FABRIQUE

On entend encore par ce même terme de fabrique, le temporel des églises, consistant, soit en immeubles, ou en revenus ordinaires ou casuels, affectés à l'entretien de l'église et à la célébration du service divin.

Enfin par le terme de fabrique on entend aussi fort souvent ceux qui ont l'administration du temporel de l'église ; lesquels en certaines provinces sont appelés fabriciens, en d'autres marguilliers, luminiers, etc. La fabrique est aussi quelquefois prise pour le corps ou assemblée de ceux qui ont cette administration du temporel. Le bureau ou lieu d'assemblée est aussi quelquefois désigné sous le nom de fabrique.

Dans la primitive Eglise, tous les biens de chaque église étaient en commun ; l'évêque en avait l'intendance et la direction, et ordonnait comme il jugeait à propos de l'emploi du temporel, soit pour la fabrique, soit pour la subsistance des ministres de l'église.

Dans presque tous les lieux les évêques avaient sous eux des économes, qui souvent étaient des prêtres et des diacres, auxquels ils confiaient l'administration du temporel de leur église, dont ces économes leur rendaient compte.

Ces économes touchaient les revenus de l'église, et avaient soin de pourvoir à ses nécessités, pour lesquelles ils prenaient sur les revenus de l'église ce qui était nécessaire ; en sorte qu'ils faisaient vraiment la fonction de fabriciens.

Dans la neuvième session du concîle de Chalcedoine, tenu en 451, on obligea les évêques, à l'occasion d'Ibas évêque d'Edesse, de choisir ces économes de leur clergé ; de leur donner ordre sur ce qu'il convenait faire, et de leur faire rendre compte de tout. Les évêques pouvaient déposer ces économes, pourvu que ce fût pour quelque cause légitime.

En quelques endroits, surtout dans l'église grecque, ces économes avaient sous eux des co-adjuteurs.

On pratiquait aussi à-peu-près la même chose dans les monastères ; on choisissait entre les religieux les plus anciens, celui qui était le plus propre à gouverner le temporel pour lui.

Vers le milieu du IVe siècle les choses changèrent de forme dans l'église d'Occident ; les revenus de chaque église ou évêché furent partagés en quatre lots ou parts égales, la première pour l'évêque, la seconde pour son clergé et pour les autres clercs du diocèse, la troisième pour les pauvres, et la quatrième pour la fabrique, c'est-à-dire pour l'entretien et les réparations de l'église.

Ce partage fut ainsi ordonné dans un concîle tenu à Rome du temps de Constantin. La quatrième portion des revenus de chaque église fut destinée pour la réparation des temples et des églises.

Le pape Simplicius écrivait à trois évêques que ce quart devait être employé ecclesiasticis fabriciis.

C'est apparemment de-là qu'est venu le terme de fabrique.

On trouve aussi dans des lettres du pape Gelase, en 494, dont l'extrait est rapporté dans le canon vobis XXIII. causâ XIIe quest. 1. que l'on devait faire quatre parts, tant des revenus des fonds de l'église, que des oblations des fidèles ; que la quatrième portion était pour la fabrique, fabricis verò quartam ; que ce qui resterait de cette portion, la dépense annuelle prélevée, serait remis à deux gardiens idoines, choisis à cet effet, afin que s'il survenait quelque dépense plus considérable, major fabrica, on eut la ressource de ces deniers, ou que l'on en achetât quelque fonds.

Le même pape repete cette disposition dans les can. 25. 26. et 27. au même titre. Il se sert par-tout du terme fabricis, qui signifie en cet endroit les constructions et réparations ; et la glose observe sur le canon 27, que la conséquence qui résulte naturellement de tous ces canons, est que les laïcs ne sont point tenus aux réparations de la fabrique, mais seulement les clercs.

Saint Grégoire le Grand, dans une lettre à saint Augustin apôtre d'Angleterre, prescrit pareillement la réserve du quart pour la fabrique.

Le decret de Gratien contient encore, loco citato, un canon (qui est le 31.) prétendu titré d'un concîle de Tolede ; sans dire lequel, où la division et l'emploi des revenus ecclésiastiques sont ordonnés de même ; ensorte, est-il dit, que la première part soit employée soigneusement aux réparations des titres, c'est-à-dire des églises et à celles des cimetières, secundùm apostolorum praecepta : mais ce canon ne se trouve dans aucun des conciles de Tolede. La collection des canons faite par un auteur incertain, qui est dans la bibliothèque vaticane ; attribue celui-ci au pape Sylvestre : on n'y trouve pas ces paroles, secundùm apostolorum praecepta ; et en effet du temps des apôtres il n'était pas question de fabriques dans le sens où nous le prenons aujourd'hui, ni même de réparations.

Quoi qu'il en soit de l'autorité de ce canon, celles que l'on a déjà rapportées sont plus que suffisantes au moins pour établir l'usage qui s'observait depuis le IVe siècle par rapport aux fabriques des églises ; usage qui s'est depuis toujours soutenu.

Grégoire II. écrivant en 729 aux évêques et au peuple de Thuringe, leur dit qu'il avait recommandé à Boniface leur évêque de faire quatre parts des biens d'église, comme on l'a déjà expliqué, dont une était pour la fabrique, ecclesiasticis fabricis réservandam.

En France on a toujours eu une attention particulière pour la fabrique des églises.

Le 57e canon du concîle d'Orléans, tenu en 511 par ordre de Clovis, destine les fruits des terres que les églises tiennent de la libéralité du roi, aux réparations des églises, à la nourriture des prêtres et des pauvres.

Un capitulaire de Charlemagne, de l'année 801, ordonne le partage des dixmes en quatre portions, pour être distribuées de la manière qui a déjà été dite : la quatrième est pour la fabrique, quarta in fabricâ ipsius ecclesiae.

Cette division n'avait d'abord lieu que pour les fruits ; et comme les évêques et les clercs avaient l'administration des portions de la fabrique et des pauvres, ce règlement fut observé plus ou moins exactement dans chaque diocèse, selon que les administrateurs de la part de la fabrique étaient plus ou moins scrupuleux.

Dans la suite l'administration de la part des fabriques, dans les cathédrales et collégiales, fut confiée à des clercs qu'on appela marguilliers en quelques églises. On leur adjoignit des marguilliers laïcs, comme dans l'église de Paris, où il y en avait dès l'an 1204.

Dans les églises paroissiales, les biens de la fabrique ne sont gouvernés que par des marguilliers laïs.

Les revenus des fabriques sont destinés à l'entretien et réparation des églises ; ce n'est que subsidiairement, et en cas d'insuffisance des revenus des fabriques, que l'on fait contribuer les gros décimateurs et les paraissiens.

L'édit du mois de Février 1704 avait créé en titre d'office des trésoriers des fabriques dans toutes les villes du royaume ; mais par l'édit du mois de Septembre suivant ils furent supprimés pour la ville et fauxbourgs de Paris ; et par un arrêt du conseil du 24 Janvier 1705, ceux des autres villes furent réunis aux fabriques.

L'article 9 de l'édit de Février 1680, porte que le revenu des fabriques, après les fondations accomplies, sera appliqué aux réparations, achat d'ornements et autres œuvres pitoyables, suivant les saints decrets ; et que les marguilliers seront tenus de faire bon et fidèle inventaire de tous les titres et enseignements des fabriques.

Les évêques recevaient autrefois les comptes des fabriques ; mais ayant négligé cette fonction, les magistrats en prirent connaissance, suivant ce qui est dit dans une ordonnance de Charles V. du mois d'Octobre 1385.

Le concîle de Trente et plusieurs conciles provinciaux de France, veulent que ces comptes soient rendus tous les ans devant l'évêque.

Charles IX. par des lettres patentes du 3 Octobre 1571, en attribua la connaissance aux évêques, archidiacres et officiaux dans leurs visites, sans frais, avec défense à tous autres juges d'en connaître ; mais cela ne fut pas bien exécuté, et il y a eu bien des variations à ce sujet.

Henri III. par un édit de Juillet 1578, attribua la connaissance de ces comptes aux élus. Le 11 Mai 1582, le clergé obtint des lettres portant révocation de cet édit, et que les comptes se rendraient comme avant l'édit de 1578. Le pouvoir des élus fut rétabli par un édit de Mars 1587 ; mais il ne fut pas registré au parlement, et le clergé en obtint encore la révocation. Les élus furent encore rétablis dans cette fonction par édit de Mai 1605.

Le 16 Mai 1609, le clergé obtint des lettres conformes à celles de 1571 ; elles furent vérifiées au parlement, à la charge que les procureurs fiscaux seraient appelés à l'audition des comptes.

Ces lettres furent confirmées par d'autres du 4 Septembre 1619, registrées au grand-conseil, et par deux déclarations de 1657 et 1666, mais qui n'ont été registrées en aucune cour.

L'édit de 1695, qui forme le dernier état sur cette matière, ordonne, art. 17, que ces comptes seront rendus aux évêques et à leurs archidiacres ; mais ils doivent en connaître eux-mêmes, et non par leurs officiaux.

Pour ce qui est des jugements rendus sur les comptes des fabriques, ils sont exécutoires par provision, suivant les lettres patentes de 1571, et celles de 1619.

Les biens des fabriques ne peuvent être aliénés sans nécessité, et sans y observer les formalités nécessaires pour l'aliénation des biens d'église.

Le concîle de Rouen, en 1581, défend sous de grieves peines de les aliéner que par autorité de l'ordinaire, et de les employer autrement qu'à leur destination.

On ne peut même faire les baux des biens des fabriques sans publication, et l'on ne peut les faire par anticipation, ni pour plus de six ans.

La déclaration du 12 Février 1661, veut que les églises et fabriques du royaume rentrent de plein droit et de fait, sans aucune formalité de justice, dans tous les biens, terres et domaines qui leur appartiennent, et qui depuis 20 ans avaient été vendus ou engagés par les marguilliers sans permission, et sans avoir gardé les autres formalités nécessaires.

Dans les assemblées de fabrique, le curé précède les marguilliers ; mais ceux-ci précèdent les officiers du bailliage, lesquels n'y assistent que comme principaux habitants. Voyez MARGUILLIER et REPARATIONS. (A)

FABRIQUE, s. f. (Architecture) manière de construire quelqu'ouvrage, mais il ne se dit guère qu'en parlant d'un édifice. Ce mot vient du latin fabrica, qui signifie proprement forge. Il désigne en Italie tout bâtiment considérable : il signifie aussi en français la manière de construire, ou une belle construction ; ainsi on dit que l'observatoire, le pont-royal à Paris, etc. sont d'une belle fabrique. (P)

FABRIQUE DES VAISSEAUX, (Marine) se dit de la manière dont un vaisseau est construit, propre à chaque nation ; de sorte qu'on dit un vaisseau de fabrique hollandaise, de fabrique anglaise, etc. (Z)

FABRIQUE signifie, dans le langage de la Peinture, tous les bâtiments dont cet art offre la représentation : ce mot réunit donc par sa signification, les palais ainsi que les cabanes. Le temps qui exerce également ses droits sur ces différents édifices, ne les rend que plus favorables à la Peinture ; et les débris qu'il occasionne sont aux yeux des Peintres des accidents si séduisans, qu'une classe d'artistes s'est de tout temps consacrée à peindre des ruines. Il s'est aussi toujours trouvé des amateurs qui ont senti du penchant pour ce genre de tableaux. Lorsqu'il est bien traité, indépendamment de l'imitation de la nature, il donne à penser : est-il rien de si séduisant pour l'esprit ? Un palais construit dans un goût sage, où les parties conviennent si bien qu'il en résulte un tout parfait, ce palais si bien conservé que rien n'en est altéré, nous plaira sans-doute ; mais nous apercevons presqu'en un même instant ces beautés symétriques, il ne nous laisse rien à désirer. Est-il à moitié renversé, les parties qui subsistent nous présentent des perfections qui nous font penser à celles qui sont déjà détruites. Nous les rebâtissons, pour ainsi dire, nous cherchons à en concevoir l'effet général. Nous nous trouvons attachés par plusieurs motifs de réflexion ; jusqu'à la variété que des plantes crues au hasard, ajoutent aux couleurs dont les pierres se trouvent nuancées par les influences de l'air, tout attache les regards et l'attention.

Indépendamment de cette classe d'artistes qui choisit pour principal sujet de ses ouvrages des édifices à moitié détruits, tous les Peintres ont droit de faire entrer des fabriques dans la composition de leurs tableaux, et souvent les fonds des sujets historiques peuvent ou doivent en être enrichis. Sur cette partie les règles se réduisent à quelques principes généraux, dont l'intelligence et le goût des Artistes doivent faire une application convenable. Celui qui me parait de la plus grande importance, est l'obligation d'avoir une connaissance approfondie des règles de l'Architecture : l'habitude réitérée de former des plans géométraux, et d'élever ensuite sur ces plans les représentations perspectives de différents édifices, est une des sources principales de la vérité et de la richesse de la composition. Il résulte de cette habitude éclairée, que les édifices dont une partie intérieure est souvent le lieu choisi d'une scène pittoresque, s'offrent aux spectateurs dans la juste apparence qu'ils doivent avoir. Combien de ces péristiles, de ces salons, de ces temples, vains fantômes de solidité et de magnificence, s'évanouiraient avec la réputation des artistes, si d'après leurs tableaux on en faisait l'examen en les réduisant à leurs plans géométraux ? Combien d'effets de perspectives trouverions-nous ridicules et faux, si on les soumettait à cette épreuve ? L'exécution sévère des règles, je ne puis trop le répeter, est le soutien des Beaux-arts, comme les licences en sont la ruine. Dans celui de la Peinture, la perspective linéale est un des plus fermes appuis de l'illusion qu'elle produit : cette perspective donne les règles des rapports des objets ; et puisque nous ne jugeons des objets réels que par les rapports qu'ils ont entr'eux, comment espere-t-on tromper les regards, si l'on n'imite précisément ces rapports de proportions par lesquels nos sens perçoivent et nous excitent à juger ? Les grands peintres ont étudié avec soin l'Architecture indépendamment de la Perspective, et ils ont trouvé dans cette étude les moyens de rendre leurs compositions variées, riches et vraisemblables. Il serait à souhaiter que les Architectes pussent s'enrichir aussi des connaissances et du goût qu'inspire l'art de la Peinture, en le pratiquant ; ils y puiseraient à leur tour des beautés et des grâces qu'on voit souvent manquer dans l'exécution de leur composition. Les Arts ne doivent-ils pas briller d'un plus vif éclat, lorsqu'ils réunissent leurs lumières ? Voyez PERSPECTIVE, RUINES, etc. Cet article est de M. WATELET.