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Catégorie : Fortification
(LA) s. f. ou l'ART DE FORTIFIER (Ordre encyclopédique, Entendement, Raison, Philosophie ou Science, Géométrie, Architecture militaire , Fortification), consiste à mettre une place ou tout autre lieu qu'on veut défendre, en état de résister avec peu de monde aux efforts d'un ennemi supérieur en troupes, qui vent s'en emparer.

Les ouvrages qu'on construit pour cet effet sont appelés fortifications ; tels sont nos bastions, demi-lunes, ouvrages-à-corne, &c.

Les fortifications sont de différentes espèces, c'est-à-dire qu'elles sont relatives à l'objet auquel on les destine, et aux machines avec lesquelles on peut les attaquer.

Ainsi si l'on n'attaquait les places qu'avec le fusil, de simples murailles seraient une fortification suffisante pour y résister. Si l'ennemi n'avait aucun expédient pour parvenir au haut de ces murailles, il serait inutîle de leur donner d'autre élévation que celle qui serait nécessaire pour n'être pas franchie aisément.

On voit par-là qu'un lieu n'est fortifié que par rapport aux différentes attaques qu'il peut avoir à soutenir. Un château, par exemple, est fortifié lorsqu'il est entouré de fossés et de murailles qui le mettent en état de résister à un parti qui n'a point de canon ; mais ce même château devient sans défense contre une armée qui a un équipage d'artillerie, parce qu'elle peut le détruire sans que ceux qui sont dedans puissent en empêcher.

Les premières fortifications furent d'abord très-simples ; elles ne consistaient que dans une enceinte de pieux ou de palissades. On les forma ensuite de murs, avec un fossé devant, qui empêchait d'en approcher. On ajouta depuis à ces murs des tours rondes et carrées, placées à une distance convenable les unes des autres, pour défendre toutes les parties de l'enceinte des places. Car comme le dit Vegece, " les anciens trouvèrent que l'enceinte d'une place ne devait point être sur une même ligne continue, à cause des béliers qui battraient trop aisément en breche ; mais par le moyen des tours placées dans le rempart assez près les unes des autres, leurs murailles présentaient des parties saillantes et rentrantes. Si les ennemis veulent appliquer des échelles, ou approcher des machines contre une muraille de cette construction, on les voit de front, de revers, et presque par-derrière ; ils sont comme enfermés au milieu des batteries de la place qui les foudroyent ". Nouv. trad. de Vegece.

Pour défendre encore plus surement le pied du mur de l'enceinte et celui des tours, les anciens faisaient le haut de la muraille en massocoulie ou machicoulis. Voyez BASTION. Ils se servaient des intervalles des machicoulis pour jeter des pierres, du plomb fondu, de l'huîle bouillante, et différentes sortes de matières propres à éloigner l'ennemi du pied des murailles. On y faisait aussi couler des masses fort pesantes, qui par leur chute et rechute retardaient beaucoup le progrès de ses travaux.

Les anciens ne terrassaient pas toujours leurs murailles ; et M. de Folard prétend qu'ils en usaient ainsi pour se mettre à l'abri de l'escalade. Car l'ennemi étant parvenu au haut de la muraille, n'était pas pour cela dans la place ; il lui fallait des échelles pour y descendre, et pendant cette longue opération, ceux qui étaient dans la ville pouvaient s'assembler pour les repousser. Cependant Vitruve remarque qu'il n'y a rien qui rende les remparts plus fermes, que quand les murs sont soutenus par de la terre ; et du temps de Vegece on les terrassait. On pratiquait vers le haut une espèce de petit terre-plein de 3 ou 4 pieds de largeur, duquel on tirait sur l'ennemi par les crenaux du parapet. Les tours dominaient sur ce terre-plein, et par-là elles avaient l'avantage de découvrir une plus grande étendue de la campagne, et de pouvoir défendre les courtines ou les parties de l'enceinte qui étaient entr'elle.

Pour défendre encore plus facilement ces parties, on observait en bâtissant les places, de couper le terre-plein en-dedans vis-à-vis les tours. On substituait à cette coupure une espèce de petit pont de bois qu'on pouvait ôter très-facilement dans le besoin.

Telle était la fortification ordinaire de l'enceinte des places chez les anciens. Cette enceinte était environnée du côté de la campagne, d'un fossé large et profond, qui retardait l'approche des machines dont on se servait alors pour battre les places, et qui rendait l'accès du rempart plus difficîle et moins propre à l'escalade. Voyez ESCALADE.

Cette fortification a subsisté sans changement considérable, jusqu'à l'usage du canon dans les siéges. Il fallut abandonner alors les machicoulis, qui en étaient d'abord ruinés, et augmenter l'épaisseur du parapet. Comme on diminuait par-là la capacité des tours, on songea à les agrandir ; mais leur partie extérieure n'étant plus défendue des machicoulis, donnait au pied un lieu sur à l'ennemi, pour travailler à ruiner la tour, et à la faire sauter par la mine. Voyez MINE. En effet l'épaisseur du parapet de cette partie extérieure empêchait que les soldats qui y étaient placés, ne pussent en découvrir le pied ; et à l'égard des flancs des tours voisines, ils ne pouvaient voir que les extrémités de ce même côté extérieur des tours carrées, devant lequel il restait un espace triangulaire qui n'était point Ve de la place. Cet espace était plus petit dans les tours rondes que dans les tours carrées, mais il était toujours plus que suffisant pour y attacher un mineur qui pouvait y travailler tranquillement. Cet inconvénient fit penser à renfermer dans les tours l'espace qu'elles laissaient sans défense. On les termina pour cela par deux lignes droites, formant ensemble un angle saillant vers la campagne. Par cette correction les tours furent composées de quatre lignes, savoir de deux faces, et de deux flancs. Voyez FACE et FLANC ; et elles prirent alors le nom de bastions triangulaires, ou simplement de bastions. Voyez BASTION.

Il n'est pas aisé de fixer l'époque précise de l'invention des bastions, mais l'usage parait s'en être établi à-peu-près vers l'an 1500. Quelques auteurs en attribuent l'honneur à Zisca, chef des Hussites en Bohème, et ils prétendent qu'il s'en servit à la fortification de Tabor. M. le chevalier de Folard croit que le premier qui s'en servit, fut Achmet Bassa, qui ayant pris Otrante en 1480, fit fortifier cette ville avec les bastions qu'on y voit encore aujourd'hui. Mais M. le marquis Maffei, dans sa Verona illustrata, en donne la gloire à un ingénieur de Vérone, nommé San-Micheli, qui fortifia cette ville avec des bastions triangulaires, à la place des tours rondes et carrées qui étaient alors en usage. Comme cet ingénieur n'est connu par aucun ouvrage de sa façon, M. Maffei allegue deux raisons qui le portent à lui attribuer l'invention de nos bastions. La première, c'est l'autorité de George Vasari, qui dans ses vitae excellentium architectorum, imprimées en italien à Florence en 1597, dit en termes formels qu'avant San-Micheli, on faisait les bastions ronds, et que ce fut lui qui les construisit triangulaires. L'autre raison est tirée des bastions qu'on voit à Vérone, et qu'on croit les plus anciens. On voit sur ces bastions des inscriptions qui portent 1523, 1529, et les années suivantes. Les murs en sont très-solidement bâtis. Ils ont 24 pieds d'épaisseur, et ils sont encore en bon état, quoiqu'ils aient plus de 200 ans de construction. M. le Marquis Maffei prétend que les premiers livres qui ont parlé des bastions, n'ont paru que depuis l'an 1500 en Italie, et depuis 1600 dans les autres pays de l'Europe, ce qui n'est pas entiérement exact ; car Daniel Specle, ingénieur de la ville de Strasbourg, qui mourut en 1589, publia avant sa mort un livre de fortification qu'on estime encore aujourd'hui, dans lequel il se regarde comme le premier allemand qui ait écrit des bastions triangulaires. Le premier qui ait écrit en France sur cette fortification, est Errard de Bar-le-Duc, ingénieur du roi Henri IV. Son ouvrage est postérieur à ceux de plusieurs italiens, et à celui de Specle. On trouvera sa méthode de fortifier à la suite de cet article, avec celle des principaux auteurs qui ont écrit sur la fortification moderne, ou avec des bastions.

Cette fortification est toujours composée d'un rempart avec son parapet, d'un fossé, et d'un chemin-couvert. Voyez ces mots aux articles qui leur conviennent.

Les maximes ou préceptes qui servent de base à la fortification, peuvent se réduire aux quatre suivants.

1°. Qu'il n'y ait aucune partie de l'enceinte d'une place, qui ne soit vue et défendue de quelqu'autre partie.

2°. Que les parties de l'enceinte qui sont défendues par d'autres parties de la même enceinte, n'en soient éloignées que de la portée du fusil, c'est-à-dire d'environ 120 taises. Voyez LIGNE DE DEFENSE.

3°. Que les parapets soient à l'épreuve du canon. Voyez PARAPET.

4°. Que le rempart commande dans la campagne tout-autour de la place, à la portée du canon. Voyez COMMANDEMENT.

Outre ces quatre principes généraux, il y en a d'autres qui en sont comme les accessoires, et auxquels on doit avoir égard autant qu'il est possible. Tels sont ceux-ci.

1. Que la défense soit la plus directe qu'il est possible ; c'est-à-dire que les flancs soient disposés de manière que les soldats placés dessus puissent défendre les faces des bastions sans se mettre obliquement ; parce que l'expérience a fait remarquer que dans l'attaque, le soldat tire vis-à-vis de lui, sans prendre la peine de chercher à découvrir l'ennemi. Suivant cette maxime, l'angle du flanc doit être un peu obtus. On peut le régler à 98 ou 100 degrés.

2. Que les parties qui défendent les centres, comme par exemple les flancs, ne soient pas trop exposées aux coups de l'ennemi.

3. Que la place soit également forte par-tout ; car il est évident que si elle a un endroit faible, ce sera celui que l'ennemi attaquera ; et qu'ainsi les autres parties plus exactement fortifiées, ne procureront aucun avantage pour la défense de la ville.

4. Que les bastions soient grands et capables de contenir un nombre suffisant de soldats, pour soutenir longtemps les efforts de l'ennemi.

Errard prétendait qu'un bastion était assez grand lorsqu'il pouvait contenir deux cent hommes : mais ce nombre se trouverait trop faible aujourd'hui pour soutenir un assaut ; il faut au moins cinq ou six cent hommes. Au reste la fixation exacte de la grandeur de toutes les parties du bastion, n'est ni fort aisée ni fort importante ; parce que quelques taises de plus ou de moins ne peuvent produire aucun effet sensible sur la force ou la bonté du bastion. Voyez BASTION.

La fortification se divise ordinairement en régulière et irrégulière ; et en fortification durable et passagère.

La fortification régulière est celle dans laquelle tous les bastions sont égaux, et qui appartient à une figure ou un polygone régulier. Voyez POLYGONE. Elle a toutes ses parties semblables, égales entr'elles, et qui forment les mêmes angles ; c'est-à-dire par exemple, que dans la fortification régulière les faces des bastions sont égales entr'elles, les flancs aussi égaux entr'eux, les angles du flanc de même nombre de degrés, etc.

La fortification irrégulière est celle dans laquelle les parties semblables de chaque coté de l'enceinte ne sont pas toutes égales entr'elles : ainsi dans cette fortification les flancs des bastions ne sont pas tous égaux, non plus que les faces, les courtines, les différents angles des bastions, etc. Cette fortification est presque la seule d'usage ; parce qu'il est rare de trouver des places dans un terrain uni, et dont l'enceinte forme un polygone régulier qui ait ses côtés de la grandeur nécessaire pour être fortifiée.

Comme dans la fortification régulière on n'est gêné par aucune circonstance ni du terrain ni de l'enceinte, on dispose l'arrangement de toutes les parties de la fortification de la manière la plus avantageuse pour la défense : c'est pourquoi les règles qu'on suit alors, servent de principes pour la fortification irrégulière qui se trouve d'autant plus parfaite, que ces règles y sont plus exactement observées.

La fortification régulière est préférable à l'irrégulière ; parce que tous ses côtés opposent la même résistance, et qu'elle n'a point de parties faibles dont l'ennemi puisse profiter. La fortification irrégulière n'a pas le même avantage ; la nature du terrain de la place, la bizarrerie de son enceinte jointe à l'inégalité de ses côtés et de ses angles, rendent souvent cette fortification très-difficile. On fait en sorte de rendre tous les côtés ou les fronts également forts ; mais malgré l'habileté des Ingénieurs, on ne peut presque jamais y parvenir. Les places les mieux fortifiées en Europe en fournissent plusieurs exemples.

La fortification durable est celle qu'on emploie aux villes et aux lieux qu'on veut mettre en état de résister en tout temps aux entreprises de l'ennemi ; c'est celle de nos places de guerre, et de tous les autres lieux qu'on dit être fortifiés.

La fortification passagère, qu'on appelle aussi fortification de campagne, est celle qu'on emploie dans les camps et les armées, et dont les travaux se font et ne subsistent que pendant la guerre : telle est celle qu'on fait pour assurer la tête des ponts à la guerre, pour couvrir des quartiers, retrancher et fortifier un camp, assurer des communications, etc.

Dans cette fortification l'on n'a nul égard à la solidité et à la durée. " Il faut se déterminer sur le champ, dit M. de Clairac dans son livre de l'ingénieur de campagne, et tracer de même ; il faut régler l'ouvrage sur le temps et sur le nombre de travailleurs ; ne compter que sur les matériaux que l'on a sous la main, et n'employer que la pelle, la pioche et la hache. C'est plus particulièrement en campagne que par-tout ailleurs, qu'un ingénieur doit avoir le coup-d'oeil juste, savoir prendre un parti et saisir ses avantages, être fertîle en expédiens, inépuisable en ressources, et faire paraitre une activité infatigable ".

On divise encore la Fortification en naturelle, artificielle, ancienne, moderne, offensive, et défensive.

La fortification naturelle est celle dans laquelle la situation propre du lieu en empêche l'accès à l'ennemi : telle serait une place sur le sommet d'une montagne, dont les avenues ou les chemins pourraient être fermés facilement : telle serait encore une place entourée de marais inaccessibles, etc. Ces obstacles et ceux de pareille espèce que le terrain fournit, sont des fortifications naturelles.

La fortification artificielle est celle dans laquelle on emploie le secours de l'art pour mettre les places et les autres lieux qu'on veut conserver à l'abri des surprises de l'ennemi. C'est proprement notre fortification ordinaire, dans laquelle on tâche par différents travaux d'opposer à l'ennemi les mêmes obstacles et les mêmes difficultés qu'on éprouve dans la fortification naturelle.

La fortification ancienne est celle des premiers temps, laquelle s'est conservée jusqu'à l'invention de la poudre à canon ; elle consistait en une simple enceinte de muraille flanquée de distance en distance par des tours rondes ou carrées. Voyez le commencement de cet article.

La fortification moderne est celle qui s'est établie depuis la suppression de l'ancienne, et dans laquelle on emploie les bastions au lieu de tours.

Lorsqu'un château, une ville, ou quelque autre lieu est fortifié avec des tours, on dit qu'il est fortifié à l'antique ; et lorsqu'il l'est avec des bastions, on dit qu'il est fortifié à la moderne.

La fortification offensive a pour objet toutes les précautions nécessaires pour attaquer l'ennemi avec avantage ; elle consiste principalement dans les différents travaux de la guerre des siéges.

La fortification défensive est celle qu'on emploie pour résister plus avantageusement aux attaques et aux entreprises de l'ennemi. On peut dire qu'en général toutes les fortifications sont défensives, car leur objet est toujours de mettre un petit nombre en état de résister et de se défendre contre un plus grand.

Un général qui a en tête une armée ennemie beaucoup plus nombreuse que la sienne, cherche à suppléer au nombre qui lui manque par la bonté des postes qu'il lui fait occuper, ou par les différents retranchements dont il sait se couvrir. On ne fortifie les places, qu'afin qu'une garnison de cinq, six, huit ou dix mille hommes, puisse résister pendant quelque temps à une armée, quelque nombreuse qu'elle puisse être. S'il fallait pour défendre les places des garnisons beaucoup plus fortes, capables de se soutenir en campagne devant l'ennemi, la fortification deviendrait non-seulement inutile, mais onéreuse à l'état par les grands frais qu'exigent sa construction et son entretien.

Il est dangereux par ces deux considérations, de multiplier le nombre des places fortes sans grande nécessité, et surtout, dit un auteur célèbre, " de n'entreprendre pas aisément d'en fortifier de nouvelles ; parce qu'elles excitent souvent la jalousie des états voisins, et qu'elles deviennent la source d'une longue guerre, qui finit quelquefois par un traité, dont le principal article est leur démolition ".

Depuis l'établissement de la fortification moderne, les Ingénieurs ont proposé différentes manières de fortifier, ou, ce qui est la même chose, différents systèmes de fortification. Bien des gens en imaginent encore tous les jours de nouveaux ; mais comme il est fort difficîle d'en proposer de plus avantageux et moins dispendieux que ceux qui sont en usage, la plupart de ces idées nouvelles restent dans les livres, et personne ne se met en devoir de les faire exécuter.

Ce qu'on peut désirer dans un nouveau système de fortification, peut se réduire à quatre points principaux.

1°. A donner à l'enceinte des places une disposition plus favorable, pour que toutes les parties en soient moins exposées au feu de l'ennemi, et particulièrement au ricochet.

2°. Que le nouveau système puisse s'appliquer également aux places régulières et irrégulières, et se tracer aisément sur le papier et sur le terrain.

3°. Qu'il n'exige point de dépense trop considérable pour la construction et l'entretien de la fortification.

Et 4°. que cette fortification n'ait pas besoin d'une garnison trop nombreuse pour être défendue. Voyez GARNISON. Ce point est un des plus importants ; car outre l'inconvénient de renfermer dans des places des corps de troupes, qui serviraient souvent plus utilement à grossir les armées, il faut des magasins considérables de guerre et de bouche, pour l'approvisionnement de ces places. Or si une longue guerre vous en ôte le pouvoir, les villes ne peuvent plus faire qu'une médiocre résistance, quelle que soit l'excellence de leur fortification. " Les remparts sont admirables ; mais le soldat est mal payé ; l'artillerie est inutîle faute de poudre ; les armes sont mauvaises, et l'on en manque ; les magasins sont épuisés ; et de braves gens rendent une place qu'on estimait imprenable, parce qu'ils sont hors d'état de la défendre : au lieu que des places sans nom sont capables d'arrêter une armée, quand elles sont bien munies ".

Il est sans-doute très-difficîle de changer la forme de notre fortification actuelle en une autre plus avantageuse ; mais l'impétuosité et la violence de nos siéges, demandent que l'on fasse les plus grands efforts pour mettre un peu plus d'équilibre entre l'attaque et la défense des places. Voyez DEFENSE.

Les principales méthodes de l'art de fortifier dont on fait le plus de cas en Europe, sont celles du comte de Pagan, du baron de Coehorn, de Scheiter, et surtout du maréchal de Vauban. C'est de ces différentes méthodes qu'il importe d'être instruit, parce qu'elles ont été exécutées dans plusieurs places, particulièrement celle de M. de Vauban, qui a fait travailler à 300 places anciennes, et qui en a fait 33 neuves.

Les autres systèmes ne peuvent guère servir qu'à l'histoire du progrès de la fortification. On donnera néanmoins ceux des ingénieurs les plus célèbres dans cet article, afin de mettre sous les yeux ce qu'il y a de plus intéressant sur ce sujet, dans les meilleurs auteurs qui ont écrit sur la Fortification.

On commencera par le système d'Errard de Bar-le-duc, ingénieur du roi Henri IV. dont nous avons déjà parlé. On prétend que la citadelle d'Amiens est fortifiée à sa manière, et qu'il a construit aussi plusieurs ouvrages au château de Sedan.

Système d'Errard. Cet auteur ayant remarqué quelle était l'importance du flanc des bastions dans les siéges, pour défendre le pied des breches et le passage du fossé, s'appliqua à chercher une construction qui le cachât à l'ennemi ; il la trouva, en imaginant de faire le flanc perpendiculaire à la face du bastion : de cette manière il rentre en-dedans le bastion, et il se dérobe à l'ennemi. Mais il a aussi l'inconvénient de ne pouvoir rien découvrir, et par conséquent de ne contribuer, pour ainsi dire, en rien à la défense de la place. Ce défaut, qui a été remarqué de tous les ingénieurs qui sont venus ensuite, a fait abandonner la construction d'Errard. Cette construction n'est pas fort utîle à connaître aujourd'hui : cependant on la joint ici en faveur de ceux qui sont bien-aises de voir d'une manière sensible les différents degrés par lesquels la fortification est parvenue dans l'état où elle est actuellement.

Construction d'Errard de Bar-le-duc. Sait A B le côté d'un exagone (Planc. II. de la Fortific. fig. 1.), dont le centre est O : tirez les rayons obliques O A, O B, et les lignes A C, B D, qui fassent avec ces rayons les angles O A C, O B D, chacun de 45 degrés : divisez l'un de ses angles, comme O A C, en deux parties égales, par la ligne droite A D, qui terminera la ligne de défense A D, au point D : prenez la grandeur de cette ligne B D, et portez-la sur A C : par les points C et D, tirez la courtine D C ; et enfin des points D et C, tirez les perpendiculaires D E, C F, sur les lignes de défense A C, B D, elles seront les flancs des demi-bastions du front A B. Faisant les mêmes opérations sur les autres côtés de l'exagone, il sera fortifié à la manière d'Errard.

Comme il n'y a aucune ligne dont la quantité soit déterminée par cette construction, on peut supposer la ligne de défense B D de 120 taises : ainsi faisant une échelle de cette quantité de taises avec cette ligne, on connaitra par son moyen la valeur de toutes les autres lignes de cette fortification.

Errard ne prend point la ligne de défense pour l'échelle de sa construction, mais le flanc de chacun de ses polygones. Dans l'exagone il suppose son flanc de 16 taises, de 19 dans l'eptagone, et de 21 dans l'octogone. Il est plus commode de supposer tout-d'un-coup la ligne de défense de 120 taises, pour éviter ces différentes suppositions.

Pour décrire le fossé dans ce système, on prend la grandeur du flanc C F ; puis du point B et de l'intervalle C F, on menera également une parallèle à la face du bastion B F ; on menera également une parallèle à la face A E, et l'on aura le fossé tracé ; après lequel on construira le chemin-couvert et le glacis. Voyez CHEMIN-COUVERT.

Errard enseigne aussi à construire des orillons sur les flancs ; il leur en faisait occuper les deux tiers, ce qui achevait d'anéantir, pour ainsi dire, tout son flanc déjà trop petit et trop rentrant dans le bastion, pour s'opposer efficacement au passage du fossé.

Système de Marolais, appelé communément le système des Hollandais. Marolais a été fort célèbre chez les Hollandais. Sa méthode a été regardée comme celle qu'ils avaient adoptée particulièrement. On trouve dans cette méthode les flancs d'Errard corrigés. L'auteur, pour leur faire découvrir plus facilement le fossé, les fait perpendiculaires à la courtine. Il a pour principe de conserver du feu de courtine, c'est-à-dire de faire ses lignes de défense fichantes, et de former autour du rempart de la place et sur le bord intérieur du fossé, une basse enceinte appelée fausse braie. Voyez FAUSSE BRAIE.

Pour fortifier un exagone à sa manière, on commencera par tirer une ligne indéfinie A B (Plan. II. de la Fortification, fig. 2.) ; on fera au point A l'angle B A O égale à la moitié de l'angle de la circonférence de l'exagone, c'est-à-dire de 60 degrés ; et comme, suivant Marolais, l'angle flanqué de l'exagone doit avoir 80 degrés, le demi-angle flanqué en aura 40 : on fera donc l'angle diminué B A D de 20 degrés. On prendra sur A D, A E, de 48 taises ou de 24 verges, la verge valant 12 pieds ou deux taises. Du point E, on menera sur A B la perpendiculaire E N ; on portera, si l'on veut avoir une fausse braie à la place, 64 taises de N en I, et 72, si l'on ne veut point de cette basse-enceinte, pour la longueur de la courtine. On prendra après cela I B égale à A N ; on élevera au point I la perpendiculaire I L, égale à N E ; et menant la ligne L B, elle sera la face du demi-bastion opposé à A E. On tirera ensuite O B, qui fasse avec A B l'angle A B O de 60 degrés. Au point E et sur N E prolongée, on fera l'angle B E F de 55 degrés ; le côté E F de cet angle coupera O A dans un point F, duquel on menera F M parallèle à A B. On prolongera les perpendiculaires N E, I L, jusqu'à la ligne F M, et l'on aura E G et L H pour les flancs des demi-bastions construits sur le côté extérieur A B : G H, en sera la courtine. On achevera ensuite le principal trait de la fortification proposée, en décrivant un cercle du centre O et du rayon O A ou A B, dans lequel on inscrira l'exagone ; on en fortifiera chaque côté de la même manière que le côté A B ; ou si l'on veut plus facilement, en se servant de toutes les mesures déterminées sur le front A B.

La ligne magistrale de cet auteur étant ainsi tracée, on lui menera en-dedans et à la distance de 20 pieds, une parallèle pour terminer la largeur du parapet. On menera aussi une parallèle à la même distance, mais en-dehors du polygone ; elle donnera la largeur du terre-plein de la fausse braie. Et enfin une autre parallèle à cette ligne et en-dehors à la même distance de 20 pieds, elle terminera le parapet de la fausse braie. Le fossé se mène parallèlement aux faces des bastions, et à la distance de 25 taises.

Cette manière de fortifier de Marolais donne un moyen facîle de travailler sur le terrain, où l'on ne peut guère décrire exactement un polygone régulier par le moyen d'un cercle. On trace le polygone, le premier trait des courtines et des bastions, en faisant premièrement sur terre l'angle du polygone égal à celui qui est décrit sur le papier, et achevant le reste comme il vient d'être enseigné.

Il faut observer que Marolais donne 60 degrés à l'angle flanqué de son carré, 72 au pentagone, 80 à l'exagone, 85 à l'eptagone, et 90 à l'octogone et aux autres polygones.

Il y a d'autres manières de fortifier à la hollandaise, comme celle d'Adam Fritach polonais, qui a donné un traité sur la Fortification, traduit en français en 1640 ; de Dogen, etc. mais comme les principes de ces auteurs ne diffèrent pas beaucoup de ceux de Marolais ; qu'ils font comme lui le flanc perpendiculaire à la courtine ; qu'ils construisent des fausses braies à leurs places, et que leurs lignes de défense sont fichantes, il parait assez inutîle de s'arrêter à donner leurs constructions, qui sont absolument hors d'usage : car, comme le dit Ozannam dans son traité de Fortification, elles n'en valent pas la peine. " En effet, bien que plusieurs aient cru, dit cet auteur, que la fortification des Hollandais était la meilleure, à cause de la longue durée des guerres de ce pays-là qui devait les avoir rendus savants dans cet art par une longue expérience, et que pour résister à un grand prince ils aient tâché d'y renchérir par-dessus les autres nations ; néanmoins la même expérience a fait voir dans les guerres de 1672, 1673, etc. que la plupart de leurs meilleures places ont été emportées en trois semaines de temps, et qu'elles l'auraient été plutôt sans le nombre de leurs dehors ; ce qui depuis ce temps-là a diminué beaucoup la réputation où elles étaient, et que nous méprisons entièrement les manières dont elles ont été fortifiées. Comme dans toutes ces manières de fortifier on a affecté d'avoir un second flanc sur la courtine, et qu'on y a fait la contrescarpe parallèle aux faces des bastions, il arrive ce défaut considérable, savoir que le flanc qui est la principale partie de la défense, ne découvre point tout le fossé, à cause que la contrescarpe étant parallèle à la face du bastion, lorsqu'il y a un second flanc, le prolongement du bord extérieur du fossé Ve bien souvent rencontrer la courtine, au lieu qu'il devrait aboutir à l'angle de l'épaule ; ce qui fait que les ennemis peuvent être logés dans le fossé sans craindre les coups du flanc, parce que la contrescarpe les couvre contre ce flanc, et qu'ils sont seulement vus du second flanc, qui étant bientôt ruiné, l'entrée du fossé est rendue facîle aux assiégeants ". Ozannam, traité de Fortification.

Du système de Stevin de Bruges. On pourrait encore dans la classe des ingénieurs hollandais, mettre le savant Stevin, dont on a un système qui n'est pas plus d'usage aujourd'hui que les précédents. Cet auteur était fort estimé de Maurice prince d'Orange. Les états de Hollande lui avaient donné la charge de castramétateur, ou la fonction de marquer et distribuer leurs camps. Il a donné aussi à cette occasion un traité de la Castramétation.

Il commence sa fortification par l'exagone, lui donnant 1000 pieds de Delft pour côté (qui est sensiblement égal au pied français). Il donne à la demi-gorge 180 pieds, grandeur plus petite que la 5e partie du côté, au flanc 140, qui diffère de peu de la 7e partie du même côté. Il fait ce flanc perpendiculaire à la courtine ; puis de son extrémité et de l'angle du flanc opposé, il tire la ligne de défense, qui se termine par la rencontre du rayon oblique du polygone prolongé. De cette manière les faces sont extrêmement longues ; son angle flanqué est obtus, et il augmente selon le nombre des côtés du polygone.

Cet auteur fait aussi des places basses et des places hautes à tous les flancs. Il emploie les fausses braies à-peu-près comme Marolais et Fritach, et il élève de plus un cavalier dans le centre de chacun de ses bastions. Ses lignes de défense sont rasantes.

Son flanc est couvert par un orillon, ou plutôt un épaulement formé par le prolongement de la face du bastion ; mais si cet épaulement couvre son flanc, il le rend aussi si petit, qu'il n'a presque plus aucune défense.

Ceux qui voudront connaître le détail de cette construction, pourront consulter le livre de l'auteur, ou le second volume des travaux de Mars, par Alain Manesson Mallet, où elle est rapportée dans les propres termes de Stevin.

Système ou construction du chevalier Antoine de Ville. Cet auteur était ingénieur en France sous le roi Louis XIII. On a de lui un excellent traité de Fortification, dans lequel il fait voir beaucoup de savoir et beaucoup d'intelligence dans cet art. Cet auteur a eu l'avantage de joindre la théorie à la pratique, et il dit lui-même qu'il n'a rien écrit que lui ou son frère n'ait Ve ou pratiqué. Sa méthode est appelée dans la plupart des auteurs, la méthode française, comme celle de Marolais est appelée la hollandaise. Il a pour maximes particulières de faire toujours l'angle flanqué droit, et le flanc égal à la demi-gorge.

Il fortifie extérieurement, c'est-à-dire en-dehors du polygone. Son flanc est perpendiculaire sur la courtine, et ses lignes de défense sont fichantes. Sa méthode ne peut commencer à se pratiquer qu'à l'exagone ; parce que les autres polygones de moins de côtés ont leurs angles trop petits pour qu'elle puisse y convenir.

Pour donner le détail de la construction de cet auteur, soit A B (Plan. II. de la Fortification, fig. 3.) le côté d'un exagone.

On divisera ce côté en six parties égales. On prendra A C et B D pour les demi-gorges des bastions du front A B, de la sixième partie de ce côté. Des points C et D, on élevera sur A B les perpendiculaires C L et D H, égales chacune à A C ou B D ; elles seront les flancs des demi-bastions du front A B. On tirera ensuite les rayons obliques O A, O B, prolongés indéfiniment au-delà de A et de B. On abaissera du point L sur le prolongement de O A, la perpendiculaire L Q. On fera Q M égale à L Q, et l'on tirera la ligne M L, qui sera la face du demi-bastion M L C. On déterminera de même la face H N de l'autre demi-bastion. Si l'on répète ensuite les mêmes opérations sur tous les côtés du polygone, on aura le principal trait, ou la ligne magistrale de la construction du chevalier de Ville.

Il est évident par la construction de cet auteur, que les angles flanqués sont droits, de même que ceux du flanc.

Le chevalier de Ville prend le côté intérieur A B pour l'échelle de son plan ; il lui donne cent vingt taises : ainsi les demi-gorges et les flancs qui sont la sixième partie de ce côté, sont chacun de 20 taises. Le fossé de la place doit être mené parallèlement aux faces des bastions, et à la distance de 20 taises.

Si l'on veut couvrir le flanc H D par un orillon, on le divisera en trois parties égales. On prendra G D d'une de ces parties, par le point G et le point M, angle flanqué du bastion opposé ; on tirera la ligne G M, sur laquelle on prendra G K égale à G D. On prolongera la face N H, jusqu'à ce qu'elle rencontre la ligne M G dans un point R. De ce point pris pour centre et de l'intervalle R K, on décrira un arc qui coupera en I le prolongement de la face N H. On tirera après cela la ligne K I, et sur I K on construira l'orillon de cette manière.

On élevera au point I sur I N et en-dedans le bastion, une perpendiculaire indéfinie ; puis sur le milieu de I K, et toujours vers le bastion, une seconde perpendiculaire, qui rencontrera la première dans un point qui sera le centre de l'orillon, c'est-à-dire que de ce point pris pour centre, on ouvrira le compas jusqu'en I ou en K, et qu'on décrira l'arc de l'orillon.

Si, au lieu d'arrondir l'orillon, on se contente de le laisser terminé par la droite I K, il sera nommé épaulement. Voyez EPAULEMENT.

Outre l'orillon, le chevalier de Ville faisait une place haute à son flanc, c'est-à-dire qu'il n'élevait guère la partie G D qu'au niveau de la campagne, et que derrière cette partie il pratiquait un second flanc E F, beaucoup plus élevé que le premier.

Pour avoir ce second flanc ou cette place haute, il faut prolonger K G de sept taises en-dedans le bastion, c'est-à-dire de G en F ; du point F mener F E parallèle à G D, F E sera la place haute et G D la basse, qu'on appelle aussi casemate. Voyez CASEMATE.

Ce que l'on trouve à reprendre dans ce système, c'est principalement la défense oblique des flancs, comme dans celui de Marolais, lesquels étant perpendiculaires à la courtine, ne peuvent défendre directement les faces des bastions opposés. D'ailleurs les demi-gorges et les flancs sont trop petits. C'est ce que le comte de Pagan, qui est venu après le chevalier de Ville, a corrigé dans ses constructions.

Il n'est pas inutîle d'observer que cet auteur n'est pas favorable à ceux qui veulent se donner pour inventeurs de plusieurs systèmes ; et en effet cette invention est fort facile, lorsqu'on la fait consister à changer quelque chose dans la mesure ou la disposition des parties de la fortification des autres auteurs. Un homme qui n'a point Ve la guerre doit être extrêmement circonspect sur les corrections qu'il propose. Il est fort aisé de trouver à redire à ce que les autres ont fait, mais il ne l'est pas également de faire mieux. " J'avais imaginé, dit le chevalier de Ville, dans son traité de la charge d'un gouverneur, " de mettre quelque douzaine de constructions de fortifications dans mon livre ; mais j'ai après considéré que c'était une moquerie qui ne servait à rien, et qu'il valait bien mieux n'en mettre qu'une seule, celle qui me semblerait la plus raisonnable, et montrer par les raisons et expériences en quoi consiste la perfection de la forme de la fortification, rapportant tout aux maximes générales dont tout le monde est d'accord, et par ce moyen désabuser plusieurs, qui s'imaginent que cette science consiste à savoir précisément le nombre des degrés et des minutes des angles ; et les mesures des parties, jusqu'aux pieds et aux pouces. J'avertis ceux qui ne le savent pas, dit toujours le même auteur, que tout cela n'est que pédanterie, qui ne sert qu'à faire perdre du temps, et qu'il n'est point nécessaire à un commandant de savoir ces petites ergoteries de calcul, non plus que des choses qui ne se mettent jamais en pratique ". Les gouverneurs des places peuvent tirer beaucoup de choses utiles du livre qu'on vient de citer. Il y a peu d'ouvrages où leurs devoirs soient traités avec autant de savoir et d'étendue. Ceux qui voudront s'en convaincre par eux-mêmes, seront fort aises qu'on leur ait donné occasion de l'étudier.

Fortification à l'italienne ou de Sardi. Les Italiens ont un grand nombre d'auteurs qui ont très-bien écrit sur la fortification depuis l'invention des bastions. Il serait assez inutîle de parcourir toutes leurs différentes idées à ce sujet, et il serait d'ailleurs trop long de le faire ; car un seul de ces auteurs nommé le capitaine François de Marchi, bolonais et gentilhomme romain, donne dans un gros in-folio italien imprimé à Bresse en 1599, et intitulé della architettura militare, 161 planches conçues sur des desseins différents, c'est-à-dire autant de systèmes qu'il proteste avoir tous inventés ; encore se plaint-il, malgré cette abondance, qu'on lui a volé plusieurs autres desseins de même espèce. Il est aisé de juger par la fécondité de cet auteur de l'immense détail dans lequel il faudrait entrer, si l'on voulait examiner toutes ces différentes constructions ; il y en a cependant un assez bon nombre de fort ingénieuses, et dans Marchi, et dans les autres italiens ; mais on se bornera ici à dire un mot de la méthode de Sardi, laquelle parait être une des plus simples et des meilleures.

Cet auteur commence la description de ses figures par l'exagone. Il donne 800 pieds géométriques du Rhin à son côté ; et comme ce pied a onze pouces sept lignes et demie, suivant plusieurs auteurs, ce côté a environ 136 taises. Il le divise en 16 parties égales ; il prend trois de ces parties pour la demi-gorge, qui a ainsi 25 taises trois pieds. Il élève son flanc perpendiculaire à la courtine, et il le fait égal à la demi-gorge. Il divise sa courtine en huit parties égales, il en laisse une pour le feu de courtine ou le second flanc ; ensuite par l'extrémité de cette partie et celle du flanc, il tire la face de son bastion indéfiniment. En faisant la même opération sur tous les côtés du polygone, la rencontre des faces donne l'angle flanqué du bastion de cet auteur, et l'on a ainsi la ligne magistrale ou le principal trait de sa fortification.

Sardi couvre aussi son flanc par un orillon ou un épaulement, c'est-à-dire qu'il arrondit la partie du flanc proche l'épaule, ou qu'il la laisse en ligne droite. Il construit une place basse à son flanc, mais elle n'a de longueur que le tiers du flanc, les deux autres tiers sont pour l'orillon. Il fait des cavaliers à ses places, au milieu des courtines. Il leur donne la figure carrée ; les faces en sont parallèles au parapet du rempart, éloignées du même parapet à-peu-près de quatre taises trois pieds. Il place sur ses cavaliers sept pièces d'artillerie, dont trois sont destinées à battre la campagne, et les quatre autres à tirer sur les bastions voisins pour en défendre les breches et détruire les logements de l'ennemi. Il est évident par la construction qu'on vient d'expliquer, que Sardi fortifie à lignes de défense fichantes ; que les flancs et les demi-gorges sont d'une grandeur raisonnable, et que sa fortification est plus parfaite que celles de tous les auteurs, dont on a donné ci-devant les constructions.

On remarquera à l'occasion du système de Sardi, qu'Ozannam dans sa fortification donne 800 pas géométriques, au lieu de 800 pieds, au côté de cet auteur, ce qui est évidemment une faute d'impression ; car autrement, comme le pas géométrique vaut cinq pieds communs, le côté du polygone de Sardi serait de 4000 pieds, c'est-à-dire de 666 taises : ce qui est une longueur exorbitante, et qui ne peut être admise. D'ailleurs Sardi dans sa construction, fixe lui-même 800 pieds géométriques pour son côté, et non 800 pas. Cependant M. l'abbé Deidier, dans son parfait ingénieur français, où il rapporte le système de Sardi d'après Ozannam, bien loin de croire qu'il y a une faute dans cet auteur, cherche à rectifier Sardi, et il pense qu'il faut donner 160 taises à son côté intérieur : mais rectifier ainsi les auteurs, n'est pas donner leurs systèmes. Si M. l'abbé Deidier avait consulté Sardi ou les travaux de Mars de Mallet, il aurait Ve que sa correction était inutile, et que l'erreur venait d'une méprise ou d'une faute d'impression du livre d'Ozannam.

Fortification à l'espagnole. On donne ici cette méthode à l'espagnole, telle que la rapporte Ozannam dans son traité de fortification.

Les Espagnols qui estiment que les angles flanqués obtus sont bons, négligent un second flanc sur la courtine, faisant leurs fortifications toujours à défense rasante ; c'est-à-dire n'ayant jamais aucune ligne de défense fichante, sans se mettre en peine si l'angle du bastion est aigu, droit, ou obtus. Leur manière de fortifier, à l'exception de l'angle flanqué droit et du second flanc, est la même que celle du chevalier de Ville ; laquelle, à cause de cela a été appelée trait composé, parce qu'elle est composée de l'italienne et de l'espagnole. Il s'agit donc, pour fortifier un polygone régulier selon cette méthode, de diviser le côté en six parties égales ; de faire les demi-gorges d'une de ces parties ; d'élever les flancs perpendiculairement sur les courtines, et de les faire égaux aux demi-gorges ; enfin de l'angle du flanc et de l'extrémité des flancs, tirer les faces, qui en se rencontrant donneront l'angle flanqué des bastions.

Après avoir exposé jusqu'ici les principales constructions des anciens ingénieurs les plus célèbres, il faut avant de passer aux modernes, dire un mot de l'ordre renforcé, d'autant plus que plusieurs personnes s'imaginent que M. le maréchal de Vauban a suivi cette construction au neuf Brisack ; il est important de la leur faire connaître, pour qu'ils puissent la comparer avec celle de ce célèbre ingénieur, laquelle on donnera à la suite de cet article du mot fortification.

Fortification selon l'ordre renforcé. Cette méthode de l'ordre renforcé est attribuée à différents auteurs italiens, et particulièrement au capitaine de Marchi, dont on a déjà parlé ; mais on la trouve particulièrement expliquée dans le livre de fortification du père Bourdin jésuite, ouvrage imprimé en 1655. Ce père donne cette méthode pour corriger l'irrégularité des polygones qui ont leurs côtés trop longs pour être fortifiés selon la construction ordinaire ; et c'est d'après lui que Mallet, Ozannam, etc. donnent l'ordre renforcé.

Sait (Planche II. de Fortification, figure 4.) un polygone régulier quelconque inscrit dans un cercle, par exemple un exagone. On supposera chacun de ses côtés A B, A C, de 160 taises ; on divisera le côté A B en huit parties égales ; on donnera une de ces parties aux demi-gorges des bastions construits en A et en B ; on élevera aux points D et E, qui terminent ces demi-gorges, les perpendiculaires indéfinies D K, E L pour les flancs des demi-bastions en A et en B. On prendra après cela D F et G E, chacune du quart de A B et des points F et G ; on élevera en-dedans le polygone les perpendiculaires F H ; G I, égales à la huitième partie de A B ; on tirera la courtine rentrante H I ; ensuite par le point I et le point F, on menera la ligne I M terminée en M, par le prolongement du rayon oblique du polygone : cette ligne coupera la perpendiculaire D K en K, et l'on aura D K le flanc du demi-bastion A, K M la face, et H F le flanc rentrant ou le double flanc du front A B. On opérera de même pour avoir l'autre demi-bastion en B ; et faisant après les mêmes opérations sur tous les côtés du polygone, on aura le principal trait de l'ordre renforcé. Il est aisé d'observer qu'on lui a donné ce nom, à cause des flancs saillans et rentrants dont chaque front est accompagné. Ce système peut servir, comme le père Bourdin l'emploie, aux côtés qui ont plus de 120 ou 140 taises. On peut le pratiquer jusqu'à un front de 200 taises.

Comme le capitaine de Marchi, dont on a déjà parlé plusieurs fais, a donné différents desseins qui approchent de l'ordre renforcé, Manesson Mallet croit que les auteurs de cet ordre en ont pris les premières pensées dans le livre de ce capitaine ; et il représente à cet effet un plan de cet italien qui approche beaucoup de l'ordre renforcé. Voyez la seconde édition des travaux de Mars, par Alain Manesson Mallet, page 230 du II. Volume.

Fortification suivant la méthode ou le système du comte de Pagan. Le comte de Pagan est un auteur également respectable par sa science, son expérience, et par la noblesse de sa maison. Le grand nombre de sièges où il avait assisté du temps du roi Louis XIII. lui avait donné lieu de remarquer la faiblesse des fortifications des anciens ingénieurs, et le peu de défense dont elles étaient susceptibles. Il s'appliqua à trouver le moyen de remédier à ce défaut, et surtout à la défense oblique des flancs perpendiculaires sur la courtine. C'est de tous les auteurs qui l'ont précédé, dit M. Hebert dans une espèce de commentaire qu'il a donné de la fortification du comte de Pagan, celui qui a su le mieux réserver dans ses flancs du canon à couvert des batteries de l'ennemi, pour servir utilement à battre de revers dans la breche du bastion opposé. Enfin il est le premier qui ait su loger assez de canon pour faire une résistance considérable et pour défendre longtemps le passage du fossé. On peut dire, sans rien diminuer de l'estime qu'on a pour les illustres ingénieurs qui l'ont suivi, qu'ils n'ont presque fait que perfectionner sa construction, et corriger ce qu'il pouvait y avoir de défectueux dans une première pensée, qu'il n'eut jamais le temps ni l'occasion de rectifier.

Le comte de Pagan divise sa fortification en grande, moyenne, et petite.

Pour construire la moyenne, soit (Planche II. de Fortification, fig. 5.) A B le côté d'un polygone régulier quelconque, par exemple celui d'un exagone, on le supposera de 180 taises.

Il faudra le diviser en deux également en D ; on élevera de ce point, en-dedans le polygone, la perpendiculaire D C, à laquelle on donnera 30 taises. Des points A et B, on tirera par C les lignes de défense indéfinies A N et B M. On prendra les faces A E, B F de 55 taises, puis C M et C N chacune de 32. On tirera les lignes E M et F N, qui seront les flancs du front A B ; M N en sera la courtine.

On peut déterminer les flancs F N et E M, en faisant tomber des points F et E, des perpendiculaires sur les lignes de défense A N et B M.

Pour construire la grande fortification du même auteur, on supposera le côté A B de 200 taises ; on donnera de même 30 taises à la perpendiculaire D C, et 60 taises aux faces des bastions. Les flancs sont toujours dans les différentes constructions de cet auteur les perpendiculaires abaissées des points E et F sur les lignes de défense B M et A N.

Le côté extérieur de la petite fortification n'a que 160 taises, la perpendiculaire D C toujours 30. A l'égard des faces, elles n'ont que 50 taises.

Le comte de Pagan pour augmenter le feu de son flanc, fait trois flancs élevés les uns sur les autres en amphithéâtre, et il construit un second bastion dans le premier.

Pour construire ces places, ou comme on les appelle communément, ces casemates, on divisera le flanc F N en deux également en G ; par le point A et le point G, on tirera la ligne A G, qu'on prolongera indéfiniment dans le bastion. On prolongera de même la ligne de défense A N. On prendra ensuite G H de cinq taises, et l'on menera par H, la ligne H I parallèle à F N ou G N. On menera après cela L K parallèle à H I, et à la distance de sept taises de cette ligne. On donnera 14 taises à L K, qui seront prises de K en L. Enfin à la distance de sept taises de K L, on lui menera la parallèle O P, à laquelle on donnera de O en P 14 taises 3 pieds. On menera par le point P, la ligne P K, parallèle à F B. Cette ligne sera la face du bastion intérieur dont O P sera le flanc. On donnera au parapet de trois taises d'épaisseur ou de largeur, aux trois flancs H I, L K, et O P, c'est-à-dire de la même épaisseur qu'à toute l'enceinte du polygone.

Le fossé de la place est de 16 taises vis-à-vis les angles flanqués des bastions. On le construit en l'alignant de l'arrondissement de la contrescarpe aux angles de l'épaule des bastions opposés. Voyez FOSSE.

Les remparts du comte de Pagan n'ont que quatre taises de largeur ou de terre-plein, non compris l'épaisseur du parapet, qui est, comme on vient de le dire, de trois taises.

Cet auteur a des dehors qui lui sont particuliers, et qu'on peut voir dans son traité de fortification. Le premier qu'il appelle petit dehors, consiste en une demi-lune avec un réduit. Mais les bastions sont couverts par des espèces de contre-gardes à flancs, lesquels flancs sont pris sur la contrescarpe de la demi-lune.

Le second qu'il nomme grand dehors, consiste dans des espèces de contre-gardes ou bastions détachés, dont il couvre les bastions de la place. Ces contregardes ont aussi trois flancs l'un sur l'autre comme ses bastions, et elles sont jointes ensemble par une espèce de courtine qui forme un angle saillant vis-à-vis l'angle rentrant de la contrescarpe. Ces dehors ont un fossé comme celui de la place, avec une demi-lune vis-à-vis la courtine.

La construction du comte de Pagan a beaucoup d'avantage sur celles des autres auteurs dont on a parlé. Les flancs de ses bastions sont plus grands ; et comme ils sont perpendiculaires sur les lignes de défense ; ils défendent directement le fossé des bastions opposés. Mais ils ont aussi cet inconvénient de se trouver trop exposés à l'ennemi. A l'égard de ses trois flancs placés les uns sur les autres, il est aisé de les rendre inutiles par le canon et par les bombes dont on fait bien plus d'usage aujourd'hui que du temps du comte de Pagan, où l'on ne faisait que de commencer à s'en servir en France. Le système de ce comte a été rectifié dans la suite par M. le Maréchal de Vauban. Alain Manesson Mallet, auteur des travaux de Mars, a corrigé aussi la grandeur des angles du flanc du comte de Pagan. On Ve donner un précis de sa construction, avant de passer à celle de Mr. de Vauban.

Fortification de Manesson Mallet. Sait un polygone régulier quelconque X, (Pl. II. de Fortification, fig. 6.) inscrit dans un cercle, par exemple, un exagone dont A B soit un des côtés, on tirera d'abord tous les rayons obliques de ce polygone, et on les prolongera indéfiniment au-delà des angles de la circonférence. On divisera ensuite le côté A B en trois parties égales. On portera une de ses parties de A en E, et de B en F, etc. sur le prolongement des rayons obliques. On prendra après cela les demi-gorges A G et B H, chacune de la cinquième partie de A B. Aux points G et H, on fera avec le côté A B les angles du flanc B G I, G H M de 98 degrés ; ensuite on tirera par H et par E la ligne de défense E H, qui coupera G I dans un point L, qui déterminera la longueur du flanc G L. On déterminera de même le flanc H M, et l'on aura le front A B fortifié, selon la méthode de l'auteur des travaux de Mars.

On prendra pour l'échelle le côté A B, qu'on supposera de 100 taises. La méthode de cet auteur est la même pour le pentagone et les autres polygones d'un plus grand nombre de côtés. Il est évident par sa construction, que ses lignes de défense sont rasantes. Le même auteur enseigne aussi dans son livre la construction de casemates qui lui sont particulières. Mais dans ce cas il donne 120 taises au côté de son polygone. Ces casemates sont composées de trois places, qui occupent ensemble la moitié du flanc vers la courtine. De ces places, la plus haute et la plus rentrante dans le bastion, est au niveau du terre-plein du même bastion. La seconde est plus enfoncée, et elle a les deux tiers de son étendue cachée à l'ennemi ; la dernière ou la plus basse a de longueur environ la moitié de celle du flanc. Elle est couverte par un orillon en ligne droite, qu'on a appelé épaulement. Il construit encore un cavalier rond ou en forme de tour, au centre de son bastion. La construction de Manesson Mallet est une des plus parfaites qu'on ait encore aujourd'hui, et elle diffère peu du premier système de M. le Maréchal de Vauban. Les angles du flanc de ce fameux ingénieur sont d'environ 100 degrés, et ceux de Mallet sont de 98. Il croit être le premier qui les ait fixés à ce nombre, et qui ait ainsi corrigé la trop grande ouverture de ceux du comte de Pagan. Au reste Mallet joignait comme ce comte la théorie à la pratique. Il avait servi en qualité d'ingénieur en Portugal ; il y avait fait différents siéges, et travaillé à plusieurs places : comme Aronche, le château de Ferreira, Extremos, etc. dans lesquelles places les angles du flanc sont de 98 degrés.

Fortification selon le système de M. le maréchal de Vauban. Sait décrit un cercle d'un rayon quelconque A B (Pl. II. de Fortification, fig. 7.), dans lequel on inscrira tel polygone que l'on voudra, par exemple un exagone.

Sur le milieu du côté B C on élevera une perpendiculaire I D, vers le centre du polygone à laquelle on donnera la huitième partie du côté B C si le polygone est un carré ; la septième si c'est un pentagone ; et la sixième si c'est un exagone ou un autre polygone d'un plus grand nombre de côtés. Par les extrémités B et C du côté B C et par le point D, on tirera les lignes de défense B D, C D prolongées indéfiniment vers F et vers E. On prendra deux septiemes du côté B C, et on les portera de B en H et de C en G sur les lignes de défense ; B H et C G seront les faces des demi-bastions du front B C.

Pour avoir les flancs, on posera une pointe du compas au point G ; on ouvrira le compas jusqu'à ce que l'autre pointe tombe sur le point H ; puis du point G comme centre et de l'intervalle G H, on décrira un arc H E, qui coupera la ligne de défense C E en E : le compas gardant la même ouverture, on prendra le point H pour centre, et l'on décrira l'arc G F qui coupera la ligne de défense B F en F. Les lignes de défense étant ainsi terminées en E et en F, et les faces en H et en G, il ne reste plus pour avoir la ligne magistrale, qu'à joindre ces quatre points par trois lignes droites ; savoir les extrémités des lignes de défense par F F, qui sera la courtine, et les extrémités des faces et de la courtine par H E et G F, qui seront les flancs des demi-bastions B H E, C G F.

Si l'on fait les mêmes opérations sur tous les autres côtés du polygone, le principal trait de ce système sera tracé.

M. de Vauban prend pour l'échelle de son plan le côté B C du polygone, qu'il suppose toujours de 180 taises. Ainsi la perpendiculaire I D qui dans le carré est de la huitième partie de B C, est de 22 taises dans ce polygone ; elle est de 25 taises dans le pentagone, et de 30 dans l'exagone et les autres polygones d'un plus grand nombre de côtés. A l'égard des faces qui sont toujours les deux septiemes de B C ou de 180 taises, elles ont 50 taises. Telle est la première et la plus simple construction de M. de Vauban.

Second système du même. Le second système de M. le maréchal de Vauban se nomme ordinairement le système de Landau, parce qu'il l'a employé à la fortification de cette ville. Sait A B le côté d'un exagone régulier (Pl. II. de Fortification, fig. 8.), on le supposera de 120 taises. On prendra A M et B K chacune de quatre taises ; des points M et K on élevera les perpendiculaires M N, K F de six taises. Du point N on abaissera sur le prolongement du rayon oblique, au-delà de A la perpendiculaire N T. On fera T G égale à T N, et on tirera N G. On tirera de même F L, et l'on aura les petits demi-bastions G N M, K F L, dont A M et K B sont les demi-gorges, M N et F K les flancs, et N G et F L les faces. Ces petits bastions sont nommés tours bastionnées.

Pour décrire les bastions détachés vis-à-vis les tours bastionnées, on menera par l'angle de l'épaule N et par l'angle flanqué L de la tour opposée, la ligne N L. On menera de même F G. On prendra ensuite sur A B, A C et B D du quart de ce côté, c'est-à-dire de 30 taises ; et des points C et D on élevera sur A B et en-dehors du polygone les perpendiculaires indéfinies C Q et D P. On prolongera la capitale B L en-dehors de la tour, en sorte que L R soit de 39 taises. On prendra aussi G I de la même quantité. Cela fait par le point M et le point R, on tirera M R, et par K et I, la ligne K I. Ces lignes couperont les perpendiculaires D P, C Q, dans les points P et Q. On prendra D V et C S chacune d'une taise, et l'on tirera les lignes P V et Q S, que l'on terminera en Z et en H où elles rencontrent les lignes N L et F G. On aura alors les demi-bastions détachés I Q H, R P Z dont I Q et P R seront les faces, et Q H et P Z les flancs. Ces bastions détachés sont appelés contre-gardes, à cause de leur position vis-à-vis les tours bastionnées.

Pour faire le fossé des tours bastionnées, on prendra du point H sur la ligne H G, H O de 10 taises ; de l'angle flanqué G et de l'intervalle de sept taises, on décrira un arc vis-à-vis l'angle flanqué de la tour, et du point O on menera une tangente à cet arc, laquelle déterminera le fossé de la tour A ; on décrira de même celui de la tour B.

Le fossé des contregardes se construit comme celui des places ordinaires. On observera seulement de lui donner 15 taises de largeur vis-à-vis les angles flanqués des contregardes.

On construit dans ce système des tenailles devant les courtines. Leur côté intérieur est pris sur la ligne H Z.

Pour la demi-lune qui couvre la tenaille, on la construit en donnant 45 ou 50 taises à sa capitale, et alignant ses faces sur celles des contre-gardes à 10 taises des angles de l'épaule. On construit encore un réduit dans la demi-lune ; sa capitale est de 15 ou 20 taises, et ses faces sont menées parallèlement à celles de la demi-lune. Le rempart du corps de la place et celui des contre-gardes est de six taises de terre-plein ; celui de la demi-lune de quatre, et celui du réduit de trois, non compris l'épaisseur du parapet. Le parapet des tours bastionnées est de pure maçonnerie. Il a neuf pieds d'épaisseur. Celui des autres ouvrages est à l'ordinaire, de trois taises.

L'angle flanqué des tours bastionnées est droit dans tous les polygones, excepté dans le carré. On le détermine dans ce polygone par l'intersection de deux arcs décrits des angles de l'épaule pris pour centres, et d'un intervalle ou rayon de 12 taises.

La ligne F G fait voir que le soldat qui est en F, peut défendre l'angle flanqué G de la tour G N M, et par conséquent que tout le flanc F K peut défendre la face de cette tour.

On pratique dans l'intérieur des tours bastionnées un souterrain vouté, à l'épreuve de la bombe. On perce aux flancs des tours, et dans le souterrain deux embrasures, qui ne sont guère plus élevées que le niveau de l'eau du fossé. Le canon placé dans cette partie, ne peut être ni Ve ni démonté par l'ennemi. Les souterrains des tours bastionnées servent dans un temps de siège à mettre à couvert des bombes, les troupes et les munitions de guerre, et de bouche, et de la place. Le terre-plein ou la partie supérieure des tours, est élevé de 18 pieds au-dessus du niveau de la campagne. Le rempart des contregardes est de 4 pieds plus bas.

Traisième système de M. le maréchal de Vauban, ou de la fortification du Neuf-Brisach. Le troisième système de M. de Vauban n'est autre chose que le second qu'il a perfectionné dans la fortification du Neuf-Brisach.

Sait pour le construire, A B (Pl. II. de la Fortification, fig. 9.) le côté d'un polygone, par exemple, d'un octogone. Ce côté est toujours de 380 taises dans tous les polygones.

Sur le milieu de A B, on élevera en-dedans ce polygone une perpendiculaire C D, à laquelle on donnera 30 taises, ou la sixième partie de A B. Par les points A et B et par le point D, on tirera les lignes de défense indéfinies A D M, B D L. On portera sur ces lignes, savoir de A en E, et de B en F, 60 taises pour les faces des contre-gardes. On posera ensuite une pointe du compas au point E, et on l'ouvrira jusqu'à ce que l'autre pointe tombe sur le point F ; puis du point F pris pour centre, et de l'intervalle F E, on décrira un arc qui coupera la ligne de défense B L dans un point quelconque ; on prendra sur cet arc E G de 22 taises, et du point G on tirera en E la ligne E G qui sera le flanc de la contre-garde. On déterminera de même le flanc F H, puis l'on menera ensuite la ligne G H qu'on prolongera de part et d'autre jusqu'à la rencontre des rayons obliques du polygone en S et en T. On menera R Q parallèle à S T, et à la distance de neuf taises, terminée aussi de part et d'autre par les rayons obliques du polygone. Cette ligne sera le côté intérieur sur lequel les tours bastionnées seront construites.

Pour construire ces tours, on prendra les demi-gorges Q L et M R de sept taises ; aux points M et L on élevera perpendiculairement les flancs des tours auxquels on donnera cinq taises. De l'extrémité de ces flancs on menera des lignes droites aux points T et S ; ces lignes seront les faces des tours bastionnées. On prolongera les flancs des tours de quatre taises 3 pieds dans la place, et on joindra le prolongement des deux flancs de chaque tour par une ligne droite, dans le milieu de laquelle on laissera un passage de 9 pieds pour entrer dans la tour. Cela fait, on prolongera la perpendiculaire C D vers la place, et du point K où elle rencontre le côté intérieur Q R ; on prendra K N de cinq taises. Par les points L et M et par le point N, on tirera des lignes indéfinies M 1, L 2. On prolongera ensuite les flancs des contregardes vers l'intérieur de la place, jusqu'à ce qu'elles coupent les lignes M 1, L 2 aux points 1 et 2. On tirera la ligne 2, 1 qui sera la partie rentrante de la courtine. M P et L Z seront le reste de la courtine, ou ses parties avancées ; Z 1, P 2 les flancs de cette courtine. C'est dans ces flancs que ce système diffère principalement du précédent. Ils servent à augmenter la défense des faces et du fossé des tours bastionnées.

Le fossé des tours se décrit dans le système, de la même manière que dans le précédent. Il en est de même de la tenaille qui est vis-à-vis la courtine, et du fossé des contre-gardes.

M. le maréchal de Vauban donne 55 taises à la capitale de la demi-lune de cette troisième construction, et les faces en sont alignées à 15 taises des angles de l'épaule. Chaque demi-lune a un réduit dont la capitale a 23 taises, et dont les faces sont parallèles à celles de la demi-lune. Les demi-lunes de cette fortification sont à flancs. On construit ces flancs en portant 10 taises sur les faces des demi-lunes, du point où elles rencontrent la contrescarpe de la place, et sept taises de ce même point sur la contrescarpe ou la demi-gorge de la demi-lune ; la ligne qui joint le point extrême des 10 taises, et celui des sept, est le flanc de la demi-lune. On donne de même des flancs aux réduits, en portant de la même manière quatre taises sur leurs faces, et trois taises sur la contrescarpe.

Le terre-plein du rempart de la place et celui des contregardes, est de six taises, en y comprenant la largeur de la banquette. Celui des demi-lunes de quatre, et celui des réduits de trois. Pour le parapet il est de trois taises, à l'exception de celui des tours, qui est de maçonnerie, et qui a 8 pieds d'épaisseur et 6 de hauteur.

Le terre-plein des tours bastionnées est élevé de 16 pieds au-dessus du niveau de la campagne ; celui des contregardes de 12, de même que celui des courtines de la place. Le terre-plein de la tenaille est au niveau de la campagne. Celui du réduit est élevé de 9 pieds, et celui de la demi-lune de 6 pieds.

Les contregardes, les tenailles et les demi-lunes sont à demi-revêtement. Dans la partie où se termine le revêtement, on laisse une berme de 10 pieds de large ; le rempart est revêtu de gason depuis le côté intérieur de la berme, jusqu'à la partie supérieure du parapet. Sur le bord extérieur de la berme on plante une haie vive, et derrière cette haie un rang de palissade, afin qu'on ne puisse pas aisément de la partie supérieure du revêtement, s'insinuer dans le fossé : et que du fossé on ne puisse pas sans obstacle aller du bord extérieur de la berme au haut du parapet.

On pratique des souterrains dans les tours de ce système, comme dans celles du précédent ; et comme elles ont plus d'espace, ces souterrains sont aussi plus grands. Au centre des tours et un peu au-dessus du niveau du fossé, on pratique un magasin à poudre vouté, à l'épreuve de la bombe. On construit à côté d'autres souterrains le long des faces et des flancs de la tour ; ceux des flancs sont percés de deux embrasures. A côté de l'angle du flanc, il y a des poternes, pour communiquer avec les contregardes. Le passage pour entrer dans les souterrains des tours, est au pied du rempart vis-à-vis le centre des tours. Il est vouté, et il a 12 pieds de large.

Dans le milieu des courtines où il n'y a point de portes, on fait une poterne pour communiquer aux tenailles. On y descend par un souterrain vouté. On fait aussi des souterrains dans les flancs de la courtine, percés chacun d'une embrasure ; ce qui donne dans cette partie de l'enceinte un flanc supérieur et un inférieur. On construit aussi dans les flancs des contregardes des communications souterraines avec la tenaille. Le front A B (Pl. III. de la Fortification, fig. 4.) représente le plan des différents souterrains dont on vient de parler : de même que celui de la maçonnerie des revêtements et des contrescarpes. Ceux qui voudront une description plus détaillée de ce système, pourront consulter le VI. livre de la science des Ingénieurs.

Ce troisième système de M. le maréchal de Vauban, de même que le précédent, donne une fortification susceptible d'une plus grande défense que les précédents. Ses contregardes, qui sont plus grandes que les bastions ordinaires, étant détachées de la place, peuvent être soutenues jusqu'à la dernière extrémité, sans qu'il en puisse résulter d'inconvénient pour la place. Mais elles ont comme presque tous les dehors de la fortification, assez de difficultés pour les communications. Il y a des ponts à-fleur-d'eau le long de chacun des flancs des tours qui communiquent avec les contregardes. Ces ponts qui sont sans garde-fou, sont fort faciles à manquer dans la nuit, lorsqu'on est pressé par l'ennemi de se retirer. D'ailleurs on ne peut faire cette retraite qu'en défilant, c'est-à-dire lentement ; ce qui expose ceux qui défendent les contregardes ou à se noyer en se retirant, ou à se faire prendre prisonniers. Cependant malgré ce défaut qui est assez général dans la fortification moderne, on ne peut s'empêcher de convenir que la fortification de Landau et celle du Neuf-Brisach ne soient infiniment plus parfaites que les autres fortifications. Mais elles sont aussi d'une bien plus grande dépense, principalement celle du Neuf-Brisach. Cet objet qui mérite beaucoup d'attention ne permettra vraisemblablement pas de fortifier d'autres places de la même manière. Au reste cette fortification avec des tours bastionnées, parait convenir aux villes qui sont commandées ; parce que ces tours peuvent servir à parer des commandements. C'est aussi la situation de Befort, commandée de toute part, qui a donné lieu à M. de Vauban de les imaginer ; et elles le sont plus heureusement que les seconds bastions du comte de Pagan, qui ont peut-être donné à M. de Vauban la première idée des tours bastionnées.

Observons à ce sujet que M. le maréchal de Vauban, dont on vient de donner les constructions, n'a rien écrit sur la fortification ; qu'ainsi ces constructions ont été prises dans les ouvrages de ce grand homme, qui a toujours dit et fait voir par sa pratique, dit M. de Fontenelle dans son éloge, qu'il n'avait point de manière particulière. " Chaque place différente lui en fournissait une nouvelle, selon les différentes circonstances de sa grandeur, de sa situation, de son terrain. Les plus difficiles de tous les arts, ajoute très-sensément à cette occasion le célèbre historien de l'académie, sont ceux dont les objets sont changeants ; qui ne permettent point aux esprits bornés l'application commode de certaines règles fixes, qui demandent à chaque moment les ressources naturelles et imprévues d'un génie heureux ".

Ce sont ces ressources qui caractérisent particulièrement le mérite d'un bon ingénieur. Il doit posséder parfaitement toutes les règles générales et particulières de la fortification, et savoir les appliquer avec intelligence, pour corriger les défectuosités des lieux qu'il doit fortifier, et les rendre également susceptibles d'une bonne défense.

Fortification du baron de Coehorn. Le baron de Coehorn, général d'artillerie, lieutenant-général d'infanterie, et directeur-général des fortifications des Provinces-unies, s'est rendu si recommandable par ses grandes connaissances dans l'art de fortifier, qu'on croit ne devoir pas se dispenser de donner quelques idées de ses constructions à la suite de celles de M. le maréchal de Vauban, dont il était contemporain.

Il propose trois différentes méthodes, mais toutes pour des terrains peu élevés au-dessus du niveau de l'eau. La première, pour un terrain élevé de 4 pieds au-dessus de l'eau. La seconde, pour un terrain de 3 ; et la troisième pour un terrain élevé en été de 5 pieds au-dessus de la hauteur de l'eau. Ce qui fait voir que cet auteur a eu égard à la nature du terrain des Provinces-unies, qui n'a guère que ces élévations au-dessus de l'eau, et qu'ainsi elles peuvent être particulièrement convenables aux endroits bas et aquatiques.

Construction de la première méthode de cet auteur. 1°. Il faut décrire un cercle, et y inscrire un exagone ; ensuite tirer les rayons droits et obliques de ce polygone, prolongés indéfiniment.

2°. Faire une échelle avec le côté A B [ Pl. III. de Fortification, fig. 1.) du polygone, qu'on suppose de 150 taises.

3°. Prendre sur les rayons obliques prolongés les capitales A C et B D de 75 taises, ou de la moitié du côté du polygone.

4°. Faire les demi-gorges A G, B H de la quatrième partie de A B, c'est-à-dire de 37 taises 3 pieds, et tirer après cela les lignes de défense rasantes C H et D G.

5°. De l'angle flanqué C et de l'intervalle de la ligne de défense C H, décrivez l'arc H F, qui sera le flanc du demi bastion D F H. On aura de même l'autre flanc G E du même front.

Pour la tenaille ou courtine basse. Des points C et D pris pour centre, et de l'intervalle de 140 taises, décrivez les arcs M K et L I, qui coupent les lignes de défense ; tirant après cela les lignes L N et N M, on aura la tenaille, dont les faces seront déterminées après la construction de l'orillon.

Pour l'orillon et bastion intérieur. Menez M N parallèle à la face D F du bastion, et à la distance de 20 taises quatre pieds de cette ligne ; puis de l'angle flanqué C du bastion opposé, décrivez l'arc N S, éloigné de 15 taises du flanc H F : ensuite du point N où N M et S T se rencontrent, élevez sur N M la perpendiculaire N O de cinq taises. Menez O P parallèle à M N, et longue de huit taises ; divisez O P en deux également en Q, et élevez Q T perpendiculaire à P O, prolongée jusqu'à ce qu'elle rencontre en T la face D F prolongée. Par P et par C angle flanqué du bastion opposé, tirez P C, sur laquelle prenez P Y de 12 taises. Portez huit taises de T en G, et tirez G Y. Divisez cette ligne en deux également en L ; élevez L I perpendiculaire à G Y, et G I perpendiculaire à G T. Du point I où ces deux lignes se coupent, et de l'intervalle I G ou I Y, décrivez l'arc GLY, qui sera l'arrondissement de l'orillon TGYPQ.

Pour la demi-lune. Tracez du bord du fossé de la place parallèlement aux faces des bastions, et à la distance de 24 taises. Prenez de part et d'autre de l'angle rentrant P de la contrescarpe, les demi-gorges P O et P Q de 55 taises. Tirez O Q, et faites sur cette ligne un angle O Q R de 55 degrés. Prolongez le côté Q R de cet angle, jusqu'à ce qu'il rencontre en R le rayon droit, prolongé du polygone. Tirez R O, et vous aurez la demi-lune P Q R O P.

L'auteur construit une autre demi-lune dans cette première. Elle se fait en menant à la distance de 20 taises trois pieds des faces de sa demi-lune, et en-dedans, les parallèles T S et T V. Le fossé de la demi-lune a 18 taises de largeur.

Pour la contre-garde ou couvre-face. Tirez une ligne X Y parallèle à la contrescarpe de la face du bastion, et qui en soit éloignée de 27 pieds. Le fossé de cet ouvrage est parallèle à ses faces, et il a 14 taises de largeur.

Pour les chemins-couverts et places-d'armes. Menez le chemin-couvert parallèlement aux fossés des demi-lunes et contre-gardes, et à la distance de 13 taises un pied, en y comprenant deux banquettes de trois pieds chacune, et le talud intérieur du parapet du chemin-couvert qui est d'un pied.

Pour les places-d'armes il faut prendre 25 taises de part et d'autre des angles rentrants du chemin-couvert, par exemple A D et A B de cette quantité, élever aux points D et B les perpendiculaires D C, B C, de 30 taises, elles seront les faces des places-d'armes. Au centre de ces places il y a un réduit qui se construira de cette manière.

On prendra A E et A F de la même largeur que le chemin-couvert, c'est-à-dire de 13 taises un pied. Des points E et F, on menera les lignes E G, F G, parallèles à D C et C B, et l'on aura le réduit A F, G E A, dont les faces sont G F et G E.

Les gorges des réduits des places-d'armes sont couvertes par deux traverses. Pour les construire, il faut diviser l'espace ou la partie du chemin-couvert qui est entre l'extrémité de la demi-gorge du réduit, celle de la place-d'armes en trois parties égales ; et des deux points qui terminent la partie du milieu, faire tomber deux perpendiculaires sur la contrescarpe opposée à la gorge du réduit. L'espace compris entre ces deux perpendiculaires, donnera la traverse.

Telle est la construction générale de la première méthode de M. de Coèhorn. Il faut voir dans son livre le détail des différents ouvrages qu'il construit dans le massif de pièces de sa fortification, c'est-à-dire ses différents souterrains, etc. On a fait trois éditions de cet ouvrage ; il renferme d'excellentes observations sur la fortification.

Fortification selon la méthode de Scheiter ou Scheiteer. Cet auteur établit trois sortes de fortifications, la grande, la moyenne, et la petite. Le côté extérieur de la grande est de 200 taises ; celui de la moyenne de 180, et celui de la petite de 160. La ligne de défense dans la grande a 140 taises ; 130 dans la moyenne, et 120 dans la petite : elle est toujours rasante. Toutes les autres lignes de la construction de cet auteur, sont fixées à une même grandeur dans tous les polygones. Pour faire cette construction, il suffit de connaître le côté extérieur, la capitale, et l'angle flanqué ; on acheve ensuite facilement tout le reste. On joint ici une table qui donnera ces connaissances.

TABLE des Capitales et des Angles flanqués de Scheiteer.

Cet auteur détache les bastions de la courtine, derrière laquelle il forme une espèce de retranchement intérieur.

Pour donner une idée plus particulière de sa construction, soit supposé un octogone à fortifier selon sa grande fortification, c'est-à-dire dont le côté extérieur A B (Pl. III. de la Fortificat. fig. 2.) est de 200 taises.

On prendra sur les rayons les capitales A C, B D, de 46 taises ; on tirera ensuite le côté intérieur C D. On prendra avec le compas 140 taises pour la grandeur de la ligne de défense ; et mettant une pointe du compas sur l'angle flanqué A, on décrira avec l'autre pointe un arc qui coupera le côté intérieur en E ; on prendra ensuite C F égale à E D, et l'on tirera par F et par B la seconde ligne de défense F B. On élevera des points E et F sur les lignes de défense A E et F B, les perpendiculaires E L, F I, qui rencontrant les lignes de défense opposées, détermineront les faces des contre-gardes ou bastions détachés de Scheiter.

Prolongez après cela les lignes de défense vers les capitales, et prenez les parties E H, F P, de 16 taises ; et ayant divisé ces lignes en deux également, tirez les flancs hauts parallèles aux flancs bas. Faites la même chose sur les autres côtés. Prenez après cela la distance P Q ; et mettant une pointe du compas ainsi ouvert au point P, décrivez un arc avec l'autre pointe qui coupe la capitale au point N ; tirez ensuite N Q et N P, et la contre-garde sera achevée.

Décrivez autour de la contre-garde du côté de la place, un fossé large de 18 taises, qui donnera le redan R S T ; et comme l'escarpe de ce fossé ferait un angle saillant vers le milieu de la courtine, Scheiter, pour corriger cet inconvénient, y construit un petit bastion de cette manière.

Du point 3 où les lignes de défense se rencontrent, il abaisse la perpendiculaire 3, 4 sur le côté intérieur ; il porte de part et d'autre du point 4, les distances 4, 5 et 4, 6 égales chacune à 4, 3 : après quoi il tire les faces 5, 3 et 3, 6 de ce bastion. Les flancs se mènent parallèlement à la perpendiculaire 4, 3, jusqu'à ce qu'ils rencontrent la parallèle à P F et E H. Lors qu'ils sont ainsi, tirez la ligne magistrale d'un front de cet auteur.

Le fossé des contre-gardes se trace en prolongeant les faces de 20 taises, comme Z A en X, et tirant une ligne de X à l'angle de l'épaule L, etc.

Sur l'angle rentrant du fossé, il décrit une espèce de redoute K, dont la capitale est de 16 taises ; il entoure ses contre-gardes de fausses braies, et tout l'intérieur de son enceinte, à l'exception des faces du petit bastion du milieu des courtines. Il ajoute au chemin-couvert de la place un avant-chemin-couvert, construit au pied du glacis du premier.

Quoique ce système diffère essentiellement de celui que M. le maréchal de Vauban a exécuté au Neuf-Brisack, il s'est cependant trouvé un auteur qui a prétendu que cet illustre ingénieur n'était que le copiste de Scheiter, dans la fortification de cette ville : mais M. l'abbé Deidier a démontré l'injustice de cette prétention dans le livre intitulé le parfait ingénieur français.

On finira cet article par un précis de la fortification de M. Blondel. Le nom et la grande réputation de l'auteur est uniquement ce qui nous y engage ; car la grande dépense qu'elle exige ne permet guère de penser qu'elle soit jamais exécutée. Cette considération nous dispensera d'entrer dans le détail de tous ses défauts ; on se contentera d'observer les principaux. " Fortification de M. Blondel. M. Blondel fortifie en-dedans comme le comte de Pagan ; mais il commence par l'angle diminué, qu'il trouve en ôtant un angle droit, ou 90 degrés de l'angle du polygone, et en ajoutant toujours 15 degrés au tiers du reste. Mais cet angle, selon ce principe, se peut trouver plus facilement, sans qu'il soit besoin de savoir l'angle du polygone, savoir en divisant 120 degrés par le nombre des côtés du polygone, et en ôtant le quotient toujours de 45 degrés ; ou bien encore plus facilement, en ôtant de 45 degrés le tiers de l'angle du centre. Ainsi cet angle diminué se trouvera de 15 degrés dans le carré, de 21 dans le pentagone, de 25 à l'exagone, et il s'augmentera petit-à-petit dans les autres polygones jusqu'à la ligne droite, où il se trouvera de 45 degrés.

Par le moyen de cet angle ainsi trouvé, on connaitra que l'angle du bastion est au carré de 60 degrés, au pentagone de 66, à l'exagone de 70, et qu'il s'augmente peu-à-peu dans tous les autres polygones jusqu'à la ligne droite, où il est de 90 degrés.

L'angle flanquant est au carré de 150 degrés, de 138 au pentagone, de 130 à l'exagone ; et il diminue petit-à-petit dans tous les autres polygones jusqu'à la ligne droite, où il n'est que de 90 degrés.

Comme l'auteur se persuade que la ligne de défense ne doit jamais être plus grande que de 140 taises, ni plus petite que de 120 aux places qu'on appelle royales, il a pour cette cause deux suppositions, qu'il appelle deux manières, dont la première qui est la grande, fait son côté extérieur de 200 taises dans tous les polygones ; ce qui donne par-tout 140 taises pour la ligne de défense, selon sa manière générale de fortifier, qui est de donner sept dixiemes parties du côté extérieur à la ligne de la défense, et la moitié de la tenaille à la face. La seconde ou la petite fait par-tout le même côté extérieur de 170 taises ; ce qui donne un peu moins de 120 taises pour la ligne de défense : dans lesquels termes il enferme tout ce qui se peut fortifier, parce qu'une plus grande étendue du côté extérieur rend la défense inutîle par le trop grand éloignement des flancs, et qu'une plus petite diminue la longueur des flancs, augmente inutilement le nombre des bastions et la dépense.

Sait (Pl. III. de Fortificat. fig. 3.) A B le côté extérieur d'un exagone ; faites à ces deux extrémités A, B, les deux angles diminués A B C, B A C, chacun de 25 degrés, tels qu'ils doivent être dans l'exagone, par les deux lignes de défense A G, B F, qui se termineront aux points F, G, en les faisant chacune de sept dixiemes parties du coté extérieur A B ; divisez les tenailles A C, B C, chacune en deux également aux points D, E, pour avoir les faces A D, B E, et tirez les flancs D F, E G, avec la courtine F G. Il est aisé de comprendre par cette figure, ce que l'auteur ajoute à sa fortification pour la rendre dans une très-bonne défense. Il prend en premier lieu sur les flancs D F, E G, les lignes D H, E H, de chacune 10 taises, pour la grandeur de chaque orillon carré, et il emploie le reste au flanc couvert, qu'il retire en-dedans de cinq ou six taises, et cette retraite lui sert pour allonger les courtines aux bastions des polygones de plusieurs côtés, et pour en donner à ceux qui sont sur la ligne droite, parce qu'ils n'en ont point ou fort peu, et dans ce cas il retire ses flancs en-dedans jusqu'à 20 taises de chaque coté, afin d'avoir une courtine un peu plus longue que de 20 taises. La retirade du flanc se mesure sur une ligne droite, tirée par le point H à l'angle du bastion opposé.

Il fait, comme le comte de Pagan, trois batteries au-dedans de la casemate, donnant trois taises de largeur à chaque parapet, et cinq à chaque plate-forme. Le plan de la batterie basse est au-dessus du fond du fossé de neuf à 12 pieds ; celui de la moyenne de 18 à 24, et celui de la plus haute, qui est le même que le haut du rempart, de 27 à 36.

Ces trois batteries sont terminées vers la demi-gorge, sur la ligne de défense prolongée, et vers l'orillon, sur la ligne tirée de l'angle du bastion opposé par l'extrémité du même orillon. Le parapet de la batterie basse est haut de neuf à 10 pieds, de six à sept dans la moyenne, et de trois et demi à la plus haute des embrasures.

Comme il reste beaucoup de vide entre les deux places hautes de chaque côté d'un bastion, l'auteur ajoute dans cet espace des cavaliers, dont la figure est telle que vous la voyez ici, et dont chacun sera capable de chaque côté au-moins de 12 pièces de canon. Ces cavaliers et les batteries se construiront de la terre qui se tire du fossé général, dont la largeur est égale à la longueur du flanc D F ou E G ; de sorte que l'angle de la contrescarpe se fait environ au milieu du côté extérieur A B.

L'auteur fait une demi-lune ou contre-garde à la pointe de chaque bastion, qui est parallèle à ses faces, de maçonnerie solide sans terrain, et contre-minée par-tout. Sa largeur est de trois ou quatre taises en tout, c'est-à-dire en y comprenant le parapet, qu'on ne fera large que de huit à 10 pieds. On la fait dans le grand fossé, à la distance de 10 à 12 taises de la contrescarpe, et cette distance lui sert de fossé. Cette contre-garde sert principalement à ôter à la contrescarpe la vue des batteries basses du flanc opposé, et son peu d'épaisseur doit encore empêcher les ennemis d'y mettre leur canon après l'avoir forcée.

En ligne droite de cet ouvrage, l'auteur ajoute vis-à-vis l'angle de la contrescarpe, un ravelin, dont la pointe K se trouve par l'intersection de deux arcs de cercle, décrits des angles de l'épaule D E, à l'ouverture de la distance D E, et dont les faces tendent aux deux points I, éloignés des épaules D, E de six taises, et s'arrêtent sur la ligne de la contre-garde continuée.

Le fossé de ce ravelin sera large de 10 taises ; et afin qu'il soit bien défendu, l'auteur prend dans la face du bastion au-delà du point I, l'espace qui le peut voir, lequel par conséquent sera aussi de 10 taises, où il fait une batterie basse de quatre à cinq pieds, et une autre en-dedans de la hauteur d'un parapet de la place. Le plan de la batterie basse sera au niveau de celui de la moyenne du flanc, c'est-à-dire de 18 à 24 pieds de hauteur au-dessus du fond du fossé.

Ce ravelin sert non-seulement à couvrir les épaules et les orillons de chaque bastion, mais encore à défendre le fossé de la contre-garde ; parce que l'auteur prend dans sa face tout ce qui peut découvrir ce fossé, où il pratique deux batteries, l'une haute, et l'autre basse, de la même manière qu'en celle des faces des bastions. Il ne donne de terre-plein à ce ravelin, qu'autant qu'il lui en faut pour le recul des pièces de batteries, et il laisse le reste du dedans tout vide, pour faire plus aisément des contre-mines dans le rempart, et pour ôter aux ennemis le moyen de s'y loger après l'avoir forcée.

Outre cela l'auteur ajoute dans son grand fossé une cunette, qu'il fait régner tout-à-l'entour, de la largeur de sept ou huit taises, pour se garantir de l'insulte qu'on peut craindre du côté des flancs bas, qui paraissent d'un accès facile. On pourrait encore faire une cunette plus étroite dans les fossés des dehors, s'ils ont huit ou 10 taises de largeur, et principalement aux endroits où l'on a pratiqué des batteries basses dans les faces de demi-lunes ou ravelins.

Pour faire que les batteries de chaque bastion, qui défendent le fossé du ravelin, soient mieux couvertes, l'auteur ajoute dans l'angle de la contrescarpe du ravelin une lunette L M N O, dont la figure est en losange, donnant environ 20 taises à chacun de ses côtés, etc.

Quoique cette manière de fortifier soit extrêmement bien inventée, néanmoins elle oblige à une trop grande dépense, tant pour la construction du fossé, que l'auteur est contraint de faire prodigieusement large et très-profond pour pouvoir fournir de la terre pour le rempart, et pour toutes les batteries des flancs et des faces des bastions, que pour la quantité des munitions et des canonniers et officiers d'Artillerie, dont une place fortifiée de la sorte doit être pourvue, et des dehors qui doivent y être pour couvrir les flancs qui sont trop exposés.

Outre cela, les quatre batteries du flanc sont si longues et si serrées, que l'ennemi les peut combler de bombes en peu de temps ; et les ayant une fois rompues avec son canon, elles lui peuvent servir comme de marches pour monter plus facilement à l'assaut. De plus les cavaliers qui sont entre les deux places hautes du bastion, remplissent tellement ce bastion, qu'il est difficîle de s'y pouvoir retrancher en cas de besoin ". Fortifications d'Ozannam.

On pourrait faire plusieurs autres observations sur les défauts de cette fortification : mais on se contentera de remarquer " que s'il ne s'agissait que d'agrandir et de multiplier les lieux d'où les bastions peuvent tirer leur défense, il serait impossible de mieux réussir que M. Blondel : rien n'est plus capable d'éblouir ceux qui recherchent l'augmentation du feu, que de voir des flancs longs de 50 ou même de 70 taises, quatre batteries de cette longueur exposées à une même face de bastion, et les deux premières à la portée du mousquet. Mais si outre cet agrandissement des flancs, on demande encore qu'ils soient à couvert des batteries éloignées, on n'en est pas quitte à bon marché en se servant des moyens que fournit M. Blondel ". Nouvelle manière de fortifier les places, etc. (Q)

FORTIFICATION DURABLE, voyez l'article FORTIFICATION. (Q)




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