Imprimer
Catégorie parente: Beaux-arts
Catégorie : Art
S. f. (Arts) en latin atramentum scriptorium, liqueur noire composée d'ordinaire de vitriol romain et de noix de galle concassées, le tout macéré, infusé, et cuit dans suffisante quantité d'eau, avec un peu d'alun de roche ou de gomme arabique, pour donner à la liqueur plus de consistance.

Entre tant de recettes d'encre à écrire, nous nous contenterons d'indiquer celles de MM. Lémery et Geoffroy ; le lecteur choisira, ou même les perfectionnera.

Prenez, dit M. Lémery, eau de pluie, six livres ; noix de galle concassées, seize onces. Faites-les bouillir à petit feu dans cette eau jusqu'à réduction des deux tiers, ce qui formera une forte décoction jaunâtre, dans laquelle les noix de galle ne surnageront plus ; jetez-y gomme arabique pulvérisée, deux onces, que vous aurez fait dissoudre auparavant dans du vinaigre en quantité suffisante. Mettez ensuite dans la décoction, couperose ou vitriol romain, huit onces ; donnez encore à votre décoction, devenue noire, quelques legers bouillons ; laissez-la reposer. Enfin versez-la doucement et par inclination dans un autre vaisseau pour votre usage.

Prenez, dit M. Geoffroy, eau de rivière, quatre livres ; vin blanc, deux livres ; noix de galle d'Alep pilées, six onces. Macérez pendant vingt-quatre heures, en remuant de temps en temps votre infusion. Faites-la bouillir ensuite pendant une demi-heure, en l'écumant avec un petit bâton fourchu, élargi par le bas ; retirez le vaisseau du feu. Ajoutez à votre décoction, gomme arabique, deux onces ; vitriol romain, huit onces ; alun de roche, trois onces. Digérez de nouveau pendant vingt-quatre heures ; donnez-y maintenant quelques bouillons : enfin passez la décoction refroidie au travers d'un linge.

On fait même de l'encre sur le champ, ou du moins une liqueur noire, par le mélange du vitriol verd avec la teinture de noix de galle. Cette couleur noire vient de la prompte revivification du fer contenu dans ce vitriol ; et cela est si vrai, que la noix de galle sans vitriol, mais seulement jointe avec de la limaille de fer, donne une pareille teinture, dès qu'elle a eu le temps de diviser ce fer qui est en limaille. Ainsi le vitriol dont on fait l'encre, est du fer dissous par un acide avec lequel il est intimement mêlé ; la noix de galle est un alkali qui s'unit avec les acides, et leur fait lâcher le fer qui reparait dans sa noirceur naturelle. Voila la mécanique de l'encre ; aussi des quatre espèces de vitriol, celui qu'on appelle vitriol de Chypre ou de Hongrie, est le seul qui ne fasse point d'encre, parce que c'est le seul dont la base soit de cuivre, au lieu que dans les autres c'est du fer.

Si, après que l'encre est faite, on y jette quelques gouttes d'esprit de vitriol, la couleur noire disparait, parce que le fer se réunit au nouvel acide, et redevient vitriol ; par la même raison les acides effacent les taches d'encre. C'est avec les végétaux tels que le sumac, les roses, les glands, etc. que se fait l'encre commune. Article de M(D.J.)

ENCRE NOIRE à l'usage de l'Imprimerie. Celle dont on se sert pour l'impression des livres, est un mélange d'huîle et de noir ; on convertit cette huîle en vernis par la cuisson : le noir se tire de la poix-résine ; on retient artistement toutes les parties qu'exhale la fumée de cette sorte de poix quand on vient à la bruler dans une bâtisse faite exprès, nommée dans la profession sac à noir : on le décrira dans la suite de cet article.

Le vaisseau dans lequel l'on veut faire le vernis d'Imprimerie, peut être de fer, de fonte ou de cuivre ; de ce dernier métal il est fait assez ordinairement en forme de poire, et on le nomme ainsi : les autres sont tout simplement de la figure et forme d'une chaudière ordinaire. De quelque matière que soit le vaisseau, et quelque forme qu'on lui suppose, il doit avoir un couvercle de cuivre, avec lequel on puisse à volonté le boucher très-exactement. Le corps de ce vaisseau doit être armé vers le milieu de deux anneaux de fer, un peu plus hauts que le niveau du couvercle qui a aussi le sien : ces anneaux servent à passer un ou deux bâtons, au moyen desquels un homme à chaque bout peut sans risquer, porter et transporter ce vaisseau, lorsqu'on veut le retirer de dessus le feu, ou l'y remettre.

Pour se précautionner contre tous les accidents qui peuvent arriver, il est de la prudence, pour faire ce vernis, de choisir un lieu spacieux, tel qu'un jardin, et même d'éviter le voisinage d'un bâtiment.

Si, comme je le suppose, on veut faire cent livres de vernis, réduction faite ; mettez dans votre poire ou chaudière cent dix à cent douze livres d'huîle de noix ; observez que cette quantité, ou que celle que peut contenir votre vaisseau, ne le remplisse qu'aux deux tiers au plus, afin de donner de l'aisance à l'huile, qui s'élève à mesure qu'elle s'échauffe.

Votre vaisseau en cet état, bouchez-le très exactement, et le portez sur un feu clair que vous entretiendrez l'espace de deux heures. Ce premier temps donné à la cuisson, si l'huîle est enflammée, comme cela doit arriver, en ôtant votre poire de dessus le feu, chargez le couvercle de plusieurs morceaux de vieux linge ou étoffes imbibées d'eau. Laissez bruler quelque temps votre huile, à laquelle il faut procurer ce degré de chaleur, quand elle ne le prend pas par elle-même, mais avec ménagement et à différentes fais. Ce feu ralenti, découvrez votre vaisseau avec précaution, et remuez beaucoup votre huîle avec la cuillier de fer : ce remuage ne peut être trop répété, c'est de lui d'où dépend en très-grande partie la bonne cuisson. Ces choses faites, remettez votre vaisseau sur un feu moins vif ; et dès l'instant que votre huîle reprendra chaleur, jetez dans cette quantité d'huîle une livre pesant de croutes de pain seches et une douzaine d'oignons, ces choses accélèrent le dégraissement de l'huîle ; puis recouvrez votre vaisseau, et le laissez bouillir à très-petit feu trois heures consécutives ou environ : dans cet espace de temps votre huîle doit parvenir à un degré parfait de cuisson. Pour le connaître et vous en assurer, vous trempez la cuillier de fer dans votre huile, et vous faites égoutter la quantité que vous avez puisée sur une ardoise ou une tuîle : si cette huîle refroidie est gluante, et fîle à peu-près comme ferait une faible glue, c'est une preuve évidente qu'elle est à son point, et dès-lors elle change son nom d'huîle en celui de vernis.

Le vernis ainsi fait, doit être transvasé dans des vaisseaux destinés à le conserver ; mais avant qu'il perde sa chaleur, il faut le passer à plusieurs reprises dans un linge de bonne qualité, ou dans une chausse faite exprès, afin qu'il soit net au point d'être parfaitement clarifié.

L'on doit avoir de deux sortes de vernis : l'un faible, pour le temps froid ; l'autre plus fort, pour le temps chaud. Cette précaution est d'autant plus indispensable, que souvent on se trouve obligé de modifier ou d'accroitre la quantité de l'un par celle de l'autre.

On peut faire le vernis faible au même feu que le vernis fort, mais dans un vaisseau séparé : on peut aussi employer, et c'est mon avis, pour ce vernis l'huîle de lin, parce qu'à la cuisson elle prend une couleur moins brune et moins chargée que celle de noix, ce qui la rend plus propre à l'encre rouge dont nous allons parler.

Le vernis faible, pour sa perfection, exige les mêmes soins et précautions que le vernis plus fait : toute la différence consiste à ne lui donner qu'un moindre degré de feu, mais ménagé de telle sorte néanmoins, qu'en lui faisant acquérir proportionnellement les bonnes qualités du vernis fort, il soit moins cuit, moins épais, et moins gluant que le fort.

Si l'on veut faire ce demi-vernis de la même huîle de noix dont on se sert pour le vernis fort, ce qui n'est qu'un petit inconvénient, lorsqu'il s'agit de l'employer pour faire l'encre rouge, ou s'épargner la peine de le faire séparément et de différente huîle ; il est tout simple de saisir l'occasion de la première cuisson de l'autre à l'instant qu'on lui reconnaitra les qualités requises, et d'en tirer la quantité désirée, et même de celle qui est sur le feu.

Les huiles de lin et de noix sont les seules propres à faire le bon vernis d'Imprimerie ; celle de noix mérite la préférence à tous égards : quant aux autres sortes, elles ne valent rien, parce qu'on ne peut les dégraisser parfaitement, et qu'elles font maculer l'impression en quelque temps qu'on la batte, ou qu'elle jaunit à mesure qu'elle vieillit.

Cependant dans quelques imprimeries on use de celle de navette et de chanvre, mais c'est pour imprimer des livres de la bibliothèque bleue : ce ménage est de si peu de conséquence, que l'on peut assurer que c'est employer de propos délibéré de mauvaise marchandise.

Il y a des imprimeurs qui croient qu'il est nécessaire de mettre de la terebenthine dans l'huîle pour la rendre plus forte, et afin qu'elle seche plutôt. Elle fait ces effets, mais il en résulte nombre d'inconvéniens. La première difficulté est de la faire cuire si précisément, qu'elle n'épaississe pas trop le vernis, ce qui est très-rare d'éviter : alors le vernis est si fort et si épais, qu'il effleure le papier sur la forme et la remplit en fort peu de temps : si la terebenthine est cuite à son point, elle forme une pâte assez liquide, mais remplie de petits grains durs et comme de sable qui ne se broyent jamais.

La terebenthine, ainsi que la litharge, dont quelques-uns usent, et font un secret précieux, ont encore le défaut de s'attacher si fort au caractère, qu'il est presque impossible de bien laver les formes, quelque chaude que soit la lessive ; d'ailleurs elles sechent et durcissent si promptement, qu'outre qu'elles nuisent à la distribution des lettres, tant elles sont collées les unes contre les autres, elles en remplissent encore l'oeil au point qu'il n'y a plus d'espérance de le vider, ce qui met un caractère qui a peu servi, dans l'état fâcheux d'être remis à la fonte.

Dans le cas où par défaut de précaution l'on emploierait pour faire du vernis, de l'huîle très-nouvellement faite, la terebenthine est d'un usage forcé, parce qu'alors il est inévitable que l'impression ne macule pas ; dans cette conjoncture on peut mettre la dixième partie de terebenthine, que l'on fera cuire séparément, dans le même temps, en lieu pareil que le vernis et avec les mêmes précautions. On la fera bouillir deux heures environ : pour reconnaître son degré de cuisson, on y trempe un morceau de papier ; et s'il se brise net comme la poussière, sans qu'il reste rien d'attaché dessus ce papier en le frottant si-tôt qu'il sera sec, la terebenthine est assez cuite. Votre vernis hors de dessus le feu, vous versez dans le même vaisseau cette terebenthine en remuant beaucoup avec votre cuillier de fer, ensuite on remet le tout sur le feu l'espace d'une demi-heure au plus sans cesser de remuer, afin que le vernis se mélange avec la terebenthine. Le moyen de se dispenser de l'usage de la terebenthine et de la litharge, et de se garantir des inconvénients qu'elles produisent, c'est de n'employer que de l'huîle très-vieille.

Le sac à noir est construit de quatre petits soliveaux de trois ou quatre pouces d'équarrissage et de sept à huit pieds de hauteur, soutenus de chaque côté par deux traverses ; ses dimensions en tout sens dépendent de la volonté de celui qui le fait construire ; le dessus est un plancher bien joint et bien fermé ; le fond ou rez-de-chaussée, pour plus grande sûreté et propreté, doit être ou pavé ou carrelé : vous réservez à cette espèce de petite chambre une porte basse pour entrer et sortir ; vous tapissez tout le dedans de cette chambre d'une toîle bonne, neuve, et serrée, le plus tendue qu'il est possible avec des clous mis à distance de deux pouces les uns des autres : cela fait, vous collez sur toute votre toîle du papier très-fort, et vous avez attention de calfeutrer les jours que vous apercevrez, afin que la fumée ne puisse sortir d'aucun endroit. Un sac à noir ainsi tapissé est suffisant, mais il est de plus de durée et bouche beaucoup plus exactement garni avec des peaux de mouton bien tendues.

C'est dans ce sac que se brule la poix-résine dont on veut tirer le noir de fumée : pour y parvenir, on prépare une quantité de poix-résine, en la faisant bouillir et fondre dans un ou plusieurs pots, suivant la quantité ; avant qu'elle soit refroidie, on y pique plusieurs cornets de papier ou des meches soufrées, on pose les pots avec ordre au milieu du sac, enfin on met le feu à ces meches, et on ferme exactement la petite porte en se retirant.

La poix-résine consommée, la fumée sera attachée à toutes les parties intérieures du sac à noir ; et quand le sac sera refroidi, vous irez couvrir les pots et refermer la porte ; puis frappant avec des baguettes sur toutes les faces extérieures, vous ferez tomber tout le noir de fumée, alors vous le ramassez et vous le mettez dans un vaisseau de terre ou autre. Comme il arrive qu'en le ramassant avec un balai il s'y mêle quelque ordure, vous avez la précaution de mettre au fond du vaisseau une quantité d'eau ; et quand elles sont précipitées, vous relevez votre noir avec une écumoire, ou au moyen de quelque autre précaution, pour le mettre dans un vaisseau propre à le conserver. Ce noir de fumée est sans contredit le meilleur que l'on puisse employer pour l'encre d'imprimerie, il en entre deux onces et demie sur chaque livre de vernis ; je suppose la livre de seize onces : cependant c'est à l'oeil à déterminer par la teinte de l'encre la quantité de noir.

Pour bien mêler le noir de fumée avec le vernis, il suffit d'être très-attentif en les mêlant ensemble, de les mêler à différentes reprises, et de les remuer à chaque fois beaucoup, et de façon que le tout forme une bouillie épaisse, qui produit une grande quantité de fils quand on la divise par parties.

Il est d'usage dans quelques Imprimeries de ne mêler le noir de fumée dans le vernis que sur l'encrier ; le coup d'oeil décide également de la quantité des deux choses. Je ne vois à la composition de cette encre aucun inconvénient, si ce n'est celui de craindre que l'on ne broye pas assez ce mélange, parce que cela demande du temps ; ou que l'encre ainsi faite par différentes mains, ne soit pas d'une teinte égale dans la même Imprimerie : d'où j'infère qu'il vaut mieux avoir son encre également préparée, sans se fier trop aux compagnons.

Encre rouge : on se sert de cette encre assez fréquemment, et presque indispensablement dans l'impression des breviaires, diurnaux, et autres livres d'église ; quelquefois pour les affiches des livres, et par élégance aux premières pages.

Pour l'encre rouge, le vernis moyen est le meilleur que l'on puisse employer ; il doit être fait d'huîle de lin en force et nouvelle, parce qu'elle ne noircit pas en cuisant comme celle de noix, et que ce vernis ne peut être trop clair. On supplée au noir de fumée le cinnabre ou vermillon bien sec et broyé le plus fin qu'il est possible. Vous mettez dans un encrier réservé à ce seul usage, une petite quantité de ce vernis, sur lequel vous jetez partie de vermillon ; vous remuez et écrasez le tout avec le broyon ; vous relevez avec la palette de l'encrier cette première partie d'encre au fond de l'encrier ; vous répétez cette manœuvre à plusieurs reprises, jusqu'à ce que vous ayez employé par supposition une livre de vernis et une demi-livre de vermillon. Plusieurs personnes mêlent dans cette première composition, trois ou quatre cuillerées ordinaires d'esprit-de-vin ou d'eau-de-vie, dans laquelle on a fait dissoudre vingt-quatre heures avant, un morceau de colle de poisson de la grosseur d'une noix. J'ai reconnu par expérience que ce mélange ne remplissant pas toutes les vues que l'on se proposait, il était plus certain d'ajouter pour la quantité donnée d'encre rouge, un gros et demi de carmin le plus beau ; il rectifie la couleur du vermillon, qui souvent n'est pas aussi parfaite qu'on la souhaiterait ; il ajoute à son éclat, et l'empêche de ternir : cela est plus dispendieux, je l'avoue, mais plus satisfaisant. Quand donc vous aurez ajouté ces choses, vous recommencerez de broyer votre encre de façon qu'elle ne soit ni trop forte, ni trop faible, l'encre rouge forte étant très-sujette à empâter l'oeil de la lettre. Si vous ne consommez pas, comme cela arrive, tout ce que vous avez fait d'encre rouge ; pour la conserver, relevez votre encrier par le bord, et remplissez-le d'eau que vous entretiendrez, afin que le vermillon ne seche pas, et ne se mette pas en petites écailles sur la surface du vernis, dont il se sépare par l'effet du hâle et de la sécheresse.

Quoiqu'on n'emploie ordinairement que les deux sortes d'encre dont nous venons de parler, on peut probablement en faire de différentes couleurs, en substituant au noir de fumée et au vermillon les ingrédiens nécessaires, et qui produisent les différentes couleurs. On pourrait, par exemple, faire de l'encre verte avec le verd-de-gris calciné et préparé ; de la bleue, avec du bleu de Prusse aussi préparé ; de la jaune, avec de l'orpin ; de la violette, avec de la laque fine calcinée et préparée, en broyant bien ces couleurs avec du vernis pareil à celui de notre encre rouge. La préparation du verd-de-gris, du bleu de Prusse, et de la laque fine, consiste à y mêler du blanc de céruse pour les rendre plus claires ; sans cela ces couleurs rendraient l'encre trop foncée. Cet article est de M. LE BRETON.

ENCRE DE LA CHINE, est une composition en pain ou en bâton, qui délayée avec de l'eau ou de la gomme arabique, et quelquefois un peu de bistre ou de sanguine, sert à tracer et laver les desseins.

Elle se prépare avec du sain-doux. Mettez en deux livres dans une terrine ; placez au milieu une meche allumée, couvrez le tout d'un plat vernissé, ne laissant que le moins d'ouverture qu'il sera possible entre la terrine et le plat. Lorsque vous aurez laissé bruler votre meche pendant un certain temps, ramassez le noir de fumée qui se sera formé au plat ; calcinez-le, ou le dégraissez.

ENCRE SYMPATHIQUE, (Physiq. Chim.) on appelle encres sympathiques, toutes liqueurs avec lesquelles on trace des caractères auxquels il n'y a qu'un moyen secret qui puisse donner une couleur autre que celle du papier. On les distribue de la manière suivante.

Faire passer une nouvelle liqueur, ou la vapeur d'une nouvelle liqueur sur l'écriture invisible. Exposer la première écriture à l'air, pour que les caractères se teignent. Passer légèrement sur l'écriture une matière colorée réduite en poudre subtile. Exposer l'écriture au feu.

Pour faire la première liqueur, prenez une once de litharge ou de minium plus ou moins, que vous mettrez dans un matras, versant dessus cinq ou six onces de vinaigre distillé ; faites digérer à froid pendant cinq ou six jours, ou sept ou huit heures au bain de sable ; le vinaigre dissoudra une partie de la litharge ou du minium, et s'en saoulera : après quoi vous filtrerez par le papier, et le garderez dans une bouteille. Cette dissolution est connue en Chimie sous le nom de vinaigre de Saturne.

Pour préparer la seconde liqueur, prenez une once d'orpiment en poudre, deux onces de chaux vive ; mettez-les ensemble dans un matras, ou tel autre vase de verre convenable ; versez par-dessus une chopine d'eau commune ; faites digérer le tout à une chaleur douce l'espace de sept ou huit heures, agitant de temps en temps le mélange, une partie de l'orpiment, et une partie de la chaux s'uniront et formeront avec l'eau une liqueur jaunâtre, connue dans l'art sous le nom de foie d'arsenic. Vous pouvez filtrer cette liqueur, ou bien la laisser clarifier d'elle-même par le repos, la décanter et l'enfermer dans une bouteille.

Si vous versez un peu de cette seconde liqueur sur une petite quantité de la première, ces deux liqueurs de claires et de limpides qu'elles étaient, se troubleront et deviendront d'un noir-brun foncé : c'est cette propriété du foie d'orpiment qui le rend propre à découvrir les vins lithargirés. Voyez VIN.

Mais ces deux liqueurs nous présentent un phénomène beaucoup plus surprenant. Prenez une plume neuve, écrivez avec la première liqueur sur du papier ; les caractères que vous aurez formés ne paraitront pas, ou du moins ne paraitront que comme si on eut écrit avec de l'eau, c'est-à-dire que le papier sera mouillé par-tout où la plume aura passé : vous pouvez le laisser sécher de lui-même, ou le présenter au feu, marquant seulement l'endroit où vous aurez passé la plume. Couvrez l'écriture de deux ou trois feuilles de nouveau papier, et passez légèrement avec la barbe d'une plume ou une petite éponge, un peu de la seconde liqueur sur la feuille de papier la plus éloignée de celle où vous avez tracé les caractères, à l'endroit qui répond aux caractères formés avec l'autre liqueur ; sur le champ les caractères d'invisibles qu'ils étaient paraitront très-bien, et seront presque aussi noirs que s'ils eussent été formés avec de l'encre ordinaire. Bien plus, si vous enfermez le papier écrit avec la première liqueur entre plusieurs mains de papier, que vous frottiez la feuille avec la seconde liqueur et que vous mettiez ces mains de papier à la presse sous quelque gros livre, quelque temps après vous pouvez retirer votre papier dont les caractères seront devenus noirs. Deux cent feuilles de papier interposées entr'elles, ne sont pas capables d'empêcher leur effet ; elles ne font que le retarder.

Autre exemple de la première classe. On fait dissoudre dans de l'eau régale tout l'or qu'elle peut dissoudre, et l'on affoiblit cette dissolution par cinq ou six fois autant d'eau commune. On fait dissoudre à part de l'étain fin dans l'eau régale : lorsque le dissolvant en est bien chargé, on y ajoute une mesure égale d'eau commune.

Ecrivez avec la dissolution d'or sur du papier blanc ; laissez-le sécher à l'ombre, et non au Soleil, l'écriture ne paraitra pas, du moins pendant les sept ou huit premières heures. Trempez un pinceau dans la dissolution d'étain, et passez ce pinceau sur l'écriture d'or, dans le moment elle paraitra de couleur pourpre. On peut effacer la couleur pourpre de l'écriture d'or, en la mouillant d'eau régale. On la fera reparaitre une seconde fais, en repassant dessus la solution d'étain.

Les caractères qui ont été écrits avec une matière qui a perdu sa couleur par être dissoute, reparaissent en trouvant le précipitant de ce qui l'a dissoute ; car alors elle se revivifie, renait, et se rencontre avec sa couleur. Le dissolvant la lui avait ôté, le précipitant la lui rend.

Sur cela est fondé un jeu d'encre sympathique qui a dû surprendre, quand il a été nouveau, il était bien imaginé pour écrire avec plus de mystère et de sûreté. Sur une écriture invisible, on met une écriture visible, et l'on fait disparaitre l'écriture visible et fausse, et paraitre l'invisible et vraie.

La seconde classe comprend les encres sympathiques dont l'écriture invisible devient colorée, en l'exposant à l'air. Ajoutez, par exemple, à une dissolution d'or dans l'eau régale, assez d'eau pour qu'elle ne fasse plus de taches jaunes sur le papier blanc ; ce que vous écrirez avec cette liqueur, ne commencera à paraitre qu'après avoir été exposé au grand air pendant une heure ou environ ; l'écriture continuera à se colorer lentement, jusqu'à ce qu'elle soit devenue d'un violet foncé presque noir.

Si au lieu de l'exposer à l'air, on la garde dans une boite fermée ou dans du papier bien plié, elle restera invisible pendant deux ou trois mois ; mais à la fin elle se colorera, et prendra la couleur violette obscure.

Tant que l'or reste uni à son dissolvant, il est jaune ; mais l'acide de son dissolvant étant volatil, la plus grande partie s'en évapore, et il n'en reste que ce qu'il faut pour colorer la chaux d'or qui est demeurée sur le papier.

La dissolution de l'argent fin dans de l'eau-forte, qu'on a affoiblie ensuite par l'eau de pluie distillée comme on a affoibli celle de l'or, fait aussi une écriture invisible, qui tenue bien enfermée ne devient lisible qu'au bout de trois ou quatre mois ; mais elle parait au bout d'une heure si on l'expose au Soleil, parce qu'on accélere l'évaporation de l'acide. Les caractères faits avec cette solution sont de couleur d'ardoise ; parce que l'eau-forte est un dissolvant toujours un peu sulphureux, et que tout ce qui est sulphureux noircit l'argent. Cependant comme ce sulphureux est volatil, il s'évapore ; et dès qu'il est entièrement évaporé, les lettres reprennent la véritable couleur d'argent, surtout si celui qu'on a employé dans l'expérience est extrêmement fin, et si l'expérience se fait dans un endroit exempt de vapeurs.

On peut mettre encore dans cette classe plusieurs autres dissolutions métalliques, comme du plomb dans le vinaigre, du cuivre dans l'eau-forte, etc. mais elles rongent et percent le papier.

La troisième classe est celle des encres sympathiques dont l'écriture invisible parait en la frottant avec quelque poudre brune ou noire. Cette classe comprend presque tous les sucs glutineux et non-colorés, exprimés des fruits et des plantes, le lait des animaux, ou autres liqueurs grasses et visqueuses. On écrit avec ces liqueurs ; et quand l'écriture est seche, on fait passer dessus légèrement et en remuant le papier, quelque terre colorée réduite en poudre subtile, ou de la poudre de charbon. Les caractères resteront colorés, parce qu'ils sont formés d'une espèce de glu qui retient cette poudre subtile.

Enfin la quatrième classe est celle de ces écritures qui ne sont visibles qu'en les chauffant. Cette classe est fort ample, et comprend toutes les infusions et toutes les dissolutions dont la matière dissoute peut se bruler à très-petit feu, et se réduire en une espèce de charbon. En voici un exemple qui suffira.

Dissolvez un scrupule de sel ammoniac dans deux onces d'eau pure ; ce que vous écrirez avec cette solution ne paraitra qu'après l'avoir échauffé sur le feu, ou après avoir passé dessus un fer un peu chaud. Il y a grande apparence que la partie grasse et inflammable du sel ammoniac, se brule et se réduit en charbon à cette chaleur, qui ne suffit pas pour bruler le papier. Au reste cette écriture étant sujette à s'humecter à l'air, elle s'étend, les lettres se confondent, et au bout de quelque temps elles ne sont plus distinguées ou séparées les unes des autres.

Quand l'écriture invisible a une fois paru par un de ces quatre moyens, elle ne disparait plus, à moins qu'on ne verse dessus une liqueur nouvelle, qui fasse une seconde dissolution de la matière précipitée.

L'encre sympathique de M. Hellot après avoir paru, disparait et reparait ensuite de nouveau tant que l'on veut, sans aucune addition, sans altération de couleur, et pendant un très-long temps, si elle a été faite d'une matière bien conditionnée. C'est en l'exposant au feu et en lui donnant un certain degré de chaleur, qu'on la fait paraitre ; refroidie elle disparait, et toujours ainsi de suite.

Cette encre n'a la singularité de disparaitre après avoir paru, que quand on ne l'a exposée au feu que le temps qu'il fallait pour la faire paraitre, ou un peu plus ; si on l'y tient trop longtemps, elle ne disparait plus en se refroidissant, tout ce qui faisait le jeu des alternatives d'apparition et de disparition a été enlevé : elle rentre donc alors dans la classe des encres sympathiques communes qui se rapportent au feu. Cette encre est susceptible d'une poussière colorée, et enfin il y a une liqueur ou une vapeur qui agit sur elle. Quand elle est dans sa perfection, elle est d'un verd mêlé de bleu, d'une belle couleur de lilas : alors cette couleur est fixe, c'est-à-dire toujours la même de quelque sens qu'on la regarde, quel que soit la position de l'oeil par rapport à l'objet et à la lumière. Mais il y a des cas où cette couleur est changeante, selon que l'oeil est différemment posé ; tantôt elle est lilas sale, tantôt feuille-morte ; et ce qui prouve que cela doit être compté pour une imperfection et non pour un agrément, c'est que l'encre à couleur changeante ne pourra paraitre ou disparaitre, que quinze ou seize fois : au lieu que celle de couleur fixe soutiendra un bien plus grand nombre de pareilles alternatives.

Si l'on veut que cette encre devienne de la classe qui se rapporte à l'air, alors il faudra tenir l'écriture exposée à l'air pendant huit ou dix jours ; elle sera de couleur de rose. On altérera aussi le plus souvent sa couleur, en la faisant passer dans les autres classes ; mais il parait que ces deux couleurs extrêmes ou les plus différentes, sont celle de lilas et celle de rose. M. Hellot qui vit de cette encre pour la première fois entre les mains d'un artiste allemand, trouva dans les minéraux de bismuth, de cobolt, et d'arsenic, qui contiennent de l'azur, la matière colorante qui était son objet ; et l'on croira sans peine, comme le dit M. de Fontenelle, que M. Hellot a tiré de cette matière tout ce qu'elle a de plus caché. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.




Affichages : 2449