(Glossaire Géographie) en latin pons, en italien ponte, en espagnol puente, en allemand bruck, et en anglais bridge. C'est un bâtiment de pierre ou de bois, élevé au-dessus d'une rivière, d'un ruisseau ou d'un fossé pour la facilité du passage. Il y en a aussi qui sont faits de plusieurs bateaux attachés ensemble et couverts de planches pour communiquer d'une rive à l'autre. Les ponts sont marqués dans les cartes géographiques par deux petites lignes droites et parallèles entr'elles au-travers des rivières. La commodité des ponts pour le commerce, et leur importance pour la communication d'un pays à l'autre les a quelquefois fait fortifier de châteaux et de tours ; et les peuples étant venus peu-à-peu s'établir auprès de ces ponts, il s'y est enfin formé de grandes villes. Il y a néanmoins des villes plus anciennes que leurs ponts. On reconnait la plupart de celles auxquelles les ponts ont donné naissance par les mots de pont, ponte, puente, bruck ou bridge, joints à leurs noms avec le nom de la rivière sur le bord de laquelle elles sont bâties. De tous temps on a Ve aussi des ponts qui n'avaient point de villes voisines, et qui servaient seulement pour l'usage des voyageurs ou pour le passage des armées. (D.J.)

PONT, (Charpenterie) cet ouvrage est le plus important de la Charpenterie : nous allons donc suppléer ici tout ce qu'on aurait dû placer à l'article CHARPENTE.

De la Charpenterie en général. Par le mot de Charpenterie l'on entend l'art de tailler et assembler avec justesse et solidité des bois de différente grosseur pour la construction des grands ouvrages, comme dans les bâtiments, les combles, planchers, pans de bois, cloisons, escaliers, lucarnes, etc. les ponts de bois, de bateau, et ceintres, pour ceux de pierre, les batardeaux, fondements de piles et culées, les échafaudages, les vaisseaux, navires, et toutes sortes de bateaux, grands et petits, les moulins à vent et à l'eau, les presses et pressoirs, et presque tous les ouvrages mécaniques, mais encore celui de conduire, transporter et élever toute sorte de fardeaux, pour lesquels la connaissance de la géométrie, et surtout des mécaniques, est absolument nécessaire. Ce mot vient du latin carpentarius ou carpentum, un char, à cause du rapport qu'il y a des ouvrages de charron avec ceux du charpentier.

Anciennement tous ceux qui travaillaient le bois ne formaient qu'une seule et unique profession, et étaient appelés Charpentiers. Il y en avait de deux sortes : les uns étaient appelés charpentiers de la grande coignée (nom d'un des principaux instruments de cette profession), qui employaient les gros bois pour les gros ouvrages de charpenterie : les autres au contraire étaient appelés charpentiers de la petite coignée, qui employaient les menus bois à toute sorte de petits ouvrages. Vers la fin du quinzième siècle, ceux-ci, à cause des menus bois qu'ils employaient, prirent le nom de menuisiers, c'est-à-dire ouvriers en menus ; de-là vinrent les différentes sortes de menuisiers, comme menuisiers d'assemblage, menuisiers de placage ou ébénistes, et plusieurs autres. Quelque temps après on divisa encore la charpenterie en deux espèces : l'une le charronage, dont les ouvrages sont les charrettes, équipages, et toutes sortes de voitures ; et l'autre la charpenterie proprement dite, qui est celle dont nous allons traiter.

Origine de la Charpenterie. Il parait assez vraisemblable que l'art de charpenterie est le premier et le plus ancien de tous. Le bois, dit Vitruve, ayant servi d'abord aux premières habitations des hommes accoutumés alors à vivre comme les bêtes dans le fond des forêts, ils n'avaient comme elles qu'une nourriture sauvage. Il arriva un jour qu'un feu allumé tout-à-coup par le frottement violent de plusieurs arbres, causé par la force du vent, les rassembla tous en un même lieu, et donna matière à une dissertation sur ce nouveau phénomène, dont ils tirèrent par la suite de très-grands avantages : assemblés ainsi ils se parlaient par signes, articulaient des mots dont ils convenaient de la signification, et peu-à-peu ils formèrent société ; enfin pour être plus à la portée, ils se firent des demeures près les unes des autres et à l'abri des injures du temps. Leurs premières idées furent de faire des toits en croupe, espèce de comble dont nous parlerons dans la suite, qui n'étaient que des pieux dressés debout, et appuyés l'un contre l'autre par leurs extrémités supérieures pour soutenir des branches d'arbre, des joncs, de la paille, ou des branches d'osier entrelacées, garnies de terre, et cela pour se garantir des ardeurs du soleil pendant le jour, du serein pendant la nuit, des rigueurs du froid pendant l'hiver, et des pluies et mauvais temps. Ce qui se présenta de plus favorable à cet usage fut le bois qui venait de soi-même dans les forêts. Devenant peu-à-peu industrieux, ils s'en firent des cabanes, ensuite des maisons, et enfin des édifices plus importants, selon les matériaux des pays et la richesse des peuples. Ils sont parvenus à équarrir le bois au-lieu de l'employer brute ; les mortaises ont succédé aux trous, les tenons aux chevilles, enfin l'art de charpenterie s'est perfectionné à un tel point que nous verrons par la suite des chefs-d'œuvre de cet art.

La charpenterie se divise en quatre espèces différentes, la première est la connaissance des bois propres à cet art, la seconde est la manière de les équarrir, la troisième en est l'assemblage, et la quatrième est celui de les joindre ensemble pour en fabriquer toute sorte d'ouvrages.

Des bois en général. De tous les bois que l'on emploie dans la charpenterie, il en est qui ne peuvent se conserver à l'air, parce qu'ils se fendent, se déjettent (a), et se tourmentent, soit par les grandes chaleurs de l'été ou les grands froids de l'hiver, ce qui cause quelquefois des interruptions et des dommages dans les ouvrages qui en sont faits ; d'autres qui ne peuvent se conserver dans l'eau parce qu'ils se pourrissent ; d'autres encore qui ne peuvent se conserver exposés tantôt aux ardeurs du soleil et tantôt à l'humidité, raison pour laquelle il est absolument nécessaire à un charpentier d'en connaître la nature et la qualité, afin de pouvoir en faire un bon choix, et prévenir par-là une infinité d'inconvéniens. Pour parvenir à cette connaissance, il faut examiner la situation des forêts et comment les bois y sont venus, si le terrain est graveleux, sablonneux et pierreux, exposé aux rayons du soleil : que les arbres soient éloignés les uns des autres et à découvert, les bois en seront durs, francs, secs, nets, et très-bons pour la charpenterie ; mais les menuisiers, sculpteurs, et autres, ne pourront s'en servir à cause de leur dureté ; si au contraire le terrain est humide, que les arbres soient pressés et couverts, les bois en seront trop tendres pour la charpenterie, mais en récompense seront très-propres pour la menuiserie et la sculpture ; aussi l'expérience nous a-t-elle toujours montré que les bois exposés au nord et au levant sont préférables à ceux qui sont exposés au midi et au couchant, à cause des vents humides qui viennent de ces côtés-là.

Les bois dont on se sert dans la charpenterie nous viennent principalement des provinces de Lorraine, de Champagne, de Bourgogne, de Brie, de Picardie, de Normandie, et quelques autres ; les uns par charrais, les autres par bateaux, et d'autres encore par flottes, selon la commodité des rivières qui les amènent, quelquefois à fort peu de frais : ils arrivent ordinairement à Paris tout débités, de différents calibres, c'est-à-dire en pièces carrées, en planches, en voliges, mairrains, lattes, échalas et autres ; le Bourbonnais et le Nivernais en fournissent aussi, mais non en grosses pièces, parce que les rivières de ces endroits-là ne peuvent en permettre la navigation : la province d'Auvergne et ses environs fournissaient autrefois beaucoup de sapins pour la charpenterie, mais depuis que l'on n'en emploie plus, le commerce en est cessé.

Le chêne est de tous les bois celui qui est le plus en usage dans cet art : on employait beaucoup autrefois le sapin et le châtaignier ; on se sert encore quelquefois, mais fort rarement, de bois d'orme, de frêne, de hêtre, de charme, de tilleul, de peuplier, de tremble, d'aune, de noyer, de poirier, de cormier, neffliers, sauvageons, alisiers, et autres. Tous ces bois se réduisent à trois espèces différentes : la première sont les bois taillis ; la seconde, les bois baliveaux ; et la troisième, les bois de futaie. Les bois taillis sont ceux qui ne passent point l'âge de quarante ans, et que l'on coupe pour mettre en vente. Les baliveaux sont ceux qu'on a laissés sur pied après la coupe, dont les principaux ou maîtres brins se nomment baliveaux sur souche ; on appelle encore baliveaux sur taillis ceux qui ont depuis cinquante jusqu'à quatrevingt ans. Les bois de futaie sont de trois sortes : la première, que l'on appelle jeune ou basse-futaie, dont les arbres sont de quarante à soixante ans ; la seconde, que l'on appelle moyenne ou demi-futaie, dont les arbres sont de soixante à cent vingt ans ; et la troisième, que l'on appelle grande ou haute-futaie, dont les arbres sont de cent vingt ou deux cent ans ; après ce

(a) Un bois se dejette lorsque les surfaces, de droites qu'elles étaient, deviennent tortueuses, et cessent d'être planes.

temps on les appelle bois de vieille-futaie, parce qu'alors les bois ne pouvant plus profiter, et commençant à dépérir par leur trop grande vieillesse, ils ne sont plus propres à rien.

Il n'est pas moins dangereux de laisser trop vieillir les arbres, que de les couper trop jeunes, puisque dans le premier cas ils n'ont plus ni force ni vigueur, et que dans le dernier ils sont trop petits et sans force ; c'est donc depuis cent vingt jusqu'à deux cent ans qu'est le temps le plus propre pour la coupe.

Des temps propres pour la coupe des bois, et de la manière de les couper. Pour éviter de tomber dans l'inconvénient d'employer les bois trop vieux ou trop jeunes, il faut, avant que de les couper, avoir une connaissance exacte de leur âge, en s'informant d'abord aux gens des environs du temps de leurs différentes plantations et de celui de leur dernière coupe, ou bien encore par soi-même en en sciant quelques-uns par le pied, figure première, et comptant les années de leur pousse par le nombre de cercles A, qui se trouvent marqués sur le tronc B depuis le centre C.

Il est aisé de concevoir que tous les végétaux reçoivent leur nourriture de la terre ; que c'est par le plus ou moins de cette nourriture qu'ils accraissent ou dépérissent, puisque l'automne les dépouille toujours des fruits et des feuilles qu'ils avaient reçus du printemps : la raison est que la fraicheur de ce temps venant à dissiper la seve qui les entretenait, empêche le cours ordinaire de leur nourriture, ce qui fait qu'ils demeurent dans l'inaction pendant les hivers ; c'est alors que les pores du bois se resserrent et se raffermissent, jusqu'à ce que la terre venant à s'échauffer de nouveau par les douceurs du printemps, fournit une nourriture nouvelle qui, travaillant avec une telle vivacité entre le bois et l'écorce, forme autour de l'arbre une ceinture d'un nouveau bois, qui est un des cercles dont nous venons de parler et celui de la dernière année.

Le temps le plus propre pour la coupe des bois, dit Vitruve, est depuis le commencement de l'automne jusqu'au printemps, c'est-à-dire, depuis le mois d'Octobre jusqu'au mois de Mars, et surtout dans les derniers quartiers de la lune, afin qu'ils ne soient pas si sujets à être mangés des vers ; parce que, dit-il, au printemps, la tige de tous les arbres est comme enceinte des feuilles et des fruits qu'ils doivent produire, en quoi ils emploient toute la vertu de leur substance ; et l'humidité dont la disposition du temps les emplit infailliblement, les rend alors beaucoup plus faibles, semblables à des femmes dont la santé est reconnue imparfaite pendant le temps de leur grossesse : la raison, ajoute encore cet auteur, est que ce qui a été conçu venant à croitre, attire à soi la meilleure partie de la nourriture, en sorte que tandis que le fruit se fortifie en mûrissant, ce qui l'a produit perd de sa force et de sa fermeté, ce que les arbres ne peuvent recouvrer qu'en automne par le suc qu'ils retiennent, lorsque les fruits sont mûrs et que les feuilles commencent à se flétrir ; c'est alors que, comme les femmes qui ont accouché, ils reprennent leur première force, et le froid de l'hiver survenant les resserre et les affermit.

Des bois propres à la Charpenterie. Le sapin était autrefois fort en usage dans la Charpenterie à cause de son peu de poids dans les bâtiments ; mais ayant reconnu que ce bois était très-foible, spongieux, sujet à se pourrir promptement, et fort dangereux dans les incendies, on l'a abandonné. Le châtaignier était aussi fort en usage, parce qu'il ne se pourrissait point et qu'il était ferme et solide ; mais étant devenu très-rare en France, on lui a préféré le chêne qui est sans contredit meilleur, et presque le seul maintenant que l'on emploie dans cet art.

On divise communément le bois de charpente en deux espèces ; l'une se nomme bois de brin, et l'autre bois de sciage. Le bois de brin, fig. 2. qui est le plus solide, est celui qui demeurant dans sa grosseur naturelle, est équarri sur quatre faces A, en supprimant les quatre dosses B de l'arbre qui peuvent servir à faire des plate-formes : c'est ainsi que l'on fait les plus grosses pièces de bois, appelées poutres, qui ont toujours besoin de solidité pour porter les solives, comme nous le verrons dans la suite. Ces pièces ont environ deux pieds de grosseur sur sept à huit taises de longueur ; d'autres diminuent en proportion de grosseur et de longueur jusqu'à quinze à seize pouces de gros et environ vingt-quatre pieds de long, qu'on appelle petites poutres ou poutrelles : il en est encore d'autres qui n'ont qu'un pied de grosseur, celles-là servent dans les combles et dans les planchers des grands appartements.

Le bois de sciage, fig. 3. est celui qui est refendu en plusieurs morceaux A à la scie, pour en faire des chevrons, poteaux, solives, limons d'escaliers, etc. ainsi que des plate-formes, madriers, et autres ; il est moins solide que le précédent, parce que les fibres du bois n'étant pas ordinairement parallèles entr'eux, il arrive rarement qu'une pièce de bois refendue ne soit traversée de quelques fils qui la coupent, ou affamée par quelques nœuds vicieux ; c'est avec celles-ci que l'on fait toutes les pièces qui n'ont pas besoin d'une grande solidité.

Les plus belles pièces et les mieux faites sont les plus droites, d'égale grosseur, sans aubier (b), flache (c), ni nœuds vicieux, et dont les arêtes sont vives : lorsqu'elles sont tortueuses, remplies de flaches, d'aubier, ou de nœuds vicieux, on les réserve pour les courbes.

Tous les bois de charpente arrivent à Paris en pièces de différente sorte ; la première sont les poutres et poutrelles, la seconde les poteaux, la troisième les solives, la quatrième les chevrons, et la cinquième les limons et quartiers tournans des escaliers.

Les poutres et poutrelles sont toujours en chêne et en bois de brin pour plus de solidité ; elles ont de grosseur depuis 15 pouces en carré, sur environ 24 pieds de long, jusqu'à 2 pieds, et 7 à 8 taises de longueur ; on s'en sert dans les planchers des bâtiments pour soutenir la portée des solives.

Les poteaux sont aussi toujours en chêne, et portent depuis 4 pouces jusqu'à environ 9 pouces de grosseur ; on s'en sert dans les pans de bois pour les huisseries (d) des portes et croisées.

Les solives se faisaient autrefois en bois de sapin, mais depuis que l'on a reconnu que ce bois était très-foible, et sujet au feu et à se pourrir, on lui a substitué le chêne ; ces pièces portent ordinairement six à sept pouces de grosseur ; mais ayant toujours plus de largeur que d'épaisseur, elles servent à soutenir les aires (e) dans les planchers des bâtiments.

Les chevrons sont quelquefois en bois de châtaignier, mais le plus souvent en bois de sapin ou de chêne : le premier est sans contredit le meilleur, parce qu'il ne se pourrit point, qu'il n'est pas fort pesant, et qu'il est solide ; mais depuis qu'il est devenu rare, on ne s'en sert plus : le second plus léger est aussi le plus faible ; on ne laisse pas néanmoins de s'en servir : le dernier, quoiqu'un peu plus pesant que les autres, est néanmoins beaucoup plus fort et solide ; leur grosseur est ordinairement de quatre à cinq pouces en carré ; on s'en sert pour la couverture des bâtiments.

Les limons et quartiers tournans d'escaliers sont

(b) L'aubier est une ceinture blanche autour de tous les bois, qui est la pousse de la dernière année.

(c) Flache est un moins dans les bois.

(d) Huisserie est un nom que l'on donnait autrefois aux portes.

(e) Aire est une surface.

ordinairement des pièces de bois courbes et tortueuses de différente grosseur, raison pour laquelle on les réserve pour ces sortes d'ouvrages.

Il faut observer que la longueur des bois diffère toujours de trois en trois pieds, et leur grosseur à proportion, depuis 6 pieds jusqu'à 30 ; c'est-à-dire qu'ils sont de 6, 9, 12, 15, 18, 21, 24, 27, 30 pieds et plus ; passé cette mesure, leur longueur est indéterminée : tous ces bois se vendent sur les ports de la Rapée et de l'Hôpital à Paris.

En général le meilleur bois est celui qui est sain, net et de droit fil, dont tous les fibres sont à-peu-près parallèles aux deux bords des pièces, qui n'a aucuns nœuds vicieux, tampons (f), aubiers, ni malandres (g) ; on peut le connaître après l'avoir scié par les deux bouts, en prêtant l'oreille d'un côté tandis que l'on frappe de l'autre ; si le son est clair, c'est une marque que la pièce est bonne, s'il est sourd et cassé, c'est une marque que la pièce est gâtée ; quelques-uns prétendent qu'avec un peu d'huîle bouillante, on en peut connaître les différentes propriétés.

Du bois selon ses espèces. On appelle bois de chêne rustics ou durs, ceux qui étant venus dans un terrain ferme, pierreux, sablonneux, et sur le bord des forêts, est par conséquent d'un fil gros et dur ; c'est de celui-là que l'on se sert dans la charpenterie.

Bois de chêne tendre, est celui qui étant venu dans un terrain humide, et à l'abri du soleil, est gras, moins poreux que le précédent, et qui a fort peu de fils ; c'est pour cela qu'on l'emploie dans la menuiserie et la sculpture ; on l'appelle encore bois de Vauge ou de Hollande.

Bois précieux et durs, sont des bois très-rares de plusieurs espèces et de différentes couleurs, qui nous viennent des Indes, qui reçoivent un poli très-luisant, et que l'on emploie dans l'ébénisterie et la marqueterie.

Bois légers, sont des bois blancs dont on se sert au lieu de chêne, tels que le sapin, le tilleul, et quelques autres, que l'on emploie dans les planchers, les cloisons, etc. pour en diminuer le poids.

Bois tortueux est celui qui étant de différente forme, et dont les fils étant courbés, est réservé pour faire des courbes et autres parties ceintrées.

Du bois selon ses façons. On appelle bois en grume, un bois ébranché dont la tige n'est point équarrie ; on l'emploie de sa grosseur pour les pieux et palées des pilotis.

Bois de brin ou de tige, est celui dont on a ôté seulement les quatre dosses flaches.

Bois de sciage ; celui qui est propre à refendre, ou qui est débité à la scie, fig. 28. Pl. (des outils) pour en faire des membrures (h), chevrons (i), ou planches.

Bois d'équarrissage, est celui qui est équarri, et qui au-dessus de six pouces de grosseur, change de nom selon les dimensions.

Bois de refend, est celui que l'on refend par éclat pour en faire du mairrain (k), des lattes, contrelattes, échalas, bois de boisseaux, et autres choses semblables.

Bois méplat, est celui qui a beaucoup plus de largeur que d'épaisseur, tels que les membrures de menuiserie, etc.

Bois d'échantillon, sont des pièces de bois des grosseur et longueur ordinaires, telles qu'on les trouve dans les chantiers des marchands.

Bois refait, est celui qui de gauche et de flache qu'il était, est équarri et dressé sur ses faces au cordeau.

Bois lavé, est celui dont on a ôté tous les traits avec la besaiguè, fig. 32. dans les Pl. ou le rabot, fig. 48. Pl. des outils.

Bois corroyé, est celui qui est repassé au rabot.

Bois affoibli, est un bois dont on a beaucoup supprimé de sa forme d'équarrissage, pour lui donner celle d'une courbe droite ou rampante, ou à dessein de former des bossages aux poinçons des corbeaux, aux poteaux des membrures, etc.

Bois apparent, est celui qui étant mis en œuvre dans les planchers, cloisons ou pans de bois, n'est point recouvert de plâtre.

Du bois selon ses qualités. On appelle bois sain et net, celui qui n'a aucuns nœuds vicieux, malandres, gales, fistules, etc.

Bois vif, celui dont les arêtes sont bien vives et sans flache, et où il ne reste ni écorce, ni aubier.

Du bois selon ses défauts. On appelle bois blanc, celui qui tenant de la nature de l'aubier se corrompt facilement.

Bois flache, est celui dont les arêtes ne sont pas vives, et qui ne peut être équarri sans beaucoup de déchet : les ouvriers appellent cantibay, celui qui n'a du flâche que d'un côté.

Bois gauche ou deversé, est celui qui n'est pas droit par rapport à ses angles et à ses côtés.

Bois bouge ou bombé, est celui qui a du bombement, ou qui courbe en quelque endroit.

Bois qui se tourmente, est celui qui se déjette ou se cauffine, lorsqu'il seche plus d'un côté que de l'autre, dans un endroit que dans un autre, surtout lorsqu'il est exposé au soleil ou à la pluie.

Bois noueux ou nouailleux, est celui qui a beaucoup de nœuds, qui quelquefois font casser les pièces lorsqu'elles sont chargées de quelque fardeau, ou lorsqu'on les débite.

Bois tranché, est celui dont les nœuds vicieux ou les fils sont obliques, et qui traversant la pièce la coupent et l'empêchent de résister à la charge.

Bois roulé, est celui dont les cernes sont séparées, et qui ne faisant pas corps n'est pas propre à débiter : ce défaut arrive ordinairement lorsque dans le temps de sa seve il a été battu par les vents.

Bois gelif, est celui qui ayant été exposé à la gelée, ou aux ardeurs du soleil, est rempli de fentes et de gersures.

Bois carié ou vicié, est celui qui a des malandres, gales ou nœuds pourris.

Bois vermoulu, est celui qui est piqué de vers.

Bois rouge, est celui qui s'échauffe et qui est sujet à se pourrir : ce bois est encore rempli d'une infinité de petites taches blanches, rousses et noires ; ce qui lui fait donner le nom de pouilleux par les ouvriers de quelques provinces.

Bois mort en pied, est un bois qui est sans substance, et qui n'est bon qu'à bruler.

De la manière d'équarrir les bois. Il y a deux manières d'équarrir les arbres : l'une, en supprimant les dosses flaches B, fig. 2. en les débitant (n) à la scie, fig. 28. Planches (des outils) ; et l'autre, en les charpentant d'un bout à l'autre avec la coignée, fig. 33. Planches (des outils). La première, beaucoup plus prompte et plus facile, est celle dont on se sert le plus souvent : d'ailleurs, ces quatre dosses B, fig. 2. qui restent sont encore très-propres à faire des plateformes, madriers, et autres planches qui, dans le dernier cas, sont réduites en copeaux.

Lorsque l'on veut équarrir les bois, il est absolument nécessaire de les tracer avant, en tirant géométriquement toutes les lignes qui doivent servir de divisions droites et régulières, que l'on suit après

(f) Tampon est le petit morceau de bois que l'on met pour boucher un trou.

(g) Malandres, espèce de fentes.

(h) Membrures, grosses pièces refendues.

(i) Chevrons, bois qu'on emploie dans les couvertures.

(k) Espèce de lattes qui servent à couvrir.

(n) Débiter, c'est scier ou refendre les bois.

avec la scie, fig. 28. Pl. des outils, ou la coignée, fig. 33. Pl.

Pour y parvenir, ainsi que pour toutes les opérations quelconques que l'on a à y faire, il faut commencer d'abord par les mettre en chantier (o), c'est-à-dire, placer, par exemple, la pièce de bois A, fig. 4. que l'on veut travailler sur deux calles (p) B, ou autres pièces de bois carrées ou méplates que l'on appelle chantier de bois, ce qui la faisant mieux porter (q) la rend beaucoup plus solide : la raison est premièrement, qu'il est peu de terrain parfaitement uni ; secondement, qu'il est aussi très-peu de pièces de bois parfaitement droites, raisons pour lesquelles il ne peut ainsi porter solidement ; car si on la posait simplement à terre, elle pirouetterait et tournerait çà et là au gré des outils ou autres instruments avec lesquels on opérerait ; de plus, étant un peu élevée, on est plus à son aise pour les différentes opérations que l'on veut y faire.

Cette pièce de bois A, fig. 4. étant en chantier, on en ôte d'abord l'écorce ; ensuite les deux extrémités C et D étant sciées bien carrément (r), on y trace par chaque bout un carré de la grosseur que la pièce de bois peut porter, en observant qu'ils se regardent et soient tous deux placés bien juste sur le même plan. La Géométrie-pratique enseigne plusieurs manières à cet effet, mais la plus courte et la plus sure est d'abord de tracer par un bout C un carré ; ensuite, pour faire que celui qui doit être placé à l'autre extrémité D soit sur le même plan du précédent, il suffit d'en avoir un côté E sur le même plan d'un des côtés de celui de l'extrémité C de la pièce, une règle F parallèle à un des côtés du carré C déjà tracé, et placer ensuite par l'autre bout une seconde règle G parallèle à la première, et d'après cette dernière tirer une ligne E parallèle pour former le côté E que nous cherchons ; ce côté ainsi trouvé, il est bien facîle maintenant d'achever le carré ; les deux carrés ainsi tracés, il faut tirer d'un bout à l'autre de la pièce de bois, fig. 5. des lignes qui correspondent à leurs côtés A et B : cette opération se fait de deux manières.

La première, beaucoup plus prompte, plus facîle et plus juste que toutes les autres, et celle aussi que l'on emploie le plus souvent, surtout lorsque les pièces de bois sont longues et mal-faites, se fait ainsi : on frotte d'abord de noir (s), ou de blanc de craie (t), un cordeau (u) A et B, même figure, que l'on pose le long de la pièce, ajustant les deux bouts A et B sur l'extrémité des lignes qui forment les carrés ; ensuite, prenant le cordeau par son milieu C, on le tend en l'élevant de bas en haut, et on le lâche aussi-tôt ; ce cordeau retombant avec rapidité sur la pièce de bois sur laquelle il pose, se dépouille d'une partie du noir ou du blanc dont il était revêtu, pour le communiquer à l'endroit où il est retombé, ce qui forme une ligne parfaitement droite ; ce que l'on réitère sur les quatre faces.

La seconde, dont on ne se sert presque jamais, à moins que les pièces de bois ne soient fort courtes, est de placer au lieu de cordeau une règle un peu plus longue que la pièce de bois, dont les deux bouts sont aussi posés sur l'extrémité des lignes des carrés, ensuite avec une pierre de craie, ou mieux une pierre noire, qui parce qu'elle s'efface moins facilement que les autres est celle dont on se sert le plus souvent dans la charpenterie, on tire une ligne d'un bout à l'autre de la pièce ; ce que l'on réitère aussi sur les quatre faces.

Ces quatre lignes tirées, on refend la pièce, de laquelle on retire les deux dosses D et E opposées l'une à l'autre.

Ceci fait, fig. 6, on tire avec le cordeau sur les deux côtés sciés, de nouvelles lignes A B et C D qui aboutissent aux deux autres côtés de chacun des carrés, et on refend la pièce comme auparavant, de laquelle on retire aussi les deux autres dosses E et F, ce qui rend la pièce de bois carrée, de ronde qu'elle était.

De la manière de débiter les bois. La manière de débiter les bois telle qu'on le voit en a dans la vignette de la première Planche, est fort simple ; elle ne consiste qu'à arrêter bien solidement la pièce de bois que l'on veut refendre, sur deux forts treteaux de bois d'assemblage, fig. 31, Pl. (des outils), et à la scier ensuite avec la scie à refendre, fig. 28, Planches (des outils). Nous allons donner la description d'une ingénieuse machine à l'eau pour débiter les bois.

Description d'un moulin à débiter les bois. La Planche XXXIV. représente le plan et l'élévation intérieure prise sur la longueur ; la Planche XXXV. le plan souterrain et l'élévation intérieure prise sur la largeur d'un moulin exécuté en Hollande, propre à débiter des pièces de bois. Cette machine pratiquée dans un bâtiment couvert, partie dans la terre, et partie hors de terre, est composée d'une roue A mue par un ruisseau, au milieu de laquelle est un grand arbre B porté sur deux tourillons appuyés d'un côté sur un mur C, et de l'autre, sur un support D soutenu de sommiers et de liens portant un rouet denté E engrenant dans deux lanternes F et G, dont la première porte avec soi un treuil H porté sur deux tourillons appuyés sur des supports I et K soutenus de sommiers et de liens ayant un cordage L servant à amener les pièces de bois M sur des rouleaux ou traineaux N. Lorsque ces pièces M sont amenées assez près de la machine, on lève l'arcboutant O, et le support K à charnière par en-bas n'étant plus retenu, s'éloigne aussi-tôt de sa place, et entraîne avec soi la lanterne F, qui n'engrenant plus dans le rouet E, cesse de faire tourner son treuil H, et d'amener la pièce M. L'autre lanterne G porte une manivelle coudée P, qui ayant ses tourillons appuyés sur des supports Q, sert en tournant à manœuvrer par un tirant R attaché à la traverse inférieure d'un châssis S mouvant de haut en bas dans deux coulisses T arrêtées à demeure sur une pièce de U attachée au plancher et à une autre supérieure V, plusieurs scies X attachées haut et bas aux deux traverses du châssis, et s'étendant plus ou moins par le secours des vis Y ; la pièce de bois a que l'on veut scier, arrêtée par ses deux extrémités avec des liens b sur des traverses c posées à demeure sur un châssis composé d'entretoises d et de longrines e glissant d'un bout à l'autre sur un châssis à coulisse f ; les dents pratiquées au-dessous des longrines e, s'engrenant dans deux lanternes g montées sur un arbre h, à l'extrémité duquel est une petite roue dentée i, qu'un échappement k fait tourner d'une dent à chaque vibration montante des scies X, font avancer à mesure la pièce de bois a, et le châssis d e, sur lequel elle est portée.

Des assemblages. On appelle assemblage de charpente l'union de plusieurs pièces de bois ensemble ; il en est de deux sortes : les uns, que l'on appelle assemblages à tenons et mortaises, les autres assemblages à queue d'aronde.

(o) On appelle mettre une pièce de bois en chantier, l'élever sur deux calles.

(p) Calle est une pièce qui en soutient une autre pendant une opération.

(q) On dit qu'une pièce de bois porte, quand étant callée, elle ne peut chanceler.

(r) Quarrément, c'est-à-dire à angles droits.

(s) Ce noir peut être de paille brulée, ou autre noir qui peut se réduire en poussière fine.

(t) Craie, espèce de pierre blanche que l'on tire des carrières de Champagne.

(u) Un cordeau ou ficelle ; il faut que ce soit de celle qu'on appelle fouet.

Les premiers se divisent aussi en deux espèces ; l'une qu'on appelle assemblage à tenon et mortaise carré ou droit, et l'autre assemblage à tenon et mortaise en about. Les premiers se font de deux manières différentes ; la première, fig. 7, en supprimant les deux tiers de l'épaisseur de la pièce de bois par son extrémité A, qu'on appelle alors tenon, que l'on nourrit (x) quelquefois au collet (y) d'une petite masse de bois B, fig. 9 ou fig. 10, qu'on y laisse ; la mortaise C est un trou toujours de la forme du tenon, fait dans le milieu d'une autre pièce de bois à dessein de l'y contenir, pour former de ces deux pièces ce qu'on appelle un assemblage, que l'on perce d'un trou pour y enfoncer une cheville de bois fig. 8.

La deuxième, fig. 11, diffère de cette dernière, en ce que son assemblage est placé à l'extrémité de la pièce, formant une espèce d'équerre, raison pour laquelle on laisse toujours au bout de la mortaise une épaisseur de bois B, que l'on supprime au tenon en A, et cela pour donner plus de force et de solidité à la mortaise.

Il arrive quelquefois que pour rendre ces sortes d'assemblages encore beaucoup plus forts, surtout lorsque les pièces de bois qui portent les mortaises sont assez fortes, qu'au lieu d'un seul tenon et d'une seule mortaise on en fait deux, ce qu'on appelle alors assemblage doubles.

Les assemblages en about sont ceux fig. 12, 13, 14, 15 et 16, dont les tenons A sont coupés en onglet, de manière qu'étant ajustés dans leurs mortaises B, les deux pièces forment un angle aigu : on les appelle ainsi, parce que leur plus grand poids est appuyé sur le bout A du tenon ; aussi entaille-t-on quelquefois pour cela le bout de la pièce A figures 14 et 15, qui porte le tenon dans celle C, qui porte la mortaise, ce qui donne à cet assemblage toute la solidité que l'on peut désirer.

On peut aussi, comme aux précédents, doubler les tenons A, fig. 13 et 15, de ces sortes d'assemblages.

Il est encore une autre espèce d'assemblage en about, fig. 17 et 18, mais sans tenon et mortaise : ce n'est autre chose qu'une pièce de bois D, coupée en talut par son extrémité inférieure, portant une espèce de petit tenon E pointu, dont le bout entre dans la mortaise F, et le reste se trouve entaillé un tant soit peu dans la pièce inférieure G, quelquefois soutenue par une autre pièce de bois H assemblée à tenon et mortaise, et posée verticalement.

Le dernier des assemblages est celui nommé à queue d'aronde, fig. 19 et 20 ; c'est l'union de deux pièces de bois A et B par leur extrémité, dont l'une A porte une espèce de tenon évasé en C, fig. 19, qui entre dans une espèce de mortaise D à jour, de même forme et figure que le tenon, ajustés ensemble en E, fig. 20, tel que cette figure le représente. Cette sorte d'assemblage n'est pas des plus solides, puisque pour faire les tenons d'une part, et la mortaise de l'autre, ces deux pièces se trouvent presque coupées dans cet endroit ; mais comme on ne s'en sert ordinairement que pour les plates-formes appelées sablières, qui portent le pied des chevrons des combles, comme nous le verrons dans la suite, et qu'ainsi se trouvant appuyées d'elles-mêmes sur les murs, cet assemblage est suffisamment solide pour les retenir par leurs extrémités, et les empêcher de s'écarter au-delà des murs.

De la manière de faire un assemblage à tenon et mortaise. Lorsque l'on veut faire un assemblage à tenon et mortaise, fig. 22, il faut tracer l'un et l'autre sur la même mesure, c'est-à-dire que si l'on commence par le tenon, il faut tracer la mortaise de la même mesure que le tenon ; et réciproquement si l'on commence par la mortaise, il faut tracer le tenon suivant la mortaise.

La fig. 22 est l'assemblage que l'on veut faire ; A et B, fig. 21, sont les deux pièces de bois que l'on veut assembler ; A est la pièce qui doit porter le tenon par une de ses extrémités, et B est celle qui doit porter la mortaise. Ainsi comme il est indifférent de commencer cet assemblage par l'un ou par l'autre, comme nous venons de le voir, nous allons le commencer par le tenon.

De la manière de faire les tenons. Pour faire un tenon, il faut d'abord le tracer en A, fig. 23. ce qui se fait en tirant une ligne d A e carrément de chaque côté de la pièce de bois de la longueur que l'on veut faire le tenon ; et ensuite divisant sa largeur tant dessus que dessous en trois parties égales d A e, on en donne une au tenon placée ici au milieu en A : ceci fait, on tire une ligne B de chaque côté opposé l'un à l'autre, qui ensemble vont joindre les deux lignes d A e des deux autres côtés, ensuite avec une scie, fig. 29. Pl. (des outils) ; on coupe la pièce B de chaque côté bien carrément jusqu'au tiers A, que l'on supprime avec l'ébauchoir, fig. 41. Pl. (des outils) et que l'on équarrit après avec la besaiguè, fig. 32. Pl. des outils, pour en former le tenon, fig. 24. que l'on voulait faire.

Si l'on voulait faire un tenon double, fig. 25. et 26. au lieu de diviser la largeur de la pièce de bois en trois parties égales, il faudrait la diviser en cinq b A c A A d, et en donner une à chacun des tenons A et A A ; les deux pièces B de part et d'autre se coupent et se suppriment, comme au précédent tenon, avec la scie, fig. 29. Planc. (des outils) et pour séparer la partie c entre les deux tenons A et A A, il faut percer tout au-travers de la pièce en C un trou de tarière, fig. 25. Planc. (des outils), et ensuite la scier par le bout D des deux côtés avec la scie, fig. 29. Planc. (des outils), en suivant les deux lignes tracées qui séparent les deux tenons A et A A, alors cet intervalle C ne tenant presque plus à rien, on le fait partir facilement en frappant sur le bout D ; ceci fait, on équarrit les deux tenons A et A A, comme nous l'avons Ve pour celui de la fig. 24. avec la besaiguè, fig. 32. Planc. (des outils), tel qu'on le voit dans la fig. 26.

De la manière de faire des mortaises. Une mortaise, comme nous l'avons déjà vu, est un trou méplat, fait dans une pièce de bois pour recevoir le tenon dont nous venons de parler, ce qui forme un assemblage, fig. 22.

Lorsque l'on veut faire une mortaise, et que le tenon, fig. 24. se trouve déjà fait, il faut mettre en chantier la pièce de bois, fig. 27. sur laquelle on veut faire la mortaise, ensuite prendre son épaisseur A, fig. 24. et la porter en A, fig. 27. au milieu, si le tenon A, fig. 24. est au milieu de sa pièce de bois B, ensuite prendre la largeur A C, fig. 24. et la porter en A C, fig. 27. ce qui fait la mesure de la mortaise ; si le tenon A, fig. 24. se trouvait plus d'un côté que de l'autre, il faudrait commencer par prendre la largeur d, même fig. et la porter en d, fig. 27. l'épaisseur du tenon A, fig. 24. et la porter en A, fig. 27. et si les pièces de bois, fig. 24. et 27. sont d'égale grosseur, la partie e, fig. 24. qui reste, si l'opération est juste, sera égale à celle e, fig. 27.

La mortaise A, fig. 28. ainsi tracée, il faut y percer des trous a a a, fort près les uns des autres ; d'abord verticalement, et après obliquement de part et d'autre, sur tous les sens d'une profondeur égale à la longueur du tenon, avec une tarière, fig. 25. Pl. ou laceret, fig. 24 même Pl. (des outils) dont la grosseur ne doit point excéder l'épaisseur de la mortaise que l'on équarrit ensuite intérieurement avec la besaiguè,

(x) Un tenon, un angle, et autre chose semblable, est nourri, lorsqu'il est fort et gras.

(y) Collet d'un tenon est la partie qui le joint avec la pièce.

fig. 32. Planc. (des outils), pour lui donner la forme qu'elle a en A, fig. 29.

Si le tenon était double, comme celui A et A A, de la fig. 26. il faudrait aussi tracer deux mortaises A et A A, fig. 30. l'une près de l'autre, en prenant la largeur b, fig. 26. et la portant en b, fig. 30. l'épaisseur du tenon A, fig. 26. en A, fig. 30. l'intervalle c des deux tenons A, A A, fig. 26. en e, fig. 30. l'épaisseur du deuxième tenon A A, fig. 26. en A A, fig. 30. et si les deux pièces de bois, fig. 26. et 30. sont d'égale grosseur, et que l'on ait opéré juste, la partie d, qui reste de part et d'autre, doit être aussi égale : ces deux mortaises se font chacune de la manière que nous avons Ve celle de la fig. 28. et lorsqu'elles sont faites, elles doivent ressembler à celles A, A A de la fig. 31.

Comme les assemblages en about ne diffèrent des assemblages carrés que par leur inclinaison, et que pour cette raison les uns ne sont pas plus difficiles à faire que les autres ; nous ne parlerons en aucune façon de la manière de les faire, ce que nous avons dit pour les uns pouvant très-bien servir pour les autres.

Des ouvrages de charpenterie. Les ouvrages de charpenterie étant d'une très-grande étendue, nous les diviserons en quatre parties différentes. La première aura pour objet la construction des bâtiments : la seconde celle des ponts : la troisième celle des machines : et la quatrième, celle des vaisseaux, navires, bateaux, etc.

Des ouvrages de charpenterie pour des bâtiments. Les ouvrages de charpenterie pour les bâtiments sont les pans de bois, les cloisons, les planchers, les escaliers, les combles et les lucarnes.

Des pans de bois. On appelle pan de bois l'union de toutes les pièces de charpente qui composent la façade d'un bâtiment : ce genre de bâtir occupe à la vérité beaucoup moins de place qu'une maçonnerie en pierre ou en moilons, chose fort avantageuse dans les endroits où le terrain est petit et fort cher ; mais en récompense est-il plus sujet aux incendies, et n'est pas, à beaucoup près, si propre ni si durable : il en est de deux sortes ; les uns appelés à bois apparents, sont ceux dont les bois sont à découvert, et sans être enduits de plâtre : les autres appelés à bois recouverts, sont ceux dont les bois sont lattés (z) et enduits de plâtre par-dessus : ceux-ci, peuvent devenir un peu plus propres, et susceptibles de décoration, ayant en-dehors une apparence de maçonnerie, et pouvant, par conséquent, recevoir des nouvelles plinthes, corniches et autres membres d'architecture et de sculpture : les uns et les autres commencent quelquefois au premier étage, fig. 32. et 33. étant appuyés sur un mur de maçonnerie A, fig. 32. ou sur des piliers de bois ou de pierre A, fig. 33. ou sur de la maçonnerie A, et des poteaux B, fig. 33. pour en faire des boutiques, et quelquefois au rez-de-chaussée, fig. 34. 35. et 36. mais toujours appuyé sur un massif A, même fig. servant de retraite, et cela pour préserver les bois de l'humidité du terrain, qui infailliblement le pourrirait en fort peu de temps.

Les anciens les distinguaient de trois manières différentes : la première, fig. 32, qu'ils appelaient simple, était un composé de plusieurs pièces de bois B posées debout et perpendiculairement assemblées à tenon et mortaise par en-haut et par en-bas dans d'autres pièces de bois C plus fortes qui les traversaient ; les extrémités étaient soutenues par d'autres D plus fortes ; et pour empêcher que le tout ne s'inclinât d'un côté ou d'un autre, on en plaçait d'autres E diagonalement opposées entr'elles, que l'on appelle proprement guêtres ou décharge, parce qu'elles servent à décharger les pièces supérieures d'une partie de leur poids ; si l'on pratiquait des ouvertures, comme pour des croisées, on supprimait deux ou trois de ces pièces de bois B, on en plaçait une autre H en travers appelée traverse, et à la hauteur qu'on voulait faire l'appui, (&) assemblée à tenon et mortaise dans celles F appelées poteaux des croisées, soutenues par d'autres I placées perpendiculairement, et assemblées aussi à tenon et mortaise haut et bas.

La deuxième manière K, même figure, était nommée à losange entrelacé : c'était plusieurs pièces de bois K entrelacées diagonalement, formant des losanges (a), et entaillées l'une dans l'autre, moitié par moitié, c'est-à-dire, chacune de la moitié de son épaisseur à tenon et à mortaise dans les pièces supérieures et inférieures C, dans celles des extrémités D, et dans les poteaux des croisées F.

La troisième manière, fig. 33, était appelée à brins de fougère : c'était plusieurs potelets B disposés diagonalement, et assemblés à tenon et mortaise dans les intervalles de plusieurs poteaux C D posés perpendiculairement, dont quelques-uns D servaient aux croisées, ressemblans en quelque sorte à des branches de fougère, dont les potelets représentent les brins ; quoique tous ces potelets fissent chacun presque l'office de décharge, on ne laissait pas que d'en placer en E qui soutenaient en même temps les assemblages.

Chacun des pans de bois que nous venons de voir, était quelquefois surmonté d'une espèce d'attique composée de plusieurs poteaux F posés à plomb, entretenus par plusieurs pièces de bois G, disposés en croix de saint André (b).

Si les pans de bois, fig. 34, ne sont pas des plus modernes, ils n'en sont pas moins solides ; on en voit encore plusieurs de cette façon sur le pont Notre-Dame à Paris et ailleurs ; il est vrai qu'ils emploient beaucoup de bois : c'est à quoi l'on a remédié dans les modernes, fig. 35 et 36, en les faisant plus à claire-voye (c).

La figure 34 représente un pan de bois appuyé sur un massif ou petit mur A d'environ dix-huit pouces d'épaisseur, qui, comme nous l'avons vu, sert à empêcher les pièces de bois les plus proches de la terre de se pourrir. B est une pièce de bois d'environ un pied de grosseur, appelée sablière, posée sur le milieu du massif A, sur laquelle pose tout le pan de bois. C sont de gros poteaux d'environ douze à quinze pouces de grosseur, appelés maîtres-poteaux, parce qu'ils entretiennent, de distance en distance, l'assemblage de tous les autres. D E F sont d'autres sablières assemblées par chaque bout à tenon et mortaise dans les maîtres-poteaux C, dont celles D et E se trouvent placées à la hauteur des planches : c'est sur ces sablières B D E F, que sont assemblés à tenon et mortaise par en-haut et par en-bas, les poteaux G des croisées d'huisserie K, de remplage Q R T, de guêtres et guétrons N S, décharges X, tournisses V, croix de saint André P, etc. dont les grosseurs sont toutes d'environ sept à huit pouces. G sont les poteaux des croisées, qui avec leurs linteaux H, et leur appui I, posés en-travers et assemblés à tenon et mortaise par leur extrémité dans les poteaux G, forment les baies (d) des croisées. K sont les poteaux

(z) Latter est poser des lattes avec des clous.

(&) Un appui est une pièce où l'on s'appuie.

(a) Un losange est une espèce de carré écrasé en rampant.

(b) Une croix de S. André est une croix dont les quatre angles sont égaux de deux en deux ; on l'appelle ainsi, parce que celle qui a servi au martyre de S. André, était de cette façon.

(c) Clairevoie ou plus écartés les uns des autres, ayant plus de jeu.

(d) Une baie est le tableau d'une porte ou croisée, pris sur son épaisseur.

d'huisserie, qui avec leurs linteaux L assemblés aussi à tenon et mortaise par leur extrémité, forment les bayes des portes. Au-dessous des appuis I des croisées, sont des petits potelets M, et des petites guêtres ou guétrons N posés obliquement, assemblés à tenon et mortaise par en-haut et par en-bas. Au-dessus des linteaux H des croisées, et de ceux L des portes, sont des petits poteaux ou potelets O aussi assemblés à tenon et mortaise. Les espaces entre les croisées sont remplis de trois manières différentes : la première, de deux pièces de bois P en forme de croix de saint André, entre deux poteaux Q appelés poteaux de remplage : la seconde, d'un poteau de remplage R, et de deux guêtres S : et la troisième, de deux poteaux de remplage T, et de plusieurs tournisses V assemblées à tenon et mortaise dans une décharge X. Au-dessus de la sablière E, est un remplissage de poteaux de remplage a et autres b et de guétrons c. d sont des consoles saillantes d'environ douze à quinze pouces, surmontées d'une espèce de chapiteau carré e : le tout entaillé d'un pouce d'épaisseur dans l'extrémité supérieure des maîtres-poteaux C, et des poteaux de remplage a, et attaché de plusieurs chevilles de fer, fig. 72, pour supporter les blochets f, qui à leur tour supportent le pied des chevrons g aussi saillant en-dehors, et par-là garantir la façade du bâtiment, des pluies et mauvais temps. Au-dessus de la sablière F, sont les poteaux h des croisées, les guêtres i, poteaux de remplage k, et tournisses l assemblés à tenon et mortaise par en-haut et par en-bas, partie dans la ferme ceintrée m, et partie dans un entrait n formant les linteaux des croisées, au-dessus duquel sont les poteaux de remplissage o et des guêtres ou contrefiches p assemblés aussi à tenon et mortaise par en-bas dans l'entrait n, et par en-haut dans la ferme ronde m.

La figure 35 est un pan de bois à la moderne, dont par économie les poteaux sont écartés les uns des autres. A est une maçonnerie qui monte en partie jusqu'au premier étage, et qui avec des poteaux B d'environ quinze à dix-huit pouces de grosseur assemblés à tenon et mortaise par en-haut, soutiennent une poutre ou poitrail (e) C, dont la grosseur est déterminée par la longueur de sa portée et la pesanteur des planchers et pièces supérieures : ce rez-de-chaussée est destiné à faire des boutiques de marchands ou artisans, entre deux desquelles est une allée pour communiquer aux appartements supérieurs. D est le linteau de la porte. E sont des poteaux d'environ huit à dix pouces de grosseur assemblés par enhaut à tenon et mortaise, et appuyés par en-bas sur les appuis des boutiques qui avec les linteaux F, en forment la porte. G sont des petits poteaux de remplissage aussi assemblés à tenon et mortaise haut et bas. H sont les bouts des solives des planchers qui portent sur la poutre C, et sur la sablière I, au-dessus desquels sont les sablières K, qui ensemble sont assemblés à tenon et mortaise, d'un côté, dans le poteau cornier L, et de l'autre, dans de forts poteaux M, espacés de distance en distance pour soutenir la charpente ; sur les sablières K, sont aussi assemblés les poteaux N des croisées composés de leurs linteaux O, de leur appui P, et de leurs potelets Q : les décharges R, et leurs poteaux ou tournisses S, les croix de saint André T V sont d'autres sablières plus petites destinées à porter le pied des chevrons des combles.

La figure 36 est un autre pan de bois à la moderne, mais sans boutique, composé d'un petit massif de maçonnerie A, de poteau cornier B, dans lequel est assemblé toute la charpente des sablières inférieures C pour chaque étage, ainsi que de celles D, qui portent le pied des chevrons des combles de sablières supérieures E, qui portent les planchers F, dans chacune desquelles sont assemblés à tenon et mortaise haut et bas les poteaux des croisées G composées de leur linteau H, de leur appui I, et de leurs potelets K, ou décharges L, et leurs tournisses M, et de croix de saint André N.

Des cloisons. On appelle cloison, fig. 37. un assemblage de pièces de bois ou poteaux, posés perpendiculairement, dont les intervalles sont remplis de maçonnerie, pour séparer plusieurs pièces d'un appartement, et quelquefois en même temps pour soutenir une partie des planchers. Elles sont composées de plusieurs poteaux A, espacés de 15 à 18 pouces de distance ; de charge B, depuis 4 jusqu'à 8 pouces de grosseur, et tournisses C : et s'il y a des portes de poteaux d'huisserie D, linteaux E, et potelets F, assemblés haut et bas dans des sablières G, comme celles C et E du pan de bois, fig. 36. on les fait de trois manières différentes. La première appelée cloison pleine à bois apparent, se fait en emplissant simplement les intervalles des poteaux A de maçonnerie, arrasés des deux côtés. La seconde appelée cloison pleine hourdée, se fait en couvrant les deux côtés de cette dernière d'un enduit de plâtre. La troisième appelée cloison creuse, se fait en lattant des deux côtés par-dessus les poteaux A, sans emplir les intervalles que l'on enduit ensuite de plâtre.

Il est encore une autre espèce de cloison, fig. 38. appelée cloison mince ou d'huisserie, que l'on emploie pour les corridors, séparations de petites chambres, cabinets, garde-robes, et surtout dans les galetas et chambres de domestiques ; elles sont composées de plusieurs planches de bateau (f) A, espacées tant pleins que vides, entées par en-haut et par en-bas, dans la rainure ou feuillure d'une coulisse B, fig. 39. assemblée à tenon et mortaise, s'il y a des portes dans les poteaux d'huisserie C, fig. 38. appelés tiers poteaux.

Il arrive quelquefois lorsque les cloisons sont hourdées, premièrement que les poteaux d'huisserie D, fig. 37. et tiers poteaux C, fig. 38. et leurs linteaux sont de l'épaisseur de la cloison hourdée, c'est-à-dire à bois apparent ; deuxiemement qu'ils ont une feuillure du côté A, fig. 40. et 41. plan d'iceux, pour recevoir le battement de la porte de menuiserie ; et troisiemement qu'ils ont aussi une feuillure des deux côtés B, même fig. dans laquelle on peut clouer des lattes, et poser l'enduit de plâtre.

Des planchers. On appelle plancher, un assemblage de pièces de bois posées horizontalement, formant une épaisseur qui sert à séparer les différents étages d'un bâtiment, et à en multiplier les surfaces : il en est de deux sortes ; les uns avec poutres, et les autres sans poutres.

Les premiers qu'on emploie le plus souvent pour les grands appartements, se font de trois manières ; la première, appelée plancher à poutre apparente, fig. 42. et 43. est composée d'une poutre A, d'une grosseur proportionnée à sa longueur et à la charge qu'elle doit porter, posée sur des murs de face et de refend, sur laquelle vient s'appuyer une partie d'assemblage de chevêtre B, solives d'enchevêtrure D, de longueur E, de remplissage F, etc. qui ensemble forment le plancher dont l'autre partie est appuyée sur une sablière K, posée sur un mur H, ou cloison, ou enfin sur une autre poutre. La seconde, appelée plancher à poutre demi-apparente, fig. 44. 45. et 46. est lorsque toutes ces pièces étant assemblées à tenon et mortaise dans la poutre A, ou posées sur des lambourdes (g) G qui y sont attachées, il n'en reste

(e) Un poitrail est une poutre qui porte un mur.

(f) Planches de bateaux sont des planches tirées des débris de vieux bateaux, et qui sont encore bonnes à quelque chose.

(g) Pièce de bois ou solive attachée à une poutre.

plus en contrebas (h) que la moitié de l'épaisseur. La troisième, appelée plancher à poutre perdue, fig. 47. et 48. est lorsque le plancher H et I étant double, la poutre A se trouve perdue dans son épaisseur, et procure par-là le moyen de faire un plafond (i) uni.

La seconde sorte de plancher, fig. 49. et celle que l'on emploie de nos jours, surtout lorsqu'il s'agit de pièces peu spacieuses, se fait en employant seulement des solives de bois de brin, d'environ 10 à 12 pouces de grosseur, et quelquefois plus selon le diamètre des pièces qui déterminent leurs longueurs, et qui, comme nous l'avons Ve précédemment, sont beaucoup plus fortes que celles de bois de sciage, et supprimant pour cet effet les poutres qui traversant pour l'ordinaire le milieu de ces pièces, empêchent l'unité des plafonds, et qui diminuent la dépense et le poids d'un double plancher, si on ne veut point qu'elles soient apparentes.

Il faut observer autant qu'il est possible, pour conserver la portée de ces poutres, solives et autres bois qui composent les planchers, non seulement de les poser sur des plates-formes, madriers ou autres pièces de bois K, fig. 42. et 47. mais encore de leur procurer de l'air par des ouvertures pratiquées à leurs extrémités, l'expérience ayant fait voir de tout temps, que le bois enfermé dans la maçonnerie se brule et se pourrit en fort peu de temps.

Des escaliers. Un escalier, du latin scala, échelle, est l'assemblage d'une certaine quantité de marches dans une ou plusieurs pièces de bois perpendiculaires ou rampantes qui les portent, appelés noyaux, limous ou échiffres, c'est dans la Charpenterie un des ouvrages les plus difficiles à l'égard des courbes (k), surtout lorsqu'il s'agit d'économiser le bois. Il en est de deux espèces ; les uns appelés grands escaliers, et placés dans des pièces appelées cages d'escalier (l), servent à communiquer de bas en haut des vestibules (m), péristiles (n), ou porches (o), dans les appartements des étages supérieurs ; les autres appelés petits escaliers, ou escaliers de dégagement, privés, secrets ou dérobés, placés dans des petites pièces, servent à dégager aussi de bas en haut, dans des cabinets, gardes-robes, entresolles, chambres de domestiques, etc. Les uns et les autres sont placés dans des cages de forme circulaire, fig. 50. et 51. 58. et 59. ovales, fig. 52. et 53. carrées, fig. 54. et 55. 60. et 61. rectangulaires, fig. 56. et 57. 62. et 63. 64. et 65. 66. et 67. ou enfin irrégulières, fig. 68. et 69. on les fait de quatre manières différentes.

La première, appelée à noyau, est de deux sortes ; l'une appelée à noyau circulaire, fig. 50 et 51. 52. et 53. est composée d'une ou plusieurs pièces de bois A, appelées noyaux arrondis, d'environ 12 à 15 pouces de diamètre, qui montent depuis le bas jusqu'en haut, et entées l'une sur l'autre à tenon et mortaise, dans lesquelles sont aussi assemblées à tenon et mortaise par un bout B, chacune des marches B C, delardées (p) par dessous pour être lattées et enduites de plâtre, dont l'autre bout C est scellé dans les murs G, et les intervalles D se remplissent comme de coutume de maçonnerie. L'autre, fig. 54. et 55. 56. et 57. appelée à noyau carré, ne diffère des précédentes que parce que le noyau A au lieu d'être circulaire est carré, et les cages d'escaliers au lieu d'être circulaires ou ovales sont carrées ou rectangulaires.

La deuxième manière appelée suspendue, est celle dont le limon (q) suspendu en tournant sur lui-même forme au milieu un vide qui laisse apercevoir une partie de la cage de l'escalier. Il en est de quatre espèces différentes. La première, fig. 58. et 59. appelée en limace circulaire, est lorsque le limon rampant A, d'environ 10 à 12 pouces de hauteur, sur 6 et 8 pouces de largeur, formant un cercle par son plan, vient s'arrondir par en-bas D en forme de limaçon d'où il tire son nom, et les marches B C delardées par dessous, sont assemblées à tenon et mortaise par un bout B, et par l'autre C scellées dans le mur G, comme nous venons de le voir en parlant des escaliers à noyau. La seconde espèce appelée en limace ovale, ne diffère de la précédente que par le limon rampant A, qui au lieu d'être circulaire est ovale par son plan. La troisième espèce, fig. 60. et 61. appelé à limon carré, est celle dont le limon rampant A est carré par son plan. La quatrième espèce, fig. 62. et 63. 68. et 69. appelée à limon rectangulaire, est lorsque le limon A tournant comme les autres sur lui-même, forme un rectangle par son plan.

La troisième manière appelée en péristile, fig. 64. et 65. est lorsque le limon rampant A est soutenu par chaque bout par une pièce de bois qui monte de fond (r).

La quatrième manière, fig. 66. et 67. appelée à échiffre, est lorsque les limons A qui portent les marches sont posés à-plomb les uns des autres.

Chacun de ces limons est composé de plusieurs pièces de bois A, dans lesquelles est assemblé à tenon et mortaise le collet B des marches B C, dont l'autre côté C est scellé dans les murs G : on les assemble aussi à tenon et mortaise de différente manière. La première, fig. 60. et 61. 62. et 63. dans des petits montants D, par une entaille D, fig. 60. et 61. faite en eux-mêmes sur une partie de la charpente des paliers carrés H, fig. 61. et 63. ou continues H, fig. 65. 67. et 69. ou sur des quartiers tournans I, fig. 63. ou bien encore sur de longues pièces de bois D, fig. 64. qui montent de fond, c'est-à-dire depuis le dessus du patin K appuyé sur de la maçonnerie L jusqu'en haut du bâtiment. Ces limons A sont ordinairement surmontés d'une rampe ou gardefou en fer M, fig. 62. et 64. ou d'un autre limon N, appelé limon d'appui, assemblé à tenon et mortaise par chaque bout dans les montants D, fig. 62. ou par un bout dans les montants D, fig. 64. et par l'autre dans le limon supérieur A dont l'intervalle est divisé de balustres (s) rampans O, fig. 62. 64. et 66. ou horizontaux P, fig. 66. méplats, circulaires ou carrés par leur plan.

Il arrive fort souvent, et cela est beaucoup mieux, que l'on fait la première marche E de tous ces escaliers en pierre, dont l'extrémité F arrondie ou carrée, supporte le pied du noyau ou limon A, et cela pour préserver l'un et l'autre des humidités de la terre ; c'est aussi pour cette raison, que l'on surmonte les patins K d'une maçonnerie L, de quinze à dixhuit pouces de hauteur.

Des combles. Nous avons Ve au commencement

(h) Contrebas et contrehaut, deux termes qui signifient de haut en bas, et de bas en haut.

(i) Surface inférieure d'un plancher.

(k) Des courbes sont des pièces de bois rampantes de toutes sortes de formes.

(l) On appelle cage d'escalier la pièce où il est construit.

(m) Un vestibule est une pièce intérieure qui n'est point fermée, et qui précède toutes celles d'un appartement.

(n) Un péristîle est un lieu extérieur décoré de colonnes, qui précède toutes les autres pièces d'un appartement.

(o) Un porche est une espèce de vestibule extérieur pour le passage des voitures.

(p) Le délardement d'une marche est sa vis arrêtée que l'on supprime par dessous.

(q) Le limon est la pièce de bois qui soutient toutes les marches d'un escalier.

(r) Une pièce de bois, cloison ou autre monte de fond, lorsque commençant au rez-de-chaussée, elle Ve jusqu'au sommet du bâtiment.

(s) Balustres sont des espèces de vases.

de cet article, que l'origine des combles est venue de la nécessité que les anciens avaient de se mettre à l'abri des mauvais temps ; nous allons voir maintenant que la hauteur qu'on leur donne, vient de la température plus ou moins grande des différents climats.

Autrefois on donnait aux combles autant de hauteur que de base ; on a fait ensuite des triangles équilatéraux ; enfin, on est parvenu au point de leur donner de hauteur la moitié de leur base ; celle qu'on leur donne ordinairement en France est environ depuis un jusqu'aux deux tiers de la base, mais elle diffère encore selon les matériaux dont on se sert pour les couvrir. Cette hauteur, dit Vitruve, doit augmenter à proportion que l'on approche des régions septentrionales, où les pluies et les neiges sont abondantes, et par la même raison diminuer à mesure qu'on s'en éloigne ; aussi sont-ils très-élevés vers le nord, fort bas en Italie, encore plus au levant, n'y ayant presque que des terrasses. Il en est de cinq espèces différentes ; la première, sont les combles à deux égouts ; la deuxième, les combles brisés, dits à la mansarde ; la troisième, ceux en tour ; la quatrième, ceux à l'impériale ; et la cinquième, ceux en dome ou calottes.

Des combles à deux égouts. Les combles à deux égouts sont en France les plus simples de tous, et ceux qui coutent le moins ; il en est de circulaires, ovales, carrés, rectangulaires, et à pans coupés par leurs plans ; on les divise en deux espèces : l'une appelée à deux égouts, fig. 70. est lorsque les chevrons A étant inclinés des deux côtés, l'eau peut s'écouler de part et d'autre ; l'autre appelée à un seul égoût ou en appenti, fig. 71. et qui tient de la première, est lorsque les chevrons A, n'étant placés que d'un côté, l'eau ne peut par conséquent s'écouler que d'un côté.

Ces deux manières se font avec exhaussement et sans exhaussement ; la première, fig. 77. et 86, est lorsque le tirant ou la poutre B placée plus bas que l'extrémité des nœuds C, forme un étage, partie dans l'enceinte des murs C, et partie dans les combles ; la seconde, fig. 70. 74. 79, etc. est lorsque le même tirant ou poutre B, vient aboutir au pied des chevrons A ou arbalêtrier G ; l'une et l'autre se font encore de deux manières ; la première, en y plaçant des fermes (f) ou demi-fermes, et la deuxième, en les y supprimant. Lorsque l'on y place des fermes, fig. 70. ou demi-fermes, fig. 71, il faut les éloigner d'environ douze pieds de distance l'une de l'autre, et elles doivent être composées d'une poutre ou tirant B, qui sert à retenir l'écartement des arbalêtriers G, et quelquefois celui des murs C, et à soutenir un poinçon D, sur lequel est assemblé à tenon et mortaise le bout E d'une contre-fiche E F, sur laquelle à son tour vient s'appuyer par l'autre F une force ou arbalêtrier G, assemblé à tenon ou mortaise par son extrémité inférieure dans la poutre ou tirant B, et par l'autre dans le poinçon D ; ces forces G sont faites pour porter une, deux, et quelquefois trois pièces de bois H, appelées pannes, espacées à distances égales sur la hauteur allant d'une ferme à l'autre, posées sur des tasseaux I, qui servent à les caler, chevillées dans la force ou arbalêtrier G, et appuyées sur les chantignoles K, assemblées à tenon et mortaise, ou attachées avec de fortes chevilles de fer, fig. 72. de sept à huit pouces de long, et entaillées en forme de talon par son extrémité inférieure dans l'épaisseur de l'arbalêtrier G ; ces pannes H contribuent à soutenir le poids de la couverture que portent les chevrons A, dont l'extrémité supérieure est appuyée sur une pièce de bois L, appelée faite, qui Ve de l'une à l'autre ferme, et qui les entretient par le haut du poinçon D, et dont le pied est appuyé et entaillé sur une plate-forme ou sablière M, posée sur les murs C, et cela pour préserver le pied des chevrons des humidités du plâtre.

Chacune de ces fermes est entretenue par un assemblage de pièces de bois appelé faitage, fig. 73, dont, comme nous venons de le voir, D est le poinçon appuyé sur la poutre ou tirant B, qui dans la fig. 70. et 71. entretient l'écartement des murs C ; ce faitage, fig. 73. est composé d'une pièce de bois L, appelée faite, où sont assemblés à tenon et mortaise les poinçons D, et sur laquelle viennent s'appuyer par le haut les chevrons A, fig. 70. et 71. soutenus sur sa longueur par des liens N, en forme de potence, assemblés à tenon et mortaise par un bout dans le faite L, et par l'autre dans le poinçon D.

Il arrive souvent qu'aux demi-fermes dont le mur C monte jusqu'en haut d'un côté, on supprime le faitage, fig. 73. et par conséquent le poinçon D ; alors l'extrémité supérieure de l'arbalêtrier G, fig. 71. et le bout E de la contre-fiche E F, sont scellés dans le grand mur C.

La fig. 74. est un grand comble sans exhaussement avec ferme, composé d'une poutre ou tirant B, appuyé par chaque bout sur des sablières M, posées sur les murs C, garnis de bossages par en-haut et par en-bas, et aux endroits où plusieurs mortaises placées à la même hauteur, pourraient lui avoir ôté une partie de sa force, sur lequel sont assemblés par un bout à tenon et mortaise des contrefiches E et entrait F, assemblés par l'autre aussi à tenon et mortaise dans les arbalêtriers G, sur chacun desquels sont appuyées trois pannes H pour porter les chevrons A, soutenus de tasseaux I et de chantignoles K ; l'entrait F est soutenu sur sa longueur d'esseliers O, assemblés à tenon et mortaise par un bout dans l'entrait F, et par l'autre dans les arbalêtriers G ; P sont des jambettes assemblées à tenon et mortaise par chaque bout, contribuant par l'un à soutenir les arbalêtriers G, et appuyées par l'autre, l'une sur l'entrait F, et l'autre sur le tirant B. Q sont des petites pièces de bois appelées coyaux, assemblées par un bout à tenon et mortaise, ou attachées de clous sur les chevrons A, et par l'autre appuyées sur les murs C.

Si l'on jugeait à-propos de supprimer l'extrémité inférieure du poinçon D, pour pratiquer dans le comble un grenier commode, il faudrait le faire porter alors sur l'entrait F, que l'on ferait un peu plus fort et d'un seul morceau.

Chacune des fermes de ce comble est entretenue par un faitage, fig. 75. composé du poinçon D et de la poutre B de la ferme dont nous venons de parler, d'un faite L et d'un sous-faite S, assemblés par chaque bout à tenon et mortaise dans les poinçons D, soutenus et liés ensemble avec des liens N, assemblés dans le faite L, dans le sous-faite S et dans le poinçon D.

La fig. 76. est un grand comble exhaussé, composé d'une poutre B qui porte un plancher, dont les extrémités appuyées dans les murs C sont surmontées de jambes de force R, qui avec les esseliers O portent une ferme, composée de poinçon D, de contrefiches E, d'entrait F qui peut aussi porter un plancher de jambettes P, d'arbalêtriers G, de pannes H qui portent les chevrons A, de tasseaux I, de chantignoles K et de faite L ; à l'extrémité supérieure des murs C sont des plate-formes M pour porter le pied des chevrons A, garnis de coyaux Q.

Les fermes de ce comble sont aussi entretenues de faitage, fig. 77. composées de jambes de force R, appuyées sur la poutre B, et du poinçon D appuyé sur l'entrait E, dont nous venons de parler, sur lequel

(t) Une ferme est l'assemblage de plusieurs pièces de bois qui soutiennent les chevrons.

sont assemblés le faite L, le sous-faite S, et leurs liens NT sont les solives des planchers qui traversent d'une poutre B à l'autre, ou d'un extrait E à l'autre.

Lorsque les combles, fig. 78. et demi-combles, fig. 79. sont petits, et que les chevrons ne sont pas trop longs pour ne pouvoir se soutenir d'eux-mêmes sans le secours des pannes ; alors on les supprime, et on place les fermes de manière, que les chevrons étant distribués, comme nous venons de le voir, sur la longueur du faite L, les arbalêtriers G peuvent servir en même temps de chevrons lorsqu'ils se rencontrent ; ces sortes de fermes sont composées de tirants B, appuyés sur les murs C, de poinçon D, d'entrait F et d'arbalêtriers G ; on y place aussi comme aux précédentes des faitages, fig. 80. pour les entretenir, composés de poinçon D, de faite L, de sous-faite S, et de liens N.

La deuxième manière à un et deux égouts, fig. 81. et 82. 83 et 85. et faisant servir pour ainsi dire chaque chevron A d'arbalêtrier, qu'on appelle alors maître-chevron, à autant de fermes dont les bois sont à la vérité plus petits et plus légers que les autres, mais qui néanmoins multiplient beaucoup les façons, sans procurer pour cela plus de solidité ; chacune de ces petites fermes est composée de maîtres chevrons A, de tirants B appuyés sur les murs C, de poinçon D, et de contrefiches E assemblées à tenons et mortaises dans chacun des chevrons A, qui ensemble n'ont pas besoin de faitage pour être entretenus, mais seulement d'entretoises V, assemblées à tenons et mortaises par chaque bout au sommet des poinçons D, et par en-bas dans les tirants B ; ces entretoises sont inutiles pour les demi-combles, fig. 76. l'extrémité des chevrons A et des tirants B se trouvant arrêtée suffisamment dans les murs C.

La fig. 83. est un grand comble sans exhaussement, composé de poutre ou tirant B, scellé par chaque bout dans les murs C, surmonté d'un poinçon D qui peut comme celui, figure 76. et pour la même raison, se terminer sur le grand entrait F, sur lequel vient s'appuyer une maîtresse ferme, composée des chevrons A, garnis de coyaux Q, soutenus d'un bout à l'autre d'un petit entrait f, d'un grand entrait F, garni d'esseliers O et de jambettes P, appuyées par leur extrémité inférieure sur des blochets X, entaillés de leur épaisseur dans des sablières M allant d'un bout à l'autre du mur C, et entretenues de six pieds en six pieds sur la longueur d'entretoises Y, assemblées à tenon et mortaise dans l'une et dans l'autre, comme on peut le voir sur le plan au bas de la fig. 84.

Ces sortes de combles ont besoin, à cause de leur grande hauteur, d'être entretenus par des faitages, fig. 84. composés de tirants B et de poinçons D, dont nous venons de parler, dont l'intervalle est divisé de petites fermes appelées fermes de remplage, composées comme les autres, de chevrons, entraits, esseliers, jambettes, blochets et coyaux ; ces faitages sont aussi composés d'un faite L, d'un sous-faite S, sur lequel sont appuyés les petits entraits f des chevrons de liernes Z, sur lesquels sont assemblés à tenon et mortaise les grands entraits F, des chevrons soutenus et liés ensemble avec croix de saint André, etc. et liens N *. La même figure, est le plan de l'enrayure (v) à la hauteur des liernes Z.

La fig. 85. est un grand comble exhaussé, composé d'une poutre B, scellée par les deux bouts dans les murs C d'un poinçon D, sur lequel est appuyé comme dans la figure précédente, une maîtresse ferme composée de chevrons A, garnis de petits entraits f, de grands entraits F, d'esselier O et jambettes P, dont le pied est appuyé sur des blochets X, entaillés dans des sablières M, entretenues d'entretoises Y ; tel qu'on le voit en plan au bas de la fig. 87.

Ce comble est aussi entretenu de faitage, fig. 86, composé de poinçon D, dont l'intervalle est aussi subdivisé de ferme, de remplage, de faite L, de sous-faite S, sur lequel sont un peu entaillés des petits entraits f, des chevrons de lierne Z, où sont aussi entaillés par dessous les grands entraits F des mêmes chevrons soutenus et liés ensemble avec des liens N *. La même fig. est le plan de l'enrayure à la hauteur des liernes Z.

Tous ces différents combles se terminent par leurs extrémités de deux manières ; l'une appelée à pignon, est lorsque le mur appelé alors mur de pignon, montant jusqu'au faite, tient lieu de ferme à la charpente qui vient s'appuyer dessus. La seconde appelée en croupe, est lorsque le comble étant oblique par son extrémité, se termine par des demi-fermes appelées alors ferme de croupe. Cette obliquitté ordinairement plus grande que celle des combles, est composée d'une demi-ferme dans chaque angle A D dont les arrêtiers A D et chevrons A A vont s'assembler à tenon et mortaise au sommet du poinçon D, et les autres qui deviennent plus courts à mesure qu'ils approchent de l'angle, vont se joindre aux arrêtiers A D.

Des combles brisés. L'usage des combles brisés, dits à la mansarde, n'est pas fort ancien : c'est au célèbre Mansard que nous en devons l'invention. Cet homme admirant la solidité du ceintre de charpente, fig. 111. que fit Antonio Sangallo, sous les ordres de Michel Ange, pour la construction du dôme de S. Pierre de Rome, trouva cette forme si belle qu'il en imagina les combles dont nous parlons, et qui portent maintenant son nom. Cette forme semblable en quelque sorte à celle d'un comble à deux égouts, tronqué dans son sommet, fut trouvée si agréable dès les premiers temps, qu'elle passa dans la suite pour une beauté de décoration en architecture. L'on s'en est servi assez heureusement aux écuries du Roi à Versailles, au château de Clagny et ailleurs, où ils sont d'une fort belle proportion. Il est vrai que s'ils ont l'avantage de rendre l'étage en galetas plus carré, et par conséquent plus habitable que les autres, aussi ont-ils le désavantage d'avoir deux pentes inégales ; l'une depuis le faite jusqu'au brisis (x), appelée faux comble, si douce que les neiges y séjournent fort longtemps ; et l'autre depuis le brisis jusqu'au chaîneau (y), aussi roide qu'un talus. On les emploie seulement aux bâtiments ou pavillons rectangulaires, carrés ou à pans coupés : on les fait comme les précédents, sans exhaussement et avec exhaussement ; l'un et l'autre se font de deux manières ; l'une avec ferme, et l'autre sans ferme.

La première, fig. 87. est composée d'une maîtresse ferme, composée elle-même d'une poutre ou tirant B, appuyé par chaque bout sur des sablières M, posées sur les murs C, de jambes de force R, avec leurs grands esseliers O O, de chevrons de brisis a, et leurs coyaux Q, surmontés d'un entrait F, sur lequel est appuyé l'assemblage d'une autre ferme ou fermette ; composée de poinçon D, sur lequel sont assemblées les contrefiches E, qui avec les jambettes P, appuyées sur l'entrait F, soutiennent les arbalêtriers G. Les chevrons de faite aa sont appuyés par un bout sur le faite L, et par l'autre sur les pannes de brisis h, assemblées par chaque bout dans les entraits F, qui avec le faite L, assemblé aussi par chaque bout dans les poinçons D, servent à entretenir les fermes.

La seconde manière, fig. 88. fort peu en usage,

(v) Assemblage de charpente posée horizontalement, servant à retenir les fermes.

(x) Endrait où le comble est brisé.

(y) Chaîneau est une rigole de plomb, posée aux pieds des chevrons des combles.

sert néanmoins quelquefois, surtout lorsque les murs sont minces ; c'est un assemblage de fermes d'un bois menu et leger, fort près les unes des autres, dont chaque chevron de brisis a et de faite aa tiennent lieu d'arbalêtrier ; semblables en quelque sorte à ceux de la deuxième manière, à un et deux égouts, fig. 83. et 85. Ces fermes sont composées chacune d'un tirant B, appuyé sur des sablières M, posées sur les murs C, de chevrons de brisis a, garnis chacun de leurs esseliers O, jambettes P, et coyaux Q, surmonté d'une fermette composée de poinçon D, de contrefiches E, d'entrait F, de jambettes P, et de chevrons de faite aa, entretenus d'entretoises V, comme celles de la fig. 81. dont nous avons dejà parlé.

La fig. 89. est l'élévation d'un comble à la mansarde sans exhaussement, pour un pavillon à l'extrémité d'un corps de logis, couvert d'une autre mansarde plus élevée, composée de fermes et fermettes avec pannes de long, pan H, tasseaux I, et chantignoles K, le faite du pavillon servant de panne H au corps de logis en retour ; l'un et l'autre sont séparés par une espèce d'arrestier appelé nouè, placé dans l'angle rentrant qu'ils forment entr'eux.

La fig. 90. est le plan de ce pavillon, dont un côté * est celui de l'enrayure à la hauteur de l'entrait F, composé de coyers b et de goussets c, et l'autre + celui du faite où l'on voit l'arrestier A D, sur lequel viennent s'appuyer des chevrons d'arrête a et aa.

La fig. 91. est un comble à la mansarde sans tirant ni poutre, pour y contenir une voute en maçonnerie, composé d'un fort entrait F, soutenu par chaque bout de jambes de force R, et chevrons de brisis a, garnis de coyaux Q, appuyés sur les blochets X, sablières N, et entretoises Y, posées sur les murs C ; l'entrait F est surmonté d'une fermette garnie de poinçon D, d'arbalêtrier G, de jambettes P, de chevrons de faite aa, de pannes de longs pans H, pannes de brisis h et faite L, avec leurs liens qui entretiennent les fermettes ensemble, et pour soutenir la maçonnerie de la voute. L'intervalle des maîtresses fermes est subdivisé d'environ deux en deux pieds, de petites fermes dont la principale, assemblée dans les jambes de force R, et dans le grand entrait F, est composé de grand esselier OO, sur lequel est assemblé à tenon et mortaise un petit entrait f, soutenu de liens N, et de petits esseliers O, entretenus ensemble d'entretoise V.

La fig. 92. est un comble à la mansarde, exhaussé avec maîtresse ferme composée de poutre B, scellée par chaque bout dans les murs C de jambes de force R, et leurs grands esseliers OO de chevrons de brisis a, leurs coyaux Q et sablières M surmontés d'une fermette composée d'un entrait F, de poinçon D, d'arbalêtrier G, de jambettes P, de pannes de longs pans H, pannes de brisis h, chevrons de faite aa entretenus d'un faitage L et les liens.

Des combles en tour. Les combles en tour à l'usage des pavillons, peuvent être circulaires, carrés, ovales ou à pans coupés par leur plan ; les circulaires, fig. 93. et 94. disposés en forme de cône ou pain de sucre par leur élevation, sont composés d'un tirant B en forme de croix par son plan, appuyé de part et d'autre sur des sablières M posées sur les murs C surmontés de chevrons A garnis de leurs esseliers O, jambettes P, blochets X et coyaux Q, d'un grand entrait F, d'un petit f et d'un poinçon D. * est le plan de l'enrayure à la hauteur du grand entrait F, et +, celui de l'enrayure à la hauteur du petit f.

Les autres ne diffèrent de ce dernier que par leur plan.

Des combles à l'impériale. Les combles à l'impériale aussi à l'usage des pavillons, ne diffèrent en aucune façon les uns des autres, que par leur plan qui peut être circulaire, carré, ovale, rectangulaire, ou à pan coupé.

Les carrés, fig. 95 et 96. sont composés de jambes de force R garnies de béliers O, de jambettes P, et de blochets X appuyés sur des sablières M entretenus d'entretoises Y posées sur les murs C, de chevrons courbes a, leurs supports Y et entretoises V, d'un entrait F formant une enrayure, comme on le voit dans le plan en * fig. 105 garnis de coyers b et goussets c surmontés d'un assemblage de pièces de bois en pyramide, au milieu duquel est un poinçon D pour soutenir une boule d, pomme de pin, croix, fleurs-de-lis, etc.

Des combles en dôme. La dernière espèce de comble sont ceux en dôme, ou calottes. Il en est comme les précédents, de carrés, circulaires, ovales, rectangulaires ou à pans coupés par leur plan surbaissés, circulaires ou paraboliques (z) par leur élevation : il en est de plus grands, et par conséquent plus compliqués les uns que les autres. Celui, fig. 97. et 98. est un comble surbaissé, carré par son plan d'environ 40 à 50 pieds de diamètre, composé de plusieurs tirants B entrelacés pour entretenir les murs C avec coyers b et goussets c appuyés par chaque bout sur des sablières M entretenues d'entretoises Y posées sur les murs C, soutenues dans le milieu de montants e qui vont jusqu'au sommet du comble, entretenus de croix de saint André, etc. Aux extrémités des tirants B, sont des jambes de force R appuyées sur des blochets X posés sur les sablières M ; et l'entrait F composé d'une enrayure, est soutenu sur sa longueur, d'esseliers O et contrefiches E, et surmonté d'arcboutant g soutenu de jambette P et autres contrefiches E ; sur les arcboutants g et les jambes de force R sont appuyés des supports y pour soutenir les chevrons courbes a garnis d'entretoises V : au sommet de ce comble est un petit poinçon D soutenu de petits arcboutants ou contrefiches, à dessein de porter, comme ce dernier, une boule, pomme de pin, fleur-de-lis, &c.

La fig. 99 est l'élevation parabolique à celle 100. Le plan carré d'un comble disposé intérieurement en voute d'environ soixante à quatre-vingt pieds de diamètre, tel que pourrait être celui du pavillon de la principale entrée des Tuileries à Paris, composé de jambes de force R appuyées sur des blochets X posés sur des sabliers M entretenus d'entretoises Y sur lesquelles est appuyée l'enrayure * d'un grand entrait F composé de plusieurs tirants entrelacés avec coyers b et goussets c, soutenu de grands et petits esseliers OO et O disposés en manière de voute, surmonté dans le milieu des montants e qui vont jusqu'au sommet du comble, entretenus de croix de saint André, etc. et par chaque bout d'autres jambes de force R qui portent un petit entrait f soutenu d'esseliers O et contrefiches E : ce petit entrait f est surmonté à son tour d'arcboutants g soutenus de jambettes P ; c'est sur les jambes de force R et les arcboutants g, que sont appuyés les supports y qui contiennent les chevrons courbes a entretenus d'entretoises V. Le sommet de ce comble est surmonté de plusieurs châssis k et l avec potelets m, dont un l porte des fortes solives n posées horizontalement, à dessein de porter un réservoir.

Les fig. 101. et 102. sont l'élevation et le plan d'un comble appelé plus proprement dôme ou calotte, circulaire par son plan, et parabolique par son élévation qui est la forme pour ainsi dire reçue pour ces sortes de combles faits ordinairement pour recevoir des voutes intérieurement : ils n'ont point de tirants, et sont composés de jambes de force R, appuyés sur des blochets X posés sur des sabliers M entretenus d'entretoises Y sur lesquelles est appuyée l'enrayure *

(z) Figure mathématique, ou section d'un cône (espèce de pyramide en forme de pain de sucre), parallèle à l'une de ses parties inclinées.

d'un extrait F composé de tirants entrelacés avec coyers b et goussets c entretenus d'entretoises V soutenues de grands et petits esseliers OO et O disposés en forme de voute, surmontés dans le milieu de montants e qui vont jusqu'au sommet du comble, entretenus de croix de saint André et ; l'entrait F est surmonté d'arcboutants g soutenus de jambettes P, qui, avec les jambes de force R, soutiennent les supports y qui portent les chevrons courbes a : le sommet de ce comble est surmonté de plusieurs châssis k grands et petits, à dessein de porter un piédestal pour un vase, une figure, un grouppe ou autres choses semblables.

Les fig. 103. et 104. sont l'élévation parabolique et le plan circulaire d'un dôme, d'un diamètre beaucoup plus grand que le précédent, tels que pourraient être ceux de la Sorbonne, du Val-de-Grace ou des Invalides à Paris, composés de jambes de force R, de blochets X, sabliers M et entretoises Y surmontés d'un entrait F dont l'enrayure * est composée de plusieurs tirants entrelacés avec coyers b et goussets c soutenus d'une seconde jambe de force R, de grands et petits esseliers OO et O surmonté par ses extrémités d'arcboutants g avec liens N, qui, avec les jambes de force R, soutiennent des supports y, sur lesquels sont appuyés les chevrons courbes a entretenus d'entretoises V : le milieu de l'entrait F est surmonté de montants e entretenus sur leur hauteur, de croix de saint André &, de plusieurs châssis k sur lesquels est appuyé l'assemblage d'une lanterne garnie de poteaux d'huisserie p, linteaux ceintrés q, appuis r, consoles s surmontés d'une calotte composée d'un petit entrait f, de poinçons D, de chevrons courbes a, supports y et entretoises V.

Des lucarnes et oeils de bœuf. Une lucarne, du latin lucerna, lumière, est une espèce d'ouverture en forme de fenêtre, pratiquée dans les combles dont nous venons de parler, pour procurer du jour aux chambres en galetas et aux greniers ; il en est de quatre espèces différentes.

La première, appelée lucarne faitière, fig. 105, est celle qui se termine par en-haut en pignon, et dont le faite est couvert d'une tuîle faitière (a) d'où elle tire son nom. Cette lucarne est composée de deux montants A, assemblés par en-bas à tenon et mortaise dans un appui ou sablière B, et par en-haut dans un linteau courbe C portant sa moulure ou cimaise (b), surmonté d'un petit poinçon D et de chevrons E, pour en former la couverture.

La deuxième, appelée lucarne flamande, fig. 106. est celle qui se termine par en-haut en fronton ; elle est composée comme la précédente de deux montants A, assemblés par en-bas dans un appui ou sablière B, et par en-haut dans un linteau C portant sa cimaise, surmonté de deux autres pièces de bois E, portant aussi leur cimaise, appuyée l'une sur l'autre en forme de fronton, en aligneul desquels sont des chevrons qui lui servent de couverture.

La troisième, appelée lucarne à la capucine, fig. 107, est celle qui est couverte en croupe de comble ; elle est composée de deux montants A, assemblés par en-bas dans un appui ou sablière B, et par en-haut dans un linteau C portant sa corniche, surmonté d'un tait en croupe composé de poinçons D, d'arrestiers E, et de chevrons F.

La quatrième, appelée lucarne demoiselle, est celle qui porte sur les chevrons des combles, et dont la couverture est en contre-vent ; elle est aussi composée de deux montants A, assemblés par en-bas, quelquefois sur des chevrons, et quelquefois sur un appui B, et par en-haut dans un linteau C, surmonté de deux pièces de bois D, pour soutenir la couverture disposée en contre-vent.

Les oeils de bœuf, nom qu'on leur a donné parce que les premiers étaient circulaires, sont des ouvertures aussi hautes que larges faites comme les lucarnes, pour procurer du jour aux greniers et chambres en galetas. On les fait maintenant circulaires, carrés, surbaissés en anse de panier ou autrement.

La fig. 109 en est un circulaire composé de deux montants A assemblés par en-bas sur un appui ou sablière B, et par en-haut dans un linteau courbe C ; la partie inférieure D est un morceau de plate-forme découpé pour terminer le bas arrêté dans les montants et l'appui.

La fig. 110 est un autre oeil de bœuf surbaissé, composé de deux montants A, assemblés par en-bas dans un appui ou sablière B, et par en-haut dans un linteau courbe C, surmonté d'une moulure ou cimaise.

De la construction des ponts. La construction des ponts, une des choses les plus avantageuses pour le commerce, est aussi une de celles que l'on doit le moins négliger ; l'objet en est si étendu pour ce qui regarde la charpenterie, que fort peu de gens possèdent entièrement cette partie.

Les ponts se font de trois manières différentes ; la première en pierre, et alors le bois n'y entre que pour la construction des voutes et arcades, et n'est pas fort considérable ; la seconde se fait en bois d'une infinité de manières, beaucoup moins chères à la vérité que la précédente, mais jamais si solides ni si durables, le bois étant sujet à se pourrir par les humidités inévitables : c'est toujours le besoin et la nécessité que l'on en a, l'usage que l'on en veut faire, la situation des lieux et la rareté des matériaux, qui détermine la façon de les faire. La troisième se fait avec plusieurs bateaux que l'on approche les uns des autres, et que l'on couvre de poutres, solives, madriers, et autres pièces de bois.

Nous diviserons cette science en quatre parties principales ; la première dans la construction des ceintres de charpente capables de soutenir de grands fardeaux pour l'édification de toutes sortes de voutes et arcades, et surtout pour celle des ponts en pierre ; la seconde dans celle des ponts dits de bois ; la troisième dans celle des fondations de piles palées, bâtardeaux, échafaudages, et toutes les charpentes qui y sont nécessaires ; la quatrième dans celle des ponts dits de bateaux.

Des ceintres de charpente. Personne n'ignore que les voutes et arcades petites ou grandes, ne pouvant se soutenir d'elles mêmes, qu'elles ne soient faites, ont besoin pour leur construction de ceintres de charpente plus ou moins compliqués, selon leur grandeur ; on peut les faire de différente manière : celui fig. 111. que fit Antonio Sangallo sous les ordres de Michel Ange, lors de la construction du dôme de S. Pierre de Rome, d'une admirable invention pour la solidité, passe pour un des plus beaux morceaux de ce genre ; c'est un composé de chevrons de ferme A, appuyés d'un côté sur un poinçon B, et de l'autre sur l'extrémité d'un entrait C soutenu dans le milieu de liens en contrefiches D ; l'entrait C est soutenu de trois pièces de bois E appelées semelles, dont celles des extrémités sont appuyées sur des jambes de force F et contrefiches G, entretenues ensemble de liens H ; et celle du milieu sur un assemblage de pièces de bois composé de sous-entrait I, de contrefiches K, et liens posés en chevrons de ferme L, et l'extrémité de part et d'autre est appuyée sur une pièce de bois M d'un diamètre égal à celui de la voute.

La fig. 112 est un ceintre de charpente plus grand que le précédent, et d'une très-grande solidité, fait pour la construction d'une arcade ou voute surbaissée, composée de chevrons de ferme A, appuyés d'un

(a) Tuîle courbée qui joint les deux parties inclinées d'un comble.

(b) Membre de corniche en Architecture.

côté sur un poinçon B, et de l'autre sur l'extrémité d'un entrait C, soutenus dans leur milieu de liens et contrefiches D ; l'entrait est aussi soutenu de trois semelles E, dont celles de l'extrémité sont appuyées sur des jambes de forces F et contrefiches G, entretenues de liens H, et celles du milieu sur un assemblage de pièces de bois composé de sous-entrait I, sous-contrefiches K, et liens en chevrons de ferme L ; sur les chevrons de ferme A, et sur les jambes de force F sont appuyés des supports ou liens M, qui soutiennent des espèces de chevrons courbes N, sur lesquels sont placés des pièces de bois O en longueur, pour soutenir les voussoirs P ; l'extrémité de cet assemblage de charpente est posée de part et d'autre sur des pièces de bois horizontales Q, appuyées sur des pieux R lorsque ce sont des arcades de ponts, ou sur des corniches, consoles et autres saillies, lorsque ce sont des voutes.

La fig. 113 est un ceintre de charpente surbaissé, qui quoique différent des précédents n'en est pas pour cela moins solide ; c'est un assemblage de charpente composé de chevrons de ferme A, assemblés à tenon et mortaise d'un côté dans un poinçon B posé sur une petite pîle de maçonnerie fondée lorsque ce sont des arcades de ponts, ou sur quelqu'autre chose de solide, lorsque ce sont des voutes, et de l'autre dans un entrait C soutenu dans le milieu de liens en supports d ; l'entrait est assemblé à tenon et mortaise dans le poinçon B, et soutenu sur sa longueur de jambes de force F, grandes contrefiches G, entretenues ensemble de liens H et de petites contrefiches g ; sur les chevrons de ferme A et les jambes de force F, sont appuyés des liens ou supports M qui soutiennent des chevrons courbes N, sur lesquels sont posés des pièces de bois O en longueur, pour soutenir les voussoirs P. L'extrémité de cette charpente est appuyée comme la précédente de part et d'autre sur des pièces de bois horizontales Q, posées sur des pieux R lorsque ce sont des arcades de ponts, ou sur des corniches, consoles et autres saillies lorsque ce sont des voutes.

La fig 114 est un autre ceintre de charpente des plus surbaissés, fait pour la construction d'une arcade ou voute d'une grande largeur, composé de chevrons de ferme A assemblés partie dans les poinçons B, posés sur des petites piles de maçonnerie fondées S lorsque ce sont des arcades de ponts, ou sur quelque autre chose de solide, lorsque ce sont des voutes, et partie dans un entrait C, liés et entretenus ensemble avec des liens en supports d ; l'entrait C est aussi assemblé dans les poinçons B, soutenus de jambes de force F et grandes contrefiches G, entretenus ensemble de liens H et de petites contrefiches g ; sur les chevrons de ferme A et les jambes de force F, sont appuyés des liens ou supports M pour soutenir des chevrons courbes N, sur lesquels sont posés des pièces de bois O en longueur, pour soutenir les voussoirs P. L'extrémité de cette charpente est appuyée comme les autres des deux côtés sur des pièces de bois horizontales Q, posées sur des pieux R lorsque ce sont des arcades de ponts, ou sur des corniches, consoles et autres saillies, lorsque ce sont des voutes.

Il faut observer ici que les charpentes dont nous parlons, quoique semblables dans leur principe, sont bien differentes selon ce qu'elles ont à porter ; car lorsqu'elles sont destinées pour des arcades, elles ne peuvent que tenir lieu de ferme (nous avons Ve ci-devant ce que c'était qu'une ferme) qu'on appelle en ce cas travée ; il faut réitérer ces travées de six, neuf ou douze en douze pieds de distance l'une de l'autre, selon le poids de leurs. voussoirs ; c'est alors que sur leurs chevrons courbes N et sous chaque voussoir P, l'on pose des pièces de bois O qui vont de l'une à l'autre travée ; et lorsqu'elles sont destinées à porter des voutes de quelque forme qu'elles soient, on fait des travées en plus ou moins grande quantité, selon la grandeur des voutes, mais dont le milieu de chacune vient aboutir et s'assembler dans un poinçon central. C'est à un charpentier intelligent qu'il appartient de les distribuer à propos, selon l'exigence des cas.

Des ponts de bois. Quoique les ponts de bois ne soient pas d'une aussi parfaite solidité que ceux de pierre, ils ne laissent pas cependant que d'avoir leur avantage particulier ; premièrement en ce qu'ils ne sont pas longs à construire, deuxiémement en ce qu'ils coutent peu, surtout dans les pays où le bois est commun : on les divise en deux espèces, l'une qu'on appelle pont de bois proprement dit, et l'autre pont de bateau ; les premiers fondés pour la plupart comme ceux de pierre, sur des pilotis placés dans le fond des rivières, sont de plusieurs espèces ; la première appelée pont dormant, sont ceux qui étant construits, ne peuvent changer de situation en aucune manière, raison pour laquelle on les appelle dormants ; la deuxième appelée pont-levis, sont ceux qui placés à l'entrée d'une ville de guerre, château, fort, ou autre place fortifiée, se lèvent pendant la nuit, ou à l'approche de l'ennemi ; la troisième appelée pont à coulisse, sont ceux qui placés aux mêmes endroits que les précédents, et employés aux mêmes usages se glissent en roulant sur des poulies ; la quatrième appelée pont tournant, sont ceux qui tournent sur pivot en une ou deux parties ; la cinquième et dernière, appelée pont suspendu, sont ceux que l'on suspend entre deux montagnes où il est souvent impossible d'en pratiquer d'une autre manière pour communiquer de l'une à l'autre.

Des ponts dormants. Les ponts dormants se font d'une infinité de manières, grands ou petits, à une ou plusieurs arches, selon la largeur des rivières ou courants des eaux, forts ou faibles, selon la rapidité plus ou moins grande de leur cours, et les charrais qui doivent passer dessus.

La fig. 115 est un pont de cette dernière espèce exécuté en Italie, par l'architecte Palladio, de 16 à 17 taises d'ouverture d'arches ; appuyé de part et d'autre sur des piles de pierre A, ayant six travées éloignées l'une de l'autre, d'environ 16 à 17 pieds, composée chacune de deux sommiers inférieurs a, d'environ 12 pouces de grosseur ; un supérieur b et deux autres contrebutants c, assemblés par un bout dans le sommier inférieur a et maisé en d par l'autre ; les sommiers supérieurs sont soutenus de poinçons e, contrebutés à leur sommet de contrefiches f.

La fig. 116. est un pont que quelques-uns prétendent avoir été exécuté en Allemagne singulièrement à Nerva en Suède. Palladio assure le contraire, néanmoins il est d'une assez bonne construction, ayant, comme le précédent, plusieurs travées appuyées par leurs extrémités sur des piles de maçonnerie A, composées chacune de sommiers inférieurs a, sommiers supérieurs b, moises d, contrebutées de contrefiches f ou croix de saint-André g.

La fig. 117. est un pont exécuté à Lyon sur la rivière de Saône, ayant trois arches ; celle du milieu de 15 taises d'ouverture, et les deux autres de 12, avec plusieurs travées, dont l'extrémité B de celles des petites est posée sur une pîle de maçonnerie A, et l'aure C sur une poutre h appuyée sur une fîle de pieux, faisant partie d'une seconde palée ; ces travées sont composées de sommiers inférieurs a sommiers supérieurs b, sommiers contrebutants c, moises d, contrefiches f et croix de saint-André g ; les palées sont composées chacune de plusieurs files de pieux i et k, recouvertes de plate-formes ou madriers l pour les conserver, surmontés d'un sommier a, et de contrefiches d.

La fig. 118. est un pont de dix taises d'ouverture d'arche, appuyé de part et d'autre sur plusieurs pièces de bois à potence m, scellées dans les piles de maçonnerie A, ayant plusieurs travées composées chacune de sommiers inférieurs a, sommiers supérieurs b, sommiers contrebutants c, sur une grosse et forte moise d, placée au milieu, entretenue de liens n.

La fig. 119 est un pont d'environ six à sept taises d'ouverture, appuyé des deux côtés sur des piles de maçonnerie A, et sur des contrefiches f, scellées dans la maçonnerie, ayant plusieurs travées composées chacune de sommiers inférieurs a sommiers supérieurs et courbes bb, sommiers contrebutants c, moises d, et croix de saint-André g.

La fig. 120. est un pont en forme d'arc surbaissé, dont les extrémités sont appuyées de part et d'autre sur des contrefiches dd posées et engagées par en-bas dans une pîle de maçonnerie A, avec plusieurs travées composées chacune de sommiers inférieurs courbes aa, sommiers supérieurs aussi courbes bb, poinçons e, tendants à un centre commun et croix de saint-André g.

La fig. 121. est un pont aussi en arc surbaissé d'environ six à sept taises d'ouverture d'arche, appuyé par chacune de ses extrémités, partie sur des piles de maçonnerie A, et partie sur un grand poinçon E, aussi posé sur la même maçonnerie, ayant plusieurs travées composées chacune de sommiers inférieurs a, formant ensemble une courbe ; sommiers supérieurs b, sommiers intermédiaires b, entretenus de moises d, poinçons e, et croix de saint-André g.

La fig. 122 est un pont d'environ 25 taises de largeur d'une pîle à l'autre, sur environ 12 d'élevation, dont les extrémités de part et d'autre sont appuyées sur des sommiers faisant l'office de coussinet () ae, posés sur des piles de maçonnerie A, ayant plusieurs travées maisées et liernées ensemble, selon la force et la solidité que l'on veut donner au pont, composées chacune de plusieurs pièces de bois o, disposées en pans coupés, retenues ensemble de moises d et liens n, assemblés partie sur de grands poinçons E posés sur des poutres h, et partie sur un sommier inférieur a, surmonté d'un sommier supérieur b, et de poinçon e, entretenus de croix de saint-André g.

La fig. 123. est l'élevation d'un grand pont beaucoup plus solide que les précédents, fait pour le passage de gros charrais, tels que l'on en voit à Paris et en beaucoup d'autres endroits, ayant plusieurs arches d'environ six à sept taises de largeur chacune, et par conséquent plusieurs piles à plusieurs files de pieux, selon la qualité du terrain où l'on construit, et la solidité que l'on veut donner au pont ; chacune de ces piles est composée de sept, huit, neuf ou dix grands pieux A, fig. 123. et 124. disposés comme on les voit dans les planches, fig. 125 et 126, d'environ 18 pouces de grosseur liés ensemble, avec des moises horizontales B C, et inclinées D ; les deux inférieures C plus longues que les supérieures, et placées à la hauteur des plus basses eaux, sont liées ensemble avec des calles E, et soutenues de chaque côté d'une fîle de petits pieux a, fig. 123, servant à entretenir un assemblage de charpente, appelé avant-bec, fig. 124. composé de quelques pieux S, sur lesquels est posée et assemblée une pièce de bois T à angle aigu, qu'on appelle brise-glace, et qui sert en effet à briser les glaces ; le sommet des grands pieux A est assemblé à une petite poutre F qui les lie ensemble, sur laquelle est appuyée l'extrémité d'autant de grosses poutres G qu'il y a de pieux A d'environ 22 pouces de grosseur, chacune soutenues sur leur longueur de contrefiches H appuyées sur le premier rang de moises B, soutenues de tasseaux I ; ces mêmes poutres G sont traversées de plate-formes, madriers ou solives de brin K pour porter le pavé L, à l'extrémité desquelles est une espèce de garde-fou composé de sommiers inférieurs M, sommiers supérieurs N servant d'appuis, poinçon O, contrefiches contrebutantes P, liens Q, et croix de saint-André R.

Si l'on veut augmenter la solidité des piles pour mieux soutenir le pont, fig. 123. on peut y ajouter deux files de pièces de bois de bout A A, surmontées et assemblées chacune dans une petite poutre f, qui traverse les grosses poutres G, et appuyées par enbas sur deux contremaises c liées avec les moises C qui leur sont voisines, soutenues de deux autres files de petits contrepieux aa.

Des ponts levis. Les ponts levis faits pour la sûreté des villes et places fortifiées se placent quelquefois à l'entrée ou au milieu d'un fossé ou d'un pont pour en défendre le passage ; les uns ont leurs extrémités posées de part et d'autre sur les bords du fossé, bâtis pour l'ordinaire en maçonnerie solide, et les autres sur deux piles du pont.

La fig. 127. est l'élevation, et la fig. 128 le plan d'un pont-levis placé au milieu d'un pont de bois, et est composé d'un plancher appuyé de part et d'autre sur deux piles A et B ; ce plancher est composé de plusieurs poutrelles C surmontées de madriers, plateformes ou solives de brin D, qui bien arrêtées ensemble forment l'aire du pont ; leurs extrémités E F sont surmontées d'un assemblage de charpente servant d'appuis, composé de sommiers inférieurs G, sommiers supérieurs H, poinçons I, contrefiches K et liens L ; au-dessus de la pîle A est la porte du pont composée de quatre poteaux montants M, retenus de liens en contrefiches N, surmontés d'un linteau O, assemblé à tenon et mortaise par chaque bout dans les deux montants du milieu ; leur extrémité supérieure est surmontée de chaque côté d'une forte pièce de bois P Q R, appelée flèche, portant dans son milieu P un tourillon par une de ses extrémités Q, une chaîne attachée au bout du pont ; et par l'autre, qui est beaucoup plus grosse, pour augmenter par-là le contrepoids, une autre chaîne par laquelle on se suspend pour enlever le pont.

Des ponts-à-coulisse. Les ponts-à-coulisse diffèrent des précédents, en ce qu'au lieu de s'enlever, ils se poussent ou se glissent sur des poulies, et n'ont par conséquent pas besoin de flèches.

La figure 129 est l'élevation, et la figure 130 le plan d'un pont-à-coulisse composé d'un plancher A porté, comme le précédent, sur des poutrelles C, mais qui au lieu de s'enlever, glissent avec le plancher, sur des poulies ou rouleaux pratiqués sur la surface des poutres B, de deux fois la longueur du pont, que l'on prend soin de glisser auparavant par dessous.

Des ponts-tournans. Les ponts tournans sont, comme nous l'avons déjà vu, des ponts qui tournent sur un pivot, en tout ou en partie ; ces sortes de ponts ont à la vérité l'avantage de ne point borner la vue, comme les autres, mais aussi ont-ils le désavantage de n'être pas aussi surs.

La figure 131 est l'élevation, et la figure 132 le plan d'un pont-tournant très-solide et fort ingénieux, tel qu'on peut le voir exécuté à Paris à l'une des principales entrées du jardin des Tuileries, inventé en 1716, par le frère Nicolas de l'ordre de saint Augustin ; ce pont s'ouvre en deux parties dont chacune est composée d'une forte poutre A d'environ quinze à seize pouces de grosseur, posée debout, frettée par les deux bouts, portant par son extrémité inférieure un pivot sur lequel roule le pont, et arrêté par son extrémité supérieure à un collier de fer B scellé dans le mur : c'est sur cette seule pièce de bois qu'est porté tout l'assemblage du pont composé d'un châssis, fig. 133, garni de longrines C, traversines D, croix de saint André E, et autres pièces F, formant la partie circulaire traversée de plusieurs plateformes ou madriers G, fig. 132, pour la facilité du passage : le tout soutenu sur sa longueur de plusieurs pièces de bois H, fig. 131, en forme de potence ; les angles I, fig. 132, de ce pont nécessairement arrondis sont recouverts de châssis à charnière et de même forme, que l'on leve, lorsqu'on ferme le pont, et que l'on baisse, lorsqu'on l'ouvre.

Les fig. 134 et 135 sont l'élévation et le plan d'un autre pont-tournant, ouvrant aussi en deux parties composées chacune d'un plancher, fig. 135, garni de longrines A, traversines B, et coyers C, sur lesquelles sont posées plusieurs plate-formes ou madriers D, pour la facilité du passage ; la portée ne pouvant être soutenue par-dessous au précédent, l'est au contraire par-dessus par une espèce de ferme, fig. 134, composée de tirant E, de poinçon F, arbaletriers G, contrefiches H, et jambes de force I ; ce plancher surmonté d'un appui ou garde-foux, composé de poinçon K, sommiers inférieurs L, sommiers supérieurs M, roule sur un pivot placé au milieu, à quelque distance duquel sont plusieurs poulies N arrêtées au châssis du pont.

Des ponts suspendus. Les ponts suspendus sont d'un très-grand avantage pour les pays montagneux, où ils sont plus en usage que dans les autres, puisqu'ils ouvrent un passage entre deux provinces, fermé par des fleuves ou précipices entre des rochers escarpés où tout autre pont serait impraticable. Celui que l'on voit dans la vignette de la Planche XVIII, en est un de cette espèce, qui au rapport de Ficher, liv. III, est exécuté en Chine près la ville de Kintung ; c'est un composé de plusieurs planchers garnis chacun de longrines et traversines bien arrêtées ensemble, suspendues sur environ vingt fortes chaînes attachées aux extrémités de deux montagnes : ce pont, quoique chancelant lors du passage des charrais, ne laisse pas d'être encore très-solide.

Des pilotis et échafaudages pour la construction des ponts. L'art de piloter dans le fond des rivières pour la construction des piles de ponts en pierre, n'est pas une chose des moins intéressantes, pour ce qui regarde la Charpenterie, puisqu'elle seule en fait la principale partie ; nous n'avons eu jusqu'à présent qu'une seule et unique manière de le faire, et qui coute considérablement ; en effet couper des rivières (c), construire des batardeaux (d), établir des pompes (e) pour l'épuisement des eaux, une grande quantité d'hommes que l'on est obligé d'employer pour toutes ces manœuvres, un nombre infini d'inconvénients presqu'insurmontables, et qu'il est impossible de prévoir en pareil cas, sont autant de considérations qui ont souvent empêché de bâtir des ponts en pierre. Nous verrons dans la suite des productions admirables d'un homme de génie qui vient de nous apprendre les moyens de les construire sans le secours de toutes ces dépenses immenses.

Manière ancienne de piloter. Les moyens que l'on a employé jusqu'à présent pour construire les piles des ponts sont de deux sortes : la première, en détournant, s'il est possible, le cours de la rivière sur laquelle on veut faire un pont ; alors on diminue beaucoup la dépense, toutes les difficultés sont levées, et l'on bâtit à sec, sans avoir à craindre aucun inconvénient : la seconde, après avoir déterminé le lieu où l'on veut construire le pont, et en conséquence planté tous les repairs (f) et les alignements nécessaires, on construit les piles l'une après l'autre ; on commence d'abord par environner celle que l'on veut élever d'un batardeau composé de deux files de pieux A et B, Pl. XIX, distants d'environ huit à dix pieds l'un de l'autre, et éloignés entr'eux d'environ quatre pieds, battus et enfoncés dans la terre, fort près de chacun desquels, et à environ quatre pouces de distance intérieurement, sont d'autres pieux battus légérement pour procurer le moyen d'enfoncer de part et d'autre jusqu'au fond de l'eau, des madriers C posés de champ (g), les uns sur les autres, dont on remplit ensuite l'intervalle D de bonne terre grasse, après avoir retenu la tête des pieux A et B de fortes moises E boulonnées : ce circuit de glaise fait, forme dans son milieu un bassin rempli d'eau que l'on épuise alors à force de pompe, jusqu'à ce que le fond soit à sec, et que l'on entretient ainsi par leurs secours, jusqu'à ce qu'après avoir enfoncé plusieurs files de pieux F jusqu'au bon terrain, et au refus du mouton (h) G, les avoir recouverts d'un grillage de charpente composé de longrines H, et traversines I, entaillées les unes dans les autres, moitié par moitié, et recouverts ensuite d'un plancher de plate-formes K attachées de cloux ; on élève dessus la maçonnerie qui forme la pîle : ceci fait, on défait le batardeau pour le placer de la même manière dans l'endroit où l'on veut construire une autre pile.

Manière moderne de piloter. L'art de piloter, selon la nouvelle manière, pour la construction des piles de poutre en pierres, est d'un très-grand avantage. M. Belidor, célèbre Ingénieur, connu par plusieurs excellents ouvrages, considérait, et se plaignait même depuis longtemps de toutes les dépenses qu'on était obligé de faire lors de la construction des ponts en pierre, sachant bien qu'il était possible de piloter, sans détourner le cours des rivières, et sans le secours des batardeaux, comme on le fait pour les ponts de bois ; la difficulté ne consistait qu'à scier les pieux dans le fond de l'eau horizontalement et à égale hauteur, d'y poser un grillage de charpente recouvert de plate-formes, et d'y placer les premières assises (i) des piles ; il avait en conséquence tenté les moyens d'imaginer une scie qui put scier au fond de l'eau horizontalement, dans l'espérance de trouver l'invention des autres choses qui paraissaient bien moins difficiles ; ses recherches n'ayant pas été heureuses, M. de Vauglie, inspecteur des ponts et chaussées de France, homme industrieux et connu par ses talents, s'attacha beaucoup à cette partie, et nous donna en 1758, des fruits merveilleux de son génie.

Lors donc que l'on veut construire une pîle en pierre, on commence pour la facilité des opérations par environner le lieu où l'on veut l'élever d'un échafaud ou plancher solide composé de plusieurs files de petits pieux B, Pl. XX. sur lesquels sont appuyées plusieurs pièces de bois C assemblées entr'elles, et arrêtées sur des petits pieux B, surmontés de madriers ou plate-formes l et m, solidement attachés sur les pièces de bois C, ensuite on plante plusieurs files de gros pieux D au refus du mouton E, à environ 3 pieds de distance l'un de l'autre, et autant qu'il en faut pour soutenir la pîle avec solidité ; tous ces pieux ainsi enfoncés plus ou moins, selon la profondeur du bon terrain, se recepent tous au fond de l'eau, à la hauteur que l'on juge à propos, et de niveau avec une scie mécanique dont nous allons voir la description.

Description des moyens mis en usage pour fonder sans batardeaux ni épuisements les piles du pont de Saumur

(c) Couper une rivière, c'est lui donner un cours nouveau.

(d) Un bâtardeau est un circuit de terre grasse pour empêcher l'eau de pénétrer dans son intérieur.

(e) Les pompes sont des machines pour élever l'eau.

(f) Les repairs sont des marques que l'on fait pour se reconnaître sur le terrain.

(g) De champ, c'est-à-dire que le côté le plus mince regarde la terre.

(h) Billot de bois pour enfoncer les pieux.

(i) Une assise de pierre est un rang de pierre d'égale hauteur sur toute une superficie.

sur le grand bras de la rivière de Loire en 1757 et années suivantes. La rivière de Loire se divise à l'entrée de la ville de Saumur en six bras ou canaux sur lesquels sont construits cinq ponts et une arche.

Le mauvais état de ces ponts et principalement de celui construit en bois, situé sur le grand bras de la rivière, ayant déterminé le conseil à en ordonner la reconstruction en pierre, il fut fait en 1753 et 1754 un projet général par le sieur de Voglie, ingénieur du roi en chef pour les ponts et chaussées de la généralité de Tours, par lequel il réduit les six bras à trois, en augmentant néanmoins considérablement le débouché de la rivière.

Ce projet général fut approuvé par le ministre, et la construction du pont sur le grand bras, composé de douze arches de dix taises chacune de diamètre, jugée la plus urgente.

L'ingénieur forma les devis et détail des ouvrages à faire pour la construction de ce pont ; il en entama même l'exécution dans le courant de l'année 1756, avec batardeaux et épuisements, suivant l'usage adopté jusqu'à ce jour ; mais il ne tarda pas à reconnaître les difficultés presqu'insurmontables que devait occasionner ce travail, par la profondeur de l'eau sous l'étiage, où les basses eaux étaient en quantité d'endroits de 15 à 18 pieds : on laisse à juger de la difficulté de trouver des bois propres à la construction des batardeaux, de celle de les mettre en œuvre, et encore plus du peu de solidité de ces mêmes batardeaux, toujours exposés à des crues fortes et fréquentes, ce qui en rendant le succès des épuisements fort douteux, en aurait augmenté considérablement la dépense, et n'eut jamais permis de descendre les fondations de ce pont à une profondeur suffisante sous l'étiage. L'ingénieur convaincu de tous ces inconvéniens, crut donc devoir recourir à des moyens de construction plus simples, plus surs et moins dispendieux, en ne faisant usage ni de batardeaux ni d'épuisements.

Le succès de deux campagnes et des fondations de trois piles, le suffrage de plusieurs ingénieurs, et l'approbation des inspecteurs généraux des ponts et chaussées nommés par le ministre pour examiner cette nouvelle méthode de fonder, ne laissent aucun doute ni inquiétude tant sur la solidité des ouvrages que sur les avantages et l'économie considérable qui en résultent. On Ve donner les détails de ces différents moyens imaginés et mis en usage par le sieur de Voglie, ingénieur du roi en chef pour les ponts et chaussées de la généralité de Tours, et par le sieur de Cessart, ingénieur ordinaire des ponts et chaussées au département de Saumur.

Avant cependant d'entrer dans aucun détail sur cette nouvelle méthode, il parait indispensable de donner une idée de la manière de construire avec batardeaux et épuisements, pour mettre toute personne en état de juger plus surement de l'une et de l'autre méthode.

Manière de fonder avec batardeaux et épuisements. Pour construire un pont, ou tout ouvrage de maçonnerie dans l'eau, soit sur pilotis, soit en établissant les fondations sur un fond reconnu bon et solide, on n'a point trouvé jusqu'à ce jour de moyen plus sur pour réussir, que celui de faire des batardeaux et des épuisements. Ces batardeaux ne sont autre chose qu'une enceinte formée de double rang de pieux battus dans le lit de la rivière sur deux files parallèles, de palplanches ou madriers battus jointivement et debout au-devant de chacun desdits rangs de pieux, de terre glaise dans l'intérieur de ces palplanches, et de pièces de bois transversales qui servent à lier entr'eux les pieux et madriers pour en empêcher l'écartement par la poussée de la glaise. Cette enceinte comprend ordinairement deux piles ; et lorsqu'elle est exactement fermée, on établit sur le batardeau même un nombre suffisant de chapelets, ou autres machines semblables, propres à enlever toute l'eau qu'elle contient à la plus grande profondeur possible. Cette opération une fois commencée, ne discontinue ni jour ni nuit, jusqu'à ce que les pieux de fondation sur lesquels la pîle doit être assise soient entièrement battus au refus du mouton très-pesant, que ces mêmes pieux soient recépés de niveau à la plus grande profondeur possible, et qu'ils soient coèffés d'un grillage composé de fortes pièces de bois recouvertes elles-mêmes de madriers jointifs ; c'est sur ces madriers ou plate-formes qu'on pose la première assisse en maçonnerie, qui dans tous les ouvrages faits dans la Loire, n'a jamais été mise plus bas qu'à six pieds sous l'étiage par la difficulté des épuisements. Lorsque la maçonnerie est élevée au-dessus des eaux ordinaires, on cesse entièrement le travail des chapelets ou autres machines hydrauliques, on démolit le batardeau, et l'on arrache tous les pieux qui le composaient. Cette opération se répète toutes les fois qu'il est question de fonder. On imagine sans peine les difficultés, les dépenses et l'incertitude du succès de ces sortes d'opérations.

Nouvelle méthode de fonder sans batardeaux ni épuisements. Cette nouvelle façon de fonder consiste essentiellement dans la construction d'un caisson, ou espèce de grand bateau plat ayant la forme d'une pile, qu'on fait échouer sur les pieux bien battus et sciés de niveau à une grande profondeur par la charge même de la maçonnerie à mesure qu'on la construit. Les bords de ce caisson sont toujours plus élevés que la superficie de l'eau ; et lorsqu'il repose sur les pieux sciés, les bords, au moyen des bois et assemblages qui les lient avec le fond du caisson, s'en détachent facilement en deux parties en s'ouvrant par les pointes pour se mettre à flot : on les conduit ainsi au lieu de leur destination, et on les dispose de manière à servir à un autre caisson. Voyez nos Planches et leur explication.

Personne n'ignore que M. de la Belye est le premier qui ait fait avec succès usage d'un pareil caisson pour la construction du pont de Westminster, en le faisant, par le secours des vannes, échouer sur le terrain naturel dragué bien de niveau. Il manquait à cette ingénieuse invention le mérite de ne laisser aucune inquiétude sur la nature du terrain sur lequel on a fondé, soit par son propre affaissement, soit par les affouillements toujours redoutables dans les grandes rivières : l'expérience a même fait connaître que le terrain sur lequel on a fondé le pont de Westminster, quoique jugé très-propre à recevoir les fondations de ce pont sans aucun pilotis, n'était point à l'abri de ces affouillements. Il était donc d'autant plus indispensable de chercher des moyens de remédier à cet inconvénient essentiel, que dans l'emplacement du pont de Saumur, la hauteur des sables ou de l'eau est de plus de 18 pieds sous l'étiage, et qu'on ne pouvait se flatter par quelque moyen qu'on mit en usage, d'aller chercher à cette profondeur le terrain qui parait solide. C'est à quoi l'on a remédié en faisant usage des pieux battus à un refus constant, et les sciant ensuite tous de nouveau à une profondeur déterminée sous la surface des basses eaux, au moyen d'une machine dont on donnera ci-après la description : on commencera par détailler les opérations et ouvrages faits pour remplir le travail qu'on vient d'annoncer, en indiquant en même temps tous les autres moyens de construction dont on a fait usage pour donner à cette nouvelle méthode de fonder la solidité désirable.

Il est bon de prévenir qu'il y a jusqu'à ce jour trois piles construites de cette manière pendant deux campagnes consécutives ; qu'elles ont toutes 54 pieds de longueur d'une pointe à l'autre, sur 12 pieds d'épaisseur de corps carré, sans les retraites et empatements, qu'elles sont fondées à 9 pieds de maçonnerie sous le plus bas étiage ; que la hauteur ordinaire de l'eau dans l'emplacement du pont est depuis 7 pieds jusqu'à 18, les crues moyennes de 6 pieds sur l'étiage, et les plus grandes crues de 17 à 18 pieds ; d'où l'on voit que dans les grands débordements, il se trouve dans quantité d'endroits jusqu'à 36 pieds de hauteur d'eau.

Détails des constructions. Les premières opérations ont consisté dans la détermination des lignes de direction du pont ; savoir, la capitale du projet, et la perpendiculaire qui passe par le centre des piles et les pointes des avant et arrière becs ; lorsque ces lignes furent assurées par des points constants, suivant la convenance des lieux, on établit sur quelques pieux et appontements provisionnels dans le milieu de l'emplacement de la pile, deux machines à draguer, que l'on fit manœuvrer en différents endroits ; on battit ensuite de part et d'autre de la perpendiculaire au centre de la pile, une fîle de pieux parallèle à ladite ligne dont le centre était distant d'icelle de 12 pieds et demi de part et d'autre, pour former une enceinté de 25 pieds de largeur d'un centre à l'autre des files de pieux.

Ces pieux d'un pied de grosseur réduite en couronne, étaient espacés à 18 pouces de milieu en milieu sur leur longueur ; de manière que depuis le pieu du milieu qui se trouvait dans la ligne capitale du projet, jusqu'au centre de celui d'angle ou d'épaulement, il y avait de part et d'autre environ 25 pieds de longueur.

Sur ce pieu d'épaulement fut formé en amont seulement avec la fîle parallèle à la longueur de la pile, un angle de 35 degrés, suivant lequel furent battues de part et d'autre les files qui devaient se réunir sur la perpendiculaire du centre de la pîle traversant les pointes des avant et arriere-becs. Du côté d'aval, il ne fut point formé de battis triangulaire semblable à celui d'amont ; mais la fîle des pieux fut prolongée d'environ 20 pieds par des pieux plus éloignés entr'eux.

Pendant qu'on battait ces pieux d'enceinte, les machines à draguer établies dans le centre de la pile, ne cessaient de manœuvrer, ce qui facilitait d'autant le battage par l'éboulement continuel des sables dans les fosses des dragues ; ces sables se trouvaient cependant en quelque manière retenus par des pierres d'un très-grand poids qu'on jetait continuellement en-dehors de l'enceinte des pieux, qui appuyées contre ces mêmes pieux, descendaient continuellement à mesure que les dragues manœuvraient plus bas. Ce travail a été exécuté avec tout le succès possible, puisque le draguage ayant été fait dans tout l'emplacement de la pîle jusqu'à 15 et 18 pieds sous la surface des eaux ordinaires, ces mêmes pierres ainsi jetées au hasard, ont formé dans tout le pourtour des pieux d'enceinte, une espèce de digue ou d'empatement de plus de 9 pieds d'épaisseur réduite sur 7 et 8 pieds de hauteur, se terminant à 4 pieds sous le plus bas étiage, pour ne point nuire à la navigation ; cette digue une fois faite, et l'emplacement de la pîle entre les pieux d'enceinte dragué le plus de niveau qu'il a été possible à environ 12 pieds sous l'étiage, on forma, au moyen des pieux d'enceinte et d'un second rang provisionnel et parallèle, battu à 8 pieds de distance, un échafaud de 9 pieds de largeur regnant dans tout le pourtour de l'emplacement de la pile, excepté dans la partie d'aval ; il était élevé de 3 pieds sur l'étiage. Voyez toute cette manœuvre représentée et expliquée dans nos Planches.

Le travail ainsi disposé, on battit dans l'emplacement de la pîle plusieurs pieux propres à recevoir des appontements pour le battage de ceux de fondation, ayant 15 et 16 pouces en couronne, et environ 23 pieds de longueur réduite. Ils furent espacés sur six rangs parallèles sur la longueur, c'est-à-dire à 3 pieds 9 pouces de milieu en milieu ; les files transversales n'étaient qu'à trois pieds entr'elles. Ils avaient constamment 26 pieds de longueur au-dessous de l'étiage ou environ 15 à 16 pieds de fiche. Le résultat du battage fait pendant toute la campagne de 1758, sur deux cent trente-deux pieux de fondation que contiennent les deux piles fondées dans le même temps, est que l'on n'a battu à la tâche qu'un pieu, un cinquième par jour, que chaque sonnette composée de cinquante hommes a frappé par jour de travail réduit six mille coups d'un mouton de 1200 livres en douze heures de travail effectif, et que le pieu le moins battu, quoique mis au refus absolu, a reçu plus de quatre mille coups de ce mouton et le plus battu huit mille.

Les pieux de fondation ainsi battus au refus, on s'occupa des moyens de les scier à 10 pieds 1 pouce sous le plus bas étiage, pour pouvoir déduction de l'épaisseur du fonds du caisson, donner à la pîle 9 pieds de maçonnerie sous les plus basses eaux ; cette opération fut faite au moyen d'une machine mise en mouvement par quatre hommes qui scient les pieux les uns après les autres, et dont les détails et desseins sont joints à ce mémoire ; nous en donnerons ci-après la description et les moyens de la faire manœuvrer. Il suffit de dire pour le présent, que ce sciage a été exécuté avec la plus grande précision pour le niveau des pieux entr'eux à 10 pieds 1 pouce sous le plus bas étiage, et 12 à 13 pieds sous les eaux, telles qu'elles étaient pendant le temps du travail ; cette opération n'a même duré que six ou sept jours pour les cent seize pieux de fondation de chaque pile.

Il fut ensuite question de faire entrer le caisson dans l'emplacement de la pîle entre les pieux d'enceinte, de le charger par la construction de la pîle même et de le faire échouer sur les pieux de fondation destinés à le porter, en l'assujettissant avec la plus grande précision aux lignes de directions principales, tant sur la longueur que sur la largeur du pont. Avant d'entrer dans le détail de ces différentes manœuvres, il est nécessaire de détailler la construction et dimension de ce caisson.

Il avait 48 pieds de longueur de corps carré, 20 pieds de largeur de dehors en dehors, et 14 pieds de hauteur de bords compris celle du fond ; les deux extrémités étaient terminées en avant bec ou triangle isocele, dont la base était la largeur du corps carré ; les deux côtés pris de dehors en dehors avaient chacun 13 pieds 3 pouces de longueur, le fond tenant lieu de grillage était plein et construit de la manière suivante.

Le pourtour de ce grillage est formé par un cours de chapeau, conformément aux dimensions générales qui viennent d'être prescrites ; il a 15 pouces de longueur sur 12 pouces de hauteur, et est assemblé suivant l'art et avec la plus grande solidité à la rencontre de différentes pièces qui le composent ; sur ce chapeau sont assemblés des racinaux jointifs d'un pied de longueur et de 9 pouces de hauteur, de trois un à queue d'aronde, et les deux restants entre chaque queue d'aronde à pomme grasse et carrée en-dessous, portant sur le dit chapeau qu'ils affleurent exactement en-dessous et avec lequel ils ne forment qu'une même superficie. Pour donner à ce fonds toute la solidité possible, on a relié ce cours de chapeau par trois barres de fer qui traversent toute la largeur du caisson, sont encastrées dans un racinal, pénètrent le chapeau, et portent à leurs extrémités de forts anneaux pour faciliter les différentes manœuvres que devait éprouver le caisson ; tous les racinaux sont en outre liés entr'eux sur le côté par de fortes chevilles de bois pour ne former qu'un même corps ; et comme ils n'ont que 9 pouces de hauteur et le chapeau 12, ce dernier a été entaillé de 3 pouces de hauteur sur 8 pouces de largeur dans tout son intérieur pour recevoir une longuerive de pareille longueur, et d'un pied de hauteur sur dix de largeur, qui recouvre toutes les queues d'aronde et pommes grasses des racinaux, et est chevillée de distance en distance avec forts boulons traversant toute l'épaisseur du chapeau contre cette pièce, et dans l'intérieur est placé un autre cours de longuerives de pareille largeur et hauteur, boutonné comme le premier avec toute la solidité requise ; l'espace restant dans l'intérieur du grillage entre ce second cours de longuerives, ayant 15 pieds 10 pouces de largeur, a été ensuite garni de madriers de 4 pouces d'épaisseur bien jointifs et posés suivant la longueur du fond, pour couper à angle droit les joints des racinaux sur lesquels ils sont chevillés ; l'épaisseur totale du fond est par ce moyen de 13 pouces, et le second cours intérieur de longuerives de 8 pouces au-dessus desdits madriers.

A mesure qu'on a construit ce fond ou grillage, on a eu l'attention de bien garnir les joints de féries pour empêcher l'eau d'y pénétrer. Ces féries se font en pratiquant une espèce de rainure d'environ un pouce de largeur sur tous les joints de l'intérieur du caisson ayant à-peu-près pareille profondeur déterminée en triangle. Cette rainure se remplit ensuite de mousse chassée avec coins de bois à coups de marteau et battue à force. Sur cette mousse on applique une espèce de latte que les ouvriers nomment gavel ; elle a 9 lignes de largeur et 3 d'épaisseur, et est percée à distances égales de deux pouces pour recevoir sans s'éclater, les clous avec lesquels on la fixe sur tous les joints intérieurs préalablement garnis de mousse, ainsi qu'on l'a dit ; ces clous entrent dans la rainure, l'un à droite, l'autre à gauche alternativement ; cette manière d'étancher dont on fait usage pour les bateaux de Loire, est très-bonne et a bien réussi.

Le fond du caisson ainsi construit de niveau sur un appontement préparé à cet effet sur le bord de la rivière, on a travaillé à la construction des bords ; ils sont composés de pièces ou poutrelles de six pouces de grosseur et des plus grandes longueurs qu'on a pu trouver, bien droites, dressées à la besaiguè, et assemblées entr'elles à mi-bois dans tous leurs abouts ; ces pièces sont placées horizontalement les unes sur les autres, bien chevillées entr'elles, et posées à l'affleurement du parement extérieur du premier cours de longuerives ; elles sont en outre reliées dans l'intérieur seulement par des doubles montants placés à distances égales, et des pièces en écharpes entre les montants sur toute la hauteur des bords.

Devant chacun de ces montants sont des courroies au nombre de trente-six, tant pour l'intérieur que pour l'extérieur du caisson, lesquelles servent à faire séparer les bords du fond lorsqu'on le juge nécessaire ; ces courroies sont assemblées dans le chapeau pour l'extérieur, et dans le second cours de longuerives pour l'intérieur. Leur assemblage dans ces pièces est tel, que la mortaise qui les reçoit a l'un de ses côtés coupé en demi-queue d'aronde, et l'autre à plomb le long duquel se place un coin de bois de la même hauteur que les bords ; ces courroies portant par des mentonnets supérieurs sur les bords du caisson, restent ainsi suspendues en laissant un vide de deux pouces dans le fond des mortaises, et tiennent leur principale action de la force avec laquelle elles sont serrées par le coin.

Toutes ces courroies de l'intérieur et de l'extérieur étant directement opposées et sur la même ligne, ont ensuite été reliées par des entretoises de 8 pouces de grosseur ; sur toute la largeur du caisson, au moyen d'un mentonnet dont on a parlé, qui repose sur la dernière poutrelle des bords et d'un tenon qui s'embreve dans l'entretoise.

Les faces des parties triangulaires du caisson ont été solidement réunies à celles du corps carré par trois rangs de courbes, posées les unes sur les autres dans les angles d'épaulement, et les poutrelles encastrées à mi-bois à leurs rencontres dans lesdits angles pour ne former qu'une seule et même pièce, et pouvoir ainsi qu'on l'a fait, détacher du fonds ces bords en deux pièces seulement, en les mettant à flot sur le corps carré les deux pointes en l'air.

Ce caisson ainsi construit, le fonds, les bords bien garnis de féries et de chaînes avec anneaux de fer, tant en dedans qu'en dehors, pour plus grande facilité de la manœuvre, on s'est occupé des moyens de le lancer à l'eau sur le travers et non par la pointe ; il pesait alors environ 180000 liv.

Nous avons dit qu'il était établi au bord de la rivière sur un appontement disposé à cet effet ; cet appontement était composé de trois files de pieux parallèles, deux sous les bords, suivant la longueur, l'autre au milieu ; la fîle du côté des terres était coèffée d'un chapeau placé à trois pieds sur l'étiage, ainsi que celui du milieu arrondi en forme de genou ; celui du côté de l'eau était posé 3 pieds 4 pouces plus bas, et le caisson soutenu de niveau par des étais de pareille hauteur, était disposé de manière, que la ligne du centre de gravité se trouvait d'environ 6 pouces plus du côté des terres que de celui de l'eau, ce qui donnait à tout ce côté une charge excédante d'environ 15000 liv. Sur les chapeaux étaient de longues pièces d'un pied de grosseur, servant de chantiers ou coulisses au caisson, et que pour cet effet, on avait eu soin d'enduire de suif.

Sur le chapeau placé à l'affleurement de l'eau, étaient chevillés dix autres grands chantiers de 12 à 15 pouces d'épaisseur, placés dans la rivière en prolongation de la pente que devait prendre le caisson, qui, suivant ce qui a été dit précédemment, était du tiers de sa base ou largeur.

Lors donc qu'il fut question de le lancer à l'eau, on commença par fixer avec des retraits sur le chapeau de la fîle des pieux du côté des terres, tous les abouts des chantiers ou coulisses qui portaient le caisson, et avaient été réunis entr'eux par une grande pièce de bois. On fit ensuite partir tous les étais posés sur le chapeau à l'affleurement de l'eau ; cette première manœuvre ne fit pas faire le moindre effet au caisson qui resta ainsi en l'air ; on lâcha ensuite les retraits, et l'on enleva par de grands leviers placés en abattage du côté des terres, tous les chantiers ou coulisses ; le caisson prit incontinent sa course avec rapidité en se plongeant également dans l'eau, où par sa propre charge, il s'enfonça de vingt-sept pouces ; cette manœuvre est représentée dans la Planche.

Ce caisson fut conduit sur le champ au lieu de sa destination, et introduit dans l'enceinte de la pîle par la partie d'aval, non fermée à ce dessein. On fit aussi-tôt les opérations nécessaires pour le placer dans la direction des capitales, de longueur et largeur du pont, auxquelles il fut assujetti sans peine par de simples pièces de bois placées sur l'échafaud, dont les abouts terminés en demi cercle entraient dans des coulisses fixées au bord du caisson, qui lui permettaient de descendre à mesure qu'on le chargeait sans le laisser écarter de ses directions.

Le service de la maçonnerie, soit pour le bardage des pierres, soit pour le transport du mortier, se fit sans peine jusqu'à neuf pieds sous l'étiage, par des rampes pratiquées dans le caisson qui communiquaient aux bateaux sur lesquels on amenait des chantiers, la pierre, le mortier et le moilon.

Au moment que le caisson reposa sur la tête des pieux à 10 pieds un pouce sous l'étiage, on eut la satisfaction de reconnaître par différents coups de niveau, qu'il n'y avait rien à désirer, tant pour la justesse du sciage, que pour toutes les autres manœuvres. La charge sur ces pieux était alors 1100000 livres, et la hauteur de l'eau sur les bords, de 13 pieds 6 pouces ; on les avait soulagés à différentes hauteurs, par des étais appuyés contre la maçonnerie.

Il fut ensuite question de fermer l'enceinte d'aval. Pendant le temps même de la construction de la maçonnerie de la pile, on fit battre des pieux suivant le même plan que la pointe d'amont, que l'on garnit pareillement de grosses pierres au-dehors.

L'échafaud d'enceinte fut incontinent démoli, les pieux qui le portaient sciés à quatre pieds sous l'étiage, et les bords du caisson enlevés ; cette dernière manœuvre se fit sans peine en frappant les courroies, qui en entrant de deux pouces, ainsi qu'on l'a dit précédemment, dans les mortaises inférieures, firent sauter les coins de bois qui les retenaient au fond : ces bords furent sur-le-champ conduits à flot à leur destination, entre deux grands bateaux, les pointes en l'air, pour passer l'hiver dans l'eau, et pouvoir servir sur de nouveaux fonds aux piles qui restent à fonder.

A peine ce travail fut-il exécuté, qu'on fit approcher le long de la pîle deux grands bateaux chargés de grosses pierres, avec lesquelles on remplit tout l'espace restant entre la maçonnerie de la pîle et les pieux d'enceinte jusqu'à environ quatre pieds sous l'étiage, pour se trouver à-peu-près à l'affleurement de la digue faite à l'extérieur, dont on a parlé précédemment.

Telles sont les différentes opérations qu'on a faites jusqu'à ce jour, pour la fondation de trois piles du pont de Saumur, sans batardeaux ni épuisements. Il suffit d'avoir mis en usage cette dernière façon de fonder, pour se convaincre des avantages de la nouvelle méthode, qui supprime les uns et les autres. La certitude qu'on a de réussir dans une entreprise de cette conséquence, l'avantage de descendre les fondations à une profondeur presque double, l'emploi de tous les matériaux au profit de l'ouvrage, et sa plus grande solidité, ne sont pas les moindres avantages qu'on en retire : l'expérience de plusieurs années a fait connaître qu'il y a moins de dépense qu'en faisant usage des batardeaux et épuisements.

Description de la machine à scier les pieux, représentée en détail dans nos Pl. voyez ces Pl. et leur explication. Cette machine est composée d'un grand châssis de fer qui porte une scie horizontale. A 14 pieds environ au-dessus de ce châssis, est un assemblage ou échafaud de charpente sur lequel se fait la manœuvre du sciage, et auquel est suspendu le châssis par quatre montants de fer de 16 pieds de hauteur, portant chacun un cric dans le haut pour élever et baisser le châssis suivant le besoin.

Ce premier échafaud est porté sur des cylindres qui roulent sur un autre grand échafaud traversant toute la largeur de la pîle d'un côté à l'autre de celui d'enceinte ; ce grand échafaud porte lui-même sur des rouleaux qui servent à le faire avancer ou reculer à mesure qu'on scie les pieux, sans qu'il soit besoin de le biaiser en cas d'obliquitté de quelques pieux ; le petit échafaud auquel est suspendue la machine, remplissant aisément cet objet au moyen d'un plancher mobîle que l'on fait au besoin sur le grand échafaud. Voyez dans nos Planches la figure de cette machine en perspective.

On doit distinguer dans cette machine deux mouvements principaux ; le premier, qu'on nommera latéral, est celui du sciage ; le second, qui se porte en avant à mesure qu'on scie le pieu, et peut néanmoins revenir sur lui-même, sera celui de chasse et de rappel.

Le mouvement latéral s'exécute par deux leviers de fer un peu coudés sur leur longueur, portant à une de leurs extrémités un demi-cercle de fer recourbé, auquel est adaptée une scie horizontale ; les points d'appui de ces leviers sont deux pivots reliés par une double entre-taise, distants l'un de l'autre de 20 pouces, lesquels ont leur extrémité inférieure encastrée dans une rainure ou coulisse qui facilite le mouvement de chasse et de rappel, ainsi qu'on l'expliquera ci-après ; ils sont soutenus au-dessus du châssis de fer par une embase de deux pouces de hauteur, et déchargés à leurs extrémités par quatre rouleaux de cuivre.

Ces leviers sont mus du dessus de l'échafaud supérieur par quatre hommes, appliqués à des bras de force attachés à des leviers inclinés, dont le bas est arrêté sur le plateau, et sur lesquels est fixée la base d'un triangle équilatéral, dont le sommet est arrêté au milieu d'une traverse horizontale.

Cette traverse qui embrasse les extrémités des bras de levier de la scie, s'embreve dans une coulisse de fer pratiquée dans le châssis, où portant sur des rouleaux, elle Ve et vient, et procure ainsi à la scie le mouvement latéral ; au moyen des ouvertures ovales formées à l'autre extrémité, lesdits bras de levier leur permettent de s'allonger et de se raccourcir alternativement, suivant leur distance du centre de mouvement. Ces ouvertures ovales embrassent des pivots fixés sur le demi-cercle de la scie dont nous avons parlé, et portent dans le haut, au moyen de plusieurs rondelles de cuivre intermédiaires, les extrémités d'un second demi-cercle adhérant par des renvois à deux tourillons roulants, ainsi qu'un troisième placé au milieu du cercle dans une grande coulisse qui reçoit le mouvement de chasse et de rappel.

Ce second mouvement consiste dans l'effet d'un cric horizontal placé à-peu-près aux deux tiers du châssis, dont les deux branches sont solidement attachées sur la coulisse dont nous venons de parler ; c'est par le moyen de ces deux branches, dont partie dentelée s'engrene dans deux roues dentées, que la scie, lors de son mouvement latéral, conserve son parallélisme avec la coulisse, presse par un mouvement lent et uniforme le pieu à mesure qu'elle le scie, et revient dans sa place par un mouvement contraire lorsqu'elle l'a scié. Tout le mouvement de ce cric s'opère du dessus de l'échafaud supérieur et mobile, par un levier horizontal qui s'emboite carrément dans l'extrémité d'un arbre placé au centre de la roue de commande du cric, qui est le régulateur de toute la machine.

Le châssis horizontal est composé de fortes barres de fer disposées de manière à le rendre le plus solide et le moins pesant qu'il est possible.

Sur le devant de ce châssis est une pièce de fer formant saillie, servant de garde à la scie, et placée de manière que la scie est recouverte par la dite pièce lorsqu'elle ne manœuvre pas. Sur deux fortes barres de fer qui portent en partie cette pièce de garde en saillie, sont placés deux montants de fer qui les traversent, et sont retenus dessus par des embases ; ces montants arrondis pour tourner facilement dans leurs supports, ont à leur extrémité sous le châssis un carré propre à recevoir deux espèces de demi-cercles ou grapins de 10 pouces de longueur, auquel ils sont fixés solidement par des clavettes en écroux ; ils s'élèvent jusqu'au-dessus du petit échafaud supérieur, où on leur adapte deux clés de quatre pieds de long, qui les faisant tourner sur leurs axes, font ouvrir et fermer les grapins, qui saisissent le pieu qu'on scie avec une force proportionnée à la longueur des clés, qu'on serre autant qu'on le juge à-propos. On comprend facilement que ces grapins embrassant le pieu au-dessous de la section de la scie, donnent à la machine toute la solidité nécessaire pour ne point souffrir des ébranlements préjudiciables. Comme la grande hauteur des montants pourrait néanmoins occasionner des vibrations trop fortes, on y remédie aisément et de manière à rendre la machine immobile, en appliquant sur les montants du derrière de grands leviers qui pressent sur le châssis aux pieds desdits montants, et sont serrés près des crics sur l'échafaud supérieur par des coins de bois.

Il pourrait aussi arriver au triangle du mouvement quelques vibrations, si l'on voulait scier à une grande profondeur : on y remédiera sans peine par une potence de fer qui sera fixée aux deux montants à une hauteur convenable, et portera une coulisse qui assujettira le triangle de mouvement.

Pour faire usage de cette scie, il faut se rappeler ce qu'on a dit des différents échafauds qui la composent. Cela posé, lorsqu'on voudra scier un pieu, on commencera par déterminer avec précision la profondeur à laquelle il faudra le scier sous l'étiage ; on placera en conséquence à l'autre extrémité de la pîle deux grandes mires fixes et invariables ; on fera faire une grande verge ou sonde de fer de la longueur précise du point de mire à la section, pour pouvoir s'en servir sans inquiétude à chaque opération du sciage. On fera ensuite descendre au moyen des crics dont chaque dent ne hausse ou baisse que d'une demi-ligne, le châssis portant la scie, jusqu'à ce qu'en faisant reposer la sonde sur la scie elle-même (ce dont on jugera aisément par l'effet de son élasticité), le dessus de ladite sonde se trouve exactement de niveau avec les deux mires dont on a parlé, ainsi que le dessus des quatre montants ou de quatre points repétés sur iceux, pour s'assurer du niveau du châssis et de la scie.

Toutes ces opérations faites avec la précision requise, on saisira le pieu avec les grapins, on vérifiera de nouveau avec la sonde le point de section de la scie ; et après s'en être assuré, on serrera les grapins à demeure : le maître serrurier prendra la conduite du régulateur, et quatre ouvriers feront jouer la scie.

Le succès de cette machine a été tel pendant deux campagnes, qu'en recépant les pieux à 12 et 13 pieds sous la surface des eaux, on n'a éprouvé aucune différence sensible sur le niveau de leurs sections ; qu'on a constamment scié 15 et 20 pieux par jour, et que huit hommes ont servi à toutes les manœuvres du sciage.

Pour fonder avec encore plus de solidité, il faudrait fonder quelques pieds plus bas que le lit de la rivière, ce qui ne se peut qu'en faisant usage des caisses pyramidales sans fond, au moyen desquelles, comme d'un bâtard-terre, on pourrait pousser le draguage beaucoup plus bas qu'on ne peut faire sans leur secours. Ces caisses formées par différents cours de charpente, doivent être plus larges par le bas que par le haut, et entourées de palplanches à onglets solidement chevillées sur les divers cours de charpente qui forment le circuit de la caisse. La hauteur des palplanches doit être égale à la profondeur que l'on veut donner à la fondation, à prendre du dessous du lit de la rivière, et non du dessous de l'eau. Aux angles d'épaule et le long des longs côtés de la caisse, et à l'avant-bec, doivent être fixés des poteaux montants assemblés avec les cours de charpente qui en forment le pourtour ; ces poteaux sont placés à l'intérieur, car l'extérieur de la caisse doit être le plus lisse qu'il sera possible. Les poteaux montants, dont la longueur doit être de deux ou trois pieds plus grande que la profondeur de l'eau, et celle de la fondation sous le lit de la rivière prises ensemble, doivent être réunis par des chapeaux et entre-taises, sur lesquels on établira les appontements nécessaires pour établir les machines à draguer, et les sonnettes pour battre les pieux, ainsi que l'on a fait sur les ponts sédentaires dont il est parlé ci-dessus. On chargera les ponts avec une quantité suffisante de matériaux, pour faciliter, à mesure que le draguage avancera, la descente de la caisse sous le lit de la rivière. On continuera le draguage jusqu'à ce que le haut des palplanches en affleure le lit : on aura par ce moyen fait une excavation d'environ deux taises plus large, et de quatre taises plus longue que la largeur et la longueur du caisson dans lequel on doit fonder la pile. C'est dans ce vide que l'on battra les pieux, après toutefois y avoir descendu une grille à claire-voie, dans les cases de laquelle on chassera alternativement des pieux placés en échiquier. On recépera les pieux de niveau et l'affleurement de ce premier grillage, avec la machine décrite ci-dessus, à laquelle on fera les changements convenables ; on remplira ensuite les cases vides de la grille, et les vides qui pourraient être au-dessous, avec des cailloux, de bon mortier, et de la chaux vive ; on introduira toutes ces choses par un entonnoir carré, dont le bout inférieur entrera de quelques pouces dans les cases vides de la grille, où ces différentes matières se consolideront comme dans une eau stagnante, n'étant point exposés au courant, à cause de l'abri de la caisse pyramidale et d'un vanage du côté d'amont, s'il est besoin. C'est sur cette grille ou plate-forme que l'on assoiera le caisson, ainsi qu'il a été expliqué ci-devant.

Après avoir retiré les parois du caisson, on comblera l'intervalle d'une taise ou environ qui reste entre la pîle et le pourtour de la caisse, avec une bonne maçonnerie de pierres perdues, à laquelle on fournira le mortier par des entonnoirs. Dessus cette maçonnerie on formera un lit de cailloux ou de libages sans mortier, dont la surface ne doit point surpasser de plus d'un pied ou deux le bord supérieur de la caisse, et par conséquent la surface du lit de la rivière.

On enlevera ensuite les ponts établis sur les poteaux montants de la caisse pyramidale, on les recépera au niveau du terrain du lit de la rivière, où on les enlevera pour les faire servir à une autre caisse, si on a eu la précaution de les ajuster à coulisses : de cette manière la caisse restant ensablée, elle garantira et la maçonnerie qu'elle contient, et la fondation de la pile, de tous affouillements et autres accidents quelconques. On pourrait de cette manière fonder jusqu'à 50 ou 60 pieds sous l'étiage.

Si en faisant le draguage on rencontrait sous les palplanches ou dans l'intérieur de la caisse quelques cartiers de rocher, il faudrait les mettre en pièces, soit en se servant d'une demoiselle de fer ou d'un mouton avec lequel on chasserait des pieux ferrés, et en faire ensuite le déblai. Une attention essentielle aussi, est de ne point embarrasser le pied de la pîle par une digue saillante au-dessus du lit de la rivière : ces digues en retrécissant le passage de l'eau, ne sont propres qu'à la forcer à passer sous la fondation, où une pareille voie d'eau est fort dangereuse. L'eau qui est sous la fondation doit être aussi stagnante que celle qui est au-dessous du lit de la rivière : c'est l'avantage que procure la manière de fonder dans les eaux courantes que nous proposons, puisque la fondation descend beaucoup plus bas que le lit de la rivière.

On devrait aussi observer de faire la maçonnerie des piles au-dessous de l'étiage principalement, toute entière de pierres d'appareil posées alternativement en carreaux et boutisses dans le travers de la pîle d'un côté à l'autre, plutôt que de remplir l'intérieur de libages, qui ne font presque jamais liaison avec les parpins. On pourrait, en opérant ainsi, donner au corps carré de la pîle une moindre épaisseur, sans cependant diminuer l'empatement, en faisant les retraites à chaque assise plus grandes, ou en en faisant un plus grand nombre.

Récapitulation abrégée de la scie de M. de Voglie. La scie dont nous parlons est un assemblage de plusieurs pièces de fer + Pl. XXI. représenté dans le fond d'une rivière, suspendu par quatre barres de fer A, d'environ 15 à 18 pieds de longueur, portant chacune, dans presque toute leur longueur, des espèces de broches appelées goujons, qui avec les pignons B qui s'y engrainent, mus par une clé, et retenus dans un petit châssis de fer C, attaché de vis sur le plancher, font monter et descendre horizontalement et à la hauteur que l'on juge à propos l'assemblage + : à ces pignons B sont assemblées des petites roues D, près desquelles sont des cliquets E pour les retenir, qui ensemble empêchent ce même assemblage de descendre de soi-même : à l'extrémité inférieure des quatre barres A sont des mouffles à patte F, partie à vis et partie à demeure sur un châssis de fer composé de plusieurs longrines et traversines garnies des deux côtés G et H de forte tôle ou fer aplati, sur lesquelles vont et viennent des roulettes I pour soutenir la portée des branches K, qui d'un côté font mouvoir le châssis double L de la scie M, avancé et reculé, selon le besoin, par une espèce de té à deux branches N, évuidées par un côté, et mues par un tourne-à-gauche O, placé à l'extrémité supérieure de la tige P, d'une des deux roues dentées Q, et de l'autre arrêtées par les crampons d'une coulisse R, dont les vibrations se font par la branche S, d'un té retenu par son tourillon à l'extrémité supérieure d'un support à quatre branches T, les deux autres branches V du té correspondantes par le moyen des tringles ou tirants X aux leviers Y, dont les points d'appui sont arrêtés à la moufle d'un trépié Z, arrêté de vis sur le plancher, se meuvent alternativement de bas en haut et de haut en bas, en sens opposé l'un à l'autre par le secours des leviers Y ; a sont deux autres tourne-à-gauche, arrêtés solidement à l'extrémité supérieure de deux tiges de fer b qui descendent jusqu'en bas, embrassent par leur extrémité inférieure c, en forme de croissant, chacun des pieux d que l'on veut scier. Il faut observer que pour faire mouvoir tout cet équipage et le conduire dans tous les endroits où il y a des pieux à scier, il est retenu, comme nous l'avons, vu, par quatre tiges de fer A, Pl. XX. et XXI. a un châssis formé de châssis c, et de plate-formes f, allant et venant en largeur sur des rouleaux g par le moyen des treuils h, suivant les directions de i en k et de k en i, posés sur un autre châssis, mais plus grand, occupant tout l'espace entre les deux échafauds à demeure l m et roulant dessus aidé de ses rouleaux n, suivant les directions de l en m et de m en l.

Les pieux dont nous avons parlé ci-dessus étant coupés par cette machine dans le fond de l'eau à égale hauteur, reste à poser maintenant un grillage surmonté de la maçonnerie d'une pîle ; pour y parvenir on fait ce grillage à l'ordinaire et de même manière que celui que nous avons Ve Pl. XIX. recouvert de plate-formes ou madriers bien ajustés près l'un de l'autre et bien calfatés ensemble afin que l'eau n'y puisse passer, ce qui fait le fond d'une espèce de bateau Pl. XXII. que l'on met en chantier sur des cales A posées sur des pièces de bois B, appuyées sur d'autres C posées sur des pieux D placés sur les bords de la rivière, ce grillage est bordé de plusieurs sortes de pièces de bois E qui y sont adhérantes, entaillées par leurs extrémités moitié par moitié, surmontées d'autant de costières, composées chacune de forts madriers F, de 5 à 6 pouces d'épaisseur sur 10 à 12 pouces de hauteur, en plus ou moins grande quantité, selon la profondeur des rivières, assemblés les uns sur les autres à rainure et languette, dont les joints sont bien calfatés et garnis de lanières de cuir de vache détrempées ; ces madriers sont retenus à demeure de quatre en quatre, pour la facilité de leur transport, par des pièces de bois extérieures et intérieures G, et par des fortes vis prises dans leur épaisseur, formant ensemble des costières dont les joints sont serrés de haut en bas avec de grands boulons à vis H traversant leur épaisseur, et dont l'ensemble est retenu intérieurement et extérieurement de pièces de bois I, arrêtées haut et bas à d'autres K et L, faisant l'office de moises garnies de calles M et vis N, les costières des extrémités ne pouvant être retenues de la même manière à cause de leur obliquitté, les pièces de bois L sont assemblées solidement par l'autre bout à une longue pièce O, ou à plusieurs liées ensemble, allant d'un bout à l'autre qui les retiennent ensemble ; ceci fait, il faut avoir grand soin de boucher exactement tous les trous, et lorsque l'on est prêt de lancer à l'eau, on supprime les cales A, après y avoir substitué par-dessous, et de distance à autre des rouleaux, et on le fait ensuite rouler dans la rivière, ou ce qui est beaucoup mieux, on le lance à l'eau comme on le fait pour les vaisseaux sur les bords de la mer. Voyez le traité de la Marine.

Ce bateau ainsi lancé à l'eau, on le conduit bien juste sur les pieux que l'on a plantés, et où l'on veut construire la pîle ; on bâtit dans le fond qui est le grillage jusqu'à ce que s'enfonçant à mesure qu'il se trouve chargé, il vienne se poser de soi-même sur les pieux ; ensuite posé et appuyé solidement on desserre les écroux des boulons H, les vis N, on défait les moises K et L, les cales M, les pièces de bois I, et on enlève les madriers pour les assembler de nouveau à un grillage de charpente pour une autre pile.

Il faut remarquer ici qu'il n'a pas été question jusqu'à présent de faire des costières pour ces grillages autrement qu'on n'a jamais eu coutume de les faire pour toute sorte de bateaux, et qu'ainsi faites, elles ne peuvent servir qu'une fois ; dépense, que l'on peut diminuer par cette machine à proportion de la quantité des piles que l'on a à construire, car une fois faite on peut s'en servir à tous les grillages de charpente, et par conséquent pour toutes les piles que l'on a à bâtir.

Des moutons et de leur construction. L'usage des moutons, vulgairement appelés sonnettes, parce que leur manœuvre est à-peu-près semblable à celle des cloches, est d'enfoncer les pieux. Il en est de différente espèce, et plus commodes les uns que les autres, selon les occasions que l'on a de les employer.

Celui marqué * Pl. XX. est composé d'un billot de bois E, appelé mouton ou bélier, parce qu'il est le principal objet de cet instrument, fretté et armé de fer attaché à un câble F roulant sur une poulie G, que plusieurs hommes tirent par l'autre bout H, divisé en plusieurs cordages, et laissant retomber alternativement de toute sa pesanteur sur les pieux D pour les enfoncer ; cette poulie G qui porte tout le fardeau de cette machine est arrêtée solidement à un boulon dans une chape () appuyée d'un côté sur l'extrémité d'un support ou montant I entretenu de contre-fiches K, posés sur le devant d'un assemblage L, appelé fourchette, et d'un autre support en contrefiche M, posé sur le derrière de la fourchette L, soutenu dans son milieu par une pièce de bois debout N, dans l'intervalle de laquelle et du montant I est un treuil O avec un cordage P pour remonter avec peu de force le mouton E, en cas de nécessité la partie supérieure de la poulie est retenue au chapeau Q qui entretient deux jumelles R boulonnées par enbas sur le devant de la fourchette L, et le long desquels glisse le mouton E.

La fig. 138. Pl. XXIII. est un mouton d'une autre espèce, mu par des leviers horizontaux A, traversant un arbre en deux parties B et C autour duquel s'enveloppe en C le cordage D qui enlève le mouton E ; cet arbre B porte avec soi par enbas un pivot de fer appuyé sur une pièce de bois F butante d'un côté à une plate-forme G sur laquelle sont appuyées deux jumelles H et deux contre-fiches I couvertes d'un chapeau K surmonté d'un petit assemblage pour porter la poulie L et de l'autre assemblé carrément dans une pièce de bois M, entretenue avec la plate-forme G de deux entre-taises N formant châssis surmontés d'un support O avec ses liens P portant l'extrémité d'une pièce de bois Q renforcie au milieu pour soutenir l'effort du tourillon de l'arbre B, et à fourchette par l'autre bout, assemblée dans les deux contre-fiches I, et dans un support R, portant une autre poulie pour renvoyer le cordage D.

Ce mouton a, fig. 139, fretté par chaque bout, est surmonté d'un valet b, portant l'un et l'autre de chaque côté une languette k, fig. 140, glissant de haut en bas le long d'une rainure pratiquée dans les jumelles c, fig. 139 ; le valet b porte dans son épaisseur des pinces de fer à croissant d'un côté d, et à crochet par l'autre e, dans l'intervalle desquelles est un ressort pour les tenir toujours ouvertes par le haut, et fermées par le bas.

Lorsque le mouton a et son valet b sont montés ensemble par le secours du cordage f, presqu'au haut de la machine, les croissants d des pinces viennent toucher aux tasseaux obliques g, et se resserrant à mesure qu'il se leve, la partie e qui se trouvait accrochée au crampon h du mouton a, s'ouvre et laisse tomber tout-à-coup le mouton sur le pieu s, fig. 138, ce qui l'enfonce en raison de son poids, et de la hauteur d'où il est tombé ; aussi-tôt après on appuie sur le petit levier T, même figure ou l, figure 141, qui fait descendre le grand pêne m, et le faisant sortir de sa cavité n, donne le moyen au rouleau c, fig. 138, de tourner avec liberté, et au cordage D, de se défiler par le poids du valet, jusqu'à ce que, retombant avec rapidité sur le mouton E, les deux crochets e de la pince, fig. 139, viennent en s'ouvrant embrasser l'anneau du mouton et se refermer aussi-tôt ; ensuite on lâche le petit levier l, figure 141, dont le grand pêne m s'empresse de rechercher sa cavité n, par le secours d'un ressort placé au-dessous, et remet les choses dans l'état où elles étaient précédemment, après quoi on remonte le mouton comme auparavant.

La fig. 142, Pl. XXIV. est une machine dont on s'est servi en Angleterre pour enfoncer les pilotis du nouveau pont de Westminster. Cette machine inventée par Jacques Vaulove, horloger, est fort ingénieuse ; car placée comme elle est sur un bateau, on peut la transporter facilement par-tout où l'on a besoin de s'en servir. Ce bateau A est traversé de plusieurs poutrelles B, sur montées de plusieurs autres C, avec madriers formant un plancher D, sur lequel est posé l'assemblage de toute la machine, qui mue par plusieurs chevaux, Ve perpétuellement sans s'arrêter et sans sujétion ; ces chevaux en tournant, font tourner l'arbre E, sur lequel est assemblé un rouet denté F, qui engrene dans une lanterne G, surmontée en H de deux pièces de bois croisées, formant volans, pour empêcher que les chevaux ne tombent lorsque le bélier K est lâché : cet arbre E porte à son extrémité supérieure un tambour L, autour duquel s'enveloppe le cordage M, qui enlève le bélier K. Au-dessus du tambour L, est une fusée (k) ou barrillet spiral N, fig. 144, autour duquel s'enveloppe un petit cordage o, chargé d'un poids P, fig. 142, pour modérer la chute du valet Q, dans l'intérieur duquel les pinces, fig. 145, étant placées, et tenant le bélier K accroché de la même manière que nous l'avons Ve dans la figure précédente, en s'approchant des parties inclinées R, s'ouvrent et lâchent le bélier K, qui en tombant enfonce le pieu S ; le valet Q montant toujours pendant ce temps-là, soulève avec soi un contre-valet T, qui élève par le cordage V un grand levier X, dont l'autre extrémité à charnière en a, fig. 143, appuie par le bout sur une tige de fer B, qui, passant à-travers l'arbre E, abaisse la bascule D du côté du grand pêne e, pour le décrocher du tambour f, et donner par-là la liberté au cordage de se défiler, et au valet de tomber sur le bélier et de s'y accrocher de nouveau ; au même instant le levier n'appuyant plus par son extrémité a sur la tige b, et le cordage o, fig. 144, étant au bout de la fusée N, même fig. il s'y ouvre un échappement qui retenait la tige b, fig. 143, et qui, par le moyen du contrepoids g la releve, et replace en même temps le grand pêne e dans le tambour f, et les chevaux continuant de tourner, enlèvent le bélier comme auparavant. Cette machine est composée de plusieurs pièces de bois de charpente, tendantes toutes à sa solidité, avec une échelle Y pour monter à son sommet Z, et y pouvoir faire facilement les opérations nécessaires.

La fig. 146. Pl. XXIV, est une machine à enfoncer des pieux, mais obliquement, autant et aussi peu qu'on le juge à propos ; c'est un composé de jumelles A, portant un bélier B, son valet C et ses pinces D attachées au cordage E, renvoyé par une poulie F, et tiré à l'autre bout par des hommes, comme dans celui marqué *, Pl. XX, ou par une machine composée d'un treuil, autour duquel s'enveloppe le cordage E, par le secours de plusieurs roues G, à la circonférence desquelles sont attachées plusieurs planches H, sur lesquelles plusieurs hommes marchent en montant pour élever le bélier B ; les tourillons I de ce treuil, soutenu sur sa longueur de plusieurs assemblages de charpente, tournent de chaque côté dans un autre semblable composé d'entretoises K, retenues dans deux moutons L, assemblés haut et bas dans deux châssis composés de sommiers M, et d'entretoises N. L'extrémité inférieure des jumelles A, boulonnées par en bas à deux contre-jumelles O, appuyées sur l'extrémité de deux sommiers P, et soutenues de liens Q, et contrefiches R, appuyées sur une traverse S, forme une espèce de charnière, qui, avec le secours des cordages et des poulies T, attachées d'un côté au chapeau des contre-jumelles O, et de l'autre au sommet des jumelles A, entretenues de contrefiches V, procure le moyen d'enfoncer des pieux X, à telle inclinaison que l'on juge à propos.

Lorsque le bélier B est lâché de la même manière que ceux des figures précédentes, Pl. XXIII. et XXIV, on lâche le valet c en appuyant sur la bascule a, fig. 137, qui en baissant, décroche le cliquet b de la roue dentée c, et par ce moyen fait défiler le cordage jusqu'à ce que le valet en tombant se soit accroché de nouveau au bélier pour le remonter comme auparavant ; et afin de modérer la vivacité du treuil occasionnée par la chute précipitée du bélier, on appuie sur la bascule d, fig. 148, qui par l'autre bout fait un frottement autour du treuil, et lui sert de frein.

Des ponts de bateaux. La seconde espèce de ponts de bois, sont ceux dits de bateaux, et construits en

(k) Terme d'Horlogerie, le barrillet spiral où s'enveloppe la chaîne d'une montre.

effet sur des bateaux pour le passage des charrais dans des pays où il n'est pas possible, soit par la profondeur des rivières, leur trop grande largeur, ou leurs variations continuelles, d'en bâtir d'une autre espèce, sans une très-grande dépense ; ces sortes de ponts ont l'avantage de n'être pas fort longs à construire, de se démonter facilement lorsqu'on le juge à propos, et de pouvoir encore s'en servir par fragments en d'autres occasions ; mais en récompense il coute beaucoup à les entretenir en bon état. Il en est de deux sortes ; les uns qu'on appelle ponts dormants, sont ceux qu'on n'a jamais occasion de changer de place ; les autres qu'on appelle ponts volans, employés le plus souvent dans l'art militaire, sont ceux dont les équipages se transportent sur des voitures pour s'en servir dans le besoin à traverser des rivières, fossés et autres choses en pareil cas.

La fig. 149, Pl. XXVI, est un pont construit à Rouen sur la rivière de Seine, de l'invention du frère Nicolas, augustin, auteur du pont tournant, dont nous avons déjà parlé : ce pont qui se démonte dans le temps des glaces, de peur de danger, est très-ingénieux : il est composé de dix-huit à vingt bateaux, chacun de dix-huit pieds de largeur, sur neuf à dix taises de longueur, d'environ vingt pieds de distance l'un de l'autre, entretenus de liens croisés A, et de poutrelles B maisées, fig. 150, traversant les bateaux surmontés de plate-formes C, portant un pavé D d'environ dix-huit pieds de largeur, retenu par ses bords de pièces de bois E. Les deux côtés de ce pont sont bordés d'un trotoir F, fig 149, composé de plate-formes G, fig. 150, soutenues de charpente H, et bordé d'une balustrade I, composée de sommiers et de poinçons appuyés sur les poutrelles B K, fig. 149 ; on y voit des bancs distribués de distance à autres pour asseoir le peuple qui s'y promene. Plusieurs de ces bateaux sont retenus par d'autres L, retenus à leur tour par leur extrémité à des assemblages M maisés, fig. 150 et 151, glissant de haut en bas le long des jumelles N, selon la hauteur de la marée, arrêtés à des supports O, contrefiches P, et liens Q, posés sur le plancher R d'une espèce de palée à demeure, soutenue de poutrelles S, appuyées sur des pieux T, plantés dans le fond de la rivière en plus grande quantité du côté d'amont, pour donner plus de solidité au brise-glace V, soutenu de supports X, liens en contrefiche Y, sommiers Z, et chapeau, etc. Ce pont dont le passage est gardé par des sentinelles placées dans les loges AB, s'ouvre en deux parties AA, fig. 149 et 152, Pl. XXVII, d'environ trente pieds de largeur pour le passage des navires, par le moyen d'un arbre a qui se découvre par une petite trappe b, autour duquel s'enveloppe un câble c, renvoyé par une poulie d ; à mesure que le bateau d'ouverture approche, les pièces de bois e qui y étant arrêtées par un bout, et portant par l'autre un crochet f, servant à le conduire, celles g qui portent les trotoirs h, celles i qui portent le pavé, roulent les unes entre deux poulies k, et les autres ayant des poulies placées au-dessous d'elles sur des pièces de bois l.

Il faut remarquer que l'élévation de ce pont variant selon la hauteur de la marée, et qu'en conséquence les châssis de charpente AD, se levant et s'abaissant, il y faut quelquefois monter, et quelquefois descendre pour y arriver.

Les ponts volans, Pl. XXVIII, XXIX et XXX, ayant été expliqués par M. Guillot, il n'est point nécessaire de les répéter ici.

PONT MILITAIRE, (Architecture militaire) En remontant à la naissance de la plupart des arts, et en comparant l'état où leur histoire nous les presente dans leur origine avec celui où nous les voyons aujourd'hui ; si l'on sent d'un côté toutes les obligations que l'on a aux premiers inventeurs, de l'autre on est contraint d'accorder quelque mérite à ceux qui ont travaillé d'après leurs idées, et qui ont perfectionné leurs inventions.

Y a-t-il plus loin de l'ignorance entière d'un art à sa découverte, que de sa découverte à sa dernière perfection ? C'est une question à laquelle je crois qu'il est impossible de répondre avec exactitude ; la découverte étant presque toujours l'effet d'un heureux hasard, et le dernier point de perfection où une découverte puisse être poussée, nous étant presque toujours inconnue. La seule chose qu'on puisse avancer, c'est qu'il était naturel que les Arts dû.sent leur naissance aux hommes les plus éclairés, malgré l'expérience qu'on a du contraire, comme ils doivent leurs progrès et leur perfection aux bonnes têtes qui ont succédé aux inventeurs.

Une découverte est presque toujours le germe d'un grand nombre d'autres. Il n'y a aucune science, aucun art qui ne me fournisse cent preuves de cette vérité ; mais pour nous en tenir à l'objet de ce mémoire, nous en tirerons la démonstration de l'art de la guerre même.

Les hommes naissaient à peine, qu'ils se battirent : ce fut d'abord un homme contre un homme ; mais dans la suite une société d'hommes s'arma contre une autre société. Le désir de se conserver aiguisa les esprits, et l'on vit de siècles en siècles les armes se multiplier, changer, se perfectionner, tant celles qu'on employait dans les combats, que celles dont on usait dans les siéges. La défense suivit toujours pié-à-pié les progrès de l'attaque. La mâchoire d'un animal, une branche d'arbre, une pierre, une fronde, furent les premières armes. Quelle distance entre ces armes et les nôtres ! celle des temps est moins considérable.

Bien-tôt on fabriqua les arcs, les lances, les flèches et les épées, et on opposa à ces armes les casques, les cuirasses et les boucliers.

Les remparts, les murailles et les fossés donnèrent lieu à la construction des tours ambulantes, des béliers, des ponts, et d'une infinité d'autres machines.

Tel était à-peu-près l'état des choses, lorsque le hasard ou l'enfer produisit la poudre à canon. La face de l'attaque et de la défense changea tout-à-coup : on vit paraitre des armes nouvelles ; et il me serait facîle de suivre jusqu'au temps où nous sommes les progrès de l'architecture militaire, si je ne craignais (dit l'auteur de cet article) d'exposer superficiellement des matières profondément connues de la compagnie à qui j'ai l'honneur de parler. (C'était l'académie des Sciences).

Laissant donc-là ce détail, je demanderai seulement si tout est trouvé ; si l'art de la guerre a atteint dans toutes ses parties le dernier point de la perfection ; s'il en est de toutes les machines qu'on emploie, ainsi que des canons, des mortiers à bombe, des fusils, et de quelques autres armes dont il parait que les effets sont tels qu'on les peut désirer, et à la simplicité desquelles il semble qu'il ne reste rien à ajouter.

Avons-nous des ponts portatifs tels que nous les concevons possibles ? nos armées traversent-elles des rivières qui aient quelque largeur, quelque profondeur et quelque rapidité, avec la facilité, la promptitude et la sécurité qu'on doit se promettre d'une pareille machine ? On n'établit pas un pont sur des eaux pour s'y noyer ; savons-nous construire d'assez grands ponts pour qu'une armée nombreuse puisse passer en peu d'heures d'un bord à l'autre d'une rivière, d'assez solides pour résister à la pesanteur des plus grands fardeaux, et d'assez faciles à jeter pour n'être pas arrêtés un temps considérable à cette manœuvre ?

A m'en rapporter à la connaissance que j'ai de l'état des ponts portatifs parmi nous, et aux vains efforts qu'on a fait jusqu'à présent pour les perfectionner, je juge que nous sommes encore loin du but. Toute notre ressource est dans des pontons, qui n'ont ni la grandeur, ni la commodité, ni la solidité requises. On jette sur ces frêles appuis des pièces de bois informes, et on couvre ces pièces de planches en désordre. Voilà la chaussée sur laquelle on expose l'officier et le soldat ; aussi arrive-t-il souvent que le pont s'ouvre et qu'une troupe d'hommes destinés et bien résolus à vendre chérement leur vie à l'ennemi, disparait sous les eaux.

Ont-ils eu le bonheur d'échapper à ce danger ? Autre embarras : les grosses armes dont ils ont besoin, soit pour attaquer, soit pour se défendre, ne peuvent les suivre. Avant qu'ils aient du canon, il faut construire un pont en règle, c'est-à-dire jeter des bateaux, fixer ces bateaux tellement quellement par des câbles ; se transporter dans quelque forêt, se pourvoir des bois nécessaires ; et cependant l'armée qui occupe l'autre bord de la rivière demeure à la merci d'un ennemi bien pourvu des armes dont elle manque, du-moins c'est ainsi que je conçais que les choses sont. Lorsqu'on nous a annoncé qu'on a construit sur une rivière la tête d'un pont, il s'écoule plusieurs jours avant que nous apprenions que la grosse artillerie a passé.

On n'en est pas à sentir toute l'importance de ces inconvéniens, ni à chercher tous les moyens d'y remédier ; mais on en est encore à réussir, la plupart de ceux qui s'y sont appliqués s'étant occupés à combattre des obstacles qu'il s'agissait d'éluder ; plus ils ont connu la force et les caprices de l'élément auquel ils avaient à faire, plus ils l'ont redouté. Qu'en est-il arrivé ? qu'au lieu de travailler à amortir pour ainsi dire ses efforts, en y cédant ils se sont exposés à toute leur énergie par une résistance mal entendue. Au lieu d'imaginer une machine souple et d'un mécanisme analogue à la nature de l'agent qu'ils avaient à dompter, ils ont mis toute leur espérance dans la roideur de celles qu'ils ont méditées ; mais pour obtenir cette roideur dans un degré suffisant, il fallait ou accorder considérablement à la pesanteur, ou risquer de construire un pont trop faible, si on craignait qu'il ne fût trop pesant. Tous sont tombés dans ce dernier inconvénient ; les eaux ont brisé les espèces de digues qu'on leur opposait, et j'ose assurer qu'il en sera toujours ainsi toutes les fois qu'on luttera contre elles avec une machine inflexible et roide. Construire un pont inflexible capable d'une construction prompte et facile, et en état de porter les grands poids qui suivent une armée, problème presque toujours impossible.

Comme nous en sommes encore réduits aux pontons, et qu'on ne fait aucun usage des ponts portatifs ou autres qu'on a proposés jusqu'à-présent, il serait inutîle d'entrer dans le détail de leurs défauts. On a grand besoin de ponts à l'armée ; on n'en a point : tous ceux qu'on a imaginés sont donc mauvais ? Voilà qui suffit.

Voyons maintenant si j'aurai tenté plus heureusement que ceux qui m'ont précédé, la solution de ce problème d'architecture militaire. Tel est l'objet du mémoire suivant, que je diviserai en quatre parties.

Dans la première, qui sera fort courte, j'exposerai les propriétés du pont ou de la machine qu'on demande, et que je crois avoir trouvée.

Dans la seconde, je donnerai dans tout le détail possible, la construction de cette machine.

Dans la troisième, je ferai voir qu'elle a toutes les propriétés requises.

Dans la quatrième, je déduirai quelques observations importantes et relatives au sujet.

Problème d'Architecture militaire. Trouver un pont portatif qui puisse se construire avec promptitude et facilité, recevoir dix hommes de front, et supporter les fardeaux les plus lourds qui suivent une armée.

Solution. Premièrement construisez un bateau A B D E C F, tel que vous le voyez en-dedans, Planche XXVIII. de charpente, fig. première.

Saient A B sa longueur prise de l'extrémité supérieure de la proue, à l'extrémité supérieure de la poupe, de 31 pieds 6 pouces.

a b sa longueur prise de l'extrémité d'un des becs du fond à l'autre extrémité de l'autre bec, de 28 pieds.

A C, A D, B F, B E, les bords supérieurs de sa poupe et de sa proue, de 6 pieds 3 pouces.

C F, D E, les bords supérieurs de ses côtés, de 20 pieds de long.

a g, a h, b e, b f, les côtés des becs de son fond de 4 pieds 6 pouces.

M N, sa largeur par en-haut, ou la distance d'un de ses bords à l'autre dans œuvre, de 6 pieds, et hors d'œuvre, 6 pieds 6 pouces, y compris 2 pouces de saillies de chaque côté desdits bords.

r s, la largeur de son fond de 4 pieds dans œuvre, et de 4 pieds 2 pouces hors d'œuvre.

e h, f g, les grands côtés de son fond, de 20 pieds.

Prenez pour montants des pièces de bois de chêne c o, c o, etc. d'un côté, et d q, d q, etc. de l'autre, de 3 pieds un pouce de long sur 3 pouces et demi d'équarrissage, qui soient au nombre de 26 à égale distance les unes des autres, et auxquelles soient attachées les planches dont le bateau sera latéralement revêtu.

c d, c d, etc. treize traverses de bois de chêne de 4 pieds de long sur 4 pouces d'équarrissage à égale distance les unes des autres, et auxquelles soient attachées les planches du fond du bateau.

a b, sommier inférieur, est une pièce de bois de chêne de 27 pieds de long sur 6 pouces d'équarrissage, placée sur les traverses d c, d c, d c, etc. et assemblée avec la poupe et la proue en a et b, voyez la fig. 1, et la fig. 2.

Pour la poupe et la proue, fig. 2, A C, B D deux pièces de bois de chêne de figure prismatique de 5 pieds 9 pouces de long, et dont deux des côtés des surfaces auxquelles les extrémités des planches qui revêtent le bateau, sont attachées, soient de 12 pouces, et l'autre côté de 9 pouces.

Formez les surfaces latérales du bateau, et celles de la poupe et de la proue de planches de chêne d'un pouce d'épais, et le fond de pareilles planches d'un pouce 6 lignes d'épais.

Assemblez perpendiculairement avec le sommier a b, fig. 2, où l'on voit le bateau coupé de la poupe à la proue, 9 supports ou pièces de bois m n qui laissent entr'elles les mêmes intervalles que les traverses auxquelles elles correspondent, et qui aient 3 pieds 3 pouces de long sur 4 pouces d'équarrissage.

Arcboutez chacun des supports m n, Pl. XXVIII. de Charp. fig. 3, n. 1. et n. 2, où l'on voit le bateau coupé selon sa largeur de deux arcs-boutants qui s'assemblent par une de leurs extrémités g, avec le support même, et par l'autre f f avec les traverses d c, d c qui soient par conséquent au nombre de 18, et qui aient 3 pieds 6 pouces de long sur 4 pouces d'équarrissage.

Fortifiez les arcs-boutants fg, fg, fig. 3, par d'autres h i, h i horizontaux, assemblés par une de leurs extrémités i, i, avec les arcs-boutants f g, f g, et par l'autre h, h, avec les montants D d, C c, qui soient par conséquent au nombre de 27, et qui aient un pied 6 pouces de long sur 3 pouces d'équarrissage.

Assemblez, fig. 2, dans les premier et dernier supports m n deux arcs-boutants ik, ik, chacun par une de leurs extrémités i i avec les deux supports, et par l'autre extrémité k k avec le sommier a b inférieur, et que ces deux arcboutants aient 3 pieds 4 pouces de long sur 4 pouces d'équarrissage.

Fortifiez les arcboutants I K, I K, de deux autres arcboutants horizontaux r t, r t, assemblés chacun par une de leurs extrémités r, r, avec les arcboutants I K des supports, et par leur autre extrémité t, t, avec deux autres arcboutants I K, assemblés chacun par un de leurs bouts k k avec le sommier inférieur a b, et par l'autre bout i i avec les pièces prismatiques A C, B D de la proue et de la poupe fig. 2. Pl. XXVIII. que les deux arcboutants r t, r t aient chacun 3 pieds 10 pouces de long sur 4 pouces d'équarrissage.

Et les deux arcboutants I K, I K de la poupe et de la proue, qui sont semblables à ceux des deux supports extrêmes aient, comme ces arcboutants, 3 pieds 4 pouces de long sur 4 pouces d'équarrissage.

Placez entre chaque support m n un rouleau z élevé de deux pouces au-dessus des côtés du bateau ; que ce rouleau ait 15 pouces de long sur 4 pouces de diamètre.

Ayez pour chaque bateau deux mâts de sapin de 18 pieds de long sur 6 pouces de diamètre par le bas.

Secondement, assemblez, Pl. XXIII. fig. 2, sur les neuf supports m n le sommier supérieur f g, ou une pièce de bois de chêne de 18 pieds de long sur 5 pouces d'équarrissage.

Que sa surface supérieure soit arrondie, et que l'arc de son arrondissement ait un pied de rayon.

Qu'elle soit garnie à des distances convenables, Pl. XXIX. fig. 2, de onze goujons de fer g g g d'un pouce de diamètre sur 3 pouces 3 lignes de haut.

Que chacun de ces goujons parte du milieu d'une embrassure de fer, dont le sommier soit revêtu dans les endroits où ces goujons seront placés.

Que ce sommier soit percé, Pl. XXVIII. fig. 2. à 9 pouces de chacune de ses extrémités d'un trou u de 9 lignes de diamètre.

Et qu'il porte à 6 pouces de chacune de ses extrémités deux bouts de chaîne u chacun de 6 pouces de long, et que ces bouts de chaîne partent d'une embrassure de fer, Pl. XXVIII. fig. 2.

Traisiemement, ayez des barres de fer r s, r s, Pl. XXVIII. fig. 5, de 24 pieds de long sur 6 lignes de diamètre.

Quatriemement, ayez des pièces de bois de chêne, Pl. XXVIII. fig. 5, o, o, o, o, o, o, o, o, o, o, o, o, o, o, etc. Pl. II. de 19 pieds de long sur 8 pouces d'équarrissage.

Pratiquez à 6 pouces de chacune de leurs extrémités des ouvertures Xe y, z, Pl. XXIX. fig. 1, en forme de cône renversé, dont la hauteur soit de 3 pouces 6 lignes, la base la plus petite d'un pouce 4 lignes de diamètre, et la base la plus grande de 3 pouces 6 lignes.

Garnissez chacune de ces pièces à chacune de ces ouvertures d'une plaque de fer entaillée dans la pièce et percée d'un trou correspondant à celui de la pièce dont le diamètre soit d'un pouce 4 lignes, Pl. XXVIII. fig. 4.

Terminez, Pl. XXIX. fig. 1, la partie supérieure des extrémités de chacune de ces pièces de biseaux l, b, t, de 6 pouces de long sur un pouce de haut.

Que celles de ces pièces qui occupent les parties latérales des travées soient garnies chacune à leur partie supérieure de trente-un pitons, et de même nombre à la partie inférieure ; que celui de dessous soit posé perpendiculairement à celui de dessus, Pl. XXVIII. fig. 3 et 5.

Que toutes les pièces de bois des travées O O soient garnies de pitons à leurs extrémités X X X X, Pl. XXVIII. fig. 4 et 5.

Cinquiemement, ayez des attaches de fer r, s, Ve Pl. XXVIII. fig. 3, n°. 1 et 2, composées de deux parties assemblées et mobiles en s, dont la partie r passe d'une ouverture pratiquée au bord du bateau en D ou C, et l'autre partie V se rende à la pièce O, O, et qu'elles puissent jouer l'une et l'autre, l'une en D ou C, et l'autre en V.

Que ces attaches soient de 18 pouces sur 6 lignes de diamètre.

Sixiemement, ayez des madriers p q, Pl. XXVIII. fig. 5, de 16 pieds de long sur 6 pouces de large et sur 4 pouces d'épais.

Que ces madriers aient à leurs extrémités des pitons x Xe

Qu'ils soient percés à 3 pouces de leur extrémité d'un trou c c de 9 lignes de diamètre.

Que le nombre de trente-un madriers servant aux travées, et portant sur les cinq pièces, formant ladite travée, soient percés à 2 pieds et à un pied de leur extrémité, d'un trou t, t, de 6 lignes de diamètre, et que le même nombre de trente-un madriers servant et portant sur les travées garnies de 6 pièces, soient percés à un pied et à 2 pieds de leur extrémité d'un trou t, t, de 6 lignes de diamètre, afin de servir indifféremment à l'une ou l'autre des travées.

Septiemement, ayez des boulons de fer I, I, Pl. XXVIII. fig. 3, n °. 5, de 15 pouces de long sur 6 lignes de diamètre.

Huitiemement, des pilastres K, Pl. XXVIII. fig. 3, n °. 2, et un châssis de fer de 6 lignes d'équarrissage, de 18 pouces de large et de 3 pieds 6 pouces de haut, couvert de tole, Pl. XXIX, fig. 1.

Que ces pilastres soient garnis d'une barre de fer S, Pl. XXIX. fig. 1, de 19 pouces de long, de 9 lignes d'équarrissage même figure.

Neuviemement, ayez des balustrades L L L L, Pl. XXVIII. et XXIX. fig. 3. et 1, dont le châssis soit de 17 pieds de long sur trois et demi de haut, et assemblé par 5 montants de 4 pieds de long.

Que ce châssis porte 15 balustres de tole.

Dixiemement, ayez des treteaux a a p q, Pl. XXIX. fig 3, construits de la manière suivante :

Saient a b, a b, leurs pieds inégaux et ferrés.

c d, c d, les arcs-boutants de ces pieds.

e f, un arc-boutant des arcs-boutants c d, c d.

g h, un sommier inferieur et immobîle de 4 pieds de long sur 8 pouces de large et 6 d'épais.

I K, I K, deux barres de fer de 3 pieds de long sur 15 lignes d'équarrissage fixées dans le sommier supérieur m, n, et mobiles dans l'inférieur.

Sait m, n, un sommier supérieur mobîle à l'aide des vis de bois l l.

Que les têtes des vis l l soient arrondies et garnies d'un goujon qui entre dans une ouverture conique, pratiquée dans le sommier supérieur m n. Voyez la fig. 4, Pl. XXIX.

r s, r s, deux vis de fer capables de fixer la pièce de bois t représentée dans toute sa longueur tt, fig. 5, dont on ne voit ici que le bout t, et qui est parallèle aux sommiers supérieurs assemblés avec les supports et qui portent les pièces des travées d'un bateau à un autre bateau.

Le treteau est Ve de côté dans cette figure.

Onziemement, ayez une pièce de bois t t, Pl. XXIX. fig. 5, de 18 pieds de long sur 8 pouces d'équarrissage, arrondie par sa partie supérieure et garnie d'onze goujons avec leur embrassure.

Que l'arc de son arrondissement soit d'un pied de rayon.

Douziemement, un mouton A D B C, tel qu'on le voit Pl. XXIX fig. 6.

Treiziemement, des pieux, des pioches, des pelles, des cordages, et quelques outils de menuiserie, de charpenterie et de serrurerie.

Quatorziemement, des chariots tels qu'on en voit un, Pl. XXIX. fig. 2.

Saient F G les roues : celles de derrière F, sont d'un pied et demi plus hautes que celles de devant G h i ; une pièce de bois assemblée au train de derrière pour qu'il soit tiré en même temps que celui de devant et sans fatiguer.

l l l, fig. 2. Pl. XXIX. et fig. 7. des crics à dent de loup qui portent des fortes courroies qui passent sous le bateau, et le tiennent suspendu pendant la marche.

m m. fig. 2. Pl. XXIX. des courroies qui passent sur le bateau et qui l'empêchent de vaciller, tenues par de moyens crics à dent de loup n n.

o o o, des rouleaux.

Quinziemement, que les bateaux, tels qu'on en voit un, Pl. XXIX. fig. 2. soient transportés dans le chariot que je viens de décrire, sur le bord d'une rivière, et les autres pièces dans des voitures ordinaires à quatre roues.

Cela fait, j'ai sur le bord de la rivière tout ce qui doit servir à la construction du pont que j'exécute de la manière suivante.

Je commence par m'assurer de la largeur de la rivière.

Pour cet effet, j'ai un cordon divisé de 18 pieds en 18 pieds, distance fixe que je laisse toujours entre mes bateaux.

Je donne l'extrémité de ce cordon à un homme qui passe dans une petite barque à l'autre bord.

Je lui enjoins de s'arrêter dans un endroit où la rivière ait au moins 3 pieds et demi d'eau ; et j'en fais autant de mon côté, observant de me mettre avec mon second dans une direction perpendiculaire au cours de la rivière.

Il arrive de ces deux choses l'une, ou que la distance qui nous sépare contient 18 pieds un nombre de fois juste et sans aucun reste, ou qu'elle contient 18 pieds un certain nombre de fois avec un reste.

Si cette distance contient 18 pieds un nombre de fois juste et sans reste, je laisse ma sonde à 3 pieds et demi de haut où je l'ai posée ; je regarde ce point comme le milieu de mon premier bateau, et je fais planter à 18 pieds de-là vers mon bord trois treteaux selon le cours de la rivière.

Mais si la distance qui est entre mon second et moi n'est pas d'un certain nombre de fois juste de 18 pieds, je partage l'excès en deux parties égales, et je m'avance dans la rivière d'une de ces parties, ou de la moitié de l'excès ; je regarde le nouveau point où je me trouve comme le milieu de mon premier bateau, et je fais planter à 18 pieds de-là vers mon bord trois treteaux selon le cours de la rivière.

La distance qu'on laissera entre chaque treteau doit être de 7 pieds.

Pendant cette opération on a monté les moutons, enfoncé un ou plusieurs pieux à différentes distances, selon que la rivière est plus ou moins large, et jeté les bateaux à l'eau.

Ils ont tous au mât de leur poupe une corde qui Ve se rendre à un câble qui part d'un des pieux D, fig. 9. Pl. XXIX. c'est à l'aide de cette corde et d'une manœuvre semblable à celle qui s'exécute dans nos coches d'eau, qu'ils se mettent et se tiennent à la distance, dans la direction et le parallélisme convenables.

Ils viennent se mettre en ligne vis-à-vis les uns des autres et de mes treteaux.

Alors je travaille à placer au niveau de l'eau et sur une parallèle au premier bateau la pièce t t, arrondie par sa surface supérieure, et garnie de 11 goujons, voyez la Pl. XXIX. fig. 5. et je fais construire l'avant-pont composé de six pièces telles que celles qui forment les travées O O, Pl. XXVIII. fig. 5. portant d'un bout sur la terre et soutenues de l'autre bout sur la pièce t t, Pl. XXIX. fig. 5.

J'entends par une travée cinq ou six pièces o, o, o, Pl. XXVIII. fig. 5. alternativement, de même longueur et grosseur, parallèles entr'elles, et occupant un intervalle de 18 pieds.

Tandis que l'avant-pont se construit et se couvre des madriers p q, Pl. XXVIII. fig. 5. qui forment le commencement de la chaussée, on arrête à la distance de 18 pieds de la pièce t t, Pl. XXIX. fig. 5. portée sur les treteaux, le premier bateau en place ; ce qui se fait à l'aide de deux chevrons de sapin percés d'un trou à chacune de leurs extrémités, et fixés à la partie la plus élevée de la poupe et de la proue de deux bateaux, dans deux goujons destinés à cet usage.

On fait ensuite porter huit madriers de sapin, qu'on appuie d'un bout sur les treteaux, et de l'autre sur les rouleaux z z, Pl. XXVIII. fig. 2. du premier bateau ; ils servent d'échafauds aux pontonniers, qui apportent en même temps les cinq ou six pièces o, o, o, o, o, qui forment la première travée, et qui servent d'échafaud aux porteurs des trente-un madriers p q, p q, qui couvrent cette travée et font la chaussée.

Pendant que les trente-un madriers formant la chaussée se posent, on fait glisser les madriers de sapin des rouleaux du premier bateau sur ceux du second bateau ; on pose les pièces o, o, o, de la seconde travée, on les couvre de madriers p q, et la seconde travée est construite.

Les madriers de sapin étant glissés des rouleaux du second bateau sur les rouleaux du troisième bateau, alors les pièces o, o, o, qui forment la troisième travée, se posent, elles sont suivies des madriers p q qui les couvrent ; et la troisième travée est construite, et ainsi de suite d'un bateau à un autre.

Cependant on place les pilastres, on plante la balustrade, on met les boulons I I, Pl. XXVIII. fig. 3. n °. dans les trous t t, même Pl. fig. 5. on ajuste les attaches L, S, V, Pl. XXVIII. fig. 3. n. 1. on accroche les barres de fer, r, s. Pl. XXVIII. fig. 5. et l'on satisfait au même détail de la construction, qui ne demande presque aucune force, peu d'intelligence, et n'emploie point un temps particulier à celui de la construction du pont, tout se construisant en même temps.

De l'assemblage de ces différentes pièces, dont le mécanisme est simple, et qui sont en assez petit nombre pour une travée ; savoir de

résulte le pont représenté Pl. XXIX. ce qui est évident.

Or, je soutiens que ce pont se construit promptement et facilement, reçoit dix hommes de front, peut porter les fardeaux les plus pesans qui suivent une armée, et ne sera rompu ni par l'action de ces fardeaux, ni par les mouvements de l'eau.

C'est ce que je vais maintenant démontrer.

Démonstration. Je diviserai cette démonstration en trois parties.

Je ferai voir dans la première, que ce pont est capable de supporter les fardeaux les plus pesans qui suivent une armée.

Dans la seconde, que les mouvements de l'eau les plus violents et les plus irréguliers ne le rompent point.

Et dans la troisième, que sa construction est prompte et facile, et qu'il peut recevoir dix hommes de front.

Première partie. Le pont proposé est capable de supporter les fardeaux les plus pesans qui suivent une armée.

Premièrement la chaussée est capable de résister aux fardeaux les plus pesans ; car cette chaussée est composée de madriers de 19 pieds de long sur 6 pouces de large et 4 d'épais.

Ces madriers portent alternativement sur cinq et six pièces de bois qui forment la travée.

Ces pièces de bois sont de 19 pieds de long sur 8 pouces d'équarrissage, et laissent entr'elles 2 pieds d'intervalle.

Les madriers qui composent la chaussée sont donc partagés par ces grosses pièces en parties de 2 pieds de long.

Or, si l'on consulte les tables que M. de Buffon a données en 1741 sur la résistance des bois, et que l'académie a inserées dans le recueil de ses mémoires, on verra que 30000 pesant ne suffirait pas pour faire rompre des morceaux de chêne de 2 pieds de long sur 6 pouces de large et 4 pouces d'épais.

Les expériences de M. de Buffon ont été faites avec tant de soin et de précision que j'aurais pu y ajouter toute la foi qu'elles méritent, et m'en tenir à ces résultats ; mais j'ai, pour ma propre satisfaction, fait placer un de ces madriers sur 5 pièces de bois placées à la distance qu'elles occupent dans la travée qu'elles forment, et 11 milliers n'ont pas suffit pour produire la moindre inflexion, soit dans le madrier, soit dans les pièces qui le soutenaient ; quoique j'aye observé de laisser reposer dessus cette charge pendant six heures de suite.

Secondement les pièces de la travée qui sont alternativement au nombre de 5 et de 6, sont capables de soutenir la chaussée chargée des fardeaux les plus lourds.

Car on trouve par les tables de M. de Buffon, qu'une seule pièce de bois de 18 pieds de portée, c'est-à-dire, de la portée de celles qui forment mes travées, (car quoiqu'elles soient de 19 de long, elles n'en ont réellement que 18 de portée) on trouve dis-je, que pour faire rompre une seule de ces pièces, il faut la charger de 13500.

Quel énorme poids ne faudrait-il donc pas accumuler, je ne dis pas pour rompre, mais pour en arcuer cinq, qui posées parallèles les unes aux autres, se fortifieraient mutuellement ? C'est ce que je laisse à présumer à ceux qui ont quelque habitude de mécanique pratique, et qui connaissent un peu par expérience la résistance des solides.

Je me contenterai d'observer que ces cinq ou six pièces prises ensemble ne seront jamais chargées d'un poids tel que les tables de M. de Buffon l'exigent, pour en faire éclater une seule. Voyez les mémoires de 1741.

Traisiemement, le sommier supérieur est capable de supporter la travée, la chaussée et les poids les plus lourds dont cette chaussée puisse être chargée.

Car ce sommier est de 18 pieds de long, sur 5 pouces d'équarrissage.

Il est porté sur 9 supports qui le divisent en 8 parties de 19 pouces chacune.

Or conçoit-on quelque force capable de faire rompre un morceau de chêne de fil non tranché, de un pied 7 pouces de long, sur 5 pouces d'équarrissage ? S'il avait 7 pieds de long sur le même équarrissage, c'est-à-dire que s'il était plus de quatre fois plus long qu'il n'est, il n'y aurait qu'un fardeau de 11773 livres qui le fit rompre ; encore ne faudrait-il pas que l'action de ce fardeau fût passagère. On voit par les tables de M. de Buffon qu'il s'est écoulé 58 minutes entre le premier éclat et l'instant de la rupture.

Quatriemement, les neuf supports qui soutiennent le sommier supérieur, les bois de la travée, la chaussée et le fardeau dont on la chargera, étant des pièces de 3 pieds 3 pouces de long sur 4 pouces d'équarrissage, placées perpendiculairement et solidement arcboutées en tout sens, comme il parait par la fig. 5. Pl. III. et ainsi que nous l'avons détaillé dans la construction du bateau, les poids les plus énormes ne peuvent ni les déplacer, ni les faire fléchir ; cela n'a pas besoin d'être démontré. Il n'y a personne qui ne connaisse plus ou moins par expérience, quelle est la résistance des bois chargés perpendiculairement à leur équarrissage.

Cinquiemement, le sommier inférieur avec lequel les 9 supports sont perpendiculairement assemblés, est capable de résister à l'action de toutes les charges qui lui seront imposées, au poids des supports, à celui du sommier supérieur, à celui des travées, à celui de la chaussée et à celui du fardeau qui passera sur la chaussée.

Car ce sommier est de 27 pieds de long, sur 6 pouces d'équarrissage.

Il porte sur 13 traverses qui le divisent en 14 parties de 19 pouces chacune.

On voit par les tables de M. de Buffon, que quand même le constructeur aurait eu la mal-adresse de faire porter ses supports sur les parties du sommier inférieur comprises entre les traverses, ces parties étant de 19 pouces seulement chacune, sur 6 d'équarrissage, il eut fallu pour les faire rompre, un poids beaucoup plus grand qu'aucun de ceux dont on peut les supposer chargées.

Que sera-ce donc si les supports au lieu d'appuyer dans ces intervalles, sont placés sur les parties du sommier inférieur qui correspondent aux traverses ? et c'est ce qu'il a observé dans la construction de son bateau : ainsi qu'il parait à l'inspection des fig. 10. Pl. XXIX.

Mais, me demandera-t-on, qu'est-ce qui empêchera l'effort de l'eau pendant l'enfoncement du bateau, d'en jeter les côtés en-dedans ?

Ce qui l'empêchera ? ce seront 26 arcs-boutants horizontaux de 18 pouces de long, sur 3 pouces d'équarrissage, assemblés d'un bout dans les montants du bateau, et de l'autre dans les arcs-boutants des supports.

Voyez fig. 10. Pl. XXIX. mn est un support, gf, gf, sont ses arcs-boutants ; Dd, Cc, sont des montants, et hi, hi, sont les arcs-boutants dont il s'agit. Il y en a autant que de montants, ils font le tour du bateau en-dedans ; il n'y a donc aucune de ses parties qui ne soit fortifiée, et qui n'en fortifie d'autres : car telle est la nature des pièces arcboutées avec quelque intelligence, comme on ose se flatter qu'elles le sont ici, qu'elles se communiquent mutuellement de la force et du secours.

Il est donc démontré que les parties du pont sont capables de résister à leur action les unes sur les autres, et à l'action des fardeaux les plus pesans sur elles toutes.

Mais il ne suffit pas que les parties du pont soient capables de résister à leur action les unes sur les autres, et à l'action des grands fardeaux sur elles toutes.

Toute cette machine est posée sur un élément qui cede, et qui cede d'autant plus que le fardeau dont il est chargé est plus grand, et le volume qu'il occupe plus petit.

Nous n'avons donc rien démontré si nous ne faisons voir que nous ne chargeons point cet élément d'un poids qu'il n'est pas en état de porter : c'est ce qui nous reste à faire, et ce que nous allons exécuter avec la dernière rigueur.

Il ne s'agit que d'évaluer toutes les parties d'un bateau, toutes celles dont il est chargé, ajouter à ce poids celui du fardeau le plus pesant qui suive une armée, et comparer ce poids total avec le volume d'eau qu'il peut déplacer ; c'est-à-dire que le poids d'une travée, d'un bateau, et du plus grand fardeau dont la travée puisse être chargée, étant donné, il s'agit de trouver l'enfoncement du bateau. Nous allons procéder à la solution de ce problème avec la dernière exactitude, et nous imposer la loi de ne nous jamais écarter de la précision, à moins que l'écart quelque léger qu'il puisse être, ne nous soit défavorable : en sorte que sans cet écart le résultat nous serait plus avantageux encore que nous ne l'aurons trouvé.

Par plusieurs expériences réiterées sur des morceaux de bois de chêne, on trouve qu'un pied de ce bois sur 4 pouces d'équarrissage, pese 6 livres 12 onces, ou 27/4 de livre.

La longueur des côtés du bateau, sans compter ni la proue ni la poupe, étant de 21 pieds, et la ligne qui sépare le flanc du bateau d'avec la poupe ou la proue, de 3 pieds 9 pouces, une des faces latérales du bateau est de 10800 pouces carrés, les deux faces latérales de 21600 pouces carrés.

Mais les planches qui forment ces faces, sont d'un pouce d'épaisseur ; donc la solidité de cette partie du bateau est de 21600 pouces solides ; et j'en aurai le poids en disant d'après mes expériences, 1 pied de chêne sur 4 pouces d'équarrissage, ou 192 pouces solides, sont à 27/4 de livre, comme 21600 pouces solides au poids de ce nombre de pouces, il me vient pour ce poids 758 livres.

La surface de la moitié de la proue, ou de la moitié de la poupe, a 3 pieds 9 pouces d'une dimension, 6 pieds 3 pouces de l'autre, 4 pieds 6 pouces de la troisième, ce qui donne pour sa mesure 2902 pouces carrés.

Pour la mesure de la surface de la poupe ou de la proue en entier, 5804 pouces carrés.

Pour la mesure de la surface de la proue et de la poupe prises ensemble, 11608 pouces carrés, et les planches qui forment cette surface n'étant comme celles des faces latérales que d'un pouce, la solidité de cette partie du bateau sera de 11608 pouces cubiques, dont je trouve par la proportion, 192. 27/4 : : 11608 Xe

Récapitulation.

Maintenant pour déterminer de combien ces poids font enfoncer le bateau, je considère qu'il ne peut être entièrement enfoncé, qu'en déplaçant autant d'eau qu'il occupe d'espace ; mais pour cet effet, il faut qu'il pese du-moins autant qu'une masse d'eau de pareil volume que lui.

Mais j'aurai le poids d'une masse d'eau de pareil volume que le bateau, en prenant la solidité du bateau, en cherchant combien cette solidité donne de pieds cubiques, et en multipliant ce nombre de pieds cubiques par 70 l. poids d'un pied cubique d'eau.

Pour avoir la solidité du bateau, je le transforme en un solide dont les tranches aient les mêmes dimensions dans toute sa hauteur.

Pour cet effet, je prends une base moyenne entre son fond et son ouverture.

Je trouve par un calcul fort simple, que cette base moyenne a les dimensions suivantes :