S. m. pl. (Art militaire) espèce de chevaux-legers qui portent des carabines plus longues que les autres, et qui servent quelquefois à pied.

Les François ont formé des corps entiers de ces carabiniers, qui ne peuvent être que très-utiles, parce que ce sont des troupes choisies dans toute la cavalerie, et qui sont mieux payées que les autres. On dit qu'il n'y en a point du tout parmi les Anglais, excepté dans un seul.

Il y a en France le régiment royal des carabiniers. Plusieurs années avant l'institution de ce régiment, on avait mis deux carabiniers dans chaque compagnie de cavalerie, que l'on choisissait parmi les plus habiles tireurs, et qu'on mettait dans les combats à la tête des escadrons, pour faire une décharge de loin sur ceux des ennemis.

Sur la fin de la campagne de 1690, le Roi ordonna que l'on formât par régiment de cavalerie une compagnie de carabiniers, cette compagnie était de trente maîtres ; elle avait un capitaine, deux lieutenans, un cornette, et un maréchal des logis : chaque mestre de camp dans sa compagnie choisissait les officiers. Le capitaine pour faire sa compagnie, avait le choix de donner 260 liv. pour un cavalier tout monté, ou 60 livres pour un homme tout seul. Il choisissait aussi par compagnie un nombre égal dans chacune, et il n'y avait d'exclus pour lui que les deux brigadiers et les deux carabiniers, pour laisser toujours des têtes aux régiments de cavalerie.

Le Roi accorda à tous les officiers des pensions qu'il attribua à leurs emplois. La compagnie devait toujours suivre le régiment, et cependant être toujours prête à camper séparément. Elle était aussi recrutée à tour de rôle des compagnies, moyennant cinquante francs par homme. Tous les mestres de camp se firent une idée différente de cette création, et ne s'accordèrent que sur la valeur qu'ils cherchèrent tous également dans les officiers qu'ils choisirent. Quoiqu'une des conditions imposées par Sa Majesté fût qu'ils n'eussent pas plus de trente-cinq ans, on ne s'y arrêta pas beaucoup, et les mestres de camp y placèrent ou ceux qui s'accordaient le moins avec eux, ou les plus anciens, ou leurs parents, ou leurs amis, ou au moins ceux qui témoignaient le plus d'envie d'y aller ; ce qui composa un assemblage de très-braves gens, mais très différents.

Toutes ces compagnies étaient surnuméraires dans leurs régiments, et furent en très-bon état pour la campagne suivante 1691. Le roi ordonna que toutes les compagnies de carabiniers campassent ensemble, et composassent une brigade à laquelle on nommait un brigadier, et deux mestres de camp sous lui quand la brigade était forte. La destination de ce corps était d'aller en parti.

L'année 1692 les carabiniers firent le même service que l'année précédente ; on était très-satisfait d'eux : mais on commença à trouver qu'étant la plupart habillés de diverses couleurs, cette bigarrure était choquante, et que de plus les officiers ne se connaissaient point les uns les autres ; ce qui fit prendre à sa majesté la résolution de former un seul régiment, sous le nom de Royal-Carabiniers, de toutes ces compagnies, excepté celles des régiments allemands. Le roi qui affectionnait fort ce corps, dont il était très-content, choisit pour le commander M. le duc du Maine, qu'il jugea très-propre pour le mettre en bon état, et lui donner l'esprit qu'il voulait qu'il prit, le destinant à un genre de service tout particulier. Sa majesté prit la peine elle-même de donner par écrit des instructions sur ce sujet.

Les compagnies allemandes étaient retranchées ; il en resta cent françaises, qui furent divisées en cinq brigades de quatre escadrons chacune, et les escadrons de cinq compagnies.

Le roi affecta à chaque compagnie un mestre de camp, un lieutenant-colonel, un major, un aide-major, avec des pensions attachées à leur emploi.

Les cinq mestres de camp eurent le titre de chefs de brigade ; le premier était le chevalier du Mesnil ; le second était le chevalier du Prosel ; le troisième, le sieur d'Achi ; le quatrième ; le sieur de Signi ; et le cinquième, le commandeur de Courcelles.

Tout le régiment fut habillé de bleu : au lieu de deux lieutenans qu'il y avait par compagnie, il n'y en eut plus qu'un. Le roi donna deux étendarts par escadron, et un timbalier par brigade.

Tout le régiment ayant été mis en état dès le commencement de l'année 1694, sa majesté voulut le voir à Compiègne au mois de Mars de la même année, et elle en fut très-contente. Le roi ayant dessein que ce régiment ne fit pas un corps à part dans la cavalerie, M. le duc du Maine voulut bien prendre l'attache de M. le comte d'Auvergne, colonel général de la cavalerie légère, quoique l'intention du roi fût de l'en exempter ; il se contenta du titre de mestre de camp lieutenant. Il prit pour sa compagnie de mestre de camp celle qui avait été tirée de son régiment du Maine, et elle fut attachée à la première brigade ; de sorte que toutes les fois que les brigades changent de rang, ce qui arrive par l'ancienneté ou la dignité de ceux qui les commandent, elle change aussi de brigade, et est toujours à la première.

Le corps des carabiniers fut trouvé si bon et si nombreux, que sa majesté le partagea dans différentes armées ; ce qui s'est presque toujours pratiqué depuis. Nul corps ne l'a surpassé pour la discipline, pour la fermeté, et pour la valeur, dans toutes les occasions : Fontenoy les a immortalisés.

En 1698 la paix étant faite, et le roi ayant réformé une grande partie de ses troupes, il réforma soixante compagnies des carabiniers, sans pourtant diminuer le nombre des brigades ni de leur état major ; elles furent seulement réduites chacune à huit compagnies, qui formèrent deux escadrons ; et à la fin de l'année 1698 les compagnies furent encore réduites à vingt carabiniers. Elles ne furent plus recrutées comme elles l'avaient été par les régiments dont elles sortaient ; mais tous les régiments qui restaient sur pied y fournissaient a tour de rôle le remplacement nécessaire, auquel les inspecteurs tenaient la main. Tous les officiers des soixante compagnies réformées demeurèrent chacun à la suite de leur brigade, séparés par compagnies, excepté les cornettes qui ne se trouvèrent pas dix ans de service dans le temps de la réforme, et qui furent congédiés absolument. M. le duc du Maine reçut ordre de remplacer tous les autres par rang d'ancienneté, à mesure qu'il vaquerait des emplois qui leur seraient propres.

En 1694 le chevalier du Mesnil étant mort, le roi donna la brigade au comte d'Aubeterre, et par-là elle devint la dernière : ainsi la compagnie de M. le duc du Maine passa à celle de du Rosel, qui devint la première ; et cela s'est toujours ainsi pratiqué à tous les changements des chefs de brigade. Sous quelque prétexte que ce puisse être, le roi ne veut jamais permettre de vendre les compagnies de carabiniers.

Pour conserver toujours les compagnies de carabiniers sur un pied de distinction, le roi permettait de prendre quelquefois des capitaines dans la cavalerie, mais il ne consentait pas qu'ils vendissent leurs compagnies : sa majesté trouvait bon aussi qu'on y prit des chefs de brigade ; et l'on observait assez de les prendre alternativement avec les lieutenans-colonels du corps.

On accordait assez aisément aux lieutenans-colonels du corps, des commissions de mestres de camp, et on ne refusait guère aux aides-majors et aux lieutenans des compagnies mestres de camp, des commissions de capitaines.

Les compagnies des carabiniers furent remises à trente maîtres dans l'hiver 1701 et 1702. Voici le règlement qu'on leur donna pour lors.

Le régiment des carabiniers du roi sera composé de cent compagnies de carabiniers de 30 maîtres chacune, faisant en tout 3000 carabiniers, et 411 officiers, y compris le mestre de camp en chef, les cinq mestres de camp sous lui, les cinq lieutenans-colonels, les cinq majors, et les cinq aides-majors. Ils feront vingt escadrons de cinq compagnies chacun, dont il y en aura deux de vieux régiments, et trois de nouveaux. Le mestre de camp en chef aura l'inspection sur tous les régiments, et les autres l'auront seulement sur vingt compagnies, faisant quatre escadrons, et cela par police, et pour la commodité du service ; car ils auront aussi autorité sur tous également selon leur emploi et leur grade, aussi-bien que les lieutenans-colonels, les majors, les aides-majors.

Quand on séparera le régiment en différentes armées, on mettra toujours un mestre de camp pour commander les différents corps, et les autres officiers de l'état-major à proportion.

Le service se fera comme les carabiniers l'ont fait jusqu'à présent, tant pour les gardes que pour les détachements.

Les compagnies seront entretenues par tous les régiments de cavalerie français, qui fourniront les recrues nécessaires à tour de rôle ; tant pour les officiers que pour les cavaliers, à moins que le roi n'en ordonnât autrement.

Le régiment sera habillé de bleu doublé de rouge ; les cavaliers d'un bon drap tout uni, et les officiers de même ; à la réserve des boutons d'argent sur les manches et aux collets des manteaux qui seront bleus comme ceux des cavaliers ; le chapeau sera bordé d'argent d'un galon plus large que celui des cavaliers ; les housses des cavaliers seront bleues, tout unies, bordées d'un galon de soie blanche, les bourses des pistolets de même ; leur ceinturon de bufle, avec un bord de cuir blanc et la bandoulière de même, des gants et des cravates noirs ; les officiers en auront aussi, excepté que ce qui est blanc au cavalier, ils l'auront d'argent.

Les têtières des chevaux seront propres et tout unies, des bossettes dorées tout unies aussi, des épées de même longueur et largeur, des carabines rayées pareilles, et tout ce qu'il faut pour les charger ; observant d'avoir des balles de deux calibres, les unes pour entrer à force avec le marteau et la baguette de fer, et les plus petites pour recharger plus promptement si l'on en a besoin.

Les pistolets seront les meilleurs que l'on pourra, et de quinze pouces de longueur ; les chevaux tous de même taille, à longue queue, et l'ayant retroussée de même sans ruban ni trousse-queue.

A chaque escadron il y aura un timbalier à la compagnie de mestre de camp, qui sera habillé des livrées du roi, sans or ni argent, aussi-bien que les trompettes de toutes les compagnies ; les tentes seront pareilles avec du bleu sur leur faite. Il y aura à chaque quatre escadrons un aumônier à qui on donnera une chapelle, et un chirurgien. On aura soin de n'avoir que de bons chevaux, pour que la troupe soit toujours bien en état d'entreprendre ce qu'on lui ordonnera.

Le mestre de camp en chef, et les autres mestres de camp sous lui, tiendront la main qu'il n'y ait aucun officier mal monté, et qui ne soit sur un cheval de bonne taille : les officiers auront le moins de bagage qu'il leur sera possible ; rien que des chevaux de bât, ou des mulets, et point de chariots, de charrettes, ni surtouts.

On fera les détachements par chambrée, de manière que le cavalier commandé ne porte que ce qui lui sera nécessaire, et laisse les autres hardes à ceux de sa chambrée qui demeureront au corps du régiment.

Les compagnies, sans avoir égard aux régiments dont elles sortent, prendront leur rang de l'ancienneté de leur capitaine ; à la réserve de celle de mestre de camp, et des lieutenans-colonels.

S'il y a des commissions du même jour, ou des rangs incertains, on entendra les raisons de chacun, qui se débiteront sans aigreur ni dispute, pour en rendre compte au roi, afin qu'il décide promptement. L'intention du roi est que ce régiment ne fasse jamais de difficulté en tout ce qui regardera le service, et que la discipline y soit observée fort régulièrement. Il ne doit point monter de gardes.

Il faut deux étendarts par escadrons, avec une devise bien choisie, qui ait un soleil pour corps d'un côté, et de l'autre, des fleurs-de-lis parsemées, comme la plupart des autres régiments du roi.

Pour se servir des carabiniers à pied quand l'occasion s'en présente, il faut qu'ils aient des bottes de basse tige, mais de cuir fort, avec une petite genouillière échancrée à la mousquetaire, et de petits dessus d'éperons.

Quand les mestres de camp de cavalerie à qui ce sera à fournir les recrues, n'auront pas envoyé de bons sujets, on les leur renvoyera à leurs frais et dépens, et ils seront obligés d'en donner d'autres, quand même il mésarriverait desdits cavaliers ; les mestres de camp auront mille livres de pension ; les lieutenans-colonels auront huit cent livres, les majors six cent, et les aides-majors trois cent ; les autres officiers demeureront comme ils sont déjà. Les carabines rayées auront trente pouces de canon ; les épées auront trente-trois pouces de lame ; il sera permis aux officiers d'avoir de petites carabines, pourvu qu'elles soient bonnes. Les cravates noires seront, tant des officiers que des carabiniers, de floure, de longueur de deux aunes de Paris.

Les vestes des habits uniformes seront de drap rouge brodées d'argent avec des boutons et des boutonnières d'argent, et un galon d'argent pareil à celui du juste-au-corps, sur l'amadis ; les officiers auront tous des plumets blancs. Le roi permet que le maréchal qu'il faut, soit pris hors de la compagnie. Histoire de la milice française.

Outre le corps de carabiniers dont on vient de parler, on appelle encore de ce même nom un certain nombre de gendarmes, chevau-legers, etc. auxquels dans le temps de guerre le roi fait donner des carabines. Voyez CARABINES. Ces carabiniers ne forment point de corps séparé : ils combattent avec leurs troupes, et ils se servent seulement de leurs carabines pour tirer sur l'ennemi lorsqu'il n'est pas à portée d'être joint. (Q)