S. m. (Arts) lieu artistement planté et cultivé, soit pour nos besoins, soit pour nos plaisirs.

On a composé les jardins, suivant leur étendue, de potagers pour les légumes, de vergers pour les arbres fruitiers, de parterres pour les fleurs, de bois de haute-futaie pour le couvert. On les a embellis de terrasses, d'allées, de bosquets, de jets-d'eau, de statues, de boulingrins, pour les promenades, la fraicheur, et les autres apanages du luxe ou du gout. Aussi le nom de jardin se prend en hébreu pour un lieu délicieux, planté d'arbres ; c'est ce que désigne le mot de jardin d'Eden. Le terme grec , paradis, signifie la même chose. Delà vient encore que le nom de jardin a été appliqué à des pays fertiles, agréables et bien cultivés ; c'est ainsi qu'Athénée donne ce nom à une contrée de la Sicîle auprès de Palerme ; la Touraine est nommée le jardin de la France par la même raison.

Il est quelquefois parlé, dans l'Ecriture-sainte, des jardins du roi, situés au pied des murs de Jérusalem. Il y avait chez les Juifs des jardins consacrés à Vénus, à Adonis. Isaïe, chap. j, vers. 29, reproche à ce peuple les scandales et les actes d'idolatrie qu'il y commettait.

L'antiquité vante comme une des merveilles du monde, les jardins suspendus de Sémiramis ou de Babylone. Voyez JARDIN DE BABYLONE.

Les rois de Perse se plaisaient fort à briller par la dépense de leurs jardins ; et les satrapes, à l'imitation de leurs maîtres, en avaient dans les provinces de leur district, d'une étendue prodigieuse, clos de murs, en forme de parcs, dans lesquels ils enfermaient toutes sortes de bêtes pour la chasse. Xénophon nous parle de la beauté des jardins que Pharnabase fit à Dascyle.

Ammien Marcellin rapporte que ceux des Romains, dans le temps de leur opulence, étaient, pour me servir de ses expressions, instar villarum, quibus vivaria includi solebant. On y prisait entr'autres pour leur magnificence, les jardins de Pompée, de Luculle, et de Mecène. Ils n'offraient pas seulement en spectacle au milieu de Rome des terres labourables, des viviers, des vergers, des potagers, des parterres, mais de superbes palais et de grands lieux de plaisance, ou maisons champêtres faites pour s'y reposer agréablement du tumulte des affaires. Jamquidem, dit Pline, liv. 29. ch. 4. hortorum nomine, in ipsâ urbe, delicias, agros, villasque possident. Le même goût continue de régner dans Rome moderne, appauvrie et dépeuplée.

Ce fut Cn. Marius, dont il reste quelques lettres à Ciceron, et qu'on nommait par excellence l'ami d'Auguste, qui enseigna le premier aux Romains le raffinement du jardinage, l'art de greffer et de multiplier quelques uns des fruits étrangers des plus recherchés et des plus curieux. Il introduisit aussi la méthode de tailler les arbres et les bosquets dans des formes régulières. Il passa la fin de ses jours dans un de ces lieux de plaisance de Rome, dont nous venons de parler, où il employait son temps et ses études au progrès des plantations, aussi bien qu'à raffiner sur la délicatesse d'une vie splendide et luxurieuse, qui était le goût général de son siècle. Enfin il écrivit, sur les jardins et l'agriculture, plusieurs livres mentionnés par Columelle et autres auteurs de la vie rustique qui parurent après lui.

Les François si longtemps plongés dans la barbarie, n'ont point eu d'idées de la décoration des jardins ni du jardinage, avant le siècle de Louis XIV. C'est sous ce prince que cet art fut d'un côté créé, perfectionné par la Quintinie pour l'utile, et par le Nôtre pour l'agréable. Arrêtons-nous à faire connaître ces deux hommes rares.

Jean de la Quintinie, né près de Poitiers en 1626, vint à Paris s'attacher au barreau, et s'y distingua ; mais sa passion pour l'Agriculture l'emporta sur toute autre étude ; après avoir acquis la théorie de l'art, il fit un voyage en Italie pour s'y perfectionner, et de retour il ne songea plus qu'à joindre la pratique aux préceptes. Il trouva, par ses expériences, ce qu'on ne savait pas encore en France, qu'un arbre transplanté ne prend de nourriture que par les racines qu'il a poussées depuis qu'il est replanté, et qui sont comme autant de bouches par lesquelles il reçoit l'humeur nourricière de la terre. Il suit delà qu'au lieu de conserver les anciennes petites racines, quand on transplante un arbre, il faut les couper, parce qu'ordinairement elles se sechent et semoisissent.

La Quintinie découvrit encore la méthode de tailler fructueusement les arbres. Avant lui nous ne songions, en taillant un arbre, qu'à lui donner une belle forme, et le dégager des branches qui l'offusquent. Il a su, il nous a enseigné ce qu'il fallait faire pour contraindre un arbre à donner du fruit, et à en donner aux endroits où l'on veut qu'il en vienne, même à le répandre également sur toutes ses branches.

Il prétendait, et l'expérience le confirme, qu'un arbre qui a trop de vigueur ne pousse ordinairement que des rameaux et des feuilles ; qu'il faut réprimer avec adresse la forte pente qu'il a à ne travailler que pour sa propre utilité ; qu'il faut lui couper de certaines grosses branches, où il porte presque toute sa séve, et l'obliger par ce moyen à nourrir les autres branches faibles et comme délaissées, parce que ce sont les seules qui fournissent du fruit en abondance.

Ainsi la Quintinie apprit de la nature,

Des utiles jardins l'agréable culture.

Charles II. roi d'Angleterre, lui donna beaucoup de marques de son estime dans des voyages qu'il fit à Londres. Il lui offrit une pension très-considérable pour se l'attacher ; mais l'espérance de s'avancer pour le moins autant dans son pays, l'empêcha d'accepter ces offres avantageuses. Il ne se trompa pas ; M. Colbert le nomma directeur des jardins fruitiers et potagers de toutes les maisons royales ; et cette nouvelle charge fut créée en sa faveur.

André le Nôtre, né à Paris en 1625, mort en 1700, était un de ces génies créateurs, doué par la nature d'un goût et d'une sagacité singulière, pour la distribution et l'embellissement des jardins. Il n'a jamais eu d'égal en cette partie, et n'a point encore trouvé de maître. On vit sans-cesse éclore, sous le crayon de cet homme unique en son genre, mille compositions admirables, et nous devons à lui seul toutes les merveilles qui font les délices de nos maisons royales et de plaisance.

Cependant depuis la mort de ce célèbre artiste, l'art de son invention a étrangement dégénéré parmi nous, et de tous les arts de gout, c'est peut-être celui qui a le plus perdu de nos jours. Loin d'avoir enchéri sur ses grandes et belles idées, nous avons laissé tomber absolument le bon gout, dont il nous avait donné l'exemple et les principes, nous ne savons plus faire aucune de ces choses, dans lesquelles il excellait, des jardins tels que celui des Tuileries, des terrasses comme celle de Saint-Germain en Laye, des boulingrins comme à Trianon, des portiques naturels comme à Marly, des treillages comme à Chantilly, des promenades comme celles de Meudon, des parterres du Tibre, ni finalement des parterres d'eau comme ceux de Versailles.

Qu'on blâme, si l'on veut, la situation de ce dernier château, ce n'est point la faute de le Nôtre ; il ne s'agit ici que de ses jardins. Qu'on dise que les richesses prodiguées dans cet endroit stérîle y siéent aussi mal que la frisure et les pompons à un visage laid ; il sera toujours vrai qu'il a fallu beaucoup d'art, de génie et d'intelligence, pour embellir, à un point singulier de perfection, un des plus incultes lieux du royaume.

Jettons sans partialité les yeux sur notre siècle. Comment décorons-nous aujourd'hui les plus belles situations de notre choix, et dont le Nôtre aurait su tirer des merveilles ? Nous y employons un goût ridicule et mesquin. Les grandes allées droites nous paraissent insipides ; les palissades, froides et uniformes ; nous aimons à pratiquer des allées tortueuses, des parterres chantournés, et des bosquets découpés en pompons ; les plus grands lieux sont occupés par de petites parties toujours ornées sans grâce, sans noblesse et sans simplicité. Les corbeilles de fleurs, fanées au bout de quelques jours, ont pris la place des parterres durables ; l'on voit par-tout des vases de terre cuite, des magots chinois, des bambochades, et autres pareils ouvrages de sculpture d'une exécution médiocre, qui nous prouvent assez clairement que la frivolité a étendu son empire sur toutes nos productions en ce genre.

Il n'en est pas de même d'une nation voisine, chez qui les jardins de bon goût sont aussi communs, que les magnifiques palais y sont rares. En Angleterre, ces sortes de promenades, pratiquables en tout temps, semblent faites pour être l'asîle d'un plaisir doux et serein ; le corps s'y délasse, l'esprit s'y distrait, les yeux y sont enchantés par le verd du gazon et des boulingrins ; la variété des fleurs y flatte agréablement l'odorat et la vue. On n'affecte point de prodiguer dans ces lieux-là, je ne dis pas les petits, mais même les plus beaux ouvrages de l'art. La seule nature modestement parée, et jamais fardée, y étale ses ornements et ses bienfaits. Profitons de ses libéralités, et contentons-nous d'employer l'industrie à varier ses spectacles. Que les eaux fassent naître les bosquets et les embellissent ! Que les ombrages des bois endorment les ruisseaux dans un lit de verdure ! Appellons les oiseaux dans ces endroits de délices ; leurs concerts y attireront les hommes, et feront cent fois mieux l'éloge d'un goût de sentiment, que le marbre et le bronze, dont l'étalage ne produit qu'une admiration stupide. Voyez au mot JARDIN d'Eden, la charmante description de Milton ; elle s'accorde parfaitement à tout ce que nous venons de dire. (D.J.)

JARDIN d'Eden, (Géographie sacrée) nom du jardin que Dieu planta dès le commencement dans Eden, c'est-à-dire, dans un lieu de délices, comme porte le texte hébreu. Tandis que les savants recherchent sans succès la position de cette contrée (voyez EDEN et PARADIS TERRESTRE), amusons-nous de la description enchanteresse du jardin même, faite par Milton.

blisfull field, circled with groves of myrrh,

And flowing odours, cassia, nard, and balm,

A wilderners of sweets ! for nature here

Wantonn'd as in prime, and play'd at will

Her virgin fancies, pouring forth more sweet

Wild, above rule or art, enormous bliss !

Out of this fertîle ground, God caused to grow

All trees of noblest Kind for sight, smell, taste,

And all amidst them, stood the Tree of life,

High eminent, blooming ambrosial fruit

Of vegetable gold ; and next to life,

Our death, the Tree of Knowledge, grew fast by.

happy rural seat, of various view !

Groves, whose rich trees wept odorous gums, and balm ;

Others whose fruit, burnish'd with golden rind,

Hung amiable ; Hesperian fable true,

If true, here only, and of delicious taste !

Betwixt them lawns, or level-downs, and flocks

Grazing the tender herb, were interpos'd ;

Or palmy hillock, or the flowry lap,

Of some irrignous valley, spread her flore ;

Flow'rs of all hew, and without thorn, the rose :

Another side, umbrageous grots, and caves

Of cool recess, o'er which the mantling vine

Lays forth her purple grappes, and gently creeps

Luxuriant. Mean whîle murm'ring water fall

Down the slope hills, dispers'd, or in a lake

That to the fringed bank, with myrtle crown'd,

Her crystal, mirrour holds, unite their streams.

The birds their choir apply : Airs, vernal airs,

Breathing the smell of field and grove, attune

The trembling leafs, whîle universal Pan,

Knit with the grâces, and the Hours in dance,

Led on th'eternal spring....

Thus was this place. (D.J.)

JARDIN, s. m. (Marine) nom que quelques-uns donnent aux balcons d'un vaisseau, lorsqu'ils ne sont point couverts. (Q)

JARDIN, (Fauconnerie) on dit donner le jardin, et jardiner le lanier, le sacre, l'autour, etc. c'est l'exposer au soleil dans un jardin, ou sur la barre, ou sur le roc, ou sur la pierre froide.

JARDINS de Babylone, (Histoire ancienne) les jardins de Babylone ou de Semiramis ont été mis par les anciens au rang des merveilles du monde, c'est-à-dire des beaux ouvrages de l'art. Ils étaient soutenus en l'air par un nombre prodigieux de colonnes de pierre, sur lesquelles posait un assemblage immense de poutres de bois de palmier ; le tout supportait un grand poids d'excellente terre rapportée, dans laquelle on avait planté plusieurs sortes d'arbres, de fruits et de légumes, qu'on y cultivait soigneusement. Les arrosements se faisaient par des pompes ou canaux, dont l'eau venait d'endroits plus élevés. Avec la même dépense, on aurait fait dans un terrain choisi des jardins infiniment supérieurs en gout, en beauté et en étendue ; mais ils n'auraient pas frappé par le merveilleux, et l'on ne saurait dire jusqu'à quel point les hommes en sont épris. (D.J.)