S. m. (terme général) celui qui fait ou qui vend des pots et de la vaisselle. Si les pots et vaisselles sont d'étain, on l'appelle potier d'étain ; et potier de terre, s'il ne travaille qu'en vaisselle et poterie de terre.

Ces diverses sortes d'ouvrages donnent le nom à deux communautés de Paris ; l'une est la communauté des maîtres potiers d'étain, dont on Ve parler ; et l'autre celle des maîtres potiers de terre, dont on parlera ensuite.

POTIER D'ETAIN, (Métallurg. et arts mécan.) on a donné à la suite de l'article ÉTAIN le travail du potier d'étain ; mais comme le plan de l'Encyclopédie est de faire connaître autant qu'il est possible, les progrès qui ont été faits dans chaque art jusqu'à présent ; on a cru que le lecteur serait bien-aise qu'on lui mit sous les yeux quelques remarques, qui n'ayant été communiquées au public que depuis la publication du sixième volume, n'ont pu trouver place dans l'article où l'on devait naturellement chercher tout ce qui regarde l'étain.


M. de Justi, chimiste allemand, connu par plusieurs ouvrages utiles, a publié dans ses Oeuvres chimiques, imprimées à Berlin, en langue allemande en 1760, quelques observations sur les différentes manières d'allier l'étain, dont on Ve donner le précis dans cet article ; cela servira à compléter ce qui a été dit ailleurs sur cette matière.

Les différentes substances métalliques avec lesquelles communément les potiers-d'étain allient ce métal sont, soit du plomb, soit du cuivre, soit du laiton, ou cuivre jaune, soit du tombac, soit du fer, soit du zinc, soit du bismuth, soit enfin du régule d'antimoine. Quelquefois ils font entrer un ou plusieurs de ces métaux et de ces demi-métaux dans leur alliage, et chaque potier-d'étain fait souvent un grand mystère de son alliage qu'il croit ordinairement beaucoup meilleur que celui de son voisin. M. de Justi a donc cru devoir examiner les effets que ces différentes substances peuvent produire lorsqu'elles sont jointes avec l'étain.

1°. Le plomb devrait être entièrement exclus des alliages d'étain ; en effet, quoiqu'il rende les vaisseaux d'étain à meilleur marché et plus faciles à travailler, le plomb est cause que l'étain noircit beaucoup plus promptement à l'air. Mais ce qui est encore plus essentiel, c'est que le plomb doit être regardé comme un véritable poison ; tous les sels et tous les acides agissent sur lui, et le font passer avec les aliments dans l'estomac, où il peut faire de très-grands ravages, voyez l'article PLOMB. M. de Justi rapporte un fait dont il a été témoin, et qui prouve bien le danger qu'il y a à se servir de vaisseaux d'étain allié avec du plomb ; il dit qu'en Saxe toute une famille fut attaquée d'une maladie très-longue et très-particulière, et à laquelle les Médecins ne connurent rien pendant fort longtemps, jusqu'à ce qu'à la fin, on découvrit que cette maladie venait d'avoir mangé du beurre qui avait été conservé dans un vaisseau d'étain allié avec du plomb.

2°. Le cuivre, soit pur, soit jauni par le zinc, comme il est dans le laiton et le tombac, rend l'étain sonnant, et lui donne de la consistance, si l'on en met deux ou trois livres sur un quintal d'étain, qui devient par-là assez semblable à de l'argent ; mais on a suffisamment prouvé que l'usage des vaisseaux de cuivre dans un ménage ne peut être que très-dangereux. Voyez l'article CUIVRE.

3°. L'alliage de l'étain avec le zinc n'est point non plus exempt de danger ; ce demi-métal doit être nuisible pour la santé, Ve que M. de Justi dit qu'il renferme une substance arsénicale que ses expériences lui ont fait découvrir ; quelques grains de fleurs de zinc pris intérieurement suffisent pour faire un très-grand ravage dans le corps humain ; d'ailleurs le zinc se dissout avec une très-grande facilité, dans tous les acides et même dans tous les vinaigres. Enfin, le zinc étant très-volatil, se dégage et se dissipe à chaque fois qu'on fait fondre l'étain avec lequel il a été allié.

Cela posé, les substances que l'on pourra sans danger, faire entrer dans l'alliage de l'étain sont ; 1°. le fer, qui, comme on sait, n'a point une qualité nuisible à l'homme, et qui au contraire dans de certains cas est un très-bon remède. Ainsi, quoique ce métal soit attaquable par les sels, il ne pourra produire aucun mal. 2°. Le régule d'antimoine ; on peut en sûreté l'allier avec l'étain, Ve que les sels qui entrent dans les aliments ne le dissolvent point. 3°. Le bismuth, quoique l'usage intérieur de ce demi-métal ne soit point entièrement exempt de danger, on n'a pourtant point à redouter ses mauvais effets dans l'alliage de l'étain, Ve qu'il ne se dissout que très-difficilement dans les acides les plus forts.

De ces réflexions, M. de Justi conclud que c'est le fer, le régule d'antimoine, et le bismuth que l'on peut faire entrer impunément dans les alliages de l'étain : voici son procédé.

On prendra du régule d'antimoine ; la méthode pour l'obtenir à meilleur marché, sera de prendre une livre et demie d'antimoine crud, que l'on réduira en une poudre très-fine, on la mêlera avec une livre de charbon pulvérisé ; on mettra ce mélange dans un plat de terre non vernissé, et garni à l'extérieur d'un enduit de terre grasse ; on arrangera le mélange de manière qu'il n'ait guère qu'un pouce d'épaisseur. On fera ainsi calciner le mélange en remuant sans interruption jusqu'à ce qu'il n'en parte plus aucune odeur de soufre, et jusqu'à ce que la matière ait rougi dans toutes ses parties ; par ce moyen l'on aura une chaux d'antimoine que l'on mêlera avec une livre et demie de flux noir, fait avec trois parties de tartre crud et une partie de nitre que l'on fera détonner avec un charbon allumé. On mettra la chaux d'antimoine avec le flux noir dans un creuset que l'on placera dans le fourneau de forge ; on fera fondre le mélange, et lorsque le tout sera fondu, on laissera refroidir le creuset, on le cassera, et l'on aura environ une livre de régule d'antimoine propre à faire l'alliage qui suit.

On prendra une livre du régule qui vient d'être décrit ; on y joindra une livre et demie de limaille de fer, bien lavée et séchée ensuite. On mêlera bien ces deux matières après les avoir pulvérisées ; on les mettra dans un creuset que l'on en remplira à un pouce près ; on couvrira ce creuset avec un couvercle, et on le placera, soit dans un fourneau à vent, soit dans un fourneau de forge. Lorsque le mélange sera fondu, ce qui arrivera plus ou moins promptement, suivant la force du feu que l'on donnera ; on y joindra une livre de bismuth, et l'on poussera le feu pour que les substances mêlées entrent parfaitement en fusion ; alors on videra la matière fondue dans un cône, et l'on aura un alliage d'une couleur blanche et brillante qui pesera environ trois livres. On joindra ces trois livres à un quintal d'étain ; on les fera fondre ensemble, et l'on aura un alliage d'étain solide, sonore, d'une couleur presque aussi belle que l'argent, en un mot qui ne le cédera point à l'étain sonnant d'Angleterre. (-)

La communauté des Potiers-d'étain est considérable, ils sont appelés par leurs lettres de maitrise Potiers d'étain et Tailleurs d'armure sur étain ; ils ont droit de graver et armorier toutes les sortes d'ouvrages d'étain qu'ils fabriquent ou font fabriquer.

Pour être reçu maître par chef-d'œuvre, il faut avoir fait six ans d'apprentissage, servir les maîtres trois autres années après l'apprentissage en qualité de compagnon, et faire le chef-d'œuvre.

Le chef-d'œuvre consiste à faire ; savoir, par le Potier rond, un pot dont le corps doit être tout d'une pièce ; pour celui qui veut être passé maître de forge, une jatte et un plat au marteau d'une rouelle ; par le menuisier (c'est-à-dire par celui qui veut se fixer aux menus ouvrages et pièces de rapport) une écritoire.

Les fils de maîtres sont exempts de tous droits, et ne sont point tenus de l'apprentissage, non plus que du chef-d'œuvre ; il leur suffit d'avoir travaillé pendant trois ans chez leur père ou sous quelqu'autre maître de la communauté.

Les veuves peuvent faire travailler et tenir boutique, tant qu'elles sont en viduité.

Tout potier-d'étain est tenu d'avoir son poinçon ou marques particulières pour appliquer sur ses ouvrages, et ces marques doivent être empreintes ou insculpées sur les tables ou rouelles d'essai qui sont dans la chambre du procureur du roi du châtelet, et dans celle de la communauté des maîtres Potiers-d'étain.

Chaque maître a ses deux marques, l'une grande et l'autre petite ; la grande contient la première lettre de son nom de baptême et son nom de famille en toutes lettres ; et la petite ne contient que deux lettres, qui sont la première du nom et la première du surnom ; outre ces noms et lettres, chaque marque contient encore la devise du maître, qui est telle qu'il l'a voulu choisir.

Les ouvrages d'étain d'antimoine, d'étain plané, et d'étain sonnant, se marquent par-dessous l'ouvrage, et ceux d'étain commun par-dessus.

Il est permis aux maîtres potiers-d'étain de faire toutes sortes d'ouvrages de bon et fin étain sonnant, allié de fin cuivre, et d'étain de glace ; et d'en fabriquer d'autres avec de bon étain commun, allié de telle sorte, qu'il puisse venir à la rondeur de l'essai avec la blancheur requise, à l'exception des calices et des patènes qui ne doivent être que d'étain sonnant ; il leur est cependant défendu d'enjoliver aucuns de leurs ouvrages, avec l'or ou l'argent, s'ils ne sont destinés pour l'usage de l'église.

Il est défendu aux maîtres Potiers de travailler du marteau avant cinq heures du matin, ni après huit heures du soir ; ils ne doivent vendre ni avoir dans leurs boutiques aucuns ouvrages neufs, s'ils n'ont été faits à Paris ou par un maître de Paris, et il leur est défendu d'en vendre de vieux pour de neufs.

La communauté est composée de quatre jurés et gardes, préposés pour tenir la main à l'observation des statuts et ordonnances qui la concernent, pour vaquer aux affaires qui la regardent. Chacun de ces jurés doit rester deux ans en charge ; on fait l'élection des deux nouveaux le 26 Janvier à la pluralité des voix des maîtres assemblés pardevant le procureur du roi du châtelet ; autrefois cette élection se faisait le 2 Janvier au lieu du 26.

POTIER DE TERRE, (Poterie de terre) artisan qui travaille en vaisselle et autres ouvrages de terre. La communauté des maîtres Potiers de terre, est ancienne à Paris ; ils étaient érigés en corps de jurande, et avaient des statuts bien avant le régne de Charles VII. (D.J.)