(Géographie) ou HISPAHAN, en persan Sephaon, et par les Arabes Esfahan, capitale de la Perse, la plus grande, la plus belle ville de l'orient, et celle où les Sciences, si je puis user ici de ce terme, étaient le plus cultivées du temps de Chardin, qui a employé un volume entier à décrire cette superbe ville.

Il nous la peint aussi peuplée que Londres ou Paris le sont actuellement, dans un air sec et pur ; un terroir fertile, où les vivres se vendent pour rien, et où abordent pour le commerce une foule incroyable de négociants de toute la terre, et de toutes les sectes, Baniants, Bramins, Chrétiens, Juifs, Mahométans, Gentils, Guèbres, etc. Les Baniants vont du cap de Comorin jusqu'à la mer Caspienne trafiquer avec vingt nations sans s'être jamais mêlés à aucune.

Les mémoires représentent Ispahan ayant au moins 7 lieues de tour, et possédant dans l'enceinte de ses murailles 162 mosquées, 1802 caravansérais, 273 bains, 48 colléges, des ponts superbes, 100 palais plus beaux les uns que les autres, quantité de rues ornées de canaux, dont les côtés sont couverts de platanes, pour y donner de l'ombre, des bazards magnifiques placés dans tous les quartiers et dans les fauxbourgs, un nombre prodigieux de salles immenses qu'on appelle maisons à caffé ; où les uns prenaient de cette liqueur devenue à la mode parmi nous sur la fin du XVIIe siècle ; les autres jouaient, lisaient ou écoutaient des faiseurs de contes, tandis qu'à un bout de la salle, un ecclésiastique prêchait pour quelque argent, et qu'à un autre bout, ces espèces d'hommes qui se sont fait un art de l'amusement des autres, déployaient tous leurs talents ; tout son détail montre un peuple sociable dans une ville très-opulente.

Mais quand on parcourt la description que Chardin fait du Maydan ou marché royal, celle du palais de l'empereur qui a plus d'une lieue de circuit, la magnificence de sa cour, de ses serrails, de ses écuries, du nombre de ses chevaux, couverts de riches brocards, de leurs harnais brillans de pierreries, de ces quatre mille vases d'or qui servaient pour sa table, on croit lire un roman, un conte de fées, ou du moins une relation du temps de Xerxès.

Telle était toutefois la magnificence de Sha-Abas II, dans le temps de notre voyageur ; telle était alors Ispahan. Dans notre siècle la Perse entière a été désolée et bouleversée pendant trente années de suite par tous ses voisins ; la célèbre, la riche et superbe ville d'Ispahan a été pillée, saccagée, ruinée de fond en comble ; son commerce a été anéanti ; enfin ses habitants ont presque tous péri par la famine ou par le fer dans les deux étranges révolutions survenues depuis 1722, et qui ont jeté le royaume de l'état le plus florissant dans le plus grand abîme de malheurs. Voyez PERSE.

Ispahan est très-ancienne, quoique ce ne soit pas l'Hécatompolis des Grecs. Il est vraisemblable qu'elle a succédé à l'Aspadana de Ptolomée, l'Aspachan de Cédrene, et l'Aspada de l'anonime de Ravenne ; Sha-Abas I. qu'on a surnommé le Grand, parce qu'il fit de très-grandes choses, la choisit pour la capitale de son empire, et ne négligea ni soins ni dépenses pour l'embellir, jusqu'à percer une montagne pour amener une rivière dans le Zendérond, sur lequel elle est située, 108 lieues S. E. de Casbin, et 106 N. E. de Bassora. Long. selon Cassini, Desplaces, et Lieutaud, 70d. 21'. 30''. Latit. 32. 25. (D.J.)