S. m. concilium, (Histoire ancienne) assemblée publique chez les Romains, où il ne se trouvait aucun patricien : elle était tenue et convoquée par les tribuns du peuple ; s'il s'y trouvait quelques patriciens, l'assemblée s'appelait comice. Voyez COMICE. Les auteurs ont souvent confondu les comices avec les conciles.

CONCILE, (Histoire ecclés. et Jurisprudence canoniq.) Le concîle est une assemblée de prélats catholiques, convoquée pour décider les questions de foi, ou régler ce qui concerne la discipline. Nous le définissons une assemblée de prélats, parce que suivant la discipline moderne, les simples prêtres n'ont point séance ni droit de suffrage dans les conciles. A l'égard des premiers siècles de l'Eglise, quelques-uns pensent que non-seulement les évêques, mais même les prêtres et les diacres y étaient admis ; et il faut convenir que plusieurs textes leur sont favorables. Nous voyons dans le concîle de Jérusalem, le plus ancien de tous, et dans lequel on décida la fameuse question qui s'était élevée à Antioche sur l'observation des cérémonies légales ; nous voyons, dis-je, que les prêtres y prirent séance avec les apôtres ; convenerunt apostoli et seniores videre de verbo hoc, disent les actes des apôtres, c. XVe ver. 6. Le mot latin seniores, et le mot grec , ne signifient point autre chose que les prêtres. Au verset 22 du même chapitre, où l'on conclud d'envoyer à Antioche avec Paul et Barnabé, deux hommes choisis et des premiers d'entre les frères, Barsabas et Silas, et où on les charge d'une lettre qui contient la décision du concile, cette résolution parait être également l'avis des prêtres comme celui des évêques ; tunc placuit apostolis et senioribus, etc. Suivant même le texte grec, la lettre est conçue au nom des apôtres, des prêtres, et de tous les frères : . Il y a lieu de croire pareillement qu'au concîle de Nicée les prêtres et les diacres prirent séance avec les évêques ; et que dans le nombre des trois cent dix-huit pères dont ce concîle fut composé, on ne doit compter que deux cent cinquante évêques, en sorte que les autres étaient des prêtres et des diacres. En effet Eusebe, vie de Constantin, liv. III. ch. VIIIe dit qu'il y eut à ce concîle plus de deux cent cinquante évêques et un nombre considérable de prêtres, de diacres, d'acolytes et autres. Le témoignage d'Eustathe rapporté par Théodoret, liv. I. de son hist. eccl. chap. VIIIe vient à l'appui de celui d'Eusebe. Eustathe prétend que plus de 270 évêques se trouvèrent au concîle de Nicée. Or Eusebe de Césarée et Eustathe d'Antioche sont des témoins oculaires. L'opinion néanmoins la plus générale, est que les évêques étaient au nombre de trois cent dix-huit, rassemblés de toutes les provinces de l'Empire. Voyez Socrate, liv. I. chap. Ve Théodoret liv. I. chap. VIIe Athanase dans sa lettre à l'empereur Jovien ; Epiphane, hérésie lxjx. Rufin, liv. I. ch. j. Et si dans les actes qui nous restent de ce concile, nous ne trouvons pas ce nombre d'évêques par les souscriptions, il faut l'attribuer à l'injure des temps. Mais quoi qu'il en sait, ceux qui veulent que les prêtres et les diacres ont eu anciennement droit de suffrage conjointement avec les évêques, se fondent sur ce que ces différents auteurs font mention qu'Athanase, pour lors diacre d'Alexandre, patriarche d'Alexandrie, assista au concîle et y soutint tout le poids des affaires ; que Vite et Vincent, simples prêtres, y représentèrent le pape Sylvestre ; d'où ils concluent en général que les prêtres et les diacres y prirent séance, et y souscrivirent. Ils s'autorisent encore d'un endroit des actes du concîle d'Aquilée tenu en l'année 381. S. Valérien d'Aquilée tenait le premier rang dans ce concile, et S. Ambraise en était l'âme : celui-ci interrogeant le prêtre Attale, lui demanda s'il avait souscrit au concîle de Nicée ; mais Attale qui favorisait la cause de Pallade et des Ariens, gardant le silence, saint Ambraise insista en ces termes : Attalus presbyter, licet inter Arianos sit, tamen habet autoritatem loquendi ; profiteatur utrum subscripserit tractatu concilii sub episcopo suo Aggrippino, an non ; tom. II. des conciles, pag. 979. et suiv. Ces paroles, disent-ils, annoncent clairement que les simples prêtres avaient le droit de parler dans les conciles, et pouvaient souscrire aux actes qu'on y dressait. Ils tirent un nouvel avantage de ce qu'Eusebe, liv. VII. ch. xxjx. et xxxjx. dit qu'on tint à Antioche un concîle contre Paul de Samosate ; que Malchion qui, de préfet de l'école d'Antioche, avait été promu à l'ordre de prêtrise à cause de la pureté de sa foi, et qui d'ailleurs était fort savant et grand philosophe, convainquit l'hérésiarque, découvrit ses artifices, et manifesta malgré lui ses sentiments. Or il parait que dans ce concile, les prêtres opinèrent aussi-bien que les évêques, si l'on fait attention à l'inscription de la lettre synodale adressée aux autres églises après la condamnation des dogmes impies de Paul. Eusebe nous a conservé cette lettre, dont voici l'inscription : Dionisio et Maximo, et omnibus per universum orbem comministris nostris, episcopis, presbyteris, et ecclesiae quae sub coelo est, Helenus et Hymaeneus, Theophylus, etc. et reliqui omnes qui nobiscum sunt vicinarum urbium et provinciarum episcopi, presbyteri ac diaconi, et ecclesiae Dei ; carissimis fratribus in Domino salutem. Enfin, pour dernière preuve de ce qu'ils avancent, ils font valoir l'autorité que Louis Aleman, vulgairement appelé le cardinal d'Arles, emploie dans la harangue qu'il prononça au concîle de Bâle, pour réfuter Panorme et Louis Romain qui soutenaient l'opinion contraire, et du témoignage que cet illustre prélat rend en cette occasion sur un fait qui lui est personnel. L'autorité qu'il emploie est celle de S. Augustin in tractatu 5°. in Joan. cap. XIIe Suivant ce saint docteur, les clés ont été données en la personne de S. Pierre à toute l'Eglise, et par conséquent aux évêques et aux prêtres ; de-là ce cardinal infère que les prêtres font partie du concile, quoiqu'il soit principalement composé d'évêques. Ensuite il ajoute que pour lui il s'est trouvé et a donné sa voix au concîle de Constance, dans le temps qu'il n'était que docteur et simple prêtre, et que les conciles précédents fournissent d'autres exemples de ce genre. Cela s'accorde parfaitement avec le système du célèbre Gerson chancelier de l'université de Paris, d'Almain professeur en Théologie à Navarre, et de Simon Vigor conseiller au grand conseil, qui pensent que les prélats du second ordre, c'est-à-dire les curés, doivent avoir dans le concîle voix décisive. Voyez Gerson, de origine juris et legum ; Almain, de supremâ potestate ecclesiae ; et Vigor, de statu et regimine ecclesiae, liv. IV. cap. ult. Cependant M. Doujat, homme versé dans les matières du droit canon, est d'un sentiment opposé ; il prétend que les évêques jouissent seuls de la prérogative de donner leurs suffrages, tant aux conciles oecuméniques que nationaux et provinciaux ; et que si quelquefois dans les anciens conciles il est fait mention de prêtres et de clercs, ou d'abbés et autres personnes religieuses dans ceux qui sont plus récens, tels que les conciles de Latran, on doit entendre simplement qu'ils étaient consultés, et non pas qu'ils aient eu voix. Praenot. can. lib. II. cap. j. Il s'appuie principalement sur ces paroles du concîle de Chalcédoine, synodus episcoporum est, non clericorum ; superfluos foras mittite. Action j. t. IV. des conc. p. 111. Mais on réplique que ces paroles ne sont autre chose que les clameurs qu'excitèrent dans le concîle les évêques d'Egypte. Ils étaient du parti de Dioscore qui avait tenu le faux concîle d'Ephese contre Flavien de Constantinople. Ces évêques voyant que Dioscore était sur le point d'être condamné, et que les clercs qui avaient assisté au faux concîle d'Ephese s'excusaient d'y avoir souscrit sur les menaces et la violence qu'on leur avait faites, demandèrent à grands cris et en se servant de ces paroles, qu'on chassât les clercs du concile. Ils ajoutaient pour raison, que l'empereur n'avait mandé que les évêques, ibid. pag. 115. mais ils ne furent point écoutés, et les clercs ne sortirent point. Cette réponse est celle que fit autrefois le cardinal d'Arles à l'objection qu'on tire de ce passage, dans la harangue citée ci-dessus. Enée Sylvius, depuis le pape Pie II. l'a rapportée toute entière, liv. I. des mém. sur ce qui s'est passé au concîle de Bâle. Cette harangue est d'une éloquence mâle, et mérite d'être lue. Nous avouerons ici de bonne foi que l'éloignement des temps jette sur cette matière une grande obscurité : si d'un côté on cite des exemples de simples prêtres qui ont souscrit aux conciles, et même ont opiné comme membres de l'assemblée ; d'un autre côté on peut dire 1°. que la souscription toute seule n'est pas une preuve qu'on ait eu la qualité de juge dans le concile, mais uniquement une marque de soumission et d'acquiescement à ses décisions : 2°. que même dans les cas où il est manifeste que des prêtres et des diacres ont donné leurs voix, ce sont des exceptions du droit commun, fondées vraisemblablement sur ce qu'ils étaient des représentants, soit du pape, comme dans le concîle de Nicée, soit des évêques. C'est ainsi que les Théologiens, pour la plupart, expliquent les divers passages qu'on allegue en faveur des prêtres et autres clercs. Au reste, nous nous abstiendrons de prononcer sur ces difficultés, qui ne regardent, comme nous l'avons déjà observé, que les premiers siècles de l'Eglise, la discipline des temps postérieurs étant certaine. Nous allons maintenant examiner l'origine des conciles, nous passerons ensuite à leurs divisions, et nous développerons les principes de chacun d'eux en particulier.

Isidore, dans le premier canon de la distinction dix-septième du decret de Gratien, fait remonter l'origine des conciles au temps de Constantin. Avant lui, dit-il, pendant le cours des persécutions on n'avait pas la liberté d'instruire les peuples ; c'est ce qui donna lieu aux diverses sectes d'hérétiques qui s'élevèrent parmi les Chrétiens. Pour remédier à ces désordres, Constantin accorda aux évêques la permission de s'assembler. On célebra différents conciles, dont le plus remarquable est celui de Nicée, où l'on dressa un second symbole, à l'imitation des apôtres. Il faut avouer néanmoins qu'avant ce concîle il s'en était déjà tenu plusieurs nationaux, par exemple en Afrique du temps de S. Cyprien, et d'autres particuliers, tels que celui d'Elvire au commencement du IVe siècle, et celui d'Icone en l'an 251. Ainsi ce que dit Isidore doit s'appliquer aux conciles généraux. En effet si vous en exceptez celui de Jérusalem, du temps des apôtres, le premier concîle général est celui de Nicée, célebré dans un temps où la paix fut rendue à l'Eglise, et où elle se vit à l'abri des persécutions des Payens. Mais quoique les conciles, et principalement ceux qui sont généraux, ne remontent de fait qu'au temps où les prélats ont pu s'assembler et traiter ouvertement de la foi et de la discipline, il n'en est pas moins vrai qu'ils prennent leur source dans la nature même de l'Eglise. Le corps de l'Eglise composé de plusieurs membres, est lié par la charité et la communion des Saints. J. C. lui-même est la base de cette union, et le Saint-Esprit y coopere, épitre première aux Corinth. ch. XIIe Et dans l'épitre aux Ephésiens, ch. Ve il est dit que J. C. est le chef et l'époux de l'Eglise, dont il est le sauveur ; qu'il a aimé l'Eglise, et s'est livré à la mort pour elle ; qu'il l'a fait paraitre devant lui pleine de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais étant sainte et irrépréhensible ; qu'il la nourrit et l'entretient, parce que nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os. Ce langage de l'apôtre est conforme à celui de J. C. dans S. Matthieu, ch. XVe vers. 18. où après avoir donné les clés à ses disciples, c'est-à-dire la puissance de lier et de délier, il leur adresse ces paroles : Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram, de omni re quamcumque petierint, fiet illis à patre meo qui est in coelis ; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum. Et dans S. Jean, chap. XVIIe après avoir prié son père pour les apôtres, il le prie encore pour ceux qui doivent croire en lui par leur parole ; et il ajoute, vers. 23. Ego in eis, et tu in me, ut sint consummati in unum. Or l'Eglise a toujours cru qu'elle ne pouvait jamais mieux représenter cette unité, et n'avait point de moyen plus efficace pour l'affermir, pour conserver la communion de la foi lorsque les impies s'efforcent d'y porter atteinte, que de rassembler les évêques envoyés par Jesus-Christ en la personne des apôtres, pour apprendre aux nations la parole de la foi qui leur a été transmise. Ce sont eux qui sont les dépositaires de la promesse qu'il a faite d'être avec son Eglise jusqu'à la consommation des siècles, d'empêcher que les portes de l'enfer ne prévalent jamais contre elle ; S. Matthieu, ch. XVIe vers. 18. ch. xxviij. vers. 20. Aussi voyons-nous que le cardinal Bellarmin, lib. I. de conciliis et ecclesiâ, cap. IIe fonde la nécessité des conciles. 1°. sur ces paroles de Jesus-Christ, ubi sunt duo vel tres, etc. qui doivent s'entendre des conciles, suivant l'interprétation du concîle de Chalcédoine dans la lettre synodale au pape Léon : 2°. sur ce que les apôtres ont pratiqué eux-mêmes ; quoique chacun d'eux eut une autorité suffisante pour décider les contestations qui s'élevaient, ils ne voulurent pas cependant, sans un concile, prononcer sur l'observation des cérémonies légales, dans la crainte de paraitre négliger une voie que Jesus-Christ leur avait enseignée : 3°. sur la coutume que l'Eglise a observée dans tous les siècles, de tenir concîle toutes les fois qu'il s'agissait de questions douteuses. C'est donc au soin important de conserver l'unité de la foi, c'est à la nécessité d'avoir le sentiment général de l'Eglise, qu'il faut rapporter l'origine des conciles. Un nombre infini de passages des SS. pères, surtout l'homélie xxjx. de S. Basile, adversus calumniatores sanctae Trinitatis, et sa lettre lxxxij. nous confirment que l'usage de les convoquer est établi sur ces puissants motifs. Les conciles en sont d'autant plus respectables aux yeux des Fidèles, puisqu'on leur doit la même vénération qu'à l'Eglise qu'ils représentent.

On divise les conciles en généraux et particuliers. Les généraux ou oecuméniques sont ceux où l'on appelle les évêques de toute la chrétienté. Ces conciles, qui tiennent avec raison le premier rang, offrent une matière dont les principes ne sont pas admis universellement ; c'est pourquoi nous tâcherons de les discuter avec la plus scrupuleuse exactitude : voici l'ordre que nous nous proposons de suivre : Nous verrons 1°. par qui ces conciles doivent être indiqués ; 2°. comment on doit les convoquer ; 3°. quelle est la matière qu'on y traite ; 4°. la forme suivant laquelle se tient le concîle ; 5°. quelle est l'autorité des conciles généraux. A l'égard de la première question, si l'on consulte les neuf premiers siècles de l'Eglise, ils semblent déposer en faveur des princes. En effet, nous trouvons que pendant ce long espace de temps, les princes ont été en possession de convoquer les conciles généraux ; c'est ce qu'il nous est facîle de démontrer en marquant la suite des conciles. Le premier concîle général, tenu à Nicée l'an 325, sous le consulat de Paulin et de Julien, fut indiqué et convoqué par l'empereur Constantin, suivant le témoignage d'Eusebe auteur contemporain, vie de Constantin, liv. III. chap. VIe où il dit que ce prince convoqua le concîle et invita par ses lettres les évêques de s'y trouver au-plutôt. Socrate, liv. I. ch. VIIIe Sozomene, liv. I. ch. XVIIe et enfin Théodoret, liv. I. ch. VIIe non-seulement sont d'accord sur ce point avec Eusebe, mais même aucun de ces écrivains ne fait mention que le pape Sylvestre eut part à cette convocation, ce qu'ils n'eussent point omis, s'il était vrai qu'on eut assemblé le concîle par les ordres du pape. M. Bignon, qui est de cet avis, cite Rufin, liv. X. ch. j. où cet auteur rapporte que le concîle fut indiqué par Constantin d'après le sentiment des évêques. Mais les paroles de Rufin ne signifient rien autre chose, sinon que l'empereur avant d'assembler le concîle demanda aux évêques leur avis, ce qui n'empêche pas qu'il n'ait, en le convoquant, fait un acte d'autorité ; les princes ne rougissent point de consulter ceux de leurs sujets en qui ils ont le plus de confiance, et les ordres qu'ils donnent ensuite n'en sont pas moins émanés du trône. Le second concîle général, ou le premier de Constantinople, qui se tint l'an 381, sous le consulat de Siagre et d'Eucher, fut convoqué par l'autorité seule de Théodose le Grand. Aucun historien n'attribue la convocation de ce concîle au pape Damase, qui occupait alors le saint siège ; personne même n'y assista de sa part. M. Doujat néanmoins pense le contraire, se fondant sur le témoignage tiré dans la lettre synodale que rapporte Théodoret, liv. I. ch. XIe Dans cette lettre les PP. du concîle de Constantinople assurent le pape Damase qu'ils se sont assemblés dans cette ville, conformément, disent-ils, aux lettres que votre révérence a écrites l'année précédente, après le concîle d'Aquilée, au très-religieux empereur Théodose. Mais il est à remarquer, 1°. que cette lettre n'est pas simplement adressée au pape Damase, mais encore à Ambraise, Britton, et plusieurs autres, dont les noms sont à la tête de la lettre, et même à tous les évêques qui pour lors tenaient un concîle à Rome : 2°. que cette lettre n'est point des PP. du premier concîle de Constantinople, mais d'un autre concîle de Constantinople qu'on ne compte point parmi les conciles oecuméniques, et qui se tint l'année suivante 382, après le concîle d'Aquilée. Dans le courant de l'année 381, immédiatement après le premier concîle de Constantinople, on avait tenu celui d'Aquilée ; et dans ce concîle les pères écrivirent à Théodose, et le supplièrent d'assembler un concîle à Alexandrie pour apaiser les dissensions de l'église d'Orient. L'empereur touché de la misere des Occidentaux, convoqua un autre concile, non à Alexandrie, mais à Constantinople ; c'est de la convocation de ce second concîle de Constantinople dont parlent les Orientaux dans la lettre dont il est ici question, et qu'ils adressèrent aux mêmes évêques qui s'étaient auparavant assemblés au concîle d'Aquilée. Le troisième concîle général, ou le premier d'Ephese, tenu l'an 431, sous le consulat d'Annius Bassus et de Flavius Antiochus, fut convoqué par Théodose le jeune : nous en avons la preuve dans la lettre de ce prince à Cyrille, patriarche d'Alexandrie, et aux métropolitains, partie première du concîle d'Ephese, ch. xxxij. tom. III. des conciles, pag. 436. Théodose leur ordonne par cette lettre, de se trouver après la Pâque prochaine, le jour même de la Pentecôte, dans la ville d'Ephese pour y tenir concile. Le pape Célestin non-seulement envoya ses légats pour se conformer aux intentions de l'empereur, mais il reconnait encore expressément que le concîle fut convoqué par ce prince, dans la lettre qu'il lui écrit. Ces paroles de la lettre sont remarquables : Huic synodo, dit le pape, quam esse jussistis, nostram praesentiam in his quos mittimus, exhibemus : tome III. des conciles, pag. 609. Le concîle de Chalcedoine, ou le quatrième concîle général, fut célebré l'an 451, à la vérité sur les vives instances de S. Léon, pour lors souverain pontife ; mais ce fut l'empereur Marcien qui le convoqua, comme le prouvent deux lettres impériales, à la tête desquelles sont les noms de Valentinien et de Marcien. L'une de ces lettres est adressée à tous les évêques de ce temps-là, et l'autre à Anastase évêque de Constantinople, partie première du concîle de Chalcedoine, ch. xxxvj. et xxxvij. tom. IV. des conciles, pp. 66. et 67. Marcien leur enjoint de s'assembler aux prochaines kalendes de Septembre, dans la ville de Nicée de la province de Bithinie, pour y tenir concile. On a une autre lettre de l'empereur, par laquelle il transfère le concîle de Nicée à Chalcedoine, tom. IV. des conciles, p. 70. La raison de ce changement fut qu'il voulait assister au concile, et que ne pouvant aller à Nicée, il lui était plus commode qu'on le tint à Chalcedoine, ville située dans le voisinage de la capitale de l'Empire. Le pape Léon est bien éloigné de désavouer que cette convocation du concîle ait été faite par le prince : Fraterna universitas, dit-il lettre lxj. ou lxxxvij. suivant les nouvelles éditions, et omnium fidelium corda cognoscant, me non solum per fratres qui vicem meam exsecuti sunt, sed etiam per approbationem gestorum synodalium propriam vobiscum inivisse sententiam, in solâ videlicet fidei causâ, quod saepe dicendum est, propter quam generale concilium ex praecepto christianorum principum et ex consensu apostolicae sedis placuit congregari. On voit assez clairement par ces paroles, que Léon distingue l'ordre des princes du consentement du saint siège. D'ailleurs plusieurs autres lettres de ce pape nous apprennent qu'il avait consenti avec peine que le concîle se tint en Orient, aimant mieux qu'il se célebrât en Italie. Or s'il eut cru que le droit d'indiquer le concîle lui eut appartenu, il n'eut pas manqué, Ve les dispositions où il était, de le convoquer dans une des villes d'Italie. Le cinquième concîle oecuménique, ou le second de Constantinople, fut indiqué par Justinien. Evagre, liv. IV. ch. xxxvij. Nicephore, liv. XVII. chap. xxvij. Nous avons de plus une lettre de cet empereur, dans laquelle il annonce qu'il a mandé à Constantinople les métropolitains ; &, ce qui est digne de remarque, il y prescrit aux pères du concîle l'ordre suivant lequel on y traitera les différentes affaires, tome V. des conciles, pag. 419. Vigile, sous le pontificat duquel se tint le concîle l'an 553, était pour lors à Constantinople. Il fut invité d'y assister, mais il le refusa ; et quoiqu'il eut condamné par son judicatum la doctrine impie de Théodore de Mopsueste, il désapprouva au commencement la conduite du concile, en ce qu'il prononçait l'excommunication et l'anathème contre des morts, qui, selon lui, devaient être abandonnés au jugement de Dieu. Cependant le pape dans la suite changea d'avis, et six mois après la conclusion du concile, ratifia tout ce qui s'y était passé. Le sixième concîle général, ou le troisième de Constantinople, fut indiqué par l'empereur Constantin Pogonat, et tenu contre les Monothelites l'an 680 et 681, en présence des légats d'Agathon, souverain pontife. Constantin avait écrit à ce sujet au pape Domne, prédécesseur d'Agathon, et l'avait invité d'envoyer au concîle des personnes qui pussent y être utiles, qui fussent versées dans la connaissance des saintes écritures, et recommandables par leur modestie. La lettre est rapportée tom. VI. des conciles, pag. 594. on y trouve aussi la réponse d'Agathon, successeur du pape Domne, dont on fit lecture dans l'action quatrième du même concile, tom. VI. pag. 630. Il déclare dans cette réponse, que pour obéir efficacement et comme il le doit aux ordres de l'empereur, il a fait choix de personnes telles que le prince les demande, et qu'il les envoie à Constantinople. Le septième concîle général, ou le second de Nicée, fut convoqué l'an 785 par l'impératrice Irene et Constantin son fils. C'est ce que nous apprend la lettre impériale adressée au pape Adrien premier, par laquelle on l'invite de se trouver au concîle qui devait se tenir incessamment, tom. VII. des conciles, pag. 32. Ce souverain pontife envoya en effet des légats qui assistèrent au concile, et lui-même ensuite en ratifia les actes. Enfin le huitième concîle général ou le quatrième de Constantinople, fut indiqué par l'empereur Basîle surnommé le Macédonien, dans un temps où Rome et l'Italie ne faisaient plus partie de l'empire d'Orient. Ce concîle se tint l'an 869 sous le pontificat d'Adrien II. qui en approuva la décision. Nous trouvons la preuve que la convocation fut faite par l'empereur Basile, dans l'histoire de ce concîle écrite par Anastase le bibliothécaire, et dans l'action cinquième du même concile, telle qu'Anastase l'a traduite en latin. On y rapporte qu'Hélie prêtre et syncelle de l'église de Jérusalem voulant prouver la légitimité du concile, adressa la parole en ces termes aux pères dont il était composé : Scitis quia in praeteritis temporibus imperatores erant qui congregabant synodos, et ex toto terrarum orbe vicarios ad dispositionem hujusmodi causarum colligebant ; quorum more, et Dei cultor imperator noster universalem hanc synodum fecit, etc. Anastase remarque dans une note marginale qu'il est ici question des conciles généraux, et que les conciles particuliers n'ont jamais, ou rarement, été convoqués par les empereurs. Nous verrons dans la suite si cette observation est juste.

On ne peut donc pas douter que pendant un temps très-considérable les princes n'aient convoqué les conciles généraux. Mais étaient-ils en droit de le faire ? était-ce une usurpation de leur part ? c'est ce qu'une simple réflexion Ve décider. Les princes ont été établis par Dieu même pour gouverner les peuples et maintenir l'ordre public dans l'étendue de leur domination : d'un autre côté la conservation de la religion contribue au bien et à la tranquillité de l'état ; or il n'y a point de voie plus sure pour préserver la religion de toute atteinte, que d'assembler des conciles ; c'est par eux que la vérité se fait jour, que la saine doctrine se trouve raffermie jusque dans ses fondements, que les liens de la charité et de la communion fraternelle sont resserrés entre les fidèles. Cela étant ainsi, on a cru avec raison pendant les premiers siècles de l'Eglise, que le droit de convoquer les conciles appartenait à celui qui en vertu de la dignité dont il est revêtu, se trouve chargé du soin de veiller au bien de l'état. Ajoutez à cela que lorsqu'il s'agit de la foi et des mœurs, les hommes impies ou déréglés se servent de toutes sortes de ruses, soit pour éviter une condamnation, soit pour se soustraire à la peine prononcée contr'eux ; que d'ailleurs l'Eglise n'a point de puissance coactive, mais simplement la voie de l'exhortation, et ne peut mettre en usage que les peines spirituelles et médicinales. Il est donc nécessaire de recourir à ceux qui sont armés du glaive, c'est-à-dire aux princes, afin que personne n'ose résister aux conciles assemblés par leur autorité.

Ce sentiment à la vérité est entièrement opposé à celui qu'embrasse Gratien dans la distinction dix-septième de son decret, où il suppose comme un principe incontestable, que le droit de convoquer les conciles généraux n'appartient qu'au saint siège. De-là même les interpretes ont conçu ainsi la rubrique de cette distinction : papae est generalia concilia congregare. Gratien y a rassemblé tous les canons qu'il a cru favorables à cette prétention des souverains pontifes. Mais un court examen de ces canons appuyé sur la saine critique, en détruira bien-tôt l'authenticité.

Dans le premier canon il est dit que l'empereur ne peut régulièrement célébrer un concîle sans l'autorité du pape, ni condamner un évêque si-tôt qu'il a une fois appelé au saint siège : mais ce canon est tiré de la fausse decrétale du pape Marcel au tyran Maxence. Nous disons qu'elle est fausse, non-seulement parce que ce vice est commun à toutes les decrétales attribuées aux souverains pontifes qui ont précédé le pape Sirice, mais encore parce que le contexte entier de la lettre qui est remplie de barbarismes, et qui contient divers passages de l'Ecriture tirés de la version appelée vulgate, très-postérieure au pape Marcel, nous fournit des preuves de fausseté qui sont particulières à cette decrétale. D'ailleurs, est-il vraisemblable que le tyran Maxence, prince idolatre, ait jamais pensé à assembler un concîle d'évêques, et conséquemment que le pape Marcel ait eu lieu de lui tenir un pareil langage, savoir qu'il ne peut célébrer un concîle sans l'autorité du saint siège ? Enfin, quand même Maxence n'aurait point été livré à la superstition du paganisme, le pape aurait-il pu lui dire qu'il n'a plus le droit de condamner un évêque si-tôt que celui-ci a appelé au saint siège, comme si, du-moins avant cet appel, la condamnation d'un évêque était du ressort de la juridiction d'un prince séculier ? Le second canon renferme la même maxime, que l'autorité du pape est nécessaire pour la célébration des conciles généraux ; aussi n'a-t-il pas une source plus pure. Il est tiré d'une lettre faussement attribuée au pape Jules I. qui contient un rescrit contre les Orientaux en faveur d'Athanase. M. Bignon, dans ses notes, avoue que cette decrétale est altérée, pleine de fautes, et composée de différents fragments. Le père Labbé Ve plus loin, et n'hésite point à dire qu'elle est entièrement fausse, et forgée à plaisir, tom. III. des conc. p. 483. et 494. Elle parait écrite en haine du concîle d'Antioche, tenu l'an 341 ; et c'est ce qui en fait voir la fausseté ; car elle est adressée aux consuls Félicien et Titien, qui, suivant les fastes consulaires, étaient consuls en l'an 337, par conséquent quatre ans avant la tenue du concîle qu'elle blâme. Les canons IIIe et IVe sur lesquels Gratien croit pouvoir fonder son opinion, et qu'il cite dans cette vue, ne prouve nullement que le concîle oecuménique doive être convoqué par l'autorité du pape. Dans le canon IIIe on y statue en général, que personne n'ait la témérité de s'arroger ce qui n'appartient qu'au souverain pontife, sous peine d'être privé de tous les honneurs ecclésiastiques. Cette décision ainsi conçue d'une façon générale, ne regarde en aucune manière les conciles, si ce n'est en ce qu'elle est tirée de la lettre qui passe pour être la quatrième de celles qui sont attribuées au pape Damase, et adressées à Etienne archevêque d'Afrique, et aux conciles de la même province. Or la fausseté de cette lettre parait, tant par les réserves fréquentes qu'on y fait au saint siège des causes majeures (quoiqu'elles fussent alors inconnues de nom et d'effet), que par la date du consulat qui rapporte la lettre à l'an 400, quoique le pape Damase fût mort dès l'année 384. Dans le canon IVe il est question de quelques évêques qui, lorsqu'il s'élevait des doutes sur ce qui avait été statué par les conciles généraux, s'assemblaient dans des conciles particuliers, et là jugeaient le concîle général ; ce que le pape Pélage I. condamne. Il désapprouve donc qu'un concîle particulier ose juger un concîle universel, dont la décision est celle de toute l'Eglise ; et il ordonne que dans le cas où les évêques auront quelques doutes sur les statuts des conciles généraux, ils en écrivent au plutôt aux sièges apostoliques, c'est-à-dire fondés par les apôtres, dans les archives desquels on gardait les vrais actes des conciles, afin qu'ils trouvent là surement ce qu'ils cherchent. On ajoute dans ce canon, que si ces évêques sont tellement opiniâtres qu'ils refusent d'être instruits, alors il est nécessaire qu'ils soient attirés au salut de quelque façon que ce soit par les sièges apostoliques, ou qu'ils soient réprimés suivant les canons par les puissances séculières. Cette addition nous semble suspecte, en ce que nous ne voyons pas comment les sièges apostoliques peuvent attirer au salut ceux qui refusent opiniâtrement d'être instruits : ainsi nous présumons que la fin du canon n'est point de Pélage I. peut-être même la lettre entière, d'où le canon est tiré, est-elle fausse. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle ne se trouve pas parmi les lettres de Pélage, et qu'elle n'a paru que depuis environ un siècle, temps auquel Luc Holstein nous l'a restituée d'après plusieurs fragments. Le canon Ve est tiré de la lettre qui porte le nom de Pélage II. avec cette inscription : Dilectissimi fratribus, universis episcopis qui illicitâ vocatione Joannis Constantinopolitani episcopi ad synodum Constantinopolim convenerunt, Pelagius. On reconnait la supposition de cette lettre à tant de marques, que le père Labbé, tom. V. des conc. pag. 948. assure avec confiance dans une note marginale, que ce serait être de mauvaise foi que de ne pas la mettre au rang des fausses decrétales dont Isidore nous a infectés ; qu'à la vérité Pélage II. avait écrit à ce sujet, mais qu'on a perdu la véritable lettre, et qu'on y a substitué celle-ci qui a été fabriquée à dessein, comme le démontrent le style, qui n'est pas celui du temps, et plusieurs autres choses renfermées dans le contexte de la lettre. De-là on peut juger de quel poids est ce canon, lorsqu'il prononce qu'on ne doit pas célebrer de concîle sans l'avis du souverain pontife ; qu'autrement ce n'est point un concile, mais un conciliabule. Le mot latin sententia, dont se sert ici l'imposteur, signifie la convocation dans le sens qu'il lui donne, au lieu que nous nous contentons de dire qu'il faut demander le consentement du saint siège. A l'égard du canon VIe on ne peut lui imputer d'être falsifié ; mais c'est mal-à-propos que Gratien le cite pour appuyer son système ; il n'en peut rien conclure qui lui soit favorable. Voici en peu de mots l'histoire et l'exposition de ce canon. Les patriciens Faustinus et Probinus intentèrent divers chefs d'accusation contre le pape Simmaque, pardevant Théodoric roi d'Italie, qui renvoya la connaissance de cette affaire au concîle de Rome. Simmaque ayant été déchargé de ces accusations dans le quatrième concîle de Rome, ses ennemis écrivirent contre le concile, et donnèrent ce titre à leur ouvrage : Adversus synodum absolutionis incongruae. Ennodius évêque de Pavie entreprit l'apologie du concile, et cette apologie fut approuvée dans le cinquième concile. Dans cette apologie Ennodius fait tous ses efforts pour relever l'autorité du saint siege et du pape ; il lui arrive même très-souvent de passer les bornes légitimes : par exemple, il prétend que le successeur de S. Pierre ne peche jamais ; il fonde ce privilège de ne point pécher, tant sur les mérites du chef des apôtres, que sur la prééminence de la dignité en laquelle le pape lui a succédé. C'est de cette apologie rapportée tom. IV. des conciles pag. 1340. jusqu'à la page 1359. qu'est tiré le canon dont nous parlons ici. Les adversaires d'Ennodius objectaient ce qui se lit au commencement du canon : Numquid ob id quod praesentiam papae non habuerint, instituta ex regulis ecclesiasticis per singulos annos in quibusque provinciis concilia, eâ ratione invalida sint ? ce qui serait absurde, de l'aveu même des correcteurs romains. Ennodius répond : Legistis, insanissimi, etc. et il se laisse tellement emporter à son zèle, qu'il soutient qu'on ne trouve rien d'établi dans les conciles provinciaux contre la décision du saint siege, et même que les causes majeures doivent y être renvoyées ; ce qu'il faut entendre des provinces voisines de Rome, et non des autres, où certainement on célébrait alors des conciles provinciaux sans que le pape s'en mêlât, et qu'il y eut la moindre part. Il est donc évident qu'il ne s'agit point dans ce canon des conciles oecuméniques ; et d'ailleurs l'on voit par les faits qui ont donné lieu à l'apologie d'Ennodius, combien dans ces temps-là le pape était peu respecté en Italie.

Nous avons démontré le peu de solidité des autorités compilées par Gratien, pour établir que le pape a le droit de convoquer les conciles généraux à l'exclusion de toute autre puissance. Nous sommes parvenus à ce but en arrachant le masque de l'antiquité que portaient la plupart de ces autorités, ou en rendant sensible la fausseté des applications. Par-là les réflexions que nous avons faites pour justifier la conduite des empereurs qui ont convoqué des conciles, demeurent dans toute leur force : s'ils ont cessé d'exercer ce droit après l'époque que nous avons marquée, c'est-à-dire après les huit premiers conciles, nous devons l'attribuer sans-doute aux changements arrivés depuis dans la Chrétienté. Lorsqu'elle n'obéissait qu'à un souverain, il lui était facîle d'ordonner par un édit aux évêques de s'assembler dans un certain lieu pour y tenir concîle ; mais depuis que l'empire a été divisé, et que le monde chrétien s'est partagé en divers royaumes, cela est devenu, pour ainsi dire, impraticable : car les évêques étant soumis à différents princes, dont l'un est indépendant de l'autre, il faudrait autant de convocations qu'il y a de souverains ; qu'ils convinssent d'abord du lieu de l'assemblée, pour y convoquer ensuite les métropolitains et les évêques de leur royaume. Les inconvénients qui auraient résulté de la difficulté de s'accorder entr'eux, ont été cause que le droit de convoquer les conciles oecuméniques a été déféré au pape par l'usage et du consentement des églises. On a jugé convenable que celui qui occupe la chaire de S. Pierre, d'où nait l'unité sacerdotale, fût chargé du soin d'assembler l'Eglise universelle. Observons néanmoins à ce sujet que le pape ne peut pas convoquer un concîle général, à moins que les princes chrétiens n'y consentent ; premièrement parce que les évêques sont sujets du prince, et par cette raison ne peuvent quitter leurs églises sans son consentement ; secondement parce que c'est le seul moyen de maintenir l'union entre le sacerdoce et l'empire, sans laquelle la société ne peut subsister. Le concours des deux puissances étant donc essentiel dans les choses qui regardent la foi, il en faut conclure que le consentement des princes chrétiens est nécessaire toutes les fois qu'il est question de célébrer un concîle oecuménique. Ajoutez à cela que le consentement des princes représente celui des peuples ; car dans chaque état le prince est le représentant de la nation. Or ce consentement des peuples opère celui de toute l'Eglise, qui, selon la réponse de Philippe-le-Bel à une bulle de Boniface VIII. n'est pas seulement composée du clergé, mais encore des laïcs. Une autre observation à faire est que les princes chrétiens n'ont pas perdu irrévocablement le droit de convoquer les conciles oecuméniques. En effet, comme ils sont obligés en qualité de magistrats politiques de veiller à ce que le bien de l'état, qui est intimement lié avec celui de la religion, ne reçoive aucune atteinte ; il résulte de-là que s'il arrivait qu'ils convinssent unanimement de la tenue d'un concile, du lieu de l'assemblée, et qu'ils ordonnassent par leurs édits aux évêques leurs sujets de s'y trouver, pour lors le concîle serait convoqué légitimement ; un usage contraire, introduit par la seule difficulté de se concilier sur un même objet, n'ayant pu les faire décheoir de leurs droits.

On a même été plus loin pendant le schisme d'Avignon. La chaire de S. Pierre, quoiqu'indivisible, étant occupée dans ce temps-là par deux contendants, dont l'un sous le nom de Grégoire XII. siégeait à Rome, l'autre à Avignon sous le nom de Benait XIII. et aucun des deux ne voulant abdiquer le pontificat, ce qui était cependant le seul moyen de rétablir l'union et la concorde, les cardinaux se séparèrent, tant de Grégoire que de Benait ; et s'étant assemblés à Livourne afin de délibérer sur les mesures à prendre pour éteindre le schisme, et célébrer un concile, on éleva la question, si dans le cas où deux papes, au mépris manifeste de leur serment, diviseraient l'Eglise, et par une collusion frauduleuse entretiendraient le schisme, les cardinaux ne pourraient pas convoquer le concile. Sur cette question Laurent Rodolphe, célèbre docteur ès droits, soutint dans une dispute qui dura trois jours, que le concîle convoqué dans ce cas par les cardinaux serait légitime, M. Lenfant, hist. du conc. de Pise, liv. III. chap. VIIe Gerson prouva la même chose dans son traité de auferibilitate papae ab Ecclésiastes. savoir que dans un temps de schisme, lorsqu'il s'agit de juger le pape, le droit de convoquer le concîle cesse de lui appartenir, comme étant partie intéressée, et que ce soin regarde les cardinaux et les évêques, conjointement avec les princes temporels. Dans le siècle suivant, lorsque les fameuses divisions du pape Jules II. et de Louis XII. éclatèrent, cinq cardinaux, Bernardin de Carjaval, François de Borgia, René de Prié, Fréderic de S. Severin, et Guillaume Briçonnet, ne pouvant plus supporter l'ambition de ce pontife, et mécontens de ce qu'il ne tenait pas de concîle général, comme il avait promis avec serment de le faire deux ans après son exaltation, l'abandonnèrent dans son voyage de Rome à Bologne, se rendirent à Milan et delà à Pise, où ils assemblèrent un concîle l'an 1511, sous le bon plaisir de Maximilien empereur et de Louis XII. Dans ce temps-là on agita de nouveau la question, si le pouvoir d'assembler l'Eglise appartenait aux cardinaux, ou même à la plus petite partie d'entr'eux. Philippe Décius de Milan, docteur ès droits, assez connu par ses écrits, se signala dans cette occasion, et devint par-là si agréable au roi Louis XII. qu'il en obtint une place de conseiller au parlement de Grenoble. On a sa consultation qui parut la même année 1511, et le discours qu'il publia ensuite pour la justification du concîle de Pise. Dans ces deux ouvrages, Décius après avoir accumulé les uns sur les autres et textes et glossateurs, suivant la méthode de raisonner de son temps, conclud qu'il y a des cas où les cardinaux, même en plus petit nombre, sont en droit de convoquer un concîle ; par exemple, si le pape et les cardinaux de son parti négligent ou refusent de le faire, quoique les besoins de l'Eglise le demandent. Il eut pris une voie plus simple pour rendre sensible cette vérité, s'il se fût restreint à dire, comme quelques-uns l'osent avancer, que depuis longtemps les cardinaux constituent le collège de l'église romaine, et que le droit de convoquer le concîle n'a pas tant été accordé à la personne du pape, qu'au siège qu'il occupe ; qu'ainsi dans les cas dont nous parlons, l'église romaine à laquelle président les cardinaux qui lui sont demeurés fidèlement attachés, peut inviter les autres évêques à s'assembler avec elle pour tenir concile.

Mais si ce droit appartient quelquefois aux seuls cardinaux, à plus forte raison un concîle général peut-il en indiquer un autre, du consentement des princes, puisqu'il représente l'Eglise universelle, qui certainement a le pouvoir de s'assembler elle-même. Nous en avons un exemple illustre dans le respectable concîle de Bâle, que la France a reçu solennellement, et dont Charles VII. a fait insérer les decrets dans la pragmatique-sanction. Ce concîle fut indiqué par ceux de Constance et de Sienne, c'est-à-dire que dans la session 24 du concîle de Constance, du 19 Avril 1418, on indiqua le concîle à Pavie, tome XII. des conc. pag. 257. Il y commença l'an 1423 ; mais à cause de la peste qui ravageait Pavie il fut bien-tôt transféré à Sienne, où l'on convint le 19 Février 1424, que le prochain concîle qu'on devrait assembler sept ans après en exécution du decret du concîle de Constance, se tiendrait dans la ville de Bâle. Voyez tome XII. des conc. pag. 463. où l'on rapporte le decret du concîle de Sienne, qui fut lu dans la première session de celui de Bâle.

Le droit de ceux auxquels il appartient de convoquer les conciles, selon les diverses circonstances, étant solidement établi, il faut expliquer la manière dont se fait cette convocation. Les exemples dont nous nous sommes servis pour faire voir que les princes ont été en possession d'indiquer les conciles, prouvent en même temps qu'ils rendaient à ce sujet des édits par lesquels ils mandaient au concîle les prélats, surtout l'évêque de Rome et ceux des principaux siéges, tels que Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem. A l'égard de l'évêque de Rome, comme il est de droit divin le chef de l'Eglise, il est de règle qu'on ne peut tenir de concîle général, à moins qu'on ne demande en forme son consentement, et qu'on ne l'invite d'y assister : aussi cet usage a-t-il été constamment pratiqué dans l'Eglise dès les premiers temps, si nous en croyons tous les historiens ecclésiastiques. Socrate, liv. II. chap. VIIIe reproche entr'autres choses au concîle d'Antioche, que Jules évêque de Rome n'y ait point assisté, ni envoyé personne à sa place, quoiqu'il sait, dit-il, ordonné par les canons de ne statuer sur rien dans l'Eglise sans que l'évêque de Rome en ait connaissance. Sozomene, liv. III. chap. Xe rapporte qu'après la condamnation d'Athanase, le pape Jules écrivit aux évêques qui avaient tenu le concîle d'Antioche, et se plaignit amèrement de ce que, contre les lois ecclésiastiques, on ne l'avait point appelé au concile. On doit pareillement inviter les évêques de l'univers entier ; car si l'on ne convoque que ceux d'une certaine nation, ou d'une certaine province, alors le concîle n'est point oecuménique, mais simplement national ou provincial : ainsi pour qu'il soit réputé universel, il est nécessaire d'observer les deux règles que Bellarmin propose, lib. I. de concil. cap. XVIIe La première de ces règles est que la convocation soit notifiée à toutes les grandes provinces de la Chrétienté. Cette notification se fait par les métropolitains, qui autrefois après avoir reçu les ordres des empereurs, les communiquaient aux évêques de leurs provinces, et les amenaient avec eux au concile. Depuis que la coutume a déféré au pape le droit de convoquer les conciles, il adresse aux princes et aux métropolitains une bulle solennelle d'indiction, qui marque le temps et le lieu du concile. Par cette bulle il exhorte les princes d'y assister, ou du moins d'envoyer leurs ambassadeurs conjointement avec les évêques de leurs royaumes, et enjoint à ces mêmes évêques de s'y trouver. Ensuite lorsque les métropolitains ont obtenu la permission du souverain, ils avertissent leurs suffragans par des lettres circulaires d'aller au concile. La seconde règle de Bellarmin est qu'on ne donne l'exclusion à aucun évêque, de quelqu'endroit qu'il vienne, pourvu qu'il soit constant qu'il est évêque, et qu'il n'est pas excommunié. Au reste, quoique tous les évêques doivent être appelés au concile, il n'est cependant pas nécessaire que tous s'y trouvent, autrement il n'y aurait pas encore eu dans l'Eglise de concîle général. " N'est-ce pas assez, dit M. Bossuet, qu'il en vienne tant et de tant d'endroits, et que les autres consentent si évidemment à leur assemblée, qu'il sera clair qu'on y aura porté le sentiment de toute la terre " ? Histoire des variations, liv. XV. n°. 100. Nous ne nous étendrons pas davantage sur la manière de convoquer les conciles, et nous verrons aussi en peu de mots quelles sont les matières qu'on y traite.

Nous avons déjà indiqué au commencement de cet article, en donnant la définition du concile, que les décisions ecclésiastiques ont deux objets principaux, la foi et la disciple ; ce qui est conforme à la lettre des pères du concîle de Nicée aux Egyptiens, où ils se servent de ces deux mots grecs, , c'est-à-dire dresser des articles de foi, et faire des canons ; ainsi ces deux points font la matière des conciles généraux. La foi est contenue dans les dogmes qui la proposent, dans les symboles ou formules qui distinguent les fidèles des payens, des juifs et des hérétiques, et qui sont comme la marque à laquelle on reconnait les troupes de J. C. Elle est aussi renfermée dans les lettres synodales dans lesquelles les évêques assemblés au concîle exposent leur croyance ; et enfin dans les decrets et anathèmes prononcés contre les hérétiques. On ne peut rien statuer de nouveau par rapport à la foi, parce qu'elle est un don de Dieu auquel les hommes ne peuvent rien ajouter, comme ils n'en peuvent rien ôter. L'Eglise déclare seulement ce qui est de foi ou non ; mais elle fait des lois par rapport à la discipline. Or ce qui appartient à la discipline a coutume d'être expliqué dans les canons, ainsi appelles du mot grec , qui signifie règle. Isidore, liv. VI. etymologiarum, cap. XVIe nous apprend la raison pour laquelle on s'est servi de ce mot : Regula dicta est canon, eo quod rectè ducit, nec aliquando aliorsum trahit : alii dixerunt regulam dictam, vel quod regat, vel quod normam rectè vivendi praebeat, vel quod distortum pravumque corrigat. Il y a une autre différence très-remarquable entre les dogmes et les canons. La foi est une, et immuable ; regula fidei una est, omnino sola, immobilis et irreformabilis. Tertull. lib. I. de velandis virginibus. La discipline au contraire peut être différente, suivant la différence des nations et des lieux : car on doit regarder comme indifférent, et ne se faire aucune peine d'observer ce qui ne blesse ni la foi ni les bonnes mœurs, afin que par-là on conserve l'union avec ceux avec qui l'on vit. La diversité de ces règles n'empêche pas les églises d'entretenir la concorde, lorsqu'elles sont réunies dans la foi ; et pour nous servir des paroles de Fulbert évêque de Chartres : Ubi fidei non scinditur unitas, nos non offendit ecclesiae diversitas ; sic enim stat sancta Ecclésiastesia regina à dextris Dei in vestitu deaurato circumdata varietate. De-là nait encore une autre différence entre les dogmes et les canons : les dogmes ont par eux-mêmes le sceau de l'autorité, et astreignent également tous les fidèles ; au lieu que les canons ont besoin d'acceptation et du concours des deux puissances, pour avoir à l'extérieur leur exécution. Cette même raison que la foi est une, et la discipline différente, suivant la différence des lieux, est cause qu'on traite séparément dans les conciles de ces deux objets. Il est même arrivé que dans plusieurs conciles on n'a examiné que des questions de foi, et dans d'autres que ce qui regarde la discipline. Par exemple, le cinquième et le sixième conciles se sont contentés de condamner les hérétiques ; et dans celui de Trulle, qui a été comme une suite de ces conciles, on n'a fait que des canons pour le maintien de la discipline, et il ne s'est point agi de la foi.

Quelquefois encore dans les conciles on agite les causes ecclésiastiques, et elles y sont terminées par un jugement de l'Eglise assemblée. Souvent celui qui avait été excommunié par son évêque ou par un premier concile, obtenait que sa cause serait examinée de nouveau ; et quelquefois il parvenait à se faire absoudre ; comme Théodoret, qui après avoir été condamné dans le concîle d'Ephese, fut admis et restitué dans celui de Chalcédoine. C'est pourquoi Zonare sur le canon 7 du concîle de Laodicée, observe que les conciles se tiennent pour finir les disputes qui s'élèvent sur la vérité des dogmes, ou sur l'équité des peines, ou pour y traiter les autres affaires ; et attendu que les générales intéressent toute l'Eglise, il est d'usage qu'on traite d'abord de celles-là avant de passer aux particulières, ainsi que l'ordonne le premier canon du premier concîle d'Auvergne, qui a été parmi nous un concîle national.

Ce que nous venons de dire sur la matière des conciles, nous parait suffire ; mais nous ne pouvons nous dispenser en parlant de la forme suivant laquelle se tient le concile, d'entrer dans un plus grand détail. Cette forme consiste principalement dans l'ordre de la séance, dans le partage du concîle en différentes assemblées, et enfin dans la liberté des suffrages.

Il est évident par la nature même du concîle oecuménique, que l'un des prélats dont il est composé, doit y présider ; car étant une assemblée de l'Eglise universelle, il est d'une nécessité absolue que quelqu'un recueille les voix, et prononce les décisions du concîle sur chaque question. Jesus-Christ est le chef de toute l'Eglise. Dans chaque église particulière il est représenté par l'évêque ; mais il s'agit de savoir lorsque les évêques sont assemblés, quel est celui parmi eux qui doit être à leur tête. Les pères du concîle de Chalcédoine nous l'apprennent dans la lettre synodale au pape Leon. Si enim, disent-ils, ubi sunt duo aut tres congregati in nomine ejus (Christi), ibi se Christus in medio eorum fore perhibuit, quantam circa quingentos viginti sacerdotes familiaritatem potuit demonstrare, qui et patriae et labori suae confessionis notitiam praetulerunt ? Quibus tu quidem, sicut membris caput praeeras, in his qui tuum tenebant ordinem, benevolentiam praeferents, imperatores vero fidèles ad ordinandum decentissimè praesidebant, sicut Zorobabel et Jesus, ecclesiae tanquam Jerusalem, aedificationem, circa dogmata renovare annitentes. Ce passage fait voir que les pères du concîle de Chalcédoine distinguent deux sortes de présidences dans les conciles : l'une qui appartient aux pontifes, et l'autre aux princes. En effet le prince étant seul armé du glaive, et ayant seul la force coactive, il doit y présider, afin que tout s'y passe d'une manière conforme aux lois et aux canons dont il est le protecteur. Au reste pour ne parler ici que de la présidence hiérarchique, il parait par ces paroles, sicut membris caput praeeras in his qui tuum tenebant ordinem, qu'elle est déférée à l'évêque de Rome. Cela mérite cependant quelque explication. Il est bien vrai que dans le cas où le souverain pontife assiste en personne au concile, tous les canonistes reconnaissent pour incontestable le droit qu'il a d'y présider, comme étant l'évêque du premier siège, le centre de l'unité catholique, et le chef de toutes les églises : mais ils ne conviennent point également que cette prérogative dans les premiers temps ait passé aux légats. Plusieurs d'entr'eux ne font pas remonter l'origine de ce droit plus haut que le concîle de Chalcedoine ; d'autres pensent que dès le concîle de Nicée, les légats du pape ont présidé.

Parmi ces derniers se trouve M. de Marca, qui dans son fameux traité de concordia sacerdotii et imperii, lib. V. cap IIIe IVe Ve VIe et VIIe réduit la question de la prééminence du pape dans les conciles, à trois chefs principaux qu'il s'efforce de démontrer ; savoir à la prérogative de la séance, au droit de recueillir les voix, à la ratification de tout ce qui a été fait ; et il prétend que cette ratification ne nuit point à la liberté des suffrages qui est absolument nécessaire, mais il la compare au rapport qu'autrefois les consuls et qu'ensuite les princes faisaient au sénat, afin qu'il eut à prononcer, en sorte que le sénat néanmoins décidait ce qu'il jugeait à-propos. Le souverain pontife, dit cet illustre prélat, exerce un droit semblable dans les conciles, ce qui n'empêche pas qu'on n'y jouisse de la liberté des suffrages. Il ajoute, chap. VIIe que cette prérogative passe à ses légats, et même nécessairement, puisqu'il est certain que les papes n'ont point été présents aux premiers conciles, et qu'ils se sont contentés d'y envoyer des légats. La comparaison que fait M. de Marca n'est point du tout exacte, et ne s'accorde pas avec ce que nous avons prouvé ci-dessus, que ce sont les empereurs qui ont convoqué les premiers conciles, et y ont invité les papes par leurs édits. De plus si on attribuait ce droit de rapport dans les premiers siècles au souverain pontife, ce serait lui donner par-là une autorité suprême de l'Eglise ; car ce droit de rapport faisait partie de la souveraineté. Les termes de la loi royale renouvellée sous Vespasien, que cite M. de Marca, en sont une preuve authentique. Les voici : Ut ei senatum habere, relationem facère, remittère, senatusconsultum per relationem, discussionemque facère liceat. M. de Marca n'appele-t-il pas lui-même ce droit jus imperatorium, et n'est-il pas constant que sans ce rapport, le sénatusconsulte ne pouvait avoir lieu ? Nous en avons un exemple dans Tacite, lib. XV. ann. c. 22. où après avoir rapporté le Discours que Thraseas prononça au sénat, il ajoute tout de suite ces paroles : magno assensu celebratae sententia, non tamen sctm eâ de re perfici potuit, abnuentibus consulibus eâ de re relatum. Ce passage montre assez que quoique ce droit de rapport n'ôtât pas tout à fait la liberté des suffrages, cependant celui de délibérer et de décider du temps de la république dépendait de la volonté des consuls, et dans la suite, des empereurs, qui même en ont entièrement privé le sénat. Novelle 78. de Léon surnommé le philosophe. Or il est manifeste que les conciles, surtout dans les premiers siècles, ne dépendaient en aucune façon de la volonté du pape. Ainsi réduisons le droit de présider à deux chefs ; au droit de tenir le premier rang de la séance, et à celui de recueillir les voix : séparons-en celui de la ratification, puisque nous venons de voir que c'est pour concilier ce droit-là avec la liberté du concile, que M. de Marca a imaginé le droit de rapport et la comparaison qu'il en fait. Le même M. de Marca veut prouver d'après l'histoire, que le droit de présidence a passé aux légats des souverains pontifes. Il soutient qu'Osius évêque de Cordoue, présida en cette qualité au concîle de Nicée. Il se fonde sur ce qu'Athanase appelle cet évêque l'âme et le chef des conciles ; lib. de fugâ suâ et epistolâ ad solitarios ; et sur ce que Socrate, liv. I. ch. IXe de la version latine, ou ch. XIIIe de l'original grec, en faisant l'énumération des prélats les plus distingués qui assistèrent au concile, commence par Osius évêque de Cordoue, Vite et Vincent prêtres, et nomme ensuite Alexandre d'Egypte, Eustathe d'Antioche, Macaire de Jérusalem. M. de Marca ajoute, que personne n'assista de la part du pape au second concîle oecuménique, qu'il ne fut composé que d'évêques orientaux, et qu'il ne devint général que par l'acquiescement de l'église d'Occident, à la décision de celle d'Orient ; que Cyrille présida au troisième concile, et qu'il représentait le pape Célestin I. comme l'annoncent les lettres de ce pontife adressées tant au clergé et au peuple de Constantinople, qu'à Cyrille lui-même.

D'un autre côté Simon Vigor, lib. de conciliis, cap. VIIe prétend que la première place dans les conciles est dû. aux patriarches, et qu'ils y président tous conjointement ; mais que parmi eux la préséance est réservée au souverain pontife, de façon cependant que s'il est absent, ses légats ne succedent point à sa place, mais le second patriarche ; et au défaut du second, le troisième. Ainsi ce ne fut point, selon lui, le pape Sylvestre qui était absent, qui présida au concîle de Nicée ; ni Alexandre, patriarche d'Alexandrie, qui en quelque manière était partie intéressée, puisqu'il s'agissait d'Arius qu'il avait le premier condamné dans un concîle tenu dans son patriarchat. Cet auteur conclud que le concîle fut présidé par Eustathe d'Antioche, et il le prouve par la lettre qu'écrivit le pape Felix III. à l'Empereur Zenon, contre Pierre Fullon évêque d'Antioche. Cette lettre est conçue en ces termes : Petrus primogenitus diaboli filius, et qui sanctae ecclesiae Antiochenae se indignissime ingessit, sanctamque sedem Ignatii martyris polluit, qui Petri dextrâ ordinatus est, Eustathiique confessoris ac praesidentis trecentorum decem et octo patrum qui in Nicaea convenerunt, ausus est dicère, etc. Voyez tome IV. des conciles, pag. 1069. Il faut avouer que ces dernières paroles sont favorables au sentiment de Vigor.

Mais M. Richer, célèbre docteur de Sorbonne, contrebalance cette autorité dans son histoire des conciles généraux, liv. I. ch. IIe num. 7. en rapportant, d'après Socrate et d'après Théodoret, livre I. ch. IXe la lettre synodale des PP. de Nicée aux Alexandrins, où ils disent que si le concîle a statué quelque chose outre ce dont ils leur parlent, ils l'apprendront d'Alexandre leur patriarche, qui ayant eu part et ayant présidé aux décisions du concile, leur en rendra un compte plus exact. Voilà le sens que donne Richer au texte grec dans la traduction qu'il en fait, et on ne peut disconvenir qu'il est conforme à l'original. Au reste ce docteur s'accorde avec Vigor, en ce qu'il pense, comme lui, que le pape doit présider au concîle lorsqu'il est présent, mais que cette prérogative est attachée à sa personne et au siège qu'il occupe ; que ses légats n'y succedent point, et qu'en effet ils n'ont pas présidé aux conciles généraux jusqu'à celui de Chalcédoine, où cela leur fut accordé pour la première fais.

S'il nous est permis de dire notre sentiment à ce sujet, nous n'adoptons ni ne rejetons entièrement l'opinion de M. de Marca ; et nous en faisons de même à l'égard de celle de Vigor et de Richer. Nous convenons avec chacun d'eux, que le droit de présider appartient au pape en vertu de sa dignité, qu'il appartient encore aux autres patriarches. Nous croyons pareillement avec Richer et Vigor, que les légats n'ont point présidé jusqu'au concîle de Chalcédoine ; qu'à l'exception cependant du premier concîle de Constantinople, ils y ont assisté, et qu'ils y ont eu une place honorable, quoique ce ne fût point la première. Examinons d'abord la chose par rapport à Osius. Il est certain qu'il fut présent au concîle de Nicée. Eusebe, témoin oculaire, dit, liv. III. chap. VIIe de la vie de Constantin, que cet homme venu d'Espagne et exalté par beaucoup de personnes, assista au concîle et prit séance avec les autres ; que l'évêque de la ville impériale, c'est-à-dire le pape Sylvestre (suivant l'interprétation d'Henri de Valais) ne s'y trouva point à cause qu'il était d'un âge fort avancé ; qu'il envoya des prêtres pour le représenter. Socrate, d'après Eusebe, rapporte la même chose, liv. I. c. Ve Ni l'un ni l'autre n'exprime si Osius assista au concîle comme légat de Sylvestre, ou bien jure suo, comme évêque de Cordoue. Et même Sozomene liv. I. ch. XVIe et Théodoret, liv. I. ch. VIIe sans faire aucune mention de lui, disent simplement que Vite et Vincent prêtres, vinrent au concîle à la place de l'évêque de Rome ; d'ailleurs Sozomene se trompe en ce qu'il donne au pape le nom de Jules, quoique ce ne fût point encore lui, mais Sylvestre qui occupât pour lors le saint siège. Ces différents passages semblent prouver qu'Osius ne fut point légat du souverain pontife.

Mais, dira-on, Osius eut la préséance sur tous les autres évêques. Or elle n'était certainement point dû. à son siège, inférieur de beaucoup à ceux des patriarches, auxquels il convenait de la céder ; c'est donc en vertu de sa légation qu'il a obtenu cette préséance. Joignez à cela le témoignage de Gelase de Cyzique, qui vers l'an 689 a recueilli les actes du concîle de Nicée. Cet auteur avance qu'Osius tint la place de Sylvestre évêque de l'ancienne Rome, conjointement avec les prêtres Vite et Vincent. Pour répondre à ces objections, nous commencerons par observer avec tous les savants, principalement avec l'auteur de l'avertissement qui est à la tête de l'édition de Rome des conciles, et qu'on trouve tom. II. des conciles de Labbé, pag. 103. nous observerons, dis je, que l'histoire de Gelase de Cyzique ne mérite pas qu'on y ajoute foi, parce qu'elle renferme beaucoup de choses qui ne s'accordant pas avec ce que disent les meilleurs écrivains, la rendent suspecte à juste titre. C'est pourquoi on ne doit point assurer qu'Osius présida au nom de Sylvestre, sur le seul témoignage de Gelase. Celui de S. Athanase qui appelle l'évêque de Cordoue, l'âme et le chef des conciles, est sans contredit d'une plus grande autorité, et jetterait plus de doute sur le rang que celui-ci eut au concîle de Nicée, si ce n'est qu'il suffisait à S. Athanase pour tenir un pareil langage, d'envisager le personnage important que fit Osius dans l'affaire d'Arius. Cette hérésie dès sa naissance ayant excité beaucoup de troubles et de divisions dans l'Eglise, l'empereur Constantin employa tous ses soins pour rétablir la paix. Ce fut dans cette vue qu'avant de convoquer le concîle de Nicée, il envoya à Alexandrie Osius en qui il avait une confiance particulière, et le chargea d'une lettre adressée conjointement à Alexandre et à Arius, où il parle de leur différend suivant l'idée qu'on lui en avait alors donnée, et les exhorte à se réunir. Eusebe de Nicomédie, partisan secret d'Arius, avait eu l'adresse de faire entendre à l'empereur que la cause du mal était l'aversion de l'évêque Alexandre contre le prêtre Arius, et qu'il était de sa piété de faire usage de son autorité pour lui imposer silence. Mais l'empereur ayant appris par Osius le peu d'effet de sa lettre, et la grandeur des maux de l'Eglise qui exigeaient un remède plus efficace, il assembla le concîle où Osius eut occasion de se signaler. Quelque temps après ce concile, le même Osius fut encore le principal moteur de la tenue du concîle de Sardique : ce qui irrita contre lui les Ariens. Ils le détestaient comme un de leurs plus puissants adversaires, et ils mirent tout en œuvre pour l'abattre. Il n'est donc point étonnant que S. Athanase parle en termes extrêmement honorables d'un vieillard digne de vénération, évêque depuis trente ans, confesseur dans la persécution de Maximien, renommé par toute l'Eglise, et qui récemment venait de rendre à la bonne cause des services essentiels. Au reste il ne dit rien d'où il faille absolument conclure qu'Osius tint au concîle la place de légat du pape. Enfin si à la tête des souscriptions du concile, telles que nous les avons aujourd'hui, nous trouvons le nom d'Osius, et qu'il soit suivi de ceux de Vite et de Vincent, cela vient de ce que les évêques ont souscrit suivant l'ordre de leurs provinces, d'abord les Occidentaux, et ensuite ceux des différentes provinces d'Orient. Les Occidentaux souscrivirent les premiers, attendu que le patriarchat d'Occident qui embrasse la moitié du monde chrétien, est le premier de tous. Osius est à leur tête comme étant le seul évêque de ce patriarchat, et après lui se trouvent les prêtres Vite et Vincent. Après les souscriptions des Latins, l'on compte celles des évêques de la province d'Egypte, ayant à leur tête Alexandre patriarche d'Alexandrie ; ensuite les évêques qui lui sont soumis, savoir ceux de l'Egypte, de la Thébaïde, et de la Lybie : pour lors le patriarchat d'Alexandrie suivait immédiatement celui de Rome. Après le patriarchat d'Alexandrie, l'on trouve les évêques de celui de Jérusalem qui est le troisième, et à la tête Macaire leur patriarche. Vient ensuite le patriarchat d'Antioche, à la tête duquel était Eustathe. Ainsi les présidents du concîle furent Osius, Alexandre, Macaire, et Eustathe, que nous avons Ve ci-dessus dénommé président par le pape Felix III. et qui en cette qualité adressa un discours à Constantin. Osius et les autres évêques se trouvèrent tous au concîle jure suo, en vertu de leur dignité, et non d'aucun droit de légation. Cette description de la présidence du concile, faite d'après le concîle même, détruit entièrement la prétendue présidence de Vite et de Vincent. Pour résumer en deux mots tout ceci, si Osius eut présidé au concîle comme légat du pape Sylvestre, les prêtres Vite et Vincent, certainement envoyés par le pape en cette qualité, eussent présidé conjointement avec lui. Nous venons de voir qu'ils n'ont point présidé : donc ce n'est point comme légat qu'Osius a été un des présidents du concile. Dans les deux conciles généraux qui suivirent, et qui se tinrent avant celui de Chalcédoine, les légats du pape ne paraissent pas y avoir présidé. Nous avons Ve plus haut qu'au premier concîle de Constantinople, il ne se trouva aucun évêque de l'église d'occident, et que les Grecs même s'en plaignirent : mais ce concîle fut ensuite reçu par le pape Damase et les autres évêques de l'église latine ; c'est pourquoi on l'a toujours reconnu pour oecuménique. Les légats du pape Célestin I. Arcadius et Projectus évêques, et Philippe prêtre, assistèrent au concîle d'Ephese ; mais ils n'y présidèrent point : ce fut Cyrille d'Alexandrie qui présida ; ce droit lui appartenait au défaut de Nestorius patriarche de Constantinople, qui était absent et accusé, car dès ce temps-là le patriarche de Constantinople avait le second rang. Il est bien vrai que dans ce concîle le pape Célestin commit Cyrille à sa place ; mais comme il avait d'ailleurs, à raison de son siège, le droit de présider, on ne peut inférer d'un pareil exemple que les légats du pape présidassent alors au concîle jure suo. Enfin le concîle de Chalcédoine qui condamna et déposa Dioscore, fut présidé par les légats du pape S. Léon, savoir Paschasin et Lucentius évêques, et Boniface prêtre. Vigor, lib. de conciliis, cap. VIIe prétend que cela se passa ainsi, parce que tous les patriarches, à l'exception de celui de Constantinople, étaient au nombre des accusés, Ve qu'ils s'étaient joints à Dioscore pour condamner Flavien dans le faux concîle d'Ephese, et par conséquent ne pouvaient présider à un concîle où ils devaient être jugés. Mais il parait par les souscriptions rapportées tome IV. des conciles, pag. 448. et suiv. qu'Anatole patriarche de Constantinople, souscrivit après les légats, et après lui Maxime d'Antioche : ce qui réfute l'opinion de Vigor. Il est très-vraisemblable que l'empereur Marcien, prince religieux, seconda la déférence qu'on eut en cette occasion pour le saint siège. Quoi qu'il en sait, c'est d'après cet exemple que les légats du pape ont présidé dans tous les conciles.

A l'égard de l'ordre suivant lequel les autres évêques assistent au concile, le dernier canon de la distinction dix-sept du decret de Gratien, établit pour règle que les évêques doivent se conformer à la date de leur ordination, tant pour le rang qu'ils occupent dans la séance, que pour celui des souscriptions. On décida la même chose dans le premier concîle de Brague, canon VIe et cette discipline fut pareillement observée dans l'église d'Afrique, où l'on ordonna que pour terminer les contestations qui s'élevaient au sujet de la préséance, chaque évêque serait tenu de rapporter des lettres de celui dont il aurait reçu la consécration, et qui en continssent la date. Canons VIIIe et IXe du code des canons de l'église d'Afrique. On s'est néanmoins quelquefois écarté de cette règle en faveur de plusieurs sièges privilégiés.

Outre l'ordre de la séance, la forme du concîle consiste encore dans la division des assemblées, et la liberté des suffrages. Comme tout ce dont on doit traiter dans un concile, ne peut se finir en un jour, on a coutume de partager les affaires en différents temps, et de distinguer les diverses assemblées en actions ou cessions, ainsi qu'on les appelle aujourd'hui : dans ces actions ou sessions, on propose les questions et on prononce les decrets ; ce qui ne se fait cependant qu'après avoir tenu des congrégations, c'est-à-dire des assemblées privées d'évêques. Les pères du concîle délibèrent entr'eux d'abord dans une congrégation particulière, sur ce qui fait la matière de la question. Ensuite on fait le rapport de ce qui y a été agité dans une congrégation plus générale, où l'on convoque ceux même des évêques qui n'ont point assisté à la première. De cette façon aucun d'eux n'ignore ce dont il s'agit. On discute de nouveau la question, et on la décide avant que de la porter dans la session publique. Cela a été introduit afin qu'il ne restât plus aucun sujet d'altercation entre les évêques, et que les sessions publiques se passassent avec plus de décence : cette précaution néanmoins ne s'est prise que dans les derniers conciles. On ne trouve rien de semblable dans les anciens, et chaque affaire se discutait dans les actions publiques. Il était pareillement d'usage autrefois de prendre les voix de chaque membre de l'assemblée ; ce qui a été observé jusqu'au concîle de Constance, où il parut nécessaire de recueillir les suffrages par nation, c'est-à-dire que chaque évêque opinait dans sa nation, et qu'on rapportait dans le concîle les suffrages des nations. De puissantes raisons obligèrent les pères du concîle de Constance d'introduire cette nouveauté. Il y avait pour lors trois contendants à la papauté, Gregoire XII. Benait XIII. et Jean XXIII. Chacun d'eux avait ses adhérants parmi les évêques. Il était à craindre si on comptait les voix suivant l'ancien usage, que les évêques d'une nation l'emportant par le nombre sur les autres, on ne put parvenir au rétablissement de la paix et à l'extinction du schisme, qui étaient le but principal de la tenue du concile. On suivit la même méthode au concîle de Basle, et il est sensible que c'est un moyen sur pour réunir le consentement de toute l'Eglise. Quant à la liberté des suffrages, elle doit être très-grande ; autrement le concîle cesse d'être oecuménique, et ne contient plus la décision de l'Eglise universelle. Il n'y a point de marque plus certaine pour connaître si un concîle a été oecuménique, ou non, que la liberté des suffrages. Nous en avons un exemple dans le faux concîle d'Ephese, tenu par Dioscore, et cassé par celui de Chalcédoine. Ce faux concîle avait été convoqué dans la même forme que les trois précédents conciles généraux. Théodose le grand avait interposé son autorité pour la convocation de ce concile, le pape S. Léon avait donné son consentement et envoyé ses légats ; ainsi rien ne paraissait manquer à l'extérieur, de ce qui constitue la forme des conciles. Mais on n'y eut point la liberté de délibérer ; les évêques, les prêtres et les clercs furent forcés par les soldats à coups d'épée et de bâton de signer un papier blanc. Plusieurs moururent de cette violence, entr'autres Flavien de Constantinople. Dioscore avait conspiré sa perte, et il le fit condamner et déposer par ces voies de fait dans cette assemblée ; c'est pourquoi on l'a toujours regardée comme un conciliabule. Il est donc très-important d'avoir une règle sure pour discerner si le concîle a la liberté des suffrages ; car il est à craindre que sous ce prétexte quelqu'un ne s'élève contre l'autorité des conciles généraux la mieux fondée, et ne veuille s'y soustraire, en disant que le concîle n'a pas été libre. Or on peut juger qu'il a été libre par l'acquiescement de l'Eglise universelle ; si au contraire toutes les églises se plaignent, et rejettent les décisions du concile, c'est une preuve manifeste qu'il n'a joui d'aucune liberté. Par exemple on réclama de toute part contre le brigandage du faux concîle d'Ephese ; on demanda un autre concile, et il parut évidemment que celui d'Ephese n'avait point été libre ; c'est ce que prouvent les actes du concîle de Chalcédoine. L'Eglise universelle réclama pareillement contre le faux concîle de Rimini, où l'on avait également employé la violence, et à la formule duquel le pape Libere avait souscrit.

Maintenant pour terminer ce qui concerne les conciles généraux, nous allons examiner quelle est leur autorité. Divers passages de l'Ecriture, et la tradition constante de l'Eglise nous enseignent, qu'il n'y en a point de plus respectable. Nous avons déjà eu occasion de citer ces paroles de Jesus-Christ, ubi sunt duo vel tres, etc. Nous avons Ve que les pères de Chalcédoine en font l'application aux conciles, et en tirent cette conséquence, qu'à plus forte raison Jesus-Christ ne refusera point son assistance à cinq cent vingt évêques assemblés en son nom. Nous ajouterons ici que le cinquième concîle général, ou le second de Constantinople, prend dans le même sens ce texte de l'évangile, et reconnait l'autorité suprême des conciles généraux, qu'il démontre en se servant de différentes preuves. Il se fonde 1°. sur ce que les apôtres, quoiqu'ils fussent tellement remplis de la grâce du Saint-Esprit qu'ils n'eussent pas besoin les uns des autres pour être instruits de ce qu'ils devaient faire, cependant ne voulurent rien statuer à l'égard des cérémonies légales, qu'ils n'eussent délibéré ensemble, et que chacun d'eux n'eut appuyé son avis sur les saintes Ecritures. 2°. Sur ce que la décision des apôtres conçue en ces termes, visum est spiritui sancto et nobis, etc. témoigne assez qu'elle est faite et prononcée en commun. L'on peut étendre plus loin la réflexion des pères de Constantinople, et avancer avec confiance comme une suite naturelle de cette réflexion, que les apôtres en attribuant à l'inspiration divine ce qu'ils ont défini, nous autorisent à regarder comme décidé par le Saint-Esprit, tout ce qui l'est par l'Eglise assemblée. 3°. Sur l'exemple non interrompu de l'Eglise : car les saints pères en différents temps (c'est le concîle qui parle), se sont assemblés dans les conciles pour décider en commun les questions qui s'étaient élevées, et pour condamner les hérésies, parce qu'ils étaient fermement persuadés que les examens qui se font en commun, et où l'on pese les raisons alléguées de part et d'autre, faisaient briller la lumière de la vérité, et dissipaient les ténèbres du mensonge ; tom. V. des conciles, pag. 461. et suivantes. Mais non-seulement les pères de Chalcédoine et ceux de Constantinople relèvent l'autorité des conciles oecuméniques au-dessus de toute autre, nous voyons encore que les souverains pontifes ont tenu le même langage. Célestin premier nous en donne une haute idée dans une lettre au concîle d'Ephese, où il dit que les apôtres ont été instruits par Jesus-Christ, que les évêques ont succédé aux apôtres, qu'ils ont reçu leur puissance du même Jesus-Christ ; par conséquent que le concîle est saint, et mérite la plus profonde vénération ; tome III. des conciles, pag. 914. Gregoire le grand est encore plus énergique sur ce sujet, dans une lettre adressée aux patriarches Jean de Constantinople, Elogius d'Alexandrie, Jean de Jérusalem, Anastase d'Antioche, pour leur faire part de son élection et leur envoyer sa profession de foi, suivant l'usage de ce temps-là, observé par les papes et autres évêques des grands siéges, nouvellement élus. Voici comme ce saint pontife s'exprime vers la fin de cette lettre : sicut sancti evangelii quatuor libros, sic quatuor concilia suscipere ac venerari me fateor... et quisquis eorum soliditatem non tenet, etiamsi lapis esse cernitur, tamen extra aedificium jacet.... cunctas vero, quas praefata concilia veneranda personas respuunt, respuo ; quas venerantur, amplector ; quia dum universali sunt consensu constituta, se, et non illa destruit, quisquis presumit aut solvère quos ligant, aut ligare quos solvunt. Lib. I. regesti, epist. 24. Le commencement du canon 3. de la distinction 15. renferme à-peu-près les mêmes sentiments. Gratien attribue ce canon à Gelase, mais il est incertain qu'il soit de ce pape ; quelques-uns le donnent à Damase, et d'autres sur la foi de plusieurs manuscrits, prétendent qu'il est du pape Hormisdas. M. Baluze dans sa note sur ce canon, conjecture que le decret qu'il contient, a d'abord été fait par le pape Damase, et ensuite renouvellé par Gelase et Hormisdas. Quoi qu'il en sait, l'auteur de ce canon déclare que la sainte église romaine après les livres de l'ancien et du nouveau Testament, ne reçoit rien avec plus de respect que les quatre premiers conciles. En effet la vénération pour ces conciles a été poussée si loin, que Gregoire le grand, comme nous venons de le voir, les compare aux quatre évangiles ; et Isidore de Seville dans le canon premier, paragraphe premier de la même distinction, assure qu'ils renferment toute la foi, étant comme quatre évangiles, et autant de fleuves du paradis. Les papes ont reçu avec le même respect les quatre conciles qui ont suivi ces premiers ; c'est ce que prouve la profession de foi qu'ils faisaient d'une manière solennelle, et sous la religion du serment, si-tôt qu'ils étaient élevés au pontificat, avant même que d'être consacrés. Cette profession de foi était ensuite rédigée par écrit par les notaires de l'église romaine, et déposée sur l'autel et le corps de saint Pierre. On en trouve la formule dans le diurnal romain et dans les notes de M. Bignon sur le huitième concîle général, tome VIII. des conciles, pag. 492. Suivant cette formule, le nouveau pape promettait d'observer en tout et avec le dernier scrupule les huit conciles généraux, d'avoir pour eux la vénération convenable, d'enseigner ce qu'ils enseignaient, et de condamner de cœur et de bouche ce qu'ils condamnaient.

Ces témoignages non suspects en faveur des conciles, font voir combien il est déraisonnable de penser que les conciles oecuméniques soient sujets à l'erreur. Ceux qui n'ont pas là-dessus des idées saines, abusent d'un passage de S. Augustin, lib. II. de baptismo contra donatistas, cap. IIIe où ce saint docteur enseigne que les conciles qui se tiennent dans chaque province, cedent à l'autorité des conciles universels composés de toute la chrétienté ; mais que ces mêmes conciles universels, lorsque l'expérience nous a appris ce que nous ignorions, sont souvent réformés par d'autres qui leur sont postérieurs, et qui ont également l'avantage d'être oecuméniques. Ipsa concilia (ce sont les propres termes de ce pere) quae per singulas religiones vel provincias fiunt, plenariorum conciliorum autoritati, quae fiunt ex universo orbe christiano, sine ullis ambagibus cedunt : ipsaque plenaria, saepe priora posterioribus emendantur, cum aliquo experimento rerum aperitur quod clausum erat, et cognoscitur quod latebat. Quelques-uns croient écarter la difficulté que ce passage semble faire naître, en l'appliquant au concîle général d'une nation, de l'Afrique par exemple ; mais cette conjecture est détruite par cela seul, que saint Augustin appelle ici les conciles généraux, ceux qui sont composés de toute la chrétienté. On ne répond pas avec plus de solidité, en disant que ces paroles doivent s'entendre des statuts des conciles généraux, dans les causes de fait et de pure discipline, et non des questions de foi. En effet ce saint père dans cet ouvrage traite la fameuse question, si on doit réitérer le baptême conféré par les hérétiques, qui avait été agitée auparavant entre saint Cyprien et le pape Etienne : or cette question appartient certainement à la foi et à la doctrine de l'Eglise, et non à la pure discipline. Saint Augustin réfute en cet endroit les Donatistes qui objectaient l'autorité de saint Cyprien et des conciles tenus à l'occasion de la dispute sur le baptême, et il dit que les conciles, etc. Je crois donc qu'il faut ici expliquer saint Augustin, non par les noms, mais par la chose même, et la forme intérieure suivant laquelle les conciles ont été célébrés. Il y a des conciles qui paraissent généraux à cause de la forme extérieure dont ils sont revêtus, mais qui ont un vice intérieur qui porte atteinte à leur validité. Ces conciles, eu égard à ce vice, ne doivent point être réputés généraux ; ils ne le sont que de nom et nullement d'effet ; tels sont les faux conciles d'Ephese et de Rimini, dont nous avons déjà parlé : les conciles de cette espèce, peuvent être réformés par des conciles vraiment oecuméniques, et qui ne donnent aucune prise pour les attaquer. Voilà, si je ne me trompe, le sens de saint Augustin ; ces paroles, saepe priora posterioribus emendantur, semblent l'indiquer. Saepe, dit-il, c'est-à-dire que cela arrivait non pas quelquefois, mais fréquemment ; et cependant nous ne trouvons nulle part aucun exemple que des conciles reconnus pour oecuméniques par toute l'Eglise, aient jamais été réformés par d'autres conciles postérieurs ; ainsi c'est une entreprise téméraire que de vouloir jeter des doutes sur l'infaillibilité des conciles généraux. Il n'est pas moins absurde, et contraire à l'esprit des anciens papes, de prétendre qu'ils n'ont de validité qu'autant que les souverains pontifes les approuvent. Les défenseurs de cette opinion ont eu recours, pour établir leur système, aux canons de la distinction 17 ; la critique que nous en avons faite, suffit pour ruiner de fond en comble les inductions qu'on veut tirer de ces canons. Nous avons lieu au contraire de conclure d'après les passages que nous avons rapportés, que les conciles tirent d'eux-mêmes leur autorité, et qu'ils n'ont pas besoin de la confirmation du pape.

Nous ne dissimulons point que le consentement du souverain pontife ne soit d'un grand poids, et qu'il ne soit à désirer que l'évêque du premier siège, le chef visible et ministériel de l'Eglise catholique, acquiesce à ce qu'elle a décidé ; afin qu'on puisse opposer avec plus de force et d'une façon plus évidente le consentement de l'Eglise universelle à ceux qui veulent en troubler la paix. Mais si le pape refuse de souscrire au concile, s'il n'adopte point la décision de l'Eglise universelle, alors le concîle général peut exercer envers lui son autorité comme envers les autres membres de l'Eglise ; c'est ce qu'a décidé formellement le concîle de Constance, sess. 3. et celui de Bâle, sess. 2. Cette décision que les ultramontains qualifient d'erronée, contient la doctrine de l'église gallicane et des universités du royaume, principalement de celle de Paris. Elle a été soutenue par Gerson chancelier de cette université, par Pierre d'Ailly grand-maître de la maison de Navarre, ensuite évêque de Cambrai et cardinal, et par un nombre infini de théologiens et de canonistes. Charles VII. roi de France, qui connaissait bien les droits de sa couronne, l'a fait insérer dans la pragmatique sanction, de l'avis de tous les ordres du royaume : voici les paroles tirées tant du decret du concîle de Bâle, que de la pragmatique sanction. Et primo declarat quod ipsa synodus, in Spiritu sancto legitimè congregata, generale concilium faciens, et ecclesiam militantem représentants, potestatem habet à Christo immediatè. Cui quilibet cujuscumque status, conditionis, vel dignitatis, etiamsi papalis existat, obedire tenetur in his quae pertinent ad fidem, et extirpationem schismatis, et generalem reformationem ecclesiae Dei, in capite et in membris. prag. sanct. tit. j. p. 3. et 4. On trouve cette doctrine mise dans tout son jour dans le chapitre douzième des preuves des libertés de l'église gallicane, et dans M. Dupin, docteur de Sorbonne, dissert. 6. de antiquâ ecclesiae disciplinâ, et vetutissimae disciplinae monumentis, où il démontre 1°. que l'autorité du concîle général est supérieure à celle du pape : 2°. que le concîle général a la puissance de faire des canons qui astreignent même le pape : 3°. que le concîle général a le droit de juger le pape, et de le déposer s'il erre dans la foi. Il est donc suivant nos mœurs permis d'appeler des décisions du pape au concîle général, comme d'un juge inférieur à un supérieur, chapit. 12. des mêmes preuves, où l'on rapporte des exemples très-remarquables de ces sortes d'appels, tel que celui de Philippe-le-Bel de la bulle de Boniface VIII. celui des prélats, des sujets et des universités du royaume dans la même cause ; tels sont encore les appels au futur concile, interjetés par les procureurs généraux, lorsqu'il fut question d'abroger la pragmatique sanction, et plusieurs autres de cette espèce interjetés en diverses occasions par l'université de Paris, et conçus dans les termes les plus forts. Nous renvoyons le lecteur aux sources que nous venons d'indiquer.

Au reste, ce que nous avons dit de l'autorité suprême des conciles ne regarde que la foi qui est immuable, et non la discipline qui peut changer ; et c'est pourquoi les différentes églises ont reçu ou rejeté divers canons des conciles, suivant qu'elles les ont jugés conformes ou contraires à leurs usages. Par exemple l'église de Rome a reçu les canons du concîle de Sardique, en vertu desquels il était permis à un évêque qui se croyait injustement condamné, de s'adresser au pape, et de faire examiner de nouveau sa cause : les Orientaux et les Grecs n'ont point voulu les admettre, comme étant contraires aux canons des conciles de Nicée et d'Antioche. De même ceux du concîle d'Antioche ont été adoptés par l'Eglise universelle, quoiqu'elle ait constamment rejeté la foi de ce concîle où les Ariens furent les maîtres. D'un autre côté, l'église romaine a souscrit au symbole du second concîle général, mais elle a toujours refusé d'admettre le cinquième canon de ce concile, qui ordonne que l'évêque de Constantinople aura la place d'honneur après l'évêque de Rome, attendu que Constantinople était la nouvelle Rome. Le canon vingt-huitième du concîle de Chalcédoine, par lequel on étend et on augmente les privilèges déjà accordés à l'église de Constantinople, déplut pareillement aux Romains ; les légats du pape S. Léon résistèrent vigoureusement à ce decret, et S. Léon lui-même témoigna beaucoup de zèle contre cette entreprise. A l'égard de la définition de foi, il se hâta d'en faire part aux églises d'Occident, de leur apprendre que la vérité avait triomphé, et que l'hérésie avait été condamnée avec ses auteurs et ses partisans. Enfin la foi du concîle de Trente a été reçue par l'église gallicane ; mais elle en a rejeté tous les points de discipline qui ne s'accordent ni avec l'ancienne ni avec nos mœurs.

Après avoir rempli les différents objets que nous nous étions proposés par rapport aux conciles généraux, il nous reste à parler des conciles particuliers, sur lesquels nous nous étendrons peu, cette matière étant et plus simple et moins importante. Ces conciles sont de trois sortes, savoir les nationaux, les provinciaux, et les diocésains.

Les conciles nationaux sont ceux qui sont convoqués, soit par le prince, soit par le patriarche, soit par le primat, et où l'on rassemble les évêques de toutes les provinces du royaume. Nous disons que ces conciles sont convoqués soit par le prince, soit par le patriarche, ou même le primat ; car il n'est pas douteux que ce droit n'appartienne aux souverains, nos conciles de France fournissent à ce sujet une foule d'exemples. Du temps de l'empire romain, nous voyons les conciles des Gaules convoqués par les empereurs, comme le concîle d'Arles qui fut convoqué par Constantin l'an 314, dans la cause des Donatistes ; celui d'Aquilée, qui est plutôt un concîle d'Italie que des Gaules, convoqué par Gratien l'an 381. Nous lisons dans les actes de ce concîle ces paroles de S. Ambraise : Nos in Occidentis partibus constituti, convenimus ad Aquileiensium civitatem, juxta imperatoris praeceptum. Et dans la lettre synodale du même concîle adressée aux empereurs, les pères les remercient de ce que pour terminer les disputes ils ont eu soin de les assembler. Cette forme de convoquer les conciles de France a subsisté sous nos rais. Le premier concîle d'Orléans a été convoqué par Clovis l'an 511 ; le second, par Childebert et les rois ses frères, l'an 533 ; le concîle d'Auvergne, par Théodebert, l'an 535 ; le troisième concîle d'Orléans, par Childebert, l'an 549, pour ne rien dire des autres qui se sont tenus fréquemment sous la première race, et qui ont été indiqués par nos rais. Mais sous la seconde race principalement, la puissance royale a paru à cet égard dans tout son éclat : c'est dans les conciles tenus sous cette race qu'ont été faits nos capitulaires ; et non-seulement nos rois convoquaient ces conciles, mais même ils y assistaient, et étaient les arbitres et les moteurs de tout ce qui s'y passait. Nous nous contenterons de citer l'action première du concîle de Rome tenu sous Léon III. contre Félix évêque d'Urgel, qui prouve que nos rais, pour lors maîtres de l'Italie, ont pareillement indiqué les conciles dans ce pays, et que les papes, conformément aux ordres du prince, y ont assisté. Depuis que la troisième race a commencé à régner, les rois ont continué de jouir de la même prérogative, ils ont convoqué tous les conciles qui se sont tenus ; en sorte que c'est une règle certaine parmi nous, que les évêques ne peuvent s'assembler ni délibérer entr'eux sur quoi que ce sait, sans la permission du prince. Les papes les plus recommandables par leur sainteté ont reconnu ce droit dans la personne de nos rois ; entr'autres S. Grégoire le grand, liv. VIIe reg. ep. 113. et 114. Dans la première de ces lettres il supplie la reine Brunehaut d'ordonner la tenue d'un concile, et dans la seconde il fait la même prière aux rois Théodoric et Théodebert, afin qu'on puisse y prendre les moyens d'abolir la pernicieuse coutume qui s'était introduite dans le royaume de vendre les ordinations. Le lecteur peut consulter sur ce droit de nos rois le chap. XIe des preuves des libertés de l'église gallicane ; et M. de Marca, lib. VI. de concordiâ sacerdotii et imperii, cap XVIIe et suiv.

L'autorité des conciles nationaux est considérable dans l'Eglise ; comme ils en font une partie, ils approchent beaucoup des conciles oecuméniques, et c'est pour cela qu'on leur a donné quelquefois ce nom. Cette autorité est plus grande dans le royaume où ils ont été célébrés, que chez les autres nations de la Chrétienté. En effet, une nation n'ayant aucun empire sur une autre nation également libre et indépendante, elle ne peut l'astreindre par les lois et les règles qu'elle établit. Néanmoins les conciles nationaux de France ont été en grande vénération chez les peuples étrangers, et leur ont souvent servi de modèles : c'est le fruit de la sagesse de l'église gallicane, et de l'attachement inviolable qu'elle a témoigné dans tous les temps pour l'ancienne discipline.

Les conciles provinciaux sont ceux qui sont convoqués par le métropolitain ou l'archevêque, et dans lesquels il rassemble tous les évêques et autres clercs de sa province. La lettre du clergé de Rome à S. Cyprien, et qui est la vingt-sixième parmi celles de ce père, nous apprend que les prêtres, les diacres, et autres clercs, assistaient et opinaient anciennement à ces conciles. Consultis, dit la lettre, episcopis, presbyteris, diaconis, confessoribus, et ipsis stantibus laicis. On agite et on décide dans ces conciles les questions qui s'élèvent sur la foi ; on y fait des statuts concernant la discipline, l'administration des biens ecclésiastiques, la réformation des abus, et la perfection des mœurs. Ils doivent être convoqués par les métropolitains, canon xx. du concîle d'Antioche ; en sorte qu'il n'est pas permis aux évêques de la province de célébrer un concîle sans le consentement de l'archevêque. Mais d'un autre côté, si celui-ci ne le convoque pas au moins une fois l'année, il encourt les peines canoniques. Le canon VIe du septième concîle général, excepté cependant les cas où la nécessité, la violence, ou quelqu'autre raison légitime, l'ont empêché de le faire.

Lorsque le métropolitain veut convoquer un concîle provincial, il avertit chacun de ses suffragans de s'y trouver, et cela par des lettres qu'on appelait autrefois tractoires ou tractatoires, du même nom que les ordonnances qu'on délivrait à ceux qui voyageaient par ordre du prince, et en vertu desquelles on leur fournissait libéralement les voitures, les chevaux, et la commodité de ce que les Romains appelaient la course publique. Depuis on a donné à ces lettres du métropolitain le nom de lettres évocatoires, encycliques ou circulaires.

Les évêques de la province convoqués par le métropolitain sont obligés de se trouver au concile, canon xl. du concîle de Laodicée ; et ce concîle en donne une raison qui mérite d'être remarquée, savoir que les évêques qui négligent de le faire paraissent s'accuser eux-mêmes, c'est-à-dire avoir été détournés d'aller au concîle par les remords de leur conscience, qui leur font craindre qu'on n'y découvre les fautes qu'ils ont commises, et qu'on ne leur inflige la peine qui leur est dû.. Le canon VIe du concîle de Chalcédoine prescrit la même chose ; et il ajoute que ceux qui ne s'y trouveront pas subiront l'admonition de la charité fraternelle. Les conciles d'Afrique ont été plus sévères, comme il parait par le canon xxj. du quatrième concîle de Carthage, et le canon Xe du cinquième. Suivant ces canons, ceux qui n'auront point eu d'obstacle légitime, ou qui n'en auront point fait mention dans la lettre circulaire, ou enfin qui n'en auront point rendu compte au primat, sont menacés de l'excommunication épiscopale. Nous l'appelons épiscopale, parce qu'il ne s'agit point ici d'une véritable excommunication qui retranche le coupable de la communion des fidèles et du corps de l'Eglise, ou le prive de la participation des sacrements ; mais d'une sorte d'excommunication qui était en usage alors entre les évêques ; de façon que celui qui l'avait encourue ne communiait avec aucun évêque, si ce n'était dans l'étendue de son diocèse ; lett. 209. de S. August. n. 8. et pour me servir des termes du canon Xe du cinquième concîle de Carthage, il devait se contenter de la communion de son église. Nous avons un exemple de cette espèce d'excommunication dans la lettre 40 (nouv. édit. 60e) de saint Léon, adressée à Anatole de Constantinople. Ce pape ordonne dans cette lettre que les évêques qui auront eu part au faux concîle d'Ephese, se restreignent à la communion de leur église. Nous en trouvons un autre exemple dans le canon lxxxvij. du code des canons de l'église d'Afrique, dans l'affaire de Quodvultdeus : Placuit, dit le canon, omnibus episcopis ut nullus ei communicet, donec causa ejus terminum sumat.

L'église gallicane a tenu une conduite aussi rigoureuse à l'égard des évêques qui manquaient de venir au concîle de leur province, canon XVIIe du concîle d'Arles, l'an 452. Cette sévérité s'est étendue à ceux qui abandonnaient le concîle avant qu'il fût terminé, canon xxxv. du concîle d'Agde, l'an 506. Ce qui a pareillement été statué dans le premier canon du deuxième et troisième concîle de Tours. L'Espagne a embrassé la même discipline dans ses conciles, et on y a décidé que l'évêque qui étant averti par son métropolitain négligerait de venir au concile, serait privé jusqu'à la tenue du concîle suivant de la communion de tous les évêques, canon VIe du concîle de Tarragone, l'an 516. Les causes qui peuvent dispenser un évêque mandé au concîle de s'y trouver, sont exprimées dans ces différents conciles : telles sont l'urgente nécessité, l'âge avancé, l'infirmité habituelle, la maladie, les ordres du roi qui retiennent l'évêque dans un autre endroit.

Les conciles provinciaux, suivant le canon Ve du concîle de Nicée, se tenaient deux fois tous les ans ; une fois au printemps, une fois à l'automne. Le premier devait se tenir avant le carême, afin, dit le concile, que toute animosité étant effacée, on présente à Dieu une offrande pure. Ce canon a été longtemps en vigueur ; et il n'était pas difficîle de l'observer, parce que le nombre des évêques était grand sous chaque métropolitain, en sorte qu'ils pouvaient venir tour-à-tour, leurs confrères résidant pendant ce temps-là, et prenant soin de l'église des absens. Les conciles furent négligés dans la suite : les évêques les moins zélés craignaient la fatigue et la dépense de ces fréquents voyages ; et vers le VIIIe siècle on se réduisit à les obliger de tenir au moins un concîle par an ; c'est l'ordonnance du concîle de Trulle, qui fut confirmée par le septième et le huitième concîle oecuménique. En Occident les conciles provinciaux furent rares sous la seconde race de nos rais, tant à cause des assemblées d'état qui se tenaient deux fois par an, et où tous les évêques étaient obligés de se trouver, qu'à cause des guerres civiles, des incursions des Normands qui infestèrent le royaume depuis Charles-le-Chauve, et de la division des petits seigneurs qui fut un nouvel obstacle. Ainsi dans le onzième et douzième siècle on ne tint presque pas de ces conciles. Néanmoins Innocent III. au concîle de Latran renouvella la règle des conciles annuels, mais elle fut mal observée. Dans le siècle suivant un concîle de Valence en Espagne les ordonna seulement tous les deux ans, jusqu'à ce qu'enfin le concîle de Bâle réduisit à trois ans l'obligation de les tenir ; ce que le concîle de Trente a confirmé sous les peines portées par les canons. En France l'édit de Melun, celui de 1610, et une déclaration de 1646, ont ordonné l'exécution du decret du concîle de Trente. Des lois aussi sages ont été sans aucun fruit et n'ont pu faire revivre la coutume de célébrer, sinon tous les trois ans, du moins fréquemment, des conciles provinciaux. De nos jours il ne s'en est point tenu d'autre que celui d'Embrun en 1728, où un des prélats les plus distingués parmi les appelans de la constitution Unigenitus, fut condamné, suspendu des fonctions d'évêque et de prêtre, et réduit à la communion laïque.

Les conciles diocésains, qu'on appelle proprement synodes, suivant l'usage moderne, sont ceux qui sont célébrés par chaque évêque, et composés des abbés, des prêtres, diacres, et autres clercs de son diocèse. Le canon VIe du seizième concîle de Tolede nous apprend la raison pour laquelle on tient ces sortes de conciles ; c'est afin, dit-il, que l'évêque notifie à son clergé et à ses ouailles tout ce qui s'est passé et tout ce qui a été décidé au concîle provincial ; et l'évêque qui manque à ce devoir est privé de la communion pendant deux mois. Mais quoique les conciles provinciaux ne soient plus en usage, néanmoins on tient encore les synodes, et on doit les célébrer tous les ans dans chaque diocèse ; c'est-là principalement que les prélats veillent à réformer ou à prévenir les abus.

Nous n'en dirons pas davantage sur les conciles particuliers. Au reste nous croyons n'avoir rien avancé dans tout cet article des conciles (telle a été du moins notre intention) qui ne soit conforme à l'esprit de la religion, aux maximes du royaume, et qu'on ne puisse concilier avec le vrai respect dû au saint siège. Cet article est de M. BOUCHAUD, docteur agrégé en la faculté de Droit.