(Géographie) La baie d'Hudson est un grand golfe de la mer du nord, au septentrion de l'Amérique, vers les terres arctiques, entre l'Estotiland, la nouvelle-France, et le nouveau Southwalles.

HUDSON (Henry), fameux pilote Anglais, la découvrit en 1640 plus exactement que Frédéric Anschild, Danois, qui avait connu le premier cette baie ; Hudson cherchait comme lui, un passage pour aller de la mer du nord à celle du sud.

Cette baie s'étend du nord au sud, depuis les 64 degrés d'élévation du pôle jusqu'au 51. Sa largeur de l'orient à l'occident, est fort inégale ; elle a près de 200 lieues dans sa partie septentrionale, mais le fond de la baie a à peine 35 lieues de large.

Rien n'est plus affreux que les environs de la baie d'Hudson ; de quelque côté qu'on jette les yeux, on n'aperçoit que des terres incultes et incapables de culture ; que des rocs escarpés qui s'élèvent jusqu'aux nues, entrecoupés de ravines profondes, et de vallées stériles, où le soleil ne pénétra jamais, et que les neiges et les glaçons éternels rendent inabordables. La mer n'y est libre que depuis le mois de Juillet, jusqu'à la fin de Septembre, encore y rencontre-t-on alors assez souvent d'énormes glaçons, qui jettent les navigateurs dans de grandes peines, pour se débarrasser de ces glaces qui les assiegent.

Ce qui attire les Européens dans ces affreux pays, c'est le lucri sacra fames ; c'est que nulle part, la traite des pelletteries ne se fait avec plus de profit. Ce sont les meilleures du Canada, et qu'on trouve au meilleur marché, à cause de la misere des sauvages qui les fournissent, surtout de ceux qui fréquentent le port Nelson. Voyez HUDSON, baie d'(Commerce). Ces sauvages ne sont pas seulement misérables, mais petits et mal-faits. Ils habitent l'été sous des tentes faites de peaux d'orignal ou de caribou, nom qu'on donne aux rennes en Amérique ; l'hiver, ils vivent sous terre comme les Lapons, les Samoièdes, se couchent comme eux pêle-mêle, pour être plus chaudement, et se nourrissent de chair ou de poisson crud, car leur pays n'est que glace, et ne produit autre chose.

En effet, nous ne connaissons rien de comparable au froid qu'a éprouvé le capitaine Middleton dans l'habitation même des Anglais, à la baie d'Hudson, sous la latitude de 57d. 20', et dont il a fait le triste récit à la société royale de Londres.

Quoique les maisons de cette habitation soient faites de pierre, que les murs aient deux pieds d'épaisseur, que les fenêtres soient fort étroites, et garnies de volets fort épais, que l'on tient fermés pendant dix-huit heures tous les jours : quoique l'on fasse dans ces chambres de très-grands feux quatre fois par jour, dans de grands poêles faits exprès ; que l'on ferme bien les cheminées, lorsque le bois est consommé, et qu'il n'y teste plus que de la braise ardente, afin de mieux conserver la chaleur, cependant tout l'intérieur des chambres et les lits se couvrent de glace de l'épaisseur de trois pouces, que l'on est obligé d'ôter tous les jours. L'on ne s'éclaire dans ces longues nuits, qu'avec des boulets de fer de 24, rougis au feu, et suspendus devant les fenêtres. Toutes les liqueurs gèlent dans ces appartements ; et même l'eau-de-vie dans les plus petites chambres, quoique l'on y fasse continuellement un grand feu.

Ceux qui se hasardent à l'air extérieur, malgré leurs doubles et triples habillements de fourrures, non-seulement autour du corps, mais encore autour de la tête, du col, des pieds et des mains, se trouvent d'abord engourdis par le froid, et ne peuvent rentrer dans les lieux chauds, que la peau de leur visage ne s'enleve, et qu'ils n'aient quelquefois les doigts des pieds gelés.

L'on peut encore juger de la rigueur du froid extérieur, sur ce que le capitaine Middleton rapporte, que les lacs d'eau dormante, qui n'ont que 10 à 12 pieds de profondeur, se gèlent jusqu'au fond, ce qui arrive également à la mer qui se gèle à la même hauteur. La gelée est seulement un peu moindre dans les rivières qui sont plus près de la mer, et où la marée est forte.

Le grand froid fait fendre quelquefois cette glace avec un bruit étonnant, presque aussi fort que celui du canon.

Il y a donc lieu de croire que le froid qu'on éprouve à la baie d'Hudson, est pour le moins aussi grand que celui qu'on ressent en Sibérie, même à Jeniseskoi, dont on peut voir l'article ; mais pour en être parfaitement sur, il faudrait avoir des observations du thermomètre à la baie d'Hudson, et nous n'en avions pas encore en 1750. La société royale est ici priée de nous en procurer à l'avenir ; ce soin n'est pas indigne d'elle. (D.J.)

HUDSON (Compagnie de la baie D') Commerce. Société de négociants anglais qui se forma vers le milieu du dernier siècle pour le commerce de cette partie la plus septentrionale de l'Amérique, où les Européens aient des colonies.

Les belles pelletteries que Hudson rapporta de cette baie, où il avait été obligé de passer l'hiver après sa découverte, persuada sa nation qu'on pouvait y établir un commerce avantageux de cette précieuse marchandise. Alors plusieurs négociants anglais formèrent une société, et envoyèrent sur les lieux le capitaine Nelson, qui fonda la première colonie de cette baie, et éleva un fort de son nom à l'embouchure d'une grande rivière qui s'y jete, et qui prend sa source du lac des Assinipouals.

En 1670, une charte de Charles II. en faveur du prince Robert et de ses associés, leur accorda inconsidérément pour toujours en propriété toutes les terres voisines et au-delà de la baie de Hudson, qui ne sont point occupées par quelqu'autre peuple, avec le commerce exclusif de peaux d'ours, de martres, d'hermines, et autres fourrures abondantes dans ces contrées.

La colonie fut déclarée, par cette charte, relever du château royal de Gréenwich, dans le comté de Kent ; S. M. B. ne se réservant que la foi et hommage, avec une redevance de deux élans et de deux castors noirs par an, payables quand ils seraient demandés.

Pour le gouvernement de la compagnie, on établit un gouverneur, un député et sept directeurs.

Son premier fonds capital était de 10500 livres sterlings (241500 liv. tournois) ; et ce fonds modique, qui fut suffisant pour les dépenses de l'établissement, a si bien prospéré, qu'en 1690 la compagnie, pour mettre quelque proportion entre ses dividendes et son capital, prit le parti de le tripler en apparence par un appel simulé sur ses actionnaires, en sorte que chacun d'eux, sans rien débourser, vit avec joie ses fonds tripler ; et pour dire quelque chose de plus, les actions de cette compagnie ont valu jusqu'à 500 livres sterlings. Il est vrai que les guerres presque continuelles qu'il y a eu entre la France et la Grande-Bretagne jusqu'à la paix d'Utrecht, ont souvent apporté de grandes diminutions à la valeur des actions de cette société.

Les François et les Anglais se sont alternativement plusieurs fois chassés de leurs établissements, les uns pour confirmer leur commerce de pelletterie sur le lac supérieur, les autres pour se maintenir dans le même négoce qu'ils avaient attiré à la baie de Hudson.

Enfin, cette baie a été rendue à l'Angleterre par le traité d'Utrecht ; et les François qui s'en étaient emparés pendant la guerre pour la succession d'Espagne, et qui y avaient construit de nouveaux forts, l'abandonnèrent dans l'état qu'elle se trouvait.

La compagnie d'Hudson, au moyen de la paix dont l'Angleterre a joui depuis 1712 jusqu'en 1720, augmenta jusqu'à 103500 liv. sterlings (2280500 liv. tournois) ses fonds, qu'elle estima (morts et vifs) 94500 livres sterlings (2273500 liv. tournois.)

En effet, quoique le seul négoce de ce pays-là se borne aux pelletteries, il faut que les profits soient bien grands, puisque les deux nations rivales s'en disputent de nouveau la possession, sans se rebuter du froid extrême qu'il fait dans cette partie de l'Amérique, et qui subsiste sept mois de l'année, pendant lesquels la neige y tombe ordinairement de dix ou douze pieds de haut ; la mer s'y glace à la même épaisseur, et les arbres et les pierres s'y fendent par l'excessive rigueur des gelées ; ajoutez que le pays ne fournit absolument rien pour la nourriture, ni pour le vêtement des habitants de ces tristes et malheureuses contrées.

Au reste, l'auteur français qui a pris, dans un petit ouvrage sur le commerce, le nom de Nichols, a fait voir combien la compagnie de la baie d'Hudson est un exemple sensible et déplorable de cette vérité, qu'une compagnie exclusive peut jouir longtemps du négoce le plus lucratif, et négliger toutes les facilités qu'elle a de l'augmenter, au mépris de son devoir et de l'intérêt de la nation dont elle est membre. (D.J.)