S. m. (Horlogerie) les Horlogers entendent par ce mot, le balancier et le spiral dans les montres ; la verge et la lentille dans les pendules. Ils disent aussi force réglante, parce que c'est le moyen de régler ces machines. Mais pour définir le régulateur d'une manière plus générale, je crois qu'il faut le considerer en horlogerie, comme le principe de la force d'inertie en Physique ; c'est par l'inertie qu'un corps persévère dans son état de repos ou de mouvement. C'est aussi par sa propriété de persévérance dans le mouvement, que le régulateur produit son effet. La force d'inertie sur le régulateur s'oppose à la force motrice qui l'anime ; c'est elle qui la modere, retarde et règle. Elle lui fait, en quelque sorte, équilibre.

Le régulateur peut être examiné sous trois points de vue : comme on peut voir, article FROTTEMENT, Horlogerie.

Puisque c'est du régulateur que dépend la mesure du temps, il faut qu'il ait en lui-même un principe, une cause constante du mouvement, tirée de sa nature même, et cependant distincte de la force motrice qui l'anime, ou qui l'entretient en action. C'est la pesanteur qui agit toujours par une loi constante, et qui imprime le mouvement à tout corps suspendu à l'extrémité d'une verge ou d'un fil oblique à l'horizon, et abandonné à lui-même. Ce corps, tiré de la verticale, par quelque cause que ce sait, tend à y revenir. La gravité l'y ramène et le chasse de l'autre côté de la ligne de repos à la même hauteur d'où il était descendu ; et cette cause agissant dans la seconde oscillation, comme elle a agi dans la première, elle perpétuera sans fin les oscillations, si rien ne s'y oppose. Mais le milieu est résistant, et le point de suspension éprouve du frottement. Les oscillations doivent donc diminuer d'étendue, et à la longue, le corps s'arrêter. Voilà la raison qui contraint à recourir à quelque mécanisme capable de restituer à chaque oscillation, les petites quantités de mouvement perdues ; et c'est par ce mécanisme, qu'on appelle échappement, que la force motrice s'exerce sans-cesse sur le régulateur, et l'entretient dans sa première énergie.

Les Géomètres ont trouvé la loi selon laquelle la pesanteur agit, et déterminé la durée des oscillations des corps suspendus à des hauteurs quelconques, quelles que soient d'ailleurs leurs figures. Vous y apprendrez aussi tous les moyens de varier à discrétion la figure et le mouvement d'un régulateur livré à l'action de la pesanteur. Après avoir fixé la durée des oscillations d'un corps qui parcourt des espaces égaux en des temps égaux, on a donné l'équation d'une courbe où en des temps égaux, un corps mu parcourt des espaces très-inégaux ; et celle où les espaces parcourus le sont, le plus vite qu'il est possible. Voyez les articles CYCLOÏDE et BRACHISTOCRONE.

Il suit de leurs recherches qu'un corps quelconque qui tombe par une chute libre en vertu de la pesanteur, emploie une seconde de temps à parcourir 15 pieds, et que le même corps attaché à un fil de trois pieds huit lignes et demie, emploie pareillement une seconde à achever une de ses oscillations. C'est delà qu'il faut partir pour trouver la durée des oscillations des pendules de différentes longueurs.

Si la pesanteur fournit le meilleur régulateur pour les pendules, il n'en est pas de même pour les montres ; car la pesanteur exige que la machine soit fixe. Sans cette condition, l'agitation détruirait une partie de l'effet, et altérerait l'action du régulateur. Cet inconvénient ne permet donc pas d'appliquer indistinctement la pesanteur à toutes les sortes de machines à mesurer le temps. On lui substitue dans les montres des balanciers ronds et placés en équilibre sur eux-mêmes. Dans les commencements de l'art d'Horlogerie, le régulateur des montres n'était qu'un petit balancier leger, et dont la masse faisait toute la puissance réglante. C'est sur la fin du dernier siècle que M. Huygens appliqua le ressort spiral au balancier. Voilà l'époque de la perfection des montres. Sans entrer dans le détail des différentes manières dont l'application s'en est faite, il suffira de l'envisager d'une manière générale et analogue au régulateur des pendules. L'élasticité n'est pas moins une loi constante de la nature que la pesanteur. C'est l'élasticité qui remplace cette dernière force dans les montres, et qui fait vibrer le balancier. Mais pour se former du balancier et de son spiral quelqu'idée distincte, on peut comparer leur mouvement à celui d'une corde élastique tendue. Tirez, par quelque moyen, cette corde de son état de repos, vous la ferez vibrer ; après s'être écartée de la ligne horizontale, elle y reviendra pour la passer encore ; et elle continuerait sans fin, si rien ne tendait à diminuer l'étendue de chaque vibration. Mais le milieu résistant, qui finit par arrêter le pendule, animé par la gravité, à la ligne verticale ou de repos, finit aussi par arrêter la corde vibrante à la ligne horizontale ou de repos.

Les géomètres qui ont déterminé les lois des corps oscillans, ont aussi déterminé celles des cordes vibrantes, et l'on sait que les vibrations des cordes tendues sont d'autant plus promptes, que ces cordes sont plus légères et plus courtes, et que les forces ou poids qui les tendent sont plus grands ; et réciproquement que leurs vibrations sont d'autant plus lentes qu'elles ont plus de masse, de longueur, et que les forces ou poids qui les tendent sont plus petits. La manière de les ébranler, ne change rien à la durée des vibrations.

Les espaces que la corde parcourt dans ses vibrations, tout étant égal d'ailleurs, sont d'autant plus grands, que les vibrations sont plus lentes, et réciproquement. Il en est de même du balancier et de son spiral. Les vibrations sont d'autant plus promptes que le balancier est plus petit, et qu'il a moins de masse, ou que son moment est plus petit et son spiral plus fort ; et au contraire les vibrations sont d'autant plus lentes, que le balancier est plus grand et qu'il a plus de masse, ou que le moment en est plus grand et le spiral plus faible. Les arcs ou l'étendue des oscillations du balancier sont d'autant plus grandes qu'elles sont plus lentes, et réciproquement. La manière d'ébranler le balancier pour le déterminer à osciller, ne change rien à la durée des oscillations. On peut donc varier les échappements dans les montres, comme on varie la touche des cordes, sans altérer la durée des vibrations ; avec cette différence que l'arc de levée dans les échappements doit être considéré comme moment du balancier. Plus on donne de levée, plus il faut diminuer la masse du balancier, et réciproquement. Ce qui n'a pas lieu dans les cordes, le moment de les toucher n'en altérant point le poids. On connait la loi de la durée des oscillations du pendule animé par la gravité ; et l'on connait aussi la loi de la durée des vibrations des cordes tendues et mises en mouvement par la percussion. Les temps de leurs vibrations sont en raison inverse de la racine carrée des poids tendants. Or l'expérience montre que le balancier et son spiral sont assujettis à cette même propriété des cordes vibrantes. Ainsi je multiplie le rayon du balancier par sa masse pour en avoir le moment, comme je multiplie la longueur de la corde par sa masse pour en avoir le moment ; l'élasticité, ou la cause de la continuité du mouvement étant la même dans l'un et l'autre cas, d'un côté le spiral, de l'autre le poids tendant ; les nombres des vibrations dans un même temps sont entr'eux en raison inverse des moments du balancier ou de la corde, et directe du carré de l'élasticité représentée dans les cordes, par les poids qui les tendent. Ou bien les moments étant pris pour les longueurs des pendules, et l'élasticité pour la gravité, les moments sont entr'eux réciproquement comme les carrés du nombre des vibrations ou des élasticités ; ou le nombre des vibrations dans un même temps, en raison inverse des racines carrées des moments.

Un habîle géomètre tirerait peut-être quelque parti utîle à l'horlogerie de cette conformité des cordes vibrantes, avec le balancier et le spiral des montres. J'en conclus seulement que l'élasticité fournit aux montres portatives un régulateur élastique, comparable à celui que la gravité fournit aux pendules sedentaires.

Après avoir connu la nature du régulateur en montre et en pendule, il ne faut pas négliger de connaître la quantité des vibrations qu'on obtient de l'un et l'autre dans un temps donné. Une corde très-lâche donne des vibrations très-lentes. Un balancier très-court et un spiral très-foible, donne des vibrations très-lentes. Une corde très-tendue donne des vibrations très-promtes. Un balancier très-léger et un spiral très-fort donnent des vibrations très-promtes. Un pendule très-long donne des oscillations très-lentes, et un pendule très-court donne des oscillations très-promtes.

Il n'y a rien de solide à objecter à cette analogie. Les vibrations promptes supposent à la vérité une plus grande complication dans la machine à mesurer le temps, mais la régularité en est la même, dans la supposition que toutes ses parties seraient parfaites. Si elles sont parfaites séparées les unes des autres, l'ensemble sera aussi parfait ; ce qu'il y aura de plus ou moins d'ouvrage ne fait rien à la question présente traitée métaphysiquement : mais c'est physiquement qu'il faut la considérer. C'est donc entre de certaines limites qu'il faut raisonner et des vibrations et des oscillations.

Les pendules qui battent les secondes ont sur celles qui ne battent, que 1/2, 1/3, 1/4 de secondes, un avantage généralement avoué. Mais, dira-t-on, puisque les longs pendules sont préférables aux autres, pourquoi n'en pas faire encore de plus longs ? On l'a, je crois, essayé sur un pendule de 24 à 30 pieds, qui s'est trouvé moins juste que celui à secondes, qui n'a, comme on sait, que 3 pieds 8 lignes et 1/2 ; et cela vient de ce que le régulateur ou la lentille tirant son énergie de la force accélératrice de la pesanteur, et un pendule si long s'élevant très-peu au-dessus de son état de repos, il faut aussi très-peu de force pour l'entretenir en mouvement ; c'est donc un corps qui oscille entre des puissances très-foibles. La plus petite cause étrangère suffit pour le déranger. Or, dira-t-on, par une raison contraire, tout pendule oscillant entre des puissances très-fortes devrait donner la plus grande régularité. Je le nie ; car tout pendule suppose de la complication dans le mécanisme, et beaucoup de force motrice pour entretenir le mouvement ; d'où il s'ensuivra une altération ou destruction par les frottements, et un effet très-sensible soit de la part de la plus légère imperfection, ou primitive, ou accidentelle dans l'échappement, ou dans la suspension du régulateur. Le degré de perfection auquel on peut atteindre, et qu'on peut conserver, ne répond certainement ni à l'idée, ni au besoin.

D'où il s'ensuit que l'expérience en rencontrant le pendule à seconde, a peut-être trouvé le meilleur de tous les pendules, relativement au point de perfection possible à l'exécution. Mais suivons la même manière de raisonner sur les quantités des vibrations pour les montres.

Je suis le premier qui ait songé à les réduire. Voyez le mot FROTTEMENT, Horlogerie, vous y trouverez la description de la première montre qui ait été exécutée pour battre les secondes, comme les pendules à secondes. Je ferai ici le même raisonnement sur cette montre que celui que j'ai fait sur les très-longs pendules. Quoi qu'il soit vrai que les montres battant les secondes aillent fort bien, elles se trouvent précisément dans le cas d'un régulateur entre des puissances trop faibles ; ces machines exigent si peu de force motrice, qu'avec un ressort ordinaire de montre de 24 heures, je les fais marcher huit jours. Ce qui prouve et qu'il y a un grand avantage à réduire les vibrations, et en même temps que la limite est un peu trop éloignée pour en faire usage dans les montres de 24 heures. D'où il suit que pour les montres à monter tous les jours, il faut les faire battre à-peu-près la racine carrée, tout étant égal d'ailleurs, des montres qui vont huit jours et qui battent les secondes, ce qui revient à environ quatre coups par seconde. Le désavantage des courts pendules qui font un grand nombre d'oscillations, est le même aux montres auxquelles on fait faire un grand nombre de vibrations. Le ressort du spiral devient si roide, les moments du balancier sont si faibles, qu'il faut que la force motrice soit presque continuellement présente, si encore elle ne se trouve pas en défaut, pour entretenir le mouvement sur le régulateur.

L'on sait que les dents de la roue de rencontre, soit dans l'échappement à récul ou à repos, portent sur le petit levier de l'axe du régulateur, palette ou tranche du cylindre, la force motrice qu'elle a reçue pour y communiquer le mouvement. Elle trouve donc pour résistance 1° le poids du balancier multiplié par son rayon ; et la vitesse que le balancier prend en exerçant le mouvement, sera retardé si l'on vient à augmenter ses moments ou sa masse ; cela est incontestable. 2° Un ressort tel que le spiral, si on vient à l'ajouter, dont une des extrémités sera prise sur le balancier même, et l'autre sur un corps étranger ; dans cet état il arrivera que la roue de rencontre poussant de l'une de ses dents la palette du balancier pour le faire tourner et lui faire décrire un arc, trouvera ce ressort qui lui opposera sa roideur. Il faut donc qu'elle se tende en même temps qu'elle communique le mouvement au balancier.

La roue agissant pour communiquer sa force motrice, comment donc arrive-t-il que par cette double résistance le balancier prenne une vitesse double, et même plus que double que lorsque le balancier était seul ? Si l'on vient à augmenter la roideur du ressort spiral et qu'on la rende à-peu-près double de ce qu'elle était, le balancier étant le même, la force motrice sera alors insuffisante pour communiquer le mouvement au balancier, et il restera en repos. Si au contraire on laisse le premier ressort spiral, et qu'on réduise les moments du balancier, par exemple, à sa moitié, le ressort spiral alors sera aussi roide à son égard que lorsqu'on avait doublé sa roideur. Dans ce cas, comme dans le précédent, la roue de rencontre avec sa force motrice sera également insuffisante pour communiquer le mouvement au balancier, et il restera en repos. Voilà une espèce de paradoxe que je laisse à expliquer.

Je finirai par une observation. Les Horlogers disent et ont écrit par-tout que l'échappement à recul avait de l'avantage sur l'échappement à repos, parce qu'on pouvait essayer le poids de son balancier sans le ressort spiral, ce que l'échappement à repos ne permet pas. En conséquence ils décident qu'il faut faire tirer au balancier 25 à 26 minutes pour 60 ; d'autres en demandant jusqu'à 28, et cela, ajoutent-ils, pour prévenir que la montre n'arrête au doigt : c'est une erreur ; elle peut ne point arrêter au doigt en ne faisant tirer au balancier que 20 minutes, et elle en peut tirer 30 et arrêter au doigt. Cette erreur vient de ce qu'on n'a pas une idée nette du régulateur. Voyez l'article ARC DE LEVEE, où j'indique le moyens d'empêcher l'arrêt au doigt. Article de M. ROMILLY.