S. f. (Manufacture) tissu leger ou tout de fil, ou tout de soie, ou fil et soie, travaillé à claire voie, et percé de trous comme le tissu de crin dont on fait les cribles : la fabrication de cette espèce d'étoffe ou de toîle est très-ingénieuse ; ceux qui en ont parlé n'ont pas considéré le métier d'assez près ; et à juger de la gaze par ce qu'on en lit dans le dictionnaire du Commerce, il est bien difficîle de la distinguer de la toîle ou du satin.

Pour fabriquer la gaze, il faut commencer par disposer la chaîne comme si on avait à fabriquer une autre étoffe de soie ; je veux dire la devider sur l'ourdissoir (Voyez l'article OURDISSOIR) ; la porter de l'ourdissoir sur le plioir (Voyez l'article PLIOIR) ; et du plioir sur les ensuples ; l'encraiser, et achever le montage du métier.

Le métier du gazier ne diffère guère des autres métiers de la fabrique des étoffes en soie, soit unies soit figurées ; et il se monte exactement de la même manière. Il y a lecture du dessein ; gravassine, gravassinière, lacs, semple, rame, tirage, etc. Voyez à l'art. SOIE, le travail des étoffes en soie ; voyez surtout l'article VELOURS CISELE, FRISE, et de plusieurs couleurs.

Quoique nous renvoyons ici à un grand nombre d'articles étrangers à la gaze, cela n'empêchera point que nous ne fassions entendre très-distinctement la différence qu'il y a entre la fabrication de cette étoffe et celle de la toîle ou du satin. Pour cet effet, laissant-là toutes les manœuvres qui sont communes au gazier, au tisserand, et au manufacturier d'étoffes en soie, nous nous attacherons à celles qui lui sont propres ; et nous insisterons sur la partie qui distingue son métier des autres métiers à ourdir.

Cette partie est une lisse qui porte des petits grains de chapelets qu'on appelle des perles. C'est la fonction de cette lisse qui empêche que la gaze unie ne soit une toîle ou un satin, et qui en fait une gaze : c'est ce que nous allons démontrer de la manière la plus simple et la plus claire.

Si vous comparez nos Planches I. et II. du Gazier avec nos Planches du Manufacturier en soie, vous apercevrez d'un coup-d'oeil ce qu'il y a de commun entre le métier à gaze et les autres métiers à ourdissage : mais pour bien entendre la fabrication de la gaze, il suffit de s'occuper de la III. Pl. Voyez donc cette Planche.

Les cylindres A B, a b, (fig. 1. Pl. IV.) sont les ensuples ; A B est celle de devant ; a b une de celles de derrière. 1, 2 ; 1, 2 ; 1, 2 ; 1, 2, sont les fils de la chaîne portés sur les deux ensuples : c, c ; c, c ; c, c, &c.... représentent les dents du peigne : d, d, e, e, e, e, la lisse avec ses perles ; f, f, g, g, g, g, une autre lisse avec des annelets de verre qu'on appelle des maillons ; h h, i i, les bâtons d'encroix.

On voit que les fils de chaîne 1, 1, 1, etc. passent dans les perles e, e, e, e, et dans les maillons g, g, g, g, et qu'ils sont placés sur les ensuples de manière qu'ils se croisent aux points k, k, k, k. D'où il suit que, si nous supposons que la lisse d, d, soit levée, les fils de chaîne restant dans leurs situations relatives ; les fils 1, 1, 1, 1, feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, et ainsi de suite, comme ils sont rangés sur les ensuples. Donc, si le fil l, l, l, l, l, m, m, m, m, m, etc. représente un fil de trame, et que le gazier ait donné un coup de navette de droite à gauche, ce fil de trame sera pris en l, l, l, l, entre les fils de chaîne, comme on voit fig. 2. même Pl.

Mais si on laisse retomber la lisse d d, et qu'on fasse lever la lisse f, f, comme on voit fig. 2. même Pl. qu'arrivera-t-il ? que les fils de chaîne 1, 1, 1, 1, etc. ne garderont plus leurs situations relatives avec les fils 2, 2, 2, 2, que ces fils 1, 1, 1, 1, passeront de l'autre côté des fils 2, 2, 2, 2 ; que les fils 2, 2, 2, 2 ; feront angle avec les fils 1, 1, 1, 1, le fil 2 devant le fil 1, le fil 2 devant le fil 1, le fil 2 devant le fil 1, et ainsi de suite ; et que, si l'ouvrier donne un second coup de navette de gauche à droite, le fil de trame l, l, l, l, m, m, m, m, etc. sera pris entre les fils de chaîne, comme on le voit fig. 2. en m, m, m, m ; il y aura donc entre ces deux coups de navette, ou la portion du fil de trame l, l, l, l, et la portion du même fil m, m, m, m, une espèce d'encroix 0, 0, 0, 0, ou de tour des fils de chaîne 1, 1, 1, 1, sur les fils de chaîne 2, 2, 2, 2, qui tient les portions de fil de trame séparées, et qui ne leur permet jamais de s'approcher, et de former un tissu serré comme il est à la toîle et au satin : c'est ce tour ou cet encroix et le déplacement alternatif des fils de chaîne qui écartent les coups de navette ou les portions de fil de trame ; et c'est cet écart qui forme les trous ou claires voies de la gaze.

Qu'on laisse retomber la lisse f f, et qu'on fasse lever la lisse d d, comme on la voit fig. 3. même Pl. les fils de chaîne reprendront leur position relative aussi-tôt que la lisse f f sera retombée, et les fils 1, 1, 1, 1, feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2 ; de manière que le fil 1 soit devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1, devant le fil 2, et ainsi de suite, comme il est arrivé figure 1. Donc si l'ouvrier donne un troisième coup de navette de droite à gauche, le fil de trame se trouvera pris, comme on le voit figure 3. en n, n, n, n ; en sorte que la portion m, m, m, m, de ce fil se trouvera séparée de la portion n, n, n, comme celle-ci l'était de la première l, l, l, l, par un tour ou espèce d'encroix p, p, p, p, qui empêchera que le coup de battant ne puisse tenir les portions de trame m, m, m, m, et n, n, n, n, approchées ; ce qui donnera lieu à une nouvelle rangée de trous.

Ainsi à chaque coup de navette, chaque fil de chaîne 1, 1, 1, 1, faisant par le moyen de la lisse à perle et de la lisse à maillon, sur chaque autre fil de chaîne 2, 2, 2, 2, une espèce de tour ou d'encroix, ces fils ne pourront jamais être serrés ; ces tours ou encroix les tiendront séparés ; et à l'aide de ces séparations, il y aura à chaque coup de navette une rangée de petits espaces vides entre chaque portion de fil de trame et de chaîne ; ce qui fera la claire voie de la gaze.

Voici en un mot tout le mystère de la gaze expliqué, sans même qu'il soit besoin de figures. Imaginez des fils horizontaux et parallèles les uns aux autres, comme sur le métier du tisserand ; soit le premier de ces fils nommé a, le second b, le troisième a, le quatrième b, le cinquième a, le sixième b, et ainsi de suite : si vous faites lever tous les fils a, a, a, a, les fils b, b, b, b, restant horizontaux et parallèles, et que vous donniez un coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame ; que vous fassiez baisser les fils a, a, a, a ; et que les laissant horizontaux et parallèles, vous fassiez lever les fils b, b, b, b ; et que vous donniez un second coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame ; il est clair que le battant pressera l'une contre l'autre ces deux portions des fils de trame ; et que vous ferez de la toile, en continuant toujours ainsi.

Mais si, après avoir fait lever les fils a, a, a, a ; laissé les fils b, b, b, b, dans la situation horizontale et parallèle ; donné un coup de trame, et laissé retomber les fils a, a, a, a ; au lieu de lever les fils b, b, b, b, vous levez une seconde fois a, a, a, a, mais en les faisant passer de l'autre côté des fils b, b, b, b : en sorte qu'au lieu de se trouver dans la situation a b, a b, a b, a b, comme au premier coup de navette, ils se trouvent au second coup de navette dans la situation b a, b a, b a, b a ; il est évident que les fils b, b, b, b, seront toujours restés immobiles et parallèles ; mais que les fils a, a, a, a, auront perpétuellement serpenté sur eux une fois en-dessus, une fois en-dessous ; une fois en-dessus ; une fois en-dessous, de gauche à droite, de droite à gauche ; et que ces petits serpentements des fils a, a, a, a, empêcheront les fils de trame lancés à chaque coup de navette, de se serrer, et d'être voisins ; ce qui fera une toîle à claire voie.

Or c'est précisément là ce qui s'exécute par le moyen de la lisse à perle et de la lisse à maillon : aussi ces perles sont-elles enfilées dans des brins de fil ou de soie d'une certaine longueur ; afin que quand on lève la lisse à maillon 7 comme on voit fig. 2. ces brins de fils puissent faire boucle autour des fils de chaîne qui restent immobiles, ne point gêner ces fils, et leur laisser bien leur parallélisme.

Outre ces deux lisses, il y en a une troisième au métier de tisserand ; cette lisse est pour le fond. L'on distingue donc dans la fabrication de la gaze trois pas ; le pas de gaze, le pas de fond, et le pas dur.

Voilà pour les gazes unies ; et ce qu'il fallait savoir pour distinguer le métier et la manœuvre du gazier de tout autre ourdissage.

Quant aux gazes figurées, brochées, elles s'exécutent comme toutes les autres étoffes figurées, tantôt à la petite tire, tantôt à la grande tire. Le brocher se fait à l'espolin à l'ordinaire : il faut autant d'espolins que de couleurs : les couleurs se placent par le moyen de la lecture, du rame, et du semple, ainsi que nous l'avons dit et que nous le démontrerons avec clarté aux étoffes de la manufacture en soie ; le brocher se fait en-dessus.

Comme les fils du brocher s'étendent sur toute la largeur de l'étoffe, quoiqu'ils ne soient pas entre les fils de chaîne qu'en quelques endroits ; on n'aperçoit point le dessein, et toutes les façons ou figures sont cachées, tant que la pièce de gaze est sur le métier : mais quand la pièce est levée de dessus le métier, on la donne à des ouvrières appelées coupeuses, qui étendent la pièce sur deux ensuples placées et retenues aux deux extrémités d'un châssis de bois qu'on voit Pl. III. et qu'on appelle le découpoir : elles se rangent assises autour du découpoir comme autour d'une table ; et avec des forces ou ciseaux d'un demi-pié de long, elles enlèvent toutes les soies inutiles ou portions de fils non compris entre les fils de chaîne, et font paraitre la figure.

Ces lacis ou portions de fils non compris entre les fils de chaîne et superflus, s'appellent recoupes ; c'est une belle matière ; c'est tout fil, ou c'est du fil et de la soie mêlés : on ne lui a encore trouvé aucun usage. J'ai bien de la peine à croire qu'elle n'en puisse avoir aucun, et que l'industrieuse économie des Chinois ne parvint pas à en tirer parti : on en ferait des magasins à très-peu de frais dans ce pays-ci où les ouvrières la brulent.

Celui qui imagina la lisse à perle ; qui fit serpenter ainsi un fil de chaîne sur son voisin ; et qui vit que ce serpentement écartait les fils de chaîne les uns des autres ; empêchait les fils de trame d'être approchés par le coup de battant, et formait de cette manière un tissu criblé de trous, eut le génie de son art.

GAZE DE COS, (Histoire anc. des Arts) coa vestis, dans Tibulle et dans Properce, qui dit, et tenues coâ veste movère sinus : Horace l'appelle coa purpura. Cette gaze avait été inventée par une femme nommée Pamphila ; car, selon la remarque de Pline, il ne faut pas frustrer cette femme de la gloire qui lui appartient, d'avoir trouvé ce merveilleux secret de faire que les habits montrent les femmes toutes nues, non fraudanda gloria excogitatae rationis, ut denudet feminas vestis, hist. nat. lib. XI. cap. xxij.

En effet, cette étoffe était si déliée, si transparente, qu'elle laissait voir le corps comme à nud ; c'est pourquoi Varron appelait les habits qui en étaient faits, vitreas togas : Publius Syrus les nomme joliment ventum textilem, du vent tissu, et nebulam lineam, une nuée de lin ; aequum est, dit-il, induere nuptam ventum textilem, et palàm prostare nudam in nebulâ lineâ ; " Est-il honnête qu'une femme mariée porte " des habits de vent, et paraisse nue sous une nuée de lin ? Cependant les femmes et les filles d'Orient, et en particulier celles de Jérusalem, étaient vêtues d'habits semblables à la gaze de Cos, et qu'Isaïe nomme , interlucentes laconicas.

On faisait la gaze de Cos d'une soie très-fine qu'on teignait en pourpre avant que de l'employer, parce qu'après que la gaze était faite, elle n'avait pas assez de corps pour souffrir la teinture ; c'était à Misiras, aujourd'hui Mascari, tout auprès de l'île de Cos, qu'on pêchait les huitres qui produisaient cette pourpre dont on teignait la gaze, pour en rendre encore les habits plus précieux.

Il est vrai qu'il n'y avait dans les commencements que les courtisannes qui osassent mettre à Rome de tels habits ; mais les honnêtes femmes ne tardèrent pas à les imiter ; la mode en subsistait même encore du temps de S. Jérôme : car écrivant à Loeta sur l'éducation de sa fille, il recommande ut talia vestimenta paret quibus pellatur frigus, non quibus vestita corpora nudentur.

Horace dans une de ses odes, ode 13. liv. IV. traite Lycé, une de ses anciennes maîtresses, de ridicule, de ce qu'elle portait des habits transparents de Cos, pour faire la jeune : nec coae referunt jam tibi purpurae ; " croyez-moi, lui dit-il, ces habits de gaze de Cos ne vous conviennent plus ". (D.J.)

GAZE, (Géographie) ancienne ville d'Asie dans la Palestine, à environ une lieue de la mer, avec un port qu'on appelle la nouvelle Gaze, Majama, et Constantia. Il y a près de la ville un château qui est la résidence d'un pacha ; elle est à vingt lieues de Jérusalem. Long. 52. 30. latit. 31. 28.

Nous avons encore des médailles de Gaze, qui prouvent que quand S. Luc (Act. VIII. vers. 26.) dit que cette ville était , ce mot ne doit point signifier déserte, mais comme l'entend Hesychius, , c'est-à-dire démantelée. Gaze en hébreu signifie forte, fortifiée, et munie. En effet la ville de Gaze était très-forte, au rapport de Méla, d'Arrien, et de Quinte-Curce, liv. IV. (D.J.)