(LE-) Géographie sacrée, fleuve dont parle Moyse dans la description du paradis terrestre : " Le nom du second fleuve, dit-il, est Géhon ; c'est celui qui tournoye dans la terre de Chus ".

On sait combien l'explication des quatre fleuves de Moyse embarrasse les savants, et en particulier combien ils ont disputé sur le Géhon. Ce fleuve a passé chez les uns pour le Gange, chez les autres pour l'Oxus ; on l'a pris pour l'Araxe ou pour le Nahar-Malea, canal fait à la main afin de joindre l'Euphrate au Tigre. Josephe, la plupart des pères de l'Eglise, et une infinité d'interpretes, veulent que le Géhon soit le Nil ; et M. Huet prétend que c'est le canal oriental du Tigre et de l'Euphrate : c'est ainsi que plusieurs critiques prévenus que le paradis terrestre était auprès du Tigre et de l'Euphrate, cherchent le Géhon dans un des bras de ces deux fleuves. M. Leclerc persuadé au contraire que le paradis terrestre était vers la source du Jourdain, croit que le Géhon est l'Oronte ; et par la terre de Chus, que le Géhon arrosait, il entend la Cassiotide.

Le P. Hardouin a un sentiment particulier ; il donne un sens nouveau à ces paroles du texte latin : Et fluvius egrediebatur de loco voluptatis ad irrigandum paradisum, qui indè dividitur in quatuor capita ; c'est-à-dire, selon le P. Hardouin : " il sortait de ce lieu de délices un fleuve pour arroser le paradis, qui de-là se divise en quatre têtes ou sources ".

Il trouve avec raison qu'il n'est pas commode de supposer sans nécessité que les quatre fleuves, savoir, le Phison, le Géhon, le Tigre, et l'Euphrate fussent autant de branches dérivées du fleuve qui sortait du lieu de délices : il rapporte donc ces mots, se divise, non pas au fleuve duquel il ne s'agit plus, mais au paradis. C'est, ajoute-t-il, comme si Moyse eut dit : " et de ce lieu de délices sortait un fleuve pour arroser le paradis, dont la beauté ne subsiste plus entièrement, mais dont on voit encore des restes autour des sources des quatres fleuves ".

Si cette explication du P. Hardouin ne satisfait pas tout le monde, du-moins faut-il convenir qu'elle est ingénieuse, et qu'elle a l'avantage de sauver les difficultés géographiques de toutes les autres interprétations. (D.J.)