S. f. (Art militaire) corps de soldats qu'on met dans une place forte pour la défendre contre les ennemis, ou pour tenir les peuples dans l'obéissance, ou pour subsister pendant le quartier d'hiver. Voyez FORTERESSE.

Du Cange dérive ce mot de garnicio, dont se sont servi les auteurs de la basse latinité, pour signifier tous les vivres, armes et munitions nécessaires pour défendre une place et soutenir un siège.

Ces mots de garnison et de quartier d'hiver, se prennent quelquefois indifféremment pour une même chose, quelquefois on les prend dans un sens différent ; et alors garnison marque un lieu où les troupes sont établies pour le garder, et où elles font garde, comme les villes frontières, les citadelles, les châteaux, etc. La garnison doit être plus forte que les bourgeois.

Quartier d'hiver, marque un lieu où les troupes sont durant l'hiver, sans y faire la garde et le service de guerre : les soldats aiment mieux être en quartier d'hiver qu'en garnison. Voyez PLACE et QUARTIER d'HYVER. Chambers.

Dans les premiers temps de la monarchie française, on ne mettait point de garnison dans les villes, excepté en temps de guerre, ou lorsqu'on craignait les entreprises de quelque prince voisin : dans la paix les bourgeois des villes, ou ceux qui en étaient seigneurs, prétendaient que c'était violer leurs privilèges que de les charger d'une garnison. Louis XI. par les fréquentes guerres qu'il eut sur les bras, accoutuma les villes à avoir de plus grosses garnisons ; ses successeurs par la même raison en usèrent de même.

Les habitants d'Amiens sous Henri IV. ayant refusé, sous prétexte de leurs privilèges, une garnison, et leur ville ayant été ensuite surprise par Portocarrero gouverneur espagnol de Dourlents, cela fit que pour le bien de l'état, quand la ville fut reprise, on n'eut plus tant d'égards pour ces sortes de privilèges, et qu'on mit de fortes garnisons dans toutes les villes où elles paraissaient nécessaires.

Ce qui rendait les villes difficiles à recevoir des garnisons, était la licence des gens de guerre ; mais depuis que les rois se sont mis en possession de multiplier les troupes dans les villes frontières, ils y ont pour la plupart maintenu la discipline ; et l'on peut dire que la France s'est distinguée par-là de toutes les autres nations. Rien surtout n'est plus beau que les règlements et les ordonnances qui ont été faites par Louis XIV. sur ce sujet, et qui ont eu leur exécution. Les casernes qu'il a fait bâtir dans les villes de guerre pour les soldats, délivrent les bourgeois de l'incommodité de les loger, si ce n'est dans les passages des troupes ; ce qui se fait par billets, et avec un très-grand ordre. Voyez LOGEMENT. Voyez aussi dans les ordonnances militaires le service des troupes dans les garnisons.

Il n'est pas aisé de fixer le nombre des troupes d'infanterie et de cavalerie dont il faut composer la garnison des places ; il dépend de la grandeur des places, de leur situation, et de ce qu'elles ont à craindre, tant de la part de l'ennemi, que de celle des habitants. M. le maréchal de Vauban prétend dans ses mémoires, que dans une place fortifiée suivant les règles de l'art, avec de bons bastions, demi-lunes et chemins couverts, il faut en infanterie cinq ou six cent hommes par bastion.

Ainsi si l'on a une place de huit bastions, elle doit, suivant cet illustre ingenieur, avoir 4000 ou 4800 hommes d'infanterie ; à l'égard de la cavalerie il la règle à la dixième partie de l'infanterie.

Cette fixation qui a pour objet la garnison d'une place pour soutenir un siege, ne peut pas convenir également à toutes les villes ; d'ailleurs en temps de paix les garnisons peuvent être moins fortes que pendant la guerre : si elles ne le sont pas, c'est que la plupart des princes de l'Europe entretenant presque autant de troupes en paix qu'en guerre, ils se trouvent obligés de les distribuer dans les différentes villes de leurs états, sans égard au nombre qu'il conviendrait pour la sûreté et la conservation de ces villes.

Comme l'on n'a pas dans la guerre un grand nombre de places exposées à être assiégées dans le même temps, ce sont celles pour lesquelles on craint, qu'on doit particulièrement fortifier de bonnes garnisons. Les places frontières ou en première ligne doivent avoir aussi des garnisons plus nombreuses que les autres, et d'autant plus fortes qu'elles se trouvent plus à portée des entreprises de l'ennemi, et plus éloignées des autres places.

Ce n'est pas une chose indifférente pendant la guerre, de savoir réduire les garnisons des places au seul nombre d'hommes nécessaire pour leur sûreté ; on a déjà observé que les garnisons des places affoiblissent les armées : c'est un inconvénient que produit le trop grand nombre de places fortifiées qu'il faut garder ; mais aussi dans les événements malheureux, ces places et leurs garnisons vous donnent le loisir de racommoder vos affaires pendant le temps que l'ennemi emploie à en faire la conquête.

" Le royaume d'Angleterre, remarque Montecuculli, étant sans forteresses, a été trois fois conquis en six mois ; et Frédéric palatin qui avait été proclamé roi de Boheme, perdit tout ce royaume par la perte de la seule bataille de Prague. Si quelque prince barbare, dit cet auteur, se fiant à ses armées nombreuses, s'imagine qu'il n'en a pas besoin, il se trompe ; il faut qu'il ait continuellement une armée sur pied, ce qui est insupportable, ou qu'il soit exposé aux courses de ses voisins. "

Dès que les places de guerre sont jugées nécessaires pour la sûreté et la conservation des états, les garnisons le sont également, et elles doivent être proportionnées à la grandeur des places et au nombre des ouvrages de leur fortification ; car ce ne sont point les murailles qui défendent les villes, mais les hommes qui sont dedans. Voyez FORTERESSE. (Q)