S. f. (Histoire ancienne et Art militaire) machine dont les anciens se servaient pour jeter de grosses pierres, et quelquefois des dards et des javelots de douze ou quinze pieds de long sur les ennemis.

Ce mot est originairement Grec, , formé .

On prétend que la catapulte est de l'invention des Syriens. Quelques auteurs la représentent semblable à la baliste ; d'autres veulent qu'elle soit différente. Voyez BALISTE et ONAGRE.

Le propre de la baliste était de lancer des traits d'une grosseur extraordinaire, et quelquefois plusieurs ensemble, dans une gargousse ; et la catapulte lançait des pierres et des traits tout ensemble, et en très-grand nombre. Folard, Attaque des places des anciens. Voici la description d'une catapulte, suivant cet auteur.

On fait un châssis ou base composée de deux grosses poutres, Planche XII de l'art. milit. 2, 3 ; leur longueur est de quinze diamètres des trous des chapiteaux : leur largeur de deux diamètres et quatre pouces, et leur épaisseur tout au moins d'un diamètre et quatre pouces, le plus n'y fait rien. On pratiquera vers les deux extrémités de chaque poutre de doubles mortaises pour recevoir les huit tenons des deux traversans, 4, 5, chacun de quatre diamètres de longueur sans les tenons, observant d'en marquer exactement le centre par une ligne creuse 6 ; le traversant 5 doit être courbe ou moins épais que l'autre, où l'on pratiquera au milieu une entaille arrondie pour donner une plus grande courbure à l'arbre ou bras dont nous parlerons bientôt.

On prendra le centre des deux poutres (2, 3) au sixième diamètre de leur longueur, où l'on pratiquera au milieu de chacune à son épaisseur, un trou 8 parfaitement rond de seize pouces de diamètre opposés juste, et vis-à-vis l'un de l'autre. Ils s'élargiront vers l'intérieur du châssis, percés en forme de pavillon de trompette ; c'est-à-dire, que les deux trous opposés qui ont chacun seize pouces de diamètre du côté des chapiteaux, en auront dix-sept et demie à l'ouverture intérieure. Il faut en adoucir l'entrée que Vitruve appelle peritretos, et en abattre la carne tout-au-tour. Passons maintenant à la description des chapiteaux, qui sont comme la glande pinéale de la machine, et qui servent à tortiller et bander les cordages qui sont le principe du mouvement.

Les chapiteaux (9) sont de fonte ou de fer, composés chacun d'une roue dentée (10) de deux pouces et demi d'épaisseur. Le trou doit être de onze pouces trois lignes de diamètre, parfaitement rond, et les carnes abattues. Le rebord intérieur (11) est de quatre pouces de hauteur ; son épaisseur d'un pouce : mais comme il se trouve plus large d'un pouce par cette épaisseur que le trou pratiqué dans l'extérieur des deux poutres, on fera une entaille arrondie (12) de quatre pouces de profondeur, pour l'introduire juste dans l'entaille. Comme il y aurait un trop grand frottement si les chapiteaux appuyaient de plat contre les poutres, par l'extrême tension des cordages qui les serrent contre, on peut remédier facilement à cet inconvénient par le moyen de six roulettes (13) d'un pouce de diamètre sur quatorze lignes de longueur, posées circulairement, et tournant sur leurs axes contre la poutre, comme on voit en A, et la roulette séparée B.

Ces roulettes ou petits cylindres de cuivre fondu, doivent être tournés au tour, et égaux à leur diamètre, pour que les chapiteaux portent par-tout également.

Sur cet assemblage de cylindres, on appliquera les chapiteaux (9) de telle sorte, que les cylindres ne débordent pas vers les dents de la roue, qui doivent recevoir un fort pignon (14) par le moyen duquel on fait tourner la roue pour le bandage, et où l'on applique la clé (15), où l'on pratiquera un crochet d'arrêt (16) ; et pour la grande sûreté, on en mettra un autre, pour empêcher que rien ne lâche par l'extrême et violent effort du bandage des cordes entortillées. On use de ces précautions à cause des roulettes, qui ôtant tout le frottement des chapiteaux et facilitant le bandage, font que les chapiteaux sont plus faciles à lâcher par l'extraordinaire tension des cordes, qui est à peine concevable : elle doit l'être encore moins dans une catapulte qui chasse un corps de quatre cent pesant et au-delà. On doit alors employer les roues multipliées ; et pour plus grande précaution ; l'on mettra un fort crochet d'arrêt à chaque roue.

On fait pour les petites catapultes depuis dix livres jusqu'à vingt ou trente, un cercle de fer en manière de rebord, qui s'élève au-dessus du bois de trois ou quatre lignes. Ce cercle doit être appliqué sur le bois et retenu par le moyen de huit fortes pointes ; le chapiteau appuyant dessus comme sur plusieurs points, aura beaucoup moins de frottement pour le bandage, que s'il portait tout entier sur le bois, observant d'abattre les carnes du rebord qui doit aller e n arrondissant. Passons maintenant à la pièce capitale qui soutient tout l'effort et toute la puissance du bandage.

Cette pièce est un bouton ou un travers plat (17) de fer battu à froid, qui partage en deux également le trou des chapiteaux à leur diamètre, et qui s'enchâsse dans une entaille carrée d'environ un pouce de profondeur dans l'épaisseur des chapiteaux. Ce travers doit être de deux pouces quatre lignes dans sa plus grande épaisseur d'en-haut (18), qui doit être arrondie et polie autant qu'il sera possible, pour que les cordes qui passent et repassent dessus, ne soient pas endommagées et coupées par les inégalités du fer. La hauteur de cette pièce doit être de huit pouces, allant en diminuant depuis le milieu jusqu'en bas (19), qui ne doit avoir qu'un pouce. Cette pièce doit entrer juste dans les trous des chapiteaux : cette hauteur donne plus de force, et empêche qu'elle ne plie par l'effort du bandage. Pour moi je crois, dit M. de Folard, qu'il serait plus sur de fondre les chapiteaux avec les travers, ou les faire de même métal : je voudrais m'en tenir là.

Après avoir appliqué les deux chapiteaux contre les trous des deux poutres, tous les deux dans une égale situation, et posé les deux pièces traversantes et diamétrales, sur lesquelles passe le cordage, on passe un des bouts de ce cordage à travers de l'un des trous d'un chapiteau et de la poutre ; on amarre ce bout à un clou planté dans l'intérieur de la poutre, de telle sorte qu'il ne lâche point ; on prend ensuite l'autre bout de la corde, qu'on passe à-travers du trou de la poutre et du chapiteau opposé, et on fîle ainsi ce cordage passant et repassant sur les deux travers de fer qui partagent les trous des chapiteaux, la corde formant un gros écheveau (20) qui doit remplir entièrement toute la capacité des deux trous : alors on lie le premier bout de la corde avec le dernier. La tension doit être égale, c'est-à-dire que les différents tours de la corde passés et repassés, doivent être tendus à force égale, et si près-à-près l'un de l'autre, qu'il n'y ait aucun intervalle entre chaque tour de corde. Dès que le premier tour ou lit de corde aura rempli l'espace de fer diamétral, on passera un autre lit par-dessus le premier, et ainsi les uns sur les autres, et toujours également tendus jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rien entrer dans les deux trous, et que l'écheveau les remplisse totalement ; observant de frotter de temps en temps le cordage avec du savon. On peut encore passer et repasser la corde par les deux bouts, en prenant le centre.

A trois ou quatre pouces derrière l'écheveau des cordes, s'élève un fort montant (21), composé de deux poteaux équarris de bois de chêne de quatorze pouces de grosseur et des trois traversans à tenons et à mortaises. Comme ce montant se trouve à deux ou trois pouces derrière le gros écheveau de corde, il est nécessaire qu'il soit posé obliquement vers l'écheveau, de telle sorte que le bras (22) enfermé par son bout d'en-bas, au milieu et au centre d'entre les cordes de l'écheveau, dont une moitié l'embrasse d'un côté et de l'autre ; il est nécessaire, dis-je, qu'il soit baissé de telle sorte que le bras appuie un peu obliquement sur le coussinet (23), qui doit être mis au centre du traversant (24). La hauteur du montant (21) est de sept diamètres et demi et trois pouces, appuyé derrière par trois forts liens ou contre-fiches (25), assemblées par le bas dans l'extrémité des deux poutres (2, 3), et celle du milieu (26), au traversant (24), avec tenons et mortaises. Les poteaux et les traversans doivent être embrassés par de doubles équerres larges de quatre pouces, et épaisses de trois lignes, assurées par des boutons arrêtés par une goupille pour les tenir fermes.

On observera de mettre le coussinet (23) au centre, comme je l'ai dit, et qu'il soit couvert de cuir de bœuf passé et garni de bourre ; car c'est contre ce coussinet que le bras Ve frapper avec une très-grande force.

Lorsqu'on voulait mettre la catapulte en batterie et en état de jeter des pierres, on mettait le bout d'en-bas de l'arbre ou du bras, dans l'entre-deux et au centre de l'écheveau de corde. Ceci est d'autant plus important, que s'il ne se rencontrait pas dans ce juste milieu, la tension se trouverait inégale ; et ce qu'il y a de cordages plus d'un côté que de l'autre, se casserait infailliblement dans la tension : ce qui mérite d'être observé. Pour n'être pas trompé dans une chose si importante ; on peut mettre un morceau de bois en formant l'écheveau de la grosseur du bout d'en bas du bras. Ce morceau de bois servira pour marquer le centre des cordes, en les passant et repassant dans les trous des chapiteaux.

Le bras ou style, comme Ammien Marcellin l'appele, doit être d'excellent bois de frêne, et le plus sain qu'il sera possible de trouver. Sa longueur est de quinze à seize diamètres du trou des chapiteaux. Le bout d'en-bas engagé dans le milieu de l'écheveau, est de dix pouces d'épaisseur, et large de quatorze ; c'est-à-dire qu'il doit être plus étroit dans la première dimension que dans la seconde, pour lui donner plus de force et empêcher qu'il ne plie ; car si on s'apercevait que le bras pliât, il faudrait lui donner plus de largeur.

On doit laisser ces dimensions au bout d'en-bas que les cordes embrassent, en rabattre les carnes ; car sans cette précaution, elles couperaient ou écorcheraient les cordes qui sont de boyau. Le reste du bras doit être taillé en ellipse, moins épais d'un pouce que le bout enchâssé dans l'écheveau, et de la même largeur jusqu'à l'endroit où il vient frapper le coussinet, qui doit être plus épais, mais plat, de peur que la violence du coup ne la coupât en deux. C'est en cet endroit que le bras doit être un peu plus courbe. Pour fortifier davantage le bras ou l'arbre, dont l'effort est tout ce qu'on peut imaginer de plus violent, on doit le garnir tout-autour dans une toîle trempée dans de la colle forte, comme les arçons d'une selle, et rouler autour une corde goudronnée de deux lignes de diamètre ; si serrément et si près-à-près, qu'il n'y ait aucun intervalle entre les tours. On doit commencer cette liure hors du gros bout d'en-bas. La figure suffit de reste pour le faire comprendre. Traité de l'Attaque des Places des anciens, par M. le chevalier Folard.

Les effets des catapultes étaient considérables. On lançait avec ces machines des poids de plus de 1200 livres. Elles étaient encore en usage en France dans le XIIe et le XIIIe siècle. Le P. Daniel, dans l'Histoire de la Milice Française, cite un passage de Fraissart, qui fait voir la force surprenante de ces sortes de machines. Il nous apprend qu'au siège de Thyn-Lévêque aux Pays-Bas, le Duc Jean de Normandie fit charrier grand faison d'engins de Cambray et de Douay, et entr'autres six fort grands, qu'il fit lever devant la forteresse, lesquels jetaient nuit et jour grosses pierres et mangonneaux, qui abattaient les combles et hauts des tours, des chambres, et des sales : tellement que les compagnons qui gardaient la place, n'osaient demeurer que dans les caves et les selliers. Ceux de l'ost leur jetaient encore plus par leurs engins des chevaux morts, et autres charoignes infectes pour les empuantir là dedans, dont ils étaient en grande détresse ; et de ce furent plus contraints que de nulle autre chose, parce que même il faisait chaud comme en plein été, etc.

C'était, dit M. de Folard que nous copions ici, une très-grande incommodité que ces chevaux lancés dans une place assiégée ; rien n'était plus capable d'y mettre la peste, ou du moins d'occuper une partie de la garnison pour les enterrer et se délivrer de l'infection de ces cadavres.

L'histoire de Ginghiscan et de Timur-Beg nous fournit une infinité d'exemples de la force et de la puissance de ces sortes de machines. Les catapultes dont ces conquérants se servaient étaient si énormes qu'elles chassaient des meules de moulin et des masses affreuses ; qu'elles renversaient tout ce qu'elles rencontraient avec un fracas épouvantable. Ces machines paraissent avoir subsisté jusqu'à l'invention de la poudre. L'usage du canon qui les détruisait facilement, les fit disparaitre : cependant M. le chevalier de Folard croit qu'elles seraient encore aujourd'hui supérieures à nos mortiers.

Les effets en sont à-peu-près les mêmes pour jeter des corps pesans, capables d'écraser par leur poids les édifices les plus solides : la catapulte a même quelque avantage en cela sur le mortier. Il faut bien moins de dépense pour le transport des choses nécessaires à la construction de la première ; que pour le transport du dernier.

Ce que l'on doit le plus considérer dans la catapulte, dit toujours le chevalier Folard ; c'est la certitude de son effet et la justesse de ses tirs différents. " On est assuré de jeter les pierres où l'on veut ; car il n'y a point de raison qui puisse faire qu'elle chasse plus ou moins loin, ou plus ou moins juste en un temps qu'en un autre sur les mêmes degrés d'élévation et de bandage. Il n'en est pas ainsi de nos mortiers, à cause des différents effets ou des différentes qualités de la poudre ; car quoiqu'elle soit de même nature en apparence, elle ne l'est pas en effet. Un barril n'est jamais semblable à un autre barril ; la poudre n'est jamais égale en qualité et en force, etc.

Il est vrai, comme l'observe M. de Folard, que les effets de la poudre sont fort irréguliers : mais le ressort des cordes de la catapulte qui en fait toute la force, serait à-peu-près sujet aux mêmes variations à cause des différentes impressions de l'air : ainsi il n'y a guère d'apparence que le coup de la catapulte puisse être beaucoup plus sur que celui du mortier ; mais cette machine parait avoir un avantage très-évident sur le pierrier.

" La portée la plus grande des mortiers-pierriers de quinze pouces de diamètre à leur bouche ne Ve guère au-delà de cent cinquante taises. Les cailloux chassés par une catapulte, parcourront un plus grand espace, et écarteront beaucoup moins. Cet avantage est beaucoup plus grand qu'on ne pense ; car lorsqu'il en peut tomber une plus grande quantité dans un logement, dans une batterie, dans les sappes, dans un ouvrage, et dans un chemin couvert, quel désordre ! quelle exécution ces sortes de machines ne feront elles pas ? En jetant si juste, soit des pierres ou des bombes, il n'y a point de batterie qui ne puisse être démontée, ni de logement qu'une grêle de caillous ne fasse abandonner ". Folard, Traité de l'attaque des places des anciens. (Q)