de Biévre, sur le bord de laquelle ils s'établirent, et que depuis l'on ne connait guère à Paris que sous le nom de rivière des Gobelins.

Ce fut en l'année 1667, que celui-ci changea son nom de Tobie Gobelin, qu'il avait porté jusques-là, en celui d'hôtel royal des Gobelins, en conséquence de l'édit du roi Louis XIV.

M. Colbert ayant rétabli et embelli les maisons royales, surtout le château du Louvre, et le palais des Tuileries, songea à faire travailler à des meubles qui répondissent à la magnificence de ces maisons. Dans ce dessein, il rassembla une partie de ce qu'il y avait de plus habiles ouvriers dans le royaume en toutes sortes d'arts et de manufactures, particulièrement de peintres, de tapissiers, de sculpteurs, d'orfévres, et d'ébénistes, et en attira d'autres de différentes nations par des promesses magnifiques, des pensions, et des privilèges considérables.

Pour rendre plus stable l'établissement qu'il projetait, il porta le roi à faire l'acquisition du fameux hôtel des Gobelins, pour les y loger, et à leur donner des règlements qui assurassent leur état, et qui fixassent leur police.

Le roi ordonne et statue que lesdites manufactures seront régies et administrées par le sur-intendant des bâtiments, arts, et manufactures de France ; que les maîtres ordinaires de son hôtel prendront connaissance de toutes les actions ou procès qu'eux, leur famille, et domestique, pourraient avoir ; qu'on ne pourra faire venir des pays étrangers des tapisseries, etc.

La manufacture des Gobelins est jusqu'à présent la première de cette espèce qu'il y ait au monde ; la quantité d'ouvrages qui en sont sortis, et le grand nombre d'excellents ouvriers qui s'y sont formés, sont incroyables.

En effet, c'est à cet établissement que la France est redevable du progrès que les arts et les manufactures y ont fait.

Rien n'égale surtout la beauté de ces tapisseries ; sous la sur-intendance de M. Colbert et de M. de Louvois son successeur, les tapisseries de haute et de basse-lisse, y ont acquis un degré de perfection fort supérieur à tout ce que les Anglais et les Flamands ont jamais fait.

Les batailles d'Alexandre, les quatre saisons, les quatre éléments, les maisons royales, et une suite des principales actions du roi Louis XIV. depuis son mariage jusqu'à la première conquête de la Franche-Comté, exécutés aux Gobelins, sur les desseins du célèbre M. le Brun, directeur de cette manufacture, sont des chefs-d'œuvre en ce genre.

TAPISSERIE DE PAPIER ; cette espèce de tapisserie n'avait longtemps servi qu'aux gens de la campagne, et au petit peuple de Paris, pour orner, et pour ainsi dire, tapisser quelques endroits de leurs cabanes, et de leurs boutiques et chambres ; mais sur la fin du dix-septième siècle, on les a poussées à un point de perfection et d'agrément, qu'outre les grands envois qui s'en font, pour les pays étrangers et pour les principales villes du royaume, il n'est point de maison à Paris, pour magnifique qu'elle sait, qui n'ait quelque endroit, soit garde-robes, soit lieux encore plus secrets, qui n'en soit tapissé, et assez agréablement orné.

Pour faire ces tapisseries, qui sont présentement le principal objet du commerce de la dominoterie, les Dominotiers, s'ils en sont capables, sinon quelque dessinateur habile, fait un dessein de simples traits sur plusieurs feuilles de papier, collées ensemble de la hauteur et largeur que l'on désire donner à chaque pièce de tapisserie.

Ce dessein achevé se coupe en morceaux, aussi hauts et aussi longs que les feuilles du papier que l'on a coutume d'employer en ces sortes d'impressions ; et chacun de ces morceaux se grave ensuite séparément sur des planches de bois de poirier, de la manière qu'il a été dit à l'article DES GRAVEURS SUR BOIS.

Pour imprimer ces planches ainsi gravées, on se sert de presses assez semblables à celles des Imprimeurs en lettres ; à la réserve que la platine n'en peut être de métal, mais seulement de bois, longue d'un pied et demi, sur dix pouces de large ; et que ces presses n'ont ni châssis, ni tympans, ni frisquettes, ni cornières, ni couplets, hors de grands tympans, propres à imprimer histoires, comme portent les anciens règlements de la Librairie.

L'on se sert aussi de l'encre et des balles des Imprimeurs ; et de même qu'à l'Imprimerie, on n'essuie point les planches, après qu'on les a noircies, à cause du relief qu'elles ont, qui les rend plus semblables à une forme d'imprimeur, qu'à une planche en taille-douce.

Les feuilles imprimées et séchées, on les peint, et on les rehausse de diverses couleurs en détrempe, puis on les assemble pour en former des piéces ; ce que font ordinairement ceux qui les achetent ; se vendant plus communément à la main, que montées.

L'on ne dit point ici quels sont les sujets représentés sur ces légères tapisseries, cela dépendant du goût et du génie du peintre ; mais il semble que les grotesques et les compartiments mêlés de fleurs, de fruits, d'animaux, et de quelques petits personnages, ont jusqu'ici mieux réussi que les paysages et les espèces de haute - lisses, qu'on y a quelquefois voulu peindre.

TAPISSERIE DE TONTURE DE LAINE ; c'est une espèce de tapisserie faite de la laine qu'on tire des draps qu'on tond, collée sur de la toîle ou du coutil.

On l'a d'abord fait à Rouen, mais d'une manière grossière ; car on n'y employait au commencement que des toiles pour fonds, sur lesquelles on formait des desseins de brocatelles avec des laines de diverses couleurs qu'on collait dessus après les avoir hachées. On imita ensuite les verdures de haute-lisse, mais fort imparfaitement ; enfin, une manufacture de ces sortes de tapisseries s'étant établie à Paris dans le faubourg saint Antoine, on y hasarda des personnages, des fleurs, et des grotesques, et l'on y réussit assez bien.

Le fond des tapisseries de cette nouvelle manufacture peut être également de coutil ou de forte toile. Après les avoir tendues l'une ou l'autre exactement sur un châssis de toute la grandeur de la pièce qu'on a dessein de faire, on trace les principaux traits et les contours de ce qu'on y peut représenter, et on y ajoute les couleurs successivement, à mesure qu'on avance l'ouvrage.

Les couleurs sont toutes les mêmes que pour les tableaux ordinaires, et on les détrempe de la même manière avec de l'huîle commune mêlée avec de la térébenthine ou telle autre huile, qui par sa ténacité puisse haper et retenir la laine, lorsque le tapissier vient à l'appliquer.

A l'égard des laines, il faut en préparer de toutes les couleurs qui peuvent entrer dans un tableau, avec toutes les teintes et les dégradations nécessaires pour les carnations et les draperies des figures humaines, pour les peaux des animaux, les plumages des oiseaux, les bâtiments, les fleurs ; enfin, tout ce que le tapissier veut copier, ou plutôt suivre sur l'ouvrage même du peintre.

On tire la plupart de ces laines de dessus les différentes espèces de draps que les tondeurs tondent ; c'en est proprement la tonture : mais comme cette tonture ne peut fournir toutes les couleurs et les teintes nécessaires, il y a des ouvriers destinés à hacher des laines, et d'autres à les réduire en une espèce de poudre presque impalpable, en les passant successivement par divers sas ou tamis, et en hachant de nouveau ce qui n'a pu passer.

Les laines préparées, et le dessein tracé sur la toîle ou sur le coutil, on couche horizontalement le châssis sur lequel l'un ou l'autre est étendu sur des traiteaux élevés de terre d'environ deux pieds ; et alors le peintre commence à y peindre quelques endroits de son tableau, que le tapissier-lainier vient couvrir de laine avant que la couleur soit seche ; parcourant alternativement l'un après l'autre toute la pièce, jusqu'à ce qu'elle soit achevée. Il faut seulement observer que lorsque les pièces sont grandes, plusieurs lainiers et plusieurs peintres y peuvent travailler à-la-fais.

La manière d'appliquer la laine est si ingénieuse, mais en même-temps si extraordinaire, qu'il ne faut pas moins que les yeux même pour la comprendre. On Ve pourtant tâcher de l'expliquer.

Le lainier ayant arrangé autour de lui des laines de toutes les couleurs qu'il doit employer, séparées dans de petites corbeilles ou autres vaisseaux semblables, prend de la main droite un petit tamis de deux ou trois pouces de longueur, de deux de largeur, et de douze ou quinze lignes de hauteur. Après quoi mettant dans ce tamis un peu de laine hachée de la couleur convenable, et le tenant entre le pouce et le second doigt, il remue légèrement cette laine avec quatre doigts qu'il a dedans, en suivant d'abord les contours des figures avec une laine brune, et mettant ensuite avec d'autres tamis et d'autres laines les carnations, si ce sont des parties nues de figures humaines ; et les draperies, si elles sont nues, et à proportion de tout ce qu'il veut représenter.

Ce qu'il y a d'admirable et d'incompréhensible, c'est que le tapissier lainier est tellement maître de cette poussière laineuse, et la sait si bien ménager par le moyen de ses doigts, qu'il en forme des traits aussi délicats qu'on pourrait le faire avec le pinceau, et que les figures sphériques, comme est, par exemple, la prunelle de l'oeil, paraissent être faites au compas.

Après que l'ouvrier a lainé toute la partie du tableau ou tapisserie que le peintre avait enduite de couleur, il bat légèrement avec une baguette le dessous du coutil ou de la toîle à l'endroit de son ouvrage, ce qui le dégageant de la laine inutile, découvre les figures, qui ne paraissaient auparavant qu'un mélange confus de toutes sortes de couleurs.

Lors enfin que la tapisserie est finie par ce travail alternatif du peintre et du lainier, on la laisse sécher sur son châssis qu'on dresse de haut en bas dans l'attelier ; après qu'elle est parfaitement seche, on donne quelques traits au pinceau dans les endroits qui ont besoin de force, mais seulement dans les bruns.

Ces sortes de tapisseries, qui, quand elles sont faites de bonne main, peuvent tromper au premier coup d'oeil, et passer pour des hautes-lisses, ont deux défauts considérables auxquels il est impossible de remédier ; l'un, qu'elles craignent extrêmement l'humidité, et qu'elles s'y gâtent en peu de temps ; l'autre, qu'on ne saurait les plier comme les tapisseries ordinaires pour les serrer dans un garde-meuble, ou les transporter d'un lieu dans un autre, et qu'on est obligé, lorsqu'elles ne sont pas tendues, de les tenir roulées sur de gros cylindres de bois, ce qui occupe beaucoup de place, et est extrêmement incommode.