S. f. terme d'Architecture, en latin fenêtra, formé du grec , reluire ; ce qui a fait jusqu'à présent regarder comme synonymes les noms de croisée et de fenêtre : néanmoins celui de croisée est plus universellement reçu, soit parce qu'anciennement on partageait leur hauteur et leur largeur par des montants et des traverses de pierre ou de maçonnerie en forme de croix, ainsi qu'il s'en remarque encore à quelques-unes du palais du Luxembourg, ou soit parce qu'à-présent les châssis de menuiserie qui remplissent les baies, sont formés de croisillons assemblés dans des bâtis ; de manière qu'on appelle indistinctement croisée, non-seulement le châssis à verre, mais aussi l'ouverture qui le contient.

Les croisées sont une des parties de la décoration la plus intéressante ; leur multitude, leurs proportions, leurs formes et leurs richesses dépendant absolument de la convenance du bâtiment, on ne peut trop insister sur ces quatre manières de considérer les croisées dans l'ordonnance d'un édifice : car comme elles se réitèrent à l'infini dans les façades, c'est multiplier les erreurs que de négliger aucune des observations dont on Ve parler.

La trop grande quantité d'ouvertures dans un bâtiment, nuit à la décoration des dehors ; cependant cet abus gagne au point qu'on néglige l'ordonnance des façades pour rendre, disent quelques-uns, les dedans commodes et agréables. Il est vrai que les anciens Architectes sont tombés dans un excès opposé ; mais est-il impossible de concilier ces deux systèmes ? La mode devrait-elle s'introduire jusques dans les bâtiments ? quel contraste de voir dans une ville où règne une température réglée, un sentiment si opposé d'un siècle à l'autre, concernant la multiplicité des croisées dans les édifices toujours également destinés à l'habitation des hommes ! Cette vicissitude provient sans-doute de ce que la plupart des Architectes ont regardé les beautés de leur art comme arbitraires, d'où est née l'inégalité de leurs productions. Pour prévenir cet abus il est un moyen certain, qui consiste à concilier le rapport des pleins avec les vides d'un mur de face. Or comme la largeur des croisées dépend de leur hauteur, et que l'une et l'autre sont assujetties à la grandeur et à la convenance du bâtiment, ne doit-il pas s'ensuivre que les murs ou trumeaux (voyez TRUMEAU) qui les séparent, doivent avoir de l'analogie avec leur baie ? de sorte que si les croisées doivent être plus ou moins élégantes, selon l'expression du bâtiment (voyez EXPRESSION), ainsi qu'il en Ve être parlé, les trumeaux doivent aussi se ressentir de cette même expression ; d'où il faut conclure que les trumeaux d'une façade considérée de proportion toscane, doivent être plus larges que ceux distribués dans une façade dans laquelle on a voulu faire présider la légèreté attribuée à l'ordre corinthien. Les trumeaux de l'ordonnance toscane seront donc au moins égaux au vide ; les corinthiens et composites, au moins égaux à la moitié : et les trumeaux des autres ordonnances entre ces deux extrêmes, à l'exception des encoignures des avant-cours et des pavillons du bâtiment, qu'il faut toujours, autant qu'il est possible, tenir de la moitié plus larges, afin de donner aux parties anguleuses une solidité réelle et apparente, mais toujours proportionnée à la décoration rustique, solide, moyenne ou délicate qui présidera dans les dehors.

La proportion des croisées consiste à leur donner une largeur relative à leur hauteur, selon la solidité ou l'élégance de la décoration du bâtiment. Plusieurs craient qu'il suffit de leur donner de hauteur le double de la largeur. Il serait vicieux sans-doute de leur en donner moins ; mais il faut savoir que cette règle générale ne peut être propre à toutes les ordonnances ; et que ces parties si essentielles à un édifice, doivent avoir dans leurs dimensions des proportions plus ou moins élégantes, qui répondent à la diversité des ordres que l'on peut employer ensemble ou séparément dans les bâtiments : en sorte que la hauteur d'une croisée d'ordonnance toscane, puisse être réduite au plus à deux fois la largeur ; celle dorique à deux fois un quart ; celle ionique à deux fois un quart ; et celles corinthienne et composite, à deux fois et demie ; et diminuer ces différentes hauteurs à raison de la simplicité qu'on aura cru devoir affecter dans ces diverses ordonnances, c'est-à-dire selon qu'on aura fait parade de colonnes ou de pilastres dans sa décoration, que ces pilastres ou colonnes y seront traités avec une plus ou moins grande richesse ; ou enfin selon qu'on les en aura soustraits tout à fait pour n'en retenir dans sa décoration que l'expression, le caractère et la proportion.

La forme des croisées est encore une chose sur laquelle il est indispensable de réfléchir dans la décoration des bâtiments ; et quoique nous n'en reconnaissions que de trois espèces, les droites, les plein-ceintres et les bombées (les surbaissées étant absolument à rejetter), il n'en est pas moins vrai qu'il n'y a que les bombées et les droites, nommées à plates-bandes, dont il faut faire usage ; autrement, lorsqu'on les fait à plein-ceintre, elles imitent la forme des portes ; et c'est une licence condamnable en Architecture, de donner à ces ouvertures une forme commune, lorsque ces deux genres d'ouvertures doivent s'annoncer différemment, malgré l'exemple de plusieurs édifices de réputation, où l'on voit des fenêtres à plates-bandes ou bombées : preuve incontestable du peu de réflexion qu'on a eue, d'assigner à chaque partie du bâtiment, des formes qui désignent d'une manière stable et constante leurs divers usages. De cette imitation résulte le désordre de la décoration, qu'on remarque dans les façades. Celui-ci imite ce qu'il a Ve faire à celui-là. La plupart n'ont aucun principe. On fait un dessein, il plait au vulgaire : enfin on passe à l'exécution, sans s'apercevoir que, plus ignorant encore que ceux qui ont précédé, on laisse à la postérité les témoignages honteux de son incapacité ; sans réfléchir qu'aujourd'hui le mérite principal de l'Architecture ne consiste, pour ainsi dire, que dans l'arrangement et l'application raisonnée des préceptes des anciens, et dans la manière ingénieuse de les ajuster aux usages de ce temps, selon les lois de la convenance et les principes du gout.

Par la richesse des croisées on entend les crossettes, et les chambranles (voyez CHAMBRANLE) qui les entourent ; les arriere-corps qui les accompagnent, les corniches, les frontons, les consoles, les claveaux ou agraffes qui les couronnent. Mais l'assemblage de tous ces membres divers, dont on mesuse le plus souvent, devrait être réprimé, et n'être employé absolument que relativement à l'importance du bâtiment ; car il faut savoir en général qu'un chambranle d'un beau profil, qu'une agrafe d'une forme et d'un galbe intéressant, une table, un arriere-corps, devraient faire tous les frais de leur décoration ; rien n'étant plus abusif que de prétendre qu'une croisée ne peut être belle, qu'autant qu'elle est surchargée de membres d'Architecture et d'ornements, souvent aussi peu vraisemblables que contraires aux règles de la convenance. Voyez AGRAFE, CLAVEAU, FRONTON, CROSSETTE, etc.

Il est des croisées qu'on nomme attiques, parce qu'elles tiennent de la proportion de cet ordre raccourci (voyez ATTIQUE). Il en est aussi qu'on nomme mezanines, de l'italien mezanini, parce qu'elles ont moins de hauteur que de largeur, ainsi qu'il se remarque aux façades du palais des Tuileries.

Il est encore des croisées appelées atticurgues par Vitruve, parce qu'elles sont moins larges dans leur sommet que dans leur base ; genre d'ouverture qu'ont employé fréquemment les anciens dans leurs portes et croisées, parce qu'ils prétendaient qu'elles étaient plus solides que celles dont les piédroits sont parallèles. Néanmoins cette prétendue raison de solidité n'a pas lieu en France, les obliquittés dans l'Architecture régulière étant reconnues comme une licence défectueuse. On donne encore différents noms aux croisées, selon leurs diverses applications dans les bâtiments. Par exemple on appelle croisée à balcon, celle qui descend jusqu'au niveau du plancher ; croisées à banquettes, lorsqu'elles ont un appui de pierre de quatorze pouces, et le reste en fer ; enfin croisée en tour ronde, en tour creuse, biaise, etc. selon la forme du plan qui les reçoit. (P)

CROISEE D'OGIVES, sont les arcs ou nervures qui prennent naissance des branches d'ogives, et qui se croisent diagonalement dans les voutes gothiques. (P)

CROISEE ou CROSSE D'UN ANCRE, (Marine) est sa partie courbe qui s'enfonce dans la mer. Voyez ANCRE.

CROISEES D'EAU, voyez BERCEAUX D'EAU.

* CROISEE, (Couverturier) espèce de petite croix de bois qui porte les bosses de chardon propre à lainer les couvertures. Voyez COUVERTURE.

CROISEE, en terme d'Epinglier ; c'est une croix de fer dans chaque bras de laquelle passe un fil de laiton qu'on recraise sur les plaques, pour les scier ensemble dans le blanchissage. Voyez PLAQUER et BLANCHIR, et la Pl. de l'Epinglier, fig. 14.

CROISEE, terme dont se servent les Horlogers. Ce mot parmi eux n'a pas une signification trop déterminée ; tantôt ils entendent par croisées, les espaces vides compris entre les barettes d'une roue, son bord et son centre, comme l'espace 5 c de la roue de champ, fig. 26. tantôt ils entendent par ce mot, la figure de ces espaces vides, lorsque les barrettes, au lieu d'être terminées par des lignes droites, le sont par des lignes courbes, telles que celles des roues de la pendule à ressort. Pl. III. de l'Horlog. (T)

CROISEE, (Menuiserie) est ce qui ferme les baies des fenêtres des appartements, et ce qui porte les vitres. Voyez la Pl. IV. de Menuiserie, fig. 1.

Devant de croisée, dessous d'appui, soubassement de croisée, est la partie de lambris qui remplit depuis la croisée jusques sur le parquet ou quarreau.

CROISEE, en terme d'Orfèvre en grosserie ; ce sont les trois branches d'une croix assemblée, aux extrémités desquelles ont met des fleurons, fleurs-de-lys ou autres ornements, pour les terminer avec grâce.