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Catégorie parente: Histoire
Catégorie : Antiquité romaine
S. f. (Histoire romaine) publication faite par le gouvernement, ou par un chef de parti, par laquelle on décerne une peine contre ceux qui y sont désignés. Il y en avait de deux sortes chez les Romains ; l'une interdisait au proscrit le feu et l'eau jusqu'à une certaine distance de Rome, plus ou moins éloignée, selon la sévérité du decret, avec défense à qui que ce fût, de lui donner retraite dans toute l'étendue de la distance marquée. On affichait ce decret, afin que personne ne l'ignorât : le mot d'exil n'y était pas même exprimé sous la république ; mais il n'en était pas moins réel, par la nécessité où l'on était de se transporter hors les limites de ces interdictions.

L'autre proscription était celle des têtes, ainsi nommée, parce qu'elle ordonnait de tuer la personne proscrite, par-tout où on la trouverait. Il y avait toujours une récompense attachée à l'exécution de cette proscription. On affichait aussi ce decret, qui était écrit sur des tables pour être lu dans des places publiques ; et l'on trouvait au bas les noms de ceux qui étaient condamnés à mourir, avec le prix décerné pour la tête de chaque proscrit.

Marius et Cinna avaient massacré leurs ennemis de sang froid, mais ils ne l'avaient point fait par proscription. Sylla fut le premier auteur et l'inventeur de cette horrible voie de proscription, qu'il exerça avec la plus indigne barbarie, et la plus grande étendue. Il fit afficher dans la place publique les noms de quarante sénateurs, et de seize cent chevaliers qu'il proscrivait. Deux jours après, il proscrivit encore quarante autres sénateurs, et un nombre infini des plus riches citoyens de Rome. Il déclara infâmes et déchus du droit de bourgeoisie les fils et les petits-fils des proscrits. Il ordonna que ceux qui auraient sauvés un proscrit, ou qui l'auraient retiré dans leur maison, seraient proscrits en sa place. Il mit à prix la tête des proscrits, et fixa chaque meurtre à deux talents. Les esclaves qui avaient assassiné leurs maîtres, recevaient cette récompense de leur trahison ; l'on vit des enfants dénaturés, les mains encore sanglantes, la demander pour la mort de leurs propres pères qu'ils avaient massacrés.

Lucius Catilina, qui pour s'emparer du bien de son frère, l'avait fait mourir depuis longtemps, pria Sylla, auquel il était attaché, de mettre ce frère au nombre des proscrits, afin de couvrir par cette voie l'énormité de son crime. Sylla lui ayant accordé sa demande, Catilina, pour lui en marquer sa reconnaissance, alla tuer au même moment Marcus Marius, et lui en apporta la tête.

Le même Sylla, dans sa proscription, permit à ses créatures et à ses officiers de se venger impunément de leurs ennemis particuliers. Les grands biens devinrent le plus grand crime. Quintus Aurelius, citoyen paisible, qui avait toujours vécu dans une heureuse obscurité, sans être connu ni de Marius, ni de Sylla, apercevant son nom dans les tables fatales, s'écria avec douleur ; malheureux que je suis, c'est ma belle maison d'Albe qui me fait mourir ; et à deux pas de-là, il fut assassiné par un meurtrier.

Dans cette désolation générale, il n'y eut que C. Metellus, qui fut assez hardi pour oser demander à Sylla, en plein sénat, quel terme il mettrait à la misere de ses concitoyens : nous ne te demandons pas, lui dit-il, que tu pardonnes à ceux que tu as résolu de faire mourir ; mais délivre-nous d'une incertitude pire que la mort, et du moins apprens-nous ceux que tu veux sauver. Sylla, sans paraitre s'offenser de ce discours, lui répondit froidement, qu'il ne s'était pas encore déterminé. Enfin, comme dit Salluste, neque priùs jugulandi fuit finis quàm Sylla omnes suos divitiis explevit.

Les triumvirs Lépide, Octave et Antoine renouvellèrent les proscriptions. Comme ils avaient besoin de sommes immenses pour soutenir la guerre, et que d'ailleurs ils laissaient à Rome et dans le sénat des républicains toujours zélés pour la liberté, ils résolurent avant que de quitter l'Italie, d'immoler à leur sûreté, et de proscrire les plus riches citoyens. Ils en dressèrent un rôle. Chaque triumvir y comprit ses ennemis particuliers, et même les ennemis de ses créatures. Ils poussèrent l'inhumanité jusqu'à s'abandonner l'un à l'autre leurs propres parents, et même les plus proches. Lépidus sacrifia son frère Paulus à l'un de ses collègues ; Antoine, de son côté, abandonna au jeune Octave le propre frère de sa mère ; et celui-ci consentit qu'Antoine fit mourir Cicéron, quoique ce grand homme l'eut soutenu de son crédit contre Antoine même. La tête du sauveur de l'état fut mise à prix pour la somme de huit mille livres sterling. Il mourut la victime de son mérite et de ses talents.

Largus et exundants letho dedit ingenii fons,

Ingenio manus est et cervix caesa. Juvenal.

Enfin on vit dans ce rôle funeste Thoranius, tuteur du jeune Octave, celui-là même qui l'avait élevé avec tant de soin ; Plotius désigné consul, frère de Plancus, un des lieutenans d'Antoine, et Quintus, son collègue au consulat, eurent le même sort, quoique ce dernier fût beau-pere d'Asinius Pollio, partisan zélé du triumvirat.

En un mot, les droits les plus sacrés de la nature furent violés. Trais cent sénateurs, et plus de deux mille chevaliers furent enveloppés dans cette affreuse proscription. Toutes ces horreurs, inconnues dans les siècles les plus barbares, et aux nations les plus féroces, se sont passées dans des temps éclairés, et par l'ordre des hommes les plus polis de leur temps. Elles ont été les fruits sanglans de ces désordres civils, et de ces vapeurs intestines qui étouffent les cris de l'humanité. (D.J.)

PROSCRIPTION, (Histoire des Grecs) les proscriptions chez les Grecs se faisaient avec les plus grandes formalités ; un héraut publiait par ordre du souverain qu'on récompenserait d'une certaine somme, appelée , quiconque apporterait la tête du proscrit. De plus, afin qu'on se dévouât sans peine à faire le coup, et que le vengeur de la patrie fût où prendre la récompense dès qu'il l'aurait méritée ; on déposait publiquement sur l'autel d'un temple la somme promise par le héraut. C'est ainsi que les Athéniens mirent à prix la tête de Xerxès ; et il ne tint pas à eux qu'elle leur coutât cent talents. On trouvera dans la comédie des oiseaux d'Aristophane, une formule de proscription contre Diagoras de Mélos. (D.J.)




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