S. m. (Histoire ancienne) ce fut, après l'expulsion de Tarquin le Superbe, le dernier roi, mais non le dernier tyran de Rome, le premier magistrat de la république. Cette dignité commença l'an 245 de la fondation de la ville. On créait tous les ans deux consuls ; ils gouvernaient ensemble la république. L. Junius Brutus, et L. Tarquinius Collatinus mari de Lucrèce, furent les premiers honorés de cette dignité. Qu'il fut doux au peuple, qui avait servi jusqu'alors comme un esclave, de se voir assemblé par centuries, en comices, se choisissant lui-même des magistrats annuels, amovibles, tirés de la masse commune par sa voix, et y retombant au bout de l'année ! Cette élection fut conduite par un interrex selon quelques-uns ; selon d'autres, par un préfet de la ville : mais ces deux fonctions qu'on vit réunies dans la personne de Sp. Lucretius Tricepetinus, n'étant point incompatibles, celui qui présida aux premiers comices libres du peuple Romain put les exercer ensemble. Les deux premiers consuls ne finirent point leur année ; le peuple cassa Collatinus qui lui parut plus ennemi du roi que de la royauté ; et Brutus et Aronce fils de Tarquin, s'entretuèrent à coups de lance.

Le nom de consul rappelait sans cesse à ce magistrat son premier devoir, et les limites de sa charge ; c'est qu'il n'était que le conseiller du peuple Romain, et qu'il devait en toute occasion lui donner le conseil qui lui semblait le plus avantageux pour le bien public. On créa deux consuls, et on rendit leur dignité annuelle, afin qu'il ne restât pas même l'ombre de l'autorité royale, dont les caractères particuliers sont l'unité et la perpétuité. Ils ne tenaient leur autorité que du peuple, et le peuple ne voulut point qu'ils pussent, sans son consentement, ni faire battre de verges, ni mettre à mort un citoyen. Il parait cependant que ces limites n'étaient point encore assez étroites pour prévenir les vexations, puisque dès l'an 260, c'est-à-dire quinze ans après la création des consuls, le peuple fut obligé de se faire des protecteurs dans les tribuns. Leur autorité cessa l'an 302 ; on la remplaça par celle des decemvir legum scribendarum ; elle reprit l'an 306 ; elle cessa encore en 310 : la république eut alors ses tribuns militaires, consulari potestate. Après plusieurs révolutions, le consulat rétabli dura depuis l'année 388 de Rome jusqu'en 541 de J. C. qu'il finit dans la personne de Fl. Basilius dernier consul, qui l'était sans collègue. Ce fut Justinien qui en abolit le nom et la charge : cette innovation lui attira la haine publique, tant ce vieux simulacre était encore cher et respecté. Sa durée fut de 1047 ou 9 ans. Cette dignité ne conserva presque rien de ses prérogatives sous Jules César et ses successeurs. Les empereurs la conférèrent à qui bon leur semblait : on en était revêtu quelquefois que pour trois mois, six mois, un mois. Plus un homme était vil, plus son consulat durait. Avant ces temps malheureux, l'élection des consuls se faisait dans le champ de Mars. Un des consuls en charge était le président des comices : il les ouvrait en ces termes, quae res mihi, magistratuique meo, populo plebique Romanae feliciter eveniat ; consules designo. Le peuple accompagnait jusques chez eux, avec des acclamations, les consuls désignés. La désignation se faisait ordinairement à la fin du mois de Juillet ; les fonctions ne commencèrent, du moins à compter depuis l'an 599 ou 600, qu'au premier de Janvier. On accordait ce temps aux compétiteurs. Si l'on parvenait à démontrer que la désignation était illégitime, qu'il y avait eu de la brigue, des largesses, des corruptions, des menées basses, le désigné était exclu. Ce règlement était trop sage pour qu'il durât longtemps, et que l'observation en fût rigoureuse. Au premier de Janvier, le peuple s'assemblait devant la maison des désignés ; il les accompagnait au capitole ; chaque consul y sacrifiait un bœuf ; on se rendait delà au sénat ; l'un des consuls prononçait un discours de remerciment au peuple. Sous les empereurs, il se faisait dans cette cérémonie des distributions de monnaie d'or et d'argent : il y eut jusqu'à cent livres d'or destinées à cet emploi. Valents et Marcian abolirent cet usage. Justinien le rétablit avec la restriction, qu'on ne distribuerait que de petites pièces d'argent. Mais les désordres occasionnés par cette espèce de largesse, qui excluait encore du consulat quelques honnêtes gens qui avaient plus de mérite, que d'écus, comme cela arrive assez souvent, la fit entièrement supprimer par l'Empereur Léon : on donna seulement un repas aux sénateurs et aux chevaliers, et on leur envoya quelques présents qui s'appelèrent munera consularia. Les consuls juraient immédiatement après leur élection de ne rien entreprendre contre les lois ; ils haranguaient le peuple aux rostres ; ils avaient prêté serment devant le consul à leur désignation ; à leur entrée en charge, ils le pretaient devant le peuple : tout ce cérémonial durait cinq jours au plus. Les Consuls furent d'abord tous patriciens ; mais le peuple obtint par force en 388, qu'il y en aurait toujours un de son ordre. L. Sextus Lateranus fut le premier de cette création. On ne pouvait briguer le consulat avant quarante-un ans, et même quarante-trois. César enfreignit cette loi, appelée lex annuaria, en nommant consul Dolabella qui n'était âgé que de vingt-cinq. Les empereurs qui lui succédèrent firent des consuls qui n'avaient pas même de barbe ; ils poussèrent l'abus jusqu'à désigner leurs enfants avant qu'ils eussent l'usage de la parole. Dans ces temps où la dignité de consul n'était qu'un vain nom, il était assez indifférent à qui on la conférât. On n'avait auparavant dérogé à cette sage institution que dans des cas extraordinaires, en faveur de personnages distingués, tels que le fils adoptif de Marius qui entra en charge à vingt-six ans, et Pompée à trente-quatre, avant que d'avoir été questeur. Il fallait avoir été préteur pour être consul ; il y avait même un interstice de deux ans, fixé entre le consulat et la dignité prétorienne, et un interstice de dix ans entre la sortie du consulat et la rentrée dans la même fonction. Le peuple s'était déjà relâché du premier de ces usages sous Marius ; les empereurs foulèrent aux pieds l'un et l'autre ; et le peuple, à qui ils avaient appris à souffrir de plus grandes avanies, n'avait garde de se récrier contre ces bagatelles. Les faisceaux furent originairement les marques de la dignité consulaire ; ils en avaient chacun douze, qui étaient portés devant eux par autant de licteurs. On ne les baissait que devant les vestales. Cet appareil effaroucha le peuple ; il craignit de ne s'être débarrassé d'un tyran, que pour s'en donner deux ; et il fallut lui sacrifier une partie de cette ostentation de souveraineté : on portait des faisceaux devant un des consuls ; l'autre n'était précédé que par les licteurs. Ils eurent alternativement de mois en mois les licteurs et les faisceaux. Après la mort de Brutus, Valerius dont le peuple se méfiait, détermina même son collègue à quitter les faisceaux dans la ville, et à les faire baisser dans les assemblées. La loi Julienne décerna dans la suite les faisceaux au plus âgé des consuls ; ils appartinrent aussi de préférence, ou à celui qui avait le plus d'enfants, ou à celui qui avait encore sa femme, ou à celui qui avait déjà été consul. Lorsque les haches furent supprimées, pour distinguer le consul en fonction, de son collègue, on porta les faisceaux devant celui-là, et on les porta derrière l'autre. Sous les empereurs, le consulat eut des intervalles d'éclat ; et on lui conserva quelquefois les faisceaux. La chaire curule fut encore une des marques de la dignité consulaire : il ne faut pas oublier la toge prétexte, qui restait le premier jour de leur magistrature devant les penates, et qui se transportait le jour suivant au capitole pour y être exposée à la vue du peuple ; le bâton d'ivoire terminé par l'aigle ; et sous les empereurs la toge peinte ou fleurie, les lauriers autour des faisceaux, les souliers brodés en or, et d'autres ornements qui décoraient le stupide consul à ses yeux et aux yeux de la multitude, mais qui ne lui conferaient pas le moindre degré d'autorité. Le pouvoir du consulat fut très-étendu dans le commencement ; il autorisait à déclarer la guerre, à faire la paix, à former des alliances, et même à punir de mort un citoyen. Mais bientôt on appela de leur jugement à celui du peuple, et l'on vit leurs sentences suspendues par le vetamus d'un tribun. Il y avait des circonstances importantes, où l'on étendait leurs privilèges ; vidèrent ne quid detrimenti respublica caperet : mais ils ne furent jamais dispensés de rendre compte de leur conduite. Si les consuls étaient si petits en apparence devant le peuple, ils n'en étaient pas moins grands aux yeux des étrangers, et ils ont eu des rois parmi leurs cliens. Les autres magistrats leur étaient subordonnés, excepté les tribuns du peuple ; ils commandaient en chef à la guerre, alors ils punissaient de mort ; ils influaient beaucoup dans les élections des tribuns, des centurions, des préfets, etc. ils étaient tout-puissants dans les provinces ; ils avaient droit de convoquer le peuple : ils faisaient des lois ; ils leur imposaient leurs noms ; ils recevaient les dépêches des pays éloignés ; ils convoquaient les autres magistrats ; ils donnaient audience aux envoyés ; ils proposaient dans les assemblées ce qui leur paraissait convenable ; ils recueillaient les voix. Sous les empereurs, ils affranchissaient les esclaves ; ils avaient l'inspection du commerce et de ses revenus ; ils présidaient aux spectacles, etc. Auparavant l'un d'eux restait ordinairement à Rome, à la tête du sénat et des affaires politiques ; l'autre commandait les armées ; leur magistrature étant de peu de durée, et chacun se proposant de fixer la mémoire de son année par quelque chose d'important, on vit et l'on dut voir par ce seul moyen les édifices somptueux, les actions les plus éclatantes, les lois les plus sages, les entreprises les plus grandes, les monuments les plus importants se multiplier à l'infini : telle fut la source de la splendeur du peuple Romain dans Rome, la jalousie du peuple et l'inquiétude de ses maîtres qui, pour n'en être pas dévorés au-dedans, étaient obligés de le lâcher au-dehors sur des ennemis qu'ils lui présentaient sans cesse, furent la source de ses guerres, de ses triomphes, et de sa puissance prodigieuse au-dehors. Après l'année du consulat, le consul faisait une harangue aux rostres ; il jurait avoir rempli fidèlement ses fonctions ; lorsque le peuple en était mécontent, il lui interdisait ce serment ; et Cicéron, nonobstant tout le bruit qu'il fit de son consulat, essuya cette injure publique. On passait communément du consulat à la dignité de proconsul et à un gouvernement de province. Les gouvernements se tiraient au sort, à moins que les consuls ne prissent entr'eux des arrangements particuliers, ce qui s'appelait par are cum collega ou comparare. C'est-là qu'ils se dédommageaient des dépenses qu'ils avaient faites pendant leur consulat. Les pauvres provinces pillées, désolées, payaient tout ; et tel Romain s'était illustré à la tête des affaires, qui allait se déshonorer en Asie, ou ailleurs, par des concussions épouventables. La création et succession des consuls sont dans la chronologie des époques très-sures. On a Ve plus haut ce que c'était que l'état du consul désigné. Il y eut sous Jules César des consuls honoraires, consul honorarius : c'étaient quelques particuliers qu'il plaisait à l'empereur d'illustrer, de ces gens qui croyaient sottement qu'il dépendait d'un homme d'en faire un autre grand, en lui disant : sois grand, car telle est ma volonté. L'empereur leur conférait les marques et le rang de la dignité consulaire. Ces titulaires sont bien dignes d'avoir pour instituteur un tyran. La race en fut perpétuée par les successeurs de Jules César. Celui des deux consuls qui était de service, et devant qui l'on portait les faisceaux, dans le temps où on les distinguait en les faisant porter devant ou derrière, s'appelait consul major. Il y en a qui prétendent que l'épithète de major a une autre origine, et qu'on la donna à celui qui avait été le premier désigné. Le consul qui entrait en charge le premier Janvier s'appela consul ordinarius, pour le distinguer de celui qui entrait dans le courant de l'année. Lorsqu'un des deux consuls ordinaires venait à mourir ou à être déposé, on l'appelait suffectus. Il y en eut sous l'empereur Commode jusqu'à vingt-cinq dans la même année : c'était une petite manœuvre par laquelle on parvenait à s'attacher beaucoup de gens qui faisaient assez de cas de cet éclat d'emprunt, et assez peu d'eux-mêmes pour se vendre à ce prix.

CONSUL, (Jurisprudence) est un titre commun à plusieurs sortes d'officiers de justice : tels que les consuls de la nation Française dans les pays étrangers, et les consuls des nations étrangères dans les pays de la domination de France ; les consuls des villes, et les consuls des marchands. (A)

CONSULS DES COMMUNAUTES D'ARTS ET METIERS, est le titre que prennent en certains lieux les syndics et officiers de ces communautés. Il y en a quelques-unes dans le Languedoc qui ont leurs consuls comme les villes. Il est parlé des consuls des tailleurs de Montpellier dans des lettres du roi Jean du 22 Janvier 1351. Voyez ci-après CONSULS DES VILLES ET BOURGS. (A)

CONSULS DES MARCHANDS, qu'on appelle aussi les juge et consuls et plus communément les consuls simplement, sont des marchands et négociants faisant actuellement commerce, ou qui l'ont fait précédemment ; lesquels sont choisis pour faire pendant un an la fonction de juges dans une juridiction consulaire, et y connaître dans leur ressort de toutes les contestations entre marchands et négociants pour les affaires qui ont rapport au commerce.

Quelquefois par le terme de consuls on entend la juridiction même que ces juges exercent, quelquefois aussi le lieu où ils tiennent leurs séances.

On trouve dans l'antiquité des vestiges de semblables juridictions.

Les Grecs avaient entr'eux certains juges qu'ils appelaient , jus dicentes nautis, qui se transportaient eux-mêmes sur le port, entraient dans les navires, entendaient les différends des particuliers, et les terminaient sur le champ sans aucune procédure ni formalité, afin que le commerce ne fût point retardé.

Demosthene dans son oraison , et encore en celle qu'il fit contre Phormion, fait mention de certains juges institués seulement pour juger les causes des marchands ; ce qui prouve qu'il y avait des espèces de juges consulaires à Athènes et à Rome.

Il y avait à Rome plusieurs corps de métier, tels que les bouchers, les boulangers, et autres semblables, qui avaient chacun leurs jurés appelés primates professionum, qui étaient juges des différends entre les gens de leur corps auxquels il n'était pas permis de décliner leur juridiction ; ainsi qu'il est dit dans la loi VIIe au code de juridictione omnium judicum : et dans la loi première, au titre de monopoliis.

Cet usage de déférer le jugement des affaires de chaque profession à des gens qui en sont, est fondé sur ce principe que Valere Maxime pose, liv. VIII. chap. XIe que sur chaque art il faut s'en rapporter à ceux qui y sont experts, plutôt qu'à toute autre personne : artis suae quibusque peritis de eadem arte potius quam cuipiam credendum. Ce qui est aussi conforme à plusieurs textes de droit.

En France les marchands, négociants, et les gens d'arts et métiers, n'ont eu pendant longtemps d'autres juges que les juges ordinaires, même pour les affaires de leur profession.

La première confrairie de marchands qui s'établit à Paris, fut celle des marchands fréquentants la rivière ; ils avaient un prevôt qui réglait leurs différends ; les échevins de Paris mirent à leur tête ce prevôt, qu'on appelait alors le prevôt de la marchandise de l'eau, et que l'on a depuis appelé simplement le prevôt des marchands : mais cet officier ni les échevins n'ont jamais été juges de tous les marchands de Paris ; ils n'ont de juridiction que sur les marchands fréquentants la rivière.

Les jurés et gardes des communautés de marchands et des arts et métiers, n'ont sur les membres de leur communauté qu'une simple inspection sans juridiction.

Le juge conservateur des privilèges des foires de Brie et de Champagne, auquel a succédé le juge conservateur des foires de Lyon, et les autres conservateurs des foires établis à l'instar de ceux-ci en différentes villes, n'ayant droit de connaître que des privilèges des foires, les autres affaires de commerce qui n'étaient faites en temps de foire, étaient toujours de la compétence des juges ordinaires jusqu'à ce qu'on ait établi des juridictions consulaires.

La plus ancienne de ces juridictions est celle de Toulouse, qui fut établie par édit du mois de Juillet 1549.

On prétend que les chambres de commerce de Marseille et de Rouen étaient aussi établies avant celle de Paris.

Ce qui donna lieu à l'établissement de celle-ci, fut que Charles IX. ayant assisté en la grand-chambre du parlement, au jugement d'un procès entre deux marchands que l'on renvoya sans dépens, après avoir consumé la meilleure partie de leur bien à la poursuite de ce procès pendant dix ou douze années, le roi fut si touché de cet inconvénient par rapport au commerce, qu'il résolut d'établir des tribunaux dans toutes les principales villes, où les différends entre marchands se videraient sans frais. Et en effet, par édit du mois de Novembre 1563, il établit d'abord à Paris une juridiction composée d'un juge et de quatre consuls, qui seraient choisis entre les marchands.

Il en créa dans la même année et dans les deux suivantes dans les plus grandes villes, comme à Rouen, Bordeaux, Tours, Orléans, et autres.

Par un édit de 1566, on en créa dans toutes les villes où il y avait grand nombre de marchands.

Aux états de Blais les députés du tiers état firent des plaintes sur ce nombre excessif de juridictions consulaires, et en demandèrent la suppression ; ce qui ne leur fut pas pleinement accordé. Mais par l'article 239 de l'ordonnance qui fut faite dans ces états, il fut ordonné qu'il n'y aurait plus de consuls que dans les villes principales et capitales des provinces, dans lesquelles il y a un commerce considérable ; ce qui fut encore depuis restreint aux villes où le roi a seul la police, par arrêt rendu aux grands jours de Clermont le 19 Novembre 1582.

Il y a cependant eu depuis plusieurs créations de juridictions consulaires en différentes villes, et notamment en 1710 et 1711. On en donnera le dénombrement à la fin de cet article.

Toutes ces justices consulaires sont royales de même que les justices royales ordinaires, et elles sont toutes réglées à l'instar de celle de Paris, suivant l'article 1, du titre 12. de l'ordonnance du commerce, qui a déclaré l'édit de 1563 et tous autres concernant les consuls de Paris, dû.ent registrés au parlement, communs pour tous les sièges des consuls.

A Paris et dans plusieurs autres villes elles sont composées d'un juge et de quatre consuls ; dans plusieurs autres villes, il n'y a qu'un juge et deux consuls.

Le juge est proprement le premier consul, ou pour mieux dire il est le juge, c'est-à-dire le chef du tribunal, et les consuls sont ses conseillers ; on l'appelle vulgairement grand juge-consul, pour le distinguer des autres consuls : mais les ordonnances ne lui donnent d'autre titre que celui de juge.

A Toulouse, à Rouen, et dans quelques autres villes, on les nomme prieur et consul.

A Bourges, le juge est nommé prevôt.

La conservation de Lyon qui comprend la juridiction consulaire, a pour chef le prevôt des marchands qui y siège, avec les échevins et plusieurs autres assesseurs qui y font la fonction de consuls.

Les juge et consuls siègent en robe et avec le rabat. La véritable robe consulaire n'est proprement qu'un manteau. A Paris depuis quelques années, les juge et consuls portent une robe comme celle des gens de palais.

Il y a dans chaque juridiction consulaire un greffier en titre d'office, et plusieurs huissiers. A Paris les huissiers du châtelet font les significations, concurremment avec les huissiers des consuls.

Le première élection des juge et consuls à Paris en 1563, fut faite par les prevôt des marchands et échevins, qui assemblèrent à cet effet cent notables bourgeois, avec lesquels ils procédèrent à l'élection.

La charge ou fonction du juge et des consuls ne dure qu'un an, soit à Paris ou dans toutes les autres villes où il y a une juridiction consulaire.

Trais jours avant la fin de leur année, les juges et consuls font assembler soixante marchands bourgeois de Paris, qui en élisent trente d'entr'eux, dont quatre sont choisis pour scrutateurs ; et ces trente marchands élus, sans partir du lieu et sans discontinuer, procedent à l'instant avec les juges et consuls, à l'élection des cinq nouveaux juge et consuls.

A Toulouse et à Bordeaux, ces élections se font avec des formalités particulières, qui sont détaillées dans le dictionnaire de commerce, tom. II, pag. 601, et suiv.

Quatre qualités sont nécessaires pour être juge et consul à Paris, et de même dans plusieurs autres villes ; il faut être actuellement marchand, ou l'avoir été ; être natif et originaire du royaume ; être demeurant dans la ville où se tient la juridiction.

Le juge-consul doit avoir au moins quarante ans, et les autres consuls vingt-sept ans, à peine de nullité de leur élection.

On choisit le juge dans le collège des anciens consuls, en suivant cependant l'ordre du tableau. Ce juge est presque toujours de l'un des huit corps ou communautés, dont les officiers sont électeurs de droit.

Les consuls qui doivent juger avec lui ne peuvent être du même commerce, suivant la déclaration du mois de Mars 1728, qui ordonne expressément que tant le juge et les quatre consuls seront tous de commerce différents, au moyen de quoi des cinq places il y en a deux à remplir alternativement par des marchands du corps de la Pelleterie, Orfèvrerie, Bonnetterie, Librairie, et par des Marchands de vin ; les trois autres places sont presque toujours remplies par la Draperie, l'Epicerie, l'Apothicairerie, et la Mercerie.

Les nouveaux juge et consuls sont présentés par les anciens pour prêter serment. A Paris, ils le pretent en la grand-chambre du parlement. Ceux des autres villes du ressort pretent le serment au bailliage ou sénéchaussée du lieu où ils sont établis.

En cas de mort du juge ou de quelqu'un des consuls pendant leur année, on en élit un autre.

Ceux qui sont élus ne peuvent se dispenser d'accepter cette charge sans cause légitime, et ils peuvent y être contraints, de même que pour les autres charges publiques.

Si quelqu'un d'eux est obligé de s'absenter pour longtemps ; il doit en avertir le consulat, demander son congé, et il doit être remplacé par un des anciens.

Ils ne peuvent être destitués du consulat que pour cause d'infamie, ou pour d'autres causes graves.

Les consuls de Paris ont d'abord tenu leur séance en la salle de la maison abbatiale de saint Magloire, qui était alors rue saint-Denis : mais leur auditoire fut transféré quelques années après au cloitre saint Mery, où il est présentement. Ils donnent audience trois fois la semaine de matin et de relevée, et sont dans l'usage de ne point désemparer le siège, qu'ils n'aient expédié toutes les causes qui se présentent ; tellement qu'il leur arrive souvent de tenir l'audience jusqu'à minuit. On compte quelquefois jusqu'à 56 mille sentences rendues aux consuls de Paris dans une même année.

Il est défendu aux juge et consuls de prendre aucunes épices, don, ni autre chose des parties directement ni indirectement, sous peine de concussion : le greffier a seulement un sou de chaque rôle des sentences.

Les parties assignées doivent comparaitre en personne à la première assignation pour être ouies par leur bouche, si elles n'ont point d'excuse légitime de maladie ou absence, auxquels cas elles doivent envoyer leurs réponses par écrit signées de leur main propre, ou au cas de maladie signées d'un de leurs parents, voisins, ou amis, ayant de ce charge et procuration spéciale, dont il doit justifier à la première assignation : le tout sans aucun ministère d'avocat ni de procureur.

Il n'y a point de procureurs en titre ni par commission aux consuls, chacun y peut plaider sa cause ; ceux qui ne peuvent comparaitre, ou qui n'ont pas assez de capacité pour défendre leurs droits, peuvent commettre qui bon leur semble : de-là vient que dans plusieurs juridictions consulaires il y a des praticiens versés dans les affaires de commerce, qui s'adonnent à plaider les causes. Ils sont avoués du juge et des consuls pour ce ministère ; c'est pourquoi on les appelle improprement postulants et même procureurs des consuls : mais ils sont sans titre, et n'ont d'autre retribution que celle qui leur est donnée volontairement par les parties.

Si la demande n'est pas en état d'être jugée sur la première assignation, les consuls peuvent ordonner que ceux qui n'ont pas comparu seront réassignés, suivant l'arrêt du conseil du 24 Décembre 1668 ; usage qui est particulier à ces juridictions.

Quand les parties sont contraires en faits, les consuls doivent leur donner un délai préfixe à la première comparution, pour produire leurs témoins, lesquels sont ouis sommairement en l'audience ; et sur leur déposition le différend est jugé sur le champ, si faire se peut.

Les consuls ne peuvent accorder qu'un seul délai, selon la distance des lieux et qualité de la matière, pour produire les pièces et témoins.

Il est d'usage dans les juridictions consulaires d'admettre la preuve par témoins pour toutes sortes de sommes, même au-dessus de 100 livres, quand il n'y en aurait pas de commencement de preuve par écrit ; cette exception étant autorisée par l'ordonnance de 1677, en faveur de la bonne foi qui doit être l'âme du commerce.

Les consuls peuvent juger au nombre de trois ; ils peuvent appeler avec eux tel nombre de personnes de conseil qu'ils aviseront, si la matière y est sujette, et qu'ils en soient requis par les parties.

Les matières de leur compétence sont,

1°. Tous billets de change faits entre marchands et négociants, dont ils doivent la valeur.

2°. Ils connaissent entre toutes personnes des lettres-de-change ou remises d'argent faites de place en place, parce que c'est une espèce de trafic qui rend celui qui tire ou endosse une lettre-de-change justiciable des consuls.

Cependant si celui qui a endossé une lettre-de-change était connu notoirement pour n'être point marchand ni de qualité à faire commerce, et qu'il parut que l'on n'a pris ce détour que pour avoir contre lui la contrainte par corps ; en ce cas le parlement reçoit quelquefois le débiteur appelant comme de juge incompétent des sentences des consuls : ce qui dépend des circonstances.

3°. Les consuls connaissent de tous différends pour ventes faites, soit entre marchands de même profession pour revendre en gros ou en détail, soit à des marchands de quelque autre profession, artisans ou gens de métier, afin de revendre ou de travailler de leur profession ; comme à des tailleurs d'habits, pour des étoffes, passements, et autres fournitures ; boulangers et pâtissiers, pour blé et farine ; à des maçons, pour pierre, moilon, plâtre, chaux, etc. à des charpentiers, menuisiers, charrons, tonneliers, et tourneurs, pour des bois ; à des serruriers, maréchaux, taillandiers, armuriers, pour du fer ; à des plombiers, fontainiers, pour du plomb ; et autres semblables.

Les marchands qui ont cessé de faire commerce ne laissent pas d'être toujours justiciables des consuls pour les négociations qu'ils ont faites par le passé.

Toutes personnes qui font commerce, c'est-à-dire qui achetent pour revendre, deviennent à cet égard justiciables des consuls, quand même ce seraient des ecclésiastiques, ou autres privilégiés ; parce qu'en trafiquant ils renoncent à leur privilège.

4°. Les femmes marchandes publiques de leur chef, et les veuves qui continuent le commerce de leurs maris, sont aussi justiciables des consuls pour raison de leur commerce.

Les héritiers des marchands et artisans qui ne sont pas de leur chef justiciables des consuls, ne sont pas tenus d'y procéder comme héritiers, à moins que ce ne fût en reprise d'une instance qui y était pendante avec le défunt.

5°. Les consuls connaissent des gages, salaires, pensions des commissionnaires, facteurs, ou serviteurs des marchands, pour le fait du trafic seulement.

6°. Du commerce fait pendant les foires tenues dans le lieu de leur établissement, à moins qu'il n'y ait dans le lieu un juge-conservateur des privilèges des foires, auquel la connaissance de ces contestations soit attribuée.

7°. Ils peuvent connaître de l'exécution des lettres patentes du Roi, lorsqu'elles sont incidentes aux affaires de leur compétence, pourvu qu'il ne soit pas question de l'état et qualité des personnes.

8°. Les gens d'église, gentilshommes, bourgeois, laboureurs, vignerons, et autres, qui vendent les grains, vins, bestiaux, et autres denrées provenant de leur cru, ne sont pas pour cela justiciables des consuls ; mais il est à leur choix de faire assigner les acheteurs devant les juges ordinaires, ou devant les consuls du lieu, si la vente a été faite à des marchands et artisans faisant profession de revendre.

Les consuls ne peuvent connaître des contestations pour nourriture, entretien, et ameublement, même entre marchands, si ce n'est qu'ils en fassent profession.

Ils ne peuvent pareillement connaître des inscriptions de faux incidentes aux instances pendantes devant eux ; ce sont les juges ordinaires qui en doivent connaître.

Lorsqu'il y a procès-verbal de rebellion à l'exécution des sentences des consuls, il faut se pourvoir en la justice ordinaire pour faire informer et décréter.

Les sentences des consuls ne s'expédient qu'en papier timbré, et non en parchemin.

Elles peuvent être exécutées par saisie de biens meubles et immeubles ; mais si on passe outre aux criées, il faut se pourvoir devant le juge ordinaire.

Elles emportent aussi la contrainte par corps pour l'exécution des condamnations qui y sont prononcées.

Quand la condamnation n'excède pas 500 livres, elles sont exécutoires, nonobstant opposition ou appelation quelconque. Celles qui excédent 500 liv. à quelque somme qu'elles montent, sont exécutoires par provision en donnant caution.

Il est défendu à tous juges d'entreprendre sur la juridiction des consuls, et d'empêcher l'exécution de leurs sentences.

Les appelations qui en sont interjetées vont directement à la grand-chambre du parlement, lequel n'accorde point de défenses contre ces sentences ; et lorsque la condamnation n'excède pas 500 livres, le parlement déclare l'appelant non-recevable en son appel.

Lorsque l'appel d'une sentence des consuls est interjeté comme de juge incompétent, la cause se plaide devant un des avocats généraux ; si l'appel est interjeté tant comme de juge incompétent qu'autrement, la cause est plaidée en la grand-chambre ; et en l'un et en l'autre cas si les consuls sont trouvés incompétens, on déclare la procédure nulle.

On n'accorde point de lettres de répi contre les sentences des consuls.

Il y a présentement soixante-sept juridictions consulaires dans le royaume. En voici la liste par ordre alphabétique, avec la date de leur création, autant qu'on a pu la recouvrer.

Voyez le recueil des règlements concernant les consuls, et les institutes du droit consulaire, par Toubeau ; le praticien des consuls. (A)

CONSULS FRANÇOIS DANS LES PAYS ETRANGERS, sont des officiers du Roi établis en vertu de commission ou de lettres de provisions de S. M. dans les villes et ports d'Espagne, d'Italie, de Portugal, du Nord, dans les Echelles du Levant et de Barbarie, sur les côtes d'Afrique, et autres pays étrangers où il se fait un commerce considérable.

La fonction de ces consuls est de maintenir dans leur département les privilèges de la nation Française, suivant les capitulations qui ont été faites avec le souverain du pays ; d'avoir inspection et juridiction, tant au civil qu'au criminel, sur tous les sujets de la nation Française qui se trouvent dans leur département, et singulièrement sur le commerce et les négociants.

Ces sortes de commissions ne s'accordent qu'à des personnes âgées de trente ans.

Ceux qui sont nommés consuls, doivent avant de partir prêter serment et faire enregistrer leurs provisions dans l'amirauté la plus prochaine de leur consulat, et les faire aussi enregistrer en la chambre du commerce, s'il y en a une de ce côté.

En arrivant dans le lieu de son consulat, il doit faire publier ses provisions en l'assemblée des marchands François qui se trouvent dans le lieu, et les faire enregistrer en la chancellerie du consulat.

Lorsqu'il s'agit d'affaires générales du commerce et de la nation, il doit convoquer tous les marchands, capitaines, et patrons des vaisseaux François qui sont sur les lieux ; et toutes ces personnes sont obligées d'y assister, sous peine d'amende arbitraire applicable au rachat des captifs. Sur les résolutions prises dans ces assemblées, le consul donne des mandements, qui doivent être exécutés, et dont il envoye tous les trois mois des copies au lieutenant général de l'amirauté la plus prochaine, et en la chambre du commerce aussi la plus prochaine.

La juridiction de ces consuls embrasse plusieurs objets ; car non-seulement elle tient lieu d'amirauté dans le pays et de juridiction consulaire, mais même de justice ordinaire.

Les jugements du consulat doivent être exécutés par provision en matière civile, en donnant caution, à quelque somme que la condamnation se monte ; en matière criminelle, définitivement et sans appel, lorsqu'il n'y écheait point de peine afflictive, pourvu qu'ils soient rendus avec deux députés de la nation, ou à leur défaut, avec deux des principaux négociants Français, suivant la déclaration du Roi du 25 Mai 1722. Quand il y écheait peine afflictive, le consul doit instruire le procès, et l'envoyer avec l'accusé par le premier vaisseau Français, pour être jugé par les officiers de l'amirauté du premier port où le vaisseau doit faire sa décharge.

Le consul peut aussi faire sortir du lieu de son établissement les François qui y tiendraient une conduite scandaleuse, suivant l'art. 15. du tit. IXe de l'ordonnance de 1681, qui enjoint aussi à tout capitaine et maître de vaisseau de les embarquer sur les ordres du consul, à peine de 500 liv. d'amende applicable au rachat des captifs.

L'appel des consuls des Echelles du Levant et des côtes d'Afrique et de Barbarie, se relève au parlement d'Aix ; l'appel des autres consulats est porté au parlement le plus prochain.

Si le consul a quelque différend avec les négociants du lieu, les parties doivent se pourvoir en l'amirauté la plus prochaine, suivant l'art. 19. du tit. IXe de l'ordonnance de 1681.

Il y a dans quelques-unes des échelles du Levant et de Barbarie un vice-consul, pour faire les fonctions du consulat dans les endroits où le consul ne peut être en personne.

Le consul a sous lui une espèce de greffier qu'on nomme chancelier ; et la chancellerie est le dépôt des actes ou archives du consulat. Voyez CHANCELIER et CHANCELLERIE.

Il nomme aussi des huissiers et sergens pour l'exécution de ses mandements, et leur fait prêter serment.

Il y a diverses ordonnances du Roi qui ont attribué aux consuls différents droits sur les marchandises qui se négocient par ceux de leur nation.

Voici l'état des CONSULATS DE FRANCE.

Quand la France est en guerre avec les puissances des lieux où sont établis ces consuls, et que le commerce est interrompu, les consuls sont obligés de se retirer en France.

Il y avait aussi autrefois un consul de France en Hollande, et les Hollandais en avaient un en France ; mais il n'y en a plus de part ni d'autre depuis le traité de commerce et de navigation conclu entre ces deux puissances en 1697.

La plupart des autres puissances ont aussi des consuls de leur nation à-peu-près dans les mêmes lieux, surtout les Anglais et les Hollandais. On distingue ordinairement ces consuls par le nom de leur nation. Par exemple, on dit le consul de la nation Française à Smyrne ; le consul de la nation Anglaise à Alep. Voyez le tit. IXe de l'ordonn. de 1681. (A)

CONSULS DES VILLES ET BOURGS, sont des officiers municipaux choisis d'entre les bourgeois du lieu, pour administrer les affaires communes. Leur fonction est la même que celle des échevins. Dans le Languedoc on les appelle consuls ; à Bordeaux, jurats ; à Toulouse, capitouls ; et ailleurs, échevins.

Ce nom de consuls parait avoir été imité de celui des consuls Romains, qui avaient le gouvernement des affaires publiques : mais le pouvoir des consuls des villes n'est pas à beaucoup près si étendu.

On peut aussi leur avoir donné ce nom, pour dire qu'ils sont conseillers des villes. (A)