exordium, s. m. (Belles Lettres) première partie du discours, qui sert à préparer l'auditoire et à l'instruire de l'état de la question, ou du moins à la lui faire envisager en général.

Ce mot est formé du latin ordiri, commencer, par une métaphore tirée des Tisserands, dont on dit, ordiri telam, c'est-à-dire commencer la toîle en la mettant sur le métier, et disposant la chaîne de manière à pouvoir la travailler.

L'exorde dans l'art oratoire, est ce qu'on nomme dans une pièce de théâtre prologue, en musique prélude, et dans un traité dialectique préface, avant-propos, en latin proemium.

Cicéron définit l'exorde une partie du discours, dans laquelle on prépare doucement l'esprit des auditeurs aux choses qu'on doit leur annoncer par la suite. L'exorde est une partie importante, qui demande à être travaillée avec un extrême soin : aussi les orateurs l'appelent-ils difficillima pars orationis.

On distingue deux sortes d'exordes ; l'un modéré, où l'orateur prend, pour ainsi dire, son tour de loin ; l'autre véhément, où il entre brusquement et tout-à-coup en matière : dans le premier on prépare et l'on conduit les auditeurs par degrés, et comme insensiblement, aux choses qu'on Ve leur proposer ; dans le second l'orateur étonne son auditoire, en paraissant lui-même transporté de quelque passion subite. Tel est ce début d'Isaïe, imité par Racine dans Athalie :

Cieux, écoutez ; terre, prête l'oreille.

ou celui-ci de Cicéron contre Catilina :

Quousque tandem abuter, Catilina, patientiâ nostrâ ?

Les exordes brusques sont plus convenables dans les cas d'une joie, d'une indignation extraordinaires, ou de quelqu'autre passion extrêmement vive : hors de-là, ils seraient déplacés : cependant nous avons des exemples de panégyriques d'orateurs fameux, qui entrent en matière dès la première phrase, et pour ainsi dire, dès le premier mot, sans qu'aucune passion l'exige : tel est celui de Gorgias, qui commence son éloge de la ville et du peuple d'Elis par ces mots : Elis, beata civitas : et celui de saint Grégoire de Nazianze, à la louange de saint Athanase : Athanasium laudants virtutem laudabo. Les exordes brusques et précipités étaient plus conformes au goût et aux mœurs des Grecs qu'au goût et aux mœurs des Romains.

Les qualités de l'exorde sont, 1°. la convenance, c'est-à-dire le rapport et la liaison qu'il doit avoir avec le reste du discours, auquel il doit être comme la partie est au tout, en sorte qu'il n'en puisse être détaché ni adapté dans une occasion différente, et peut-être contraire. Les anciens orateurs paraissent avoir été peu scrupuleux sur cette règle ; quelquefois leurs exordes n'ont rien de commun avec le reste du discours, si ce n'est qu'ils sont placés à la tête de leurs harangues.

2°. La modestie ou une pudeur ingénue, qui intéresse merveilleusement les auditeurs en faveur de l'orateur, et lui attire leur bienveillance. C'est ce que Cicéron loue le plus dans l'orateur Crassus : fuit enim in L. Crasso pudor quidam, qui non modo non obesset ejus orationi, sed etiam probitatis commendatione prodesset ; et il raconte de lui-même, qu'au commencement de ses harangues, un trouble involontaire agitait son esprit, et qu'un tremblement universel s'emparait de ses membres. Un air simple et naturel porte un caractère de candeur, qui fraie le chemin à la persuasion.

3°. La briéveté, c'est-à-dire qu'un exorde ne doit point être trop étendu, et encore moins chargé de détails inutiles ; ce n'est pas le lieu d'approfondir la matière, ni de se livrer à l'amplification : il ne doit pas non plus être tiré de trop loin, tels que ceux de ces deux plaidoyers burlesques de la comédie des plaideurs, où les prétendus avocats remontent jusqu'au cahos, à la naissance du monde, et à la fondation des empires, pour parler du vol d'un chapon.

4°. Enfin le style doit en être périodique, noble, grave, mesuré ; c'est la partie du discours qui demande à être la plus travaillée, parce qu'étant écoutée la première, elle est aussi plus exposée à la critique. Aussi Cicéron a-t-il dit : vestibula aditusque ad causam facias illustres.

L'exorde est regardé par tous les Rhéteurs, comme une partie essentielle du discours ; cependant autrefois devant l'aréopage, on parlait sans exorde, sans mouvements, sans péroraison, selon Julius Pollux ; mais il faut se souvenir que le tribunal de l'aréopage, si respectable d'ailleurs, n'était pas un juge sans appel sur le bon goût et sur les règles de l'éloquence. Voyez AREOPAGE. (G)