(Histoire moderne) voyage de dévotion mal entendue ; les idées des hommes ont bien changé sur le mérite des pélerinages. Nos rois et nos princes n'entreprennent plus des voyages d'outre-mer, après avoir chargé la figure de la croix sur leurs épaules, et reçu de quelque prélat l'escarcelle et le bâton de pélerin. On est revenu de cet empressement d'aller visiter des lieux lointains, pour y obtenir du ciel des secours qu'on peut bien mieux trouver chez soi par de bonnes œuvres et une dévotion éclairée. En un mot, les courses de cette espèce ne sont plus faites que pour des coureurs de profession, des gueux qui, par superstition, par oisiveté, ou par libertinage, vont se rendre à Notre-Dame de Lorette, ou à S. Jacques de Compostelle en Galice, en demandant l'aumône sur la route. (D.J.)

PELERINAGE DE LA MECQUE, (Réligion mahom.) tout le monde sait que les Mahométans en général se croient obligés par leur loi de faire, une fois en leur vie, le pélerinage de la Mecque ; ce n'est même qu'une ancienne dévotion qui se pratiquait avant Mahomet. Il est certain que ce lieu (le Kabaa de la Mecque) a été visité comme un temple sacré par tous les peuples de cette presqu'île arabique de temps immémorial, c'est-à-dire avant Mahammed, de même qu'après lui. Ils y venaient de toutes les parties de l'Arabie pour y faire leurs dévotions. Le Kabaa était plein d'idoles du soleil, de la lune et des autres planètes. Les pierres même de l'édifice étaient des objets d'idolâtrie ; chaque tribu des Arabes en avait tiré une qu'ils portaient partout où ils s'étendaient, et qu'ils élevaient en quelque lieu, se tournant vers elle en faisant leurs prières, ou la mettant à l'endroit éminent d'un tabernacle qu'ils dressaient d'après la figure du Kabaa.

Il y a beaucoup d'apparence que Mahammed voyant le zèle universel qu'on avait pour ce temple, prit le parti de consacrer le lieu, en changeant les rites du pélerinage, de même que le but et l'objet ; il ne se contenta pas de confirmer la tradition reçue que le Kaaba était l'oratoire d'Abraham, fondé par la direction de Dieu ; il confirma de plus le pélerinage, et la procession au-tour de la chapelle ; et il enchérit même sur tout ce qu'on en croyait déjà, en disant que Dieu n'exauce les prières de personne en aucun endroit de l'univers, que quand elles sont faites le visage tourné vers cet oratoire.

Les Mahométans sont néanmoins aujourd'hui partagés sur sa nécessité absolue : les Turcs, les petits Tartares et autres, prétendent que le précepte oblige tous ceux qui peuvent se soutenir avec un bâton, et qui ont seulement une écuelle de bois vaillant pendue à la ceinture ; on Ve même chez le Chafay (une des quatre grandes sectes du musulmanisme), jusqu'à enseigner que chacun est obligé de faire le pélerinage, n'eut-il pas un sou vaillant : les Persans au contraire, soutiennent qu'il ne faut pas prendre le précepte à la lettre, mais avec modification, et que les Immants qui sont les premiers successeurs de Mahammed, ont déclaré que l'obligation du pélerinage n'est que pour ceux qui sont en parfaite santé, qui ont assez de bien pour payer leurs dettes, pour assurer la dot de leurs femmes, pour donner à leurs familles la subsistance d'une année, pour laisser de quoi se mettre en métier ou en négoce au retour, et pour emporter en même temps cinq cent écus en deniers pour les frais du voyage ; qu'enfin, si l'on n'a pas ces moyens-là, on n'est point obligé au pélerinage ; que de plus si on les a, et qu'on n'ait pas la santé requise, il faut faire le pélerinage par procuration. Il est avec le ciel des accommodements.... (D.J.)