S. f. (Littérature) en grec et en latin mitra, sorte de coiffure particulière aux dames romaines. Ce que le chapeau était aux hommes, la mitre l'était aux femmes. Elle était plus coupée que la mitre moderne que nous connaissons, mais elle avait comme elle ces deux pendants que les femmes ramenaient sous les joues. Servius, sur ce vers de Virgile, où Hiarbas reproche à Enée ses vêtements efféminés,

Moenia mentum mitrâ, crinemque madentem

Sub nexus,

ajoute, mitrâ lydiâ ; nam utebantur et Phryges et Lydii mitrâ, hoc est incurvo pileo, de quo pendebat etiam buccarum tegimen. Cet ornement dégénéra peu-à-peu ; peut-être avait-il l'air de coiffure trop négligée. Les femmes qui avaient quelque pudeur n'osèrent plus en porter, de sorte que la mitre devint le partage des libertines. Juvénal s'en expliquait ainsi, lorsqu'il reprochait aux Romains le langage et les modes des Grecs, qu'ils tenaient eux-mêmes des Assyriens :

Ite quibus est picta lupa barbara mitrâ.

Il faut admirer ici le caprice du gout, et celui de la bizarrerie de la mode, qui fait servir à nos cérémonies les plus augustes la même chose qu'elle employait à l'appareil de la galanterie, et met sur la tête des plus respectables ministres du Seigneur les mêmes ornements à-peu-près dont se paraient les courtisannes. (Voyez l'article suivant.) Ainsi, par un exemple de mode tout opposé à celui-ci, le voîle qui d'abord n'avait été d'usage que dans les fonctions du temple, devint une espèce de coèffe sous laquelle les dames romaines ramassaient leurs cheveux bien frisés et bien ajustés. Les progrès du luxe produisirent cet effet, changèrent la destination du voile, et firent servir à la vanité ce qui n'avait été qu'un ornement de cérémonies et de sacrifices.

Un chanoine régulier de sainte Geneviéve, Claude du Molinet, a fait une dissertation sur la mitre des anciens, où il a recueilli bien des choses curieuses ; le lecteur peut le consulter. (D.J.)

MITRE, en latin mitra, (Histoire ecclésiastique) sorte d'ornement de tête dont les évêques se servent dans les cérémonies. Elle est de drap d'or ou d'argent, accompagnée de deux languettes de même étoffe, qui pendent d'environ un demi-pié sur les épaules, et qui, à ce qu'on croit, représentent les rubans dont on se servait autrefois pour l'affermir en les nouant sous le menton, et elle forme à son sommet deux pointes, l'une par-devant, l'autre par-derrière, surmontées chacune par un bouton.

Dans un ancien pontifical de Cambrai, où l'on entre dans le détail de tous les ornements pontificaux, il n'est point fait mention de la mitre, non-plus que dans les anciens pontificaux manuscrits, ni dans Amalaire, dans Raban, dans Alcuin, ni dans les autres anciens auteurs qui ont traité des rits ecclésiastiques. C'est peut-être ce qui a fait dire à Onuphre, dans son Explication des termes obscurs, à la fin de ses vies des papes, que l'usage des mitres dans l'église romaine ne remontait pas au-delà de 600 ans. C'est aussi le sentiment du père Hugues Menard, dans ses Notes sur le sacramentaire de saint Grégoire, où il répond aux opinions contraires. Mais le père Martenne, dans son Traité des anciens rits de l'église, dit qu'il est constant que l'usage de la mitre a été suivi dans les évêques de Jérusalem, successeurs de saint Jacques ; comme cela est marqué expressément dans une lettre de Théodose, patriarche de Jérusalem, à saint Ignace, patriarche de Constantinople, qui fut produite dans le huitième concîle général. " Il est certain aussi, ajoute le même auteur, que l'usage des mitres a eu lieu dans l'église d'occident longtemps avant l'an 1000, comme il est aisé de le prouver par l'ancienne figure de saint Pierre, qui est au-devant de la porte du monastère de Corbie et qui a plus de mille ans, et par les anciens portraits des papes que les Bollandistes ont rapporté dans leur vaste recueil ". Théodulphe, évêque d'Orléans, fait aussi mention de la mitre dans une de ses poésies, où il dit en parlant d'un évêque :

Illius ergò caput resplendents MITRA tegebat.

Le père Martenne ajoute que, pour concilier les différents sentiments sur cette matière, il faut dire que l'usage des mitres a toujours été dans l'Eglise, mais qu'autrefois tous les évêques ne la portaient pas, s'ils n'avaient un privilège particulier du pape à cet égard. Dans la cathédrale d'Acqs, on voit en effet sur la couverture d'un tombeau un évêque représenté avec sa crosse sans mitre. Le père Mabillon et plusieurs autres auteurs prouvent la même chose pour l'église d'occident et pour les évêques d'orient excepté les patriarches. Le père Goar et le cardinal Bona en disent autant pour les Grecs modernes.

En occident, quoique l'usage de la mitre ne fût pas commun aux évêques mêmes, on vint ensuite à l'accorder non-seulement aux évêques et aux cardinaux, mais encore aux abbés. Le pape Alexandre II. l'accorda à l'abbé de Cantorberi et à d'autres. Urbain II. à ceux du mont Cassin et de Cluni. Les chanoines de l'église de Besançon portent le rochet comme les évêques, et la mitre lorsqu'ils officient. Le célébrant et les chantres portent aussi la mitre dans l'église de Mâcon ; la même chose est pratiquée par le prieur et le chantre de Notre Dame de Loches et par plusieurs autres. Il y a beaucoup d'abbés soit réguliers soit séculiers en Europe, qui ont droit de mitre et de crosse. La forme de cet ornement n'a pas toujours été, et n'est pas encore partout la même, comme le montre le père Martenne tant dans son ouvrage que nous avons cité, que dans son ouvrage littéraire. Celles qui sont représentées sur un tombeau d'évêques à saint Remi de Rheims, ressemblent plutôt à une coèffe qu'à une mitre. La couronne du roi Dagobert sert de mitre aux abbés de Munster. Moréri.

MITRE, en Architecture, c'est un terme d'ouvrier, pour marquer un angle qui est précisément de 45 degrés, ou la moitié d'un droit.

Si l'angle est le quart d'un droit, ils l'appellent demi-mitre. Voyez ANGLE. Ils ont pour décrire ces angles un instrument qu'ils nomment espèce de mitre, avec lequel ils tirent des lignes de mitres sur les quartiers ou battants ; &, pour aller plus vite, ils ont ce qu'ils appellent une boite de mitre. Elle est composée de quatre pièces de bois, chacune d'un pouce d'épaisseur, clouées à plomb l'une sur le bord de l'autre. Sur la pièce supérieure sont tracées les lignes de mitre des deux côtés, et on y pratique outre cela une coche pour diriger la scie, de façon qu'elle puisse couper proprement les membres de la mitre, en mettant seulement la pièce de bois dans cette boite. Voyez BEUVEAU.

On appelle aussi mitre une seconde fermeture de cheminée, qui se pose après coup pour en diminuer l'ouverture, et empêcher qu'il ne fume dans les appartements.