(Géographie) grande, riche, belle, ancienne et célèbre ville de France, la plus considérable du royaume après Paris, et la capitale du Lyonnais. Elle se nomme en latin Lugdunum, Lugudunum, Lugdumum Segusianorum, Lugdumum Celtarum, etc. Voyez LUGDUNUM.

Lyon fut fondée l'an de Rome 712, quarante-un ans avant l'ère chrétienne, par Lucius Munatius Plancus, qui était consul avec Aemilius Lepidus. Il la bâtit sur la Saône, au lieu où cette rivière se jette dans le Rhône, et il la peupla des citoyens romains qui avaient été chassés de Vienne par les Allobroges.

On lit dans Gruter une inscription où il est parlé de l'établissement de cette colonie ; cependant on n'honora pas Lyon d'un nom romain ; elle eut le nom gaulois Lugdun, qu'avait la montagne aujourd'hui Forvières, sur laquelle cette ville fut fondée. Vibius Sequester prétend que ce mot Lugdun signifiait en langue gauloise, montagne de corbeau. Quoi qu'il en sait, la ville de Lyon est presque aussi souvent nommée Lugudunum dans les inscriptions antiques des deux premiers siècles de notre ere. M. de Boze avait une médaille de Marc-Antoine, au revers de laquelle se voyait un lion, avec ce mot partagé en deux, Lugu-duni.

Lyon fondée, comme nous l'avons dit, sur la montagne de Forvières, nommée Forum-vetus, et selon d'autres Forum-veneris, s'agrandit rapidement le long des collines, et sur le bord de la Saône ; elle devint bientôt une ville florissante et l'entrepôt d'un grand commerce. Auguste la fit capitale de la Celtique, qui prit le nom de province lyonnaise. Ce fut de Lyon, comme de la forteresse principale des Romains au-deçà des Alpes, qu'Agrippa tira les premiers commencements des chemins militaires de la Gaule, tant à cause de la rencontre du Rhône et de la Saône qui se fait à Lyon, que pour la situation commode de cette ville, et son rapport avec toutes les autres parties de la Gaule.

Il n'y a rien eu de plus célèbre dans notre pays, que ce temple d'Auguste, qui fut bâti à Lyon par soixante peuples des Gaules, à la gloire de cet empereur, avec autant de statues pour orner son autel.

On ne peut point oublier qu'après que Caligula eut reçu dans Lyon l'honneur de son troisième consulat, il y fonda toutes sortes de jeux, et en particulier cette fameuse académie Athaenaeum, qui s'assemblait devant l'autel d'Auguste, Ara Lugdunensis. C'était là qu'on disputait les prix d'éloquence grecque et latine, en se soumettant à la rigueur des lois que le fondateur avait établies. Une des conditions singulières de ces lois était que les vaincus non-seulement fourniraient à leurs dépens les prix aux vainqueurs, mais de plus qu'ils seraient contraints d'effacer leurs propres ouvrages avec une éponge, et qu'en cas de refus, ils seraient battus de verges, ou même précipités dans le Rhône. De-là vient le proverbe de Juvenal, sat. 2. Ve 44.

Palleat ut nudis pressit qui calcibus anguem,

Aut Lugdunensem rhetor dicturus ad aram.

Le temple d'Auguste, son autel, et l'académie de Caligula, dont parlent Suétone et Juvenal, étaient dans l'endroit où est aujourd'hui l'abbaye d'Aisnay, nom corrompu du mot Athaenaeum.

Lyon jouissait de tant de décorations honorables, lorsque cent ans après sa fondation, elle fut détruite en une seule nuit, par un incendie extraordinaire, dont on ne trouve pas d'autres exemples dans les annales de l'histoire. Seneque, épist. 91. à Lucius, dit avec beaucoup d'esprit, en parlant de cet embrasement, qu'il n'y eut que l'intervalle d'une nuit, entre une grande ville et une ville qui n'existait plus ; le latin est plus énergique : inter magnam urbem, et nullam, una nox interfuit. Cependant Néron ayant appris cette triste nouvelle, envoya sur le champ une somme considérable pour rétablir cette ville, et cette somme fut si bien employée, qu'en moins de vingt ans Lyon se trouva en état de faire tête à Vienne, qui suivait le parti de Galba contre Vitellius.

On voit encore à Lyon quelques pauvres restes des magnifiques ouvrages dont les Romains l'avaient embellie. Le théâtre où le peuple s'assemblait pour les spectacles était sur la montagne de Saint-Just, dans le terrain qui est occupé par le couvent et les vignes des Minimes. On y avait construit des aqueducs pour conduire l'eau du Rhône dans la ville, avec des réservoirs pour recevoir ces eaux. Il ne subsiste de tout cela qu'un réservoir assez entier, qu'on appelle la grotte Berelle, quelques arcades ruinées et des amas de pierres.

Le palais des empereurs et des gouverneurs, lorsqu'ils se trouvaient à Lyon, était sur le penchant de la même montagne, dans le terrain du monastère des religieuses de la Visitation. L'on ne saurait presque y creuser que l'on n'y trouve encore quelque antiquaille. On peut ici se servir de ce mot antiquaille, parce qu'une partie de la colline en a retenu le nom.

Lorsque dans le cinquième siècle les Gaules furent envahies par des nations barbares, Lyon fut prise par les Bourguignons, dont le roi devint feudataire de Clovis sur la fin du même siècle. Les fils de Clovis détruisirent cet état des Bourguignons, et se rendirent maîtres de Lyon. Mais cette ville dans la suite des temps changea plusieurs fois de souverains ; et ses archevêques eurent de grands différends avec les seigneurs du Lyonnais, pour la juridiction. Enfin les habitants s'étant affranchis de la servitude, contraignirent leur archevêque de se mettre sous la protection du roi de France, et de reconnaître sa souveraineté. C'est ce qui arriva sous Philippe le Bel en 1307 ; alors ce prince érigea la seigneurie de Lyon en comté, qu'il laissa à l'archevêque et au chapitre de S. Jean ; et c'est-là l'origine du titre de comtes de Lyon que prennent les chanoines de cette église.

En 1563, le droit de justice que l'archevêque avait, fut mis en vente, et adjugé au roi, dernier enchérisseur. Depuis ce temps-là toute la justice de Lyon a été entre les mains des officiers du Roi.

Cette ville a présentement un gouverneur, un intendant, une sénéchaussée et siège présidial, qui ressortissent au parlement de Paris ; un échevinage, un arsenal, un bureau des trésoriers de France, une cour des monnaies et quatre foires renommées.

L'archevêché de Lyon vaut environ cinquante mille livres de rente. Quand il est vacant c'est l'évêque d'Autun qui en a l'administration, et qui jouit de la régale ; mais il est obligé de venir en personne en faire la demande au chapitre de saint Jean de Lyon. L'archevêque de Lyon a aussi l'administration du diocèse d'Autun pendant la vacance, mais il ne jouit pas de la régale.

Comme plusieurs écrivains ont donné d'amples descriptions de Lyon, j'y renvoie le lecteur, sans entrer dans d'autres détails. Je remarquerai seulement, que cette ville se trouvant au centre de l'Europe, si l'on peut parler ainsi, et sur le confluent de deux rivières, la Saône et le Rhône ; une situation si heureuse la met en état de fleurir et de prospérer éminemment par le négoce. Elle a une douanne fort ancienne et fort considérable ; mais il est bien singulier que ce n'est qu'en 1743, que les marchandises allant à l'étranger ont été déchargées des droits de cette douanne. Cette opération si tardive, dit un homme d'esprit, prouve assez combien longtemps les François ont été aveuglés sur la science du commerce.

Lyon est à six lieues N. O. de Vienne, vingt N. O. de Grenoble, vingt-huit S. O. de Genève, trente-six N. d'Avignon, quarante S. O. de Dijon, soixante N. O. de Turin, cent S. E. de Paris. Long. suivant Cassini, 22d. 16'. 30''. lat. 45d. 45'. 20''.

On sait que l'empereur Claude fils de Drusus, et neveu de Tibere, naquit à Lyon dix ans avant J.C. mais cette ville ne peut pas se glorifier d'un homme dont la mère, pour peindre un stupide, disait qu'il était aussi sot que son fils Claude. Ses affranchis gouvernèrent l'empire, et le déshonorèrent ; enfin lui-même mit le comble au desastre en adoptant Néron pour son successeur au préjudice de Britannicus. Parlons donc des gens de lettres, dont la naissance peut faire honneur à Lyon, car elle en a produit d'illustres.

Sidonius Apollinaris doit être mis à la tête, comme un des grands évêques et des célèbres écrivains du cinquième siècle. Son père était préfet des Gaules sous Honorius. Apollinaire devint préfet de Rome, patrice, et évêque de Clermont. Il mourut en 480, à cinquante-deux ans. Il nous reste de lui neuf livres d'épitres et vingt-quatre pièces de poésies, publiées avec les notes de Jean Savaron et du père Sirmond.

Entre les modernes, Messieurs Terrasson, de Boze, Spon, Chazelles, Lagni, Truchet, le père Ménétrier, etc. ont eu Lyon pour patrie.

L'abbé Terrasson (Jean) philosophe pendant sa vie et à sa mort, mérite notre reconnaissance par son élégante et utîle traduction de Diodore de Sicile. Malgré toutes les critiques qu'on a faites de son Sethos, on ne peut s'empêcher d'avouer qu'il s'y trouve des caractères admirables et des morceaux quelquefois sublimes ; il mourut en 1750. Deux de ses frères se sont livrés à la prédication avec applaudissement ; leurs sermons imprimés forment huit volumes in-12. L'avocat Terrasson ne s'est pas moins distingué par ses ouvrages de jurisprudence. Il était l'oracle du Lyonnais, et de toutes les provinces qui suivent le droit romain.

M. de Boze (Claude Gros de) habîle antiquaire et savant littérateur, s'est distingué par plusieurs dissertations sur les médailles antiques, par sa bibliothèque de livres rares et curieux, et plus encore par les quinze premiers volumes in 4°. des mémoires de l'académie des Inscriptions, dont il était le secrétaire perpétuel. Il mourut en 1754 âgé de soixante-quatorze ans.

Le public est redevable à M. Spon (Jacob) des recherches curieuses d'antiquités in-folio, d'une relation de ses voyages de Grèce et du Levant, imprimés tant de fais, et d'une bonne histoire de la ville de Genève. Il mourut en 1685 âgé seulement de trente-huit ans.

Chazelles (Jean Matthieu de) imagina le premier qu'on pouvait conduire des galeres sur l'Océan ; ce qui réussit. Il voyagea dans la Grèce et dans l'Egypte ; il mesura les pyramides, et remarqua que les quatre côtés de la plus grande sont exposés aux quatre régions du monde ; c'est-à-dire à l'orient, à l'occident, au midi et au nord. Il fut associé à l'académie des Sciences, et mourut à Marseille en 1710 âgé de cinquante-trois ans.

M. de Lagny (Thomas Fantet de) a publié plusieurs mémoires de Mathématiques dans le recueil de l'académie des Sciences, dont il était membre. Il mourut en 1734 âgé de soixante-quatorze ans. Voyez son éloge par M. de Fontenelle.

Truchet (Jean) célèbre mécanicien, plus connu sous le nom de P. Sébastien, naquit à Lyon en 1657, et mourut à Paris en 1729. Il enrichit les manufactures du royaume de plusieurs machines très-utiles, fruit de ses découvertes et de son génie ; il inventa les tableaux mouvants, l'art de transporter de gros arbres entiers sans les endommager ; et cent autres ouvrages de Mécanique. En 1699, le roi le nomma pour un des honoraires de l'académie des Sciences, à laquelle il a donné comme académicien quelques morceaux, entr'autres une élégante machine du système de Galilée, pour les corps pesans, et les combinaisons des carreaux mi-partis, qui ont excité d'autres savants à cette recherche.

Le R. P. Ménétrier (Claude Français) jésuite, décédé en 1705, a rendu service à Lyon sa patrie, par l'histoire consulaire de cette ville. Il ne faut pas le confondre avec les deux habiles antiquaires de Dijon, qui portent le même nom, Claude et Jean-Baptiste le Menestrier, et qui ont publié tous les deux des ouvrages curieux sur les médailles d'antiquités romaines.

Je pourrais louer le poète Gacon (Français) né à Lyon en 1667, s'il n'avait mis au jour que la traduction des odes d'Anacréon et de Sapho, celle de la comédie des oiseaux d'Aristophane, et celle du poème latin de du Fresnoy sur la Peinture. Il mourut en 1725.

Vergier (Jacques) poète lyonnais, est à l'égard de la Fontaine, dit M. de Voltaire, ce que Campistron est à Racine, imitateur faible, mais naturel. Ses chansons de table sont charmantes, pleines d'élégance et de naïveté. On sait quelle a été la triste fin de ce poète ; il fut assassiné à Paris par des voleurs en 1720, à soixante-trois ans.

Enfin Lyon a donné de fameux artistes ; par exemple, Antoine Coysevox, dont les ouvrages de sculpture ornent Versailles ; Jacques Stella, qui devint le premier peintre du Roi, et qui a si bien réussi dans les pastorales ; Joseph Vivien, excellent dans le pastel, avant le célèbre artiste de notre siècle, qui a porté ce genre de peinture au dernier point de perfection, etc. (D.J.)