(Géographie) petite ville d'Allemagne dans le cercle de la Haute Saxe, au comté de Mansfeld. Long. 29. 28. lat. 51. 45.

Isleb n'est mémorable que pour avoir été le lieu de la naissance et de la mort de Luther ; je ne dirai rien de sa vie, M. Bossuet entre les Catholiques, Seckendorf, Jean Muller, Christian Juncker et Bayle entre les Réformés, vous en instruiront complete ment.

Mais M. de Voltaire Ve vous peindre, ou plutôt je vais donner l'esquisse du tableau qu'il a fait de cette grande révolution dans l'esprit et dans le système politique de l'Europe, qui commença par un moine augustin.

" A peine eut-il pris l'habit de son ordre à l'âge de 22 ans, que ses supérieurs le chargèrent de prêcher contre la marchandise qu'ils n'avaient pu vendre. La querelle ne fut d'abord qu'entre les Augustins et les Dominicains ; on ne prévoyait pas qu'elle irait jusqu'à détruire la religion romaine dans la moitié de l'Europe.

Luther, après avoir décrié les indulgences, examina le pouvoir de celui qui les donnait aux Chrétiens ; un coin du voîle fut levé. Les peuples plus éclairés voulurent juger ce qu'ils avaient adoré ; ils requirent une réforme qui n'était pas possible ; ils se séparèrent de l'église. Pour parvenir à cette scission, il ne fallait qu'un prince qui la secondât ; le vieux Frédéric électeur de Saxe, surnommé le sage, celui-là même qui, à la mort de Maximilien, eut le courage de refuser l'empire, protégea Luther ouvertement. Cette révolution dans l'église eut un cours semblable à celles par qui les peuples ont détrôné leurs souverains ; on présenta des requêtes, on exposa des griefs ; on finit par renverser le trône. Il n'y avait point encore néanmoins de séparation marquée, en se moquant des indulgences, en demandant à communier avec du pain et du vin ; en parlant intelligiblement sur la justification et sur le libre arbitre ; en voulant abolir le monachisme ; en offrant de prouver que l'Ecriture-sainte ne dit pas un mot du purgatoire, etc.

Léon X. qui dans le fond méprisait ces choses, fut obligé comme chef de l'Eglise, d'anathématiser et Luther et ses propositions. Luther anathématisé ne garda plus de mesure, il composa son livre de la captivité de Babylone ; il exhorta les princes à sécouer le joug de Rome. On brula ses livres, et Léon X. fulmina une nouvelle bulle contre lui. Luther fit bruler la bulle du pape et les décrétales dans la place publique de Wittemberg. On voit par ce trait si c'était un homme hardi ; mais on voit aussi qu'il était déjà bien puissant : dès-lors une partie de l'Allemagne fatiguée de la grandeur pontificale, embrassait les intérêts du réformateur, sans trop examiner les questions de l'école qui se multipliaient tous les jours.

Les thèses les plus vaines se mêlaient avec les plus profondes, tandis que les fausses imputations, les injures atroces, les anathêmes nourrissaient l'animosité des deux partis. Les grossieretés du moine augustin, aujourd'hui si dégoutantes, ne révoltaient point des esprits assez grossiers ; et Luther avec le ridicule d'un style bas, triomphait dans son pays de toute la politesse romaine.

Le théâtre de cette guerre de plume était chez les Allemands et chez les Suisses, qu'on ne regardait pas alors pour les hommes de la terre les plus déliés, et qui passent pour circonspects. La cour de Rome savante et polie, ne s'attendait point que ceux qu'elle traitait de barbares, pourraient, la bible comme le fer à la main, lui ravir la moitié de l'Europe, et ébranler l'autre.

Cependant Luther ayant pour ennemi son empereur, le roi d'Angleterre, le pape, tous les évêques et tous les religieux, ne s'en étonna pas. Caché dans une forteresse de Saxe, il brava l'empereur, irrita la moitié de l'Allemagne contre le souverain pontife, répondit au roi d'Angleterre comme à son égal, posa, fortifia, étendit son église naissante, et mourut le 18 Février 1546, à 63 ans, trois mois, huit jours, regardé par son parti comme un illustre réformateur de l'Eglise, et par les Catholiques romains comme un insigne hérésiarque ".

Les savants préfèrent les éditions qu'il a données lui-même de ses œuvres depuis 1517 jusqu'à sa mort, à toutes les éditions postérieures. (D.J.)