(Géographie moderne) ville de France, capitale de la Touraine, dans une agréable et fertîle plaine, entre la Loire et le Cher. Elle a cinq fauxbourgs, contient environ vingt-mille habitants, et est assez bien bâtie. Il y a présidial, bailliage, élection, hôtel des monnaies très-ancien, intendance et archevêché, Long. suivant Cassini, 18. 12'. 30''. latit. 47. 23'. 40 ''.

Quelques auteurs prétendent que Tours est le Caesarodunum de Ptolémée et de la table théodosienne ou de Peutinger ; mais cette opinion est peu vraisemblable, parce que tous les noms qui se terminent en dunum, indiquent des lieux situés sur une hauteur, et que Tours est située dans une plaine.

Quoi qu'il en sait, lorsque l'empire romain fut détruit en Occident, les Visigoths s'étant rendus les maîtres de toute la partie des Gaules qui est au midi de la Loire, la ville de Tours vint à leur pouvoir sous le règne d'Euric ; Tours était encore sous leur domination l'an 506, lorsque Verus, évêque de Tours, comparut par procureur au concîle d'Agde, composé des évêques et des députés des églises sujettes aux rois des Goths ; mais l'année suivante 507, Clovis ayant vaincu et tué Alaric près de Poitiers, il se rendit maître de tout ce qui est entre la Loire et les Pyrenées, et il assujettit aisément la ville de Tours, où il alla en dévotion au tombeau de S. Martin, qu'on regardait comme le saint tutélaire des Gaules.

Après la mort de Clovis, les villes de Neustrie et d'Aquittaine ayant été partagées entre ses quatre fils, Tours échut à Thierri, roi d'Austrasie ; et on voit par Grégoire de Tours, que les rois qui regnèrent à Metz dans la France orientale, possédèrent toujours cette ville jusqu'au temps de Clotaire II. qui réunit la monarchie française. Depuis ce temps-là, Tours fut sujette aux rois de Neustrie, tant sous la race des Mérovingiens, que sous celle des Carlovingiens. Ceux de cette seconde race perdirent leur pouvoir et leur autorité sous Charles le simple, qui fut dégradé de la dignité royale et confiné dans une prison perpétuelle.

Ce fut dans ce temps que Thibaud surnommé le tricheur, comte de Blais et de Chartres, qui s'était rendu absolu dans ces pays-là, au mépris de l'autorité royale, s'empara de la ville de Tours que ses successeurs possédèrent longtemps. L'an 1037 Geoffroi Martel vainquit en bataille le comte de Blais, qui fut contraint de donner Tours pour sa rançon. Geoffroi Martel laissa en mourant tous ses états à ses neveux nommés Plantegenets, à cause de Geoffroi d'Anjou qui avait porté ce nom, et dont le petit-fils Jean sans-terre, roi d'Angleterre, fut privé par Philippe Auguste des états qu'il avait deçà la mer. Enfin Henri III. fils de Jean, céda, entr'autres pays, Tours et la Touraine à S. Louis par le traité de l'an 1259.

Le séjour que le parlement de Paris fit à Tours, la situation de cette ville dans un pays fertile, et la commodité de la rivière de Loire donnèrent lieu au dessein d'y établir une université, qui fut créée par lettres patentes d'Henri IV. données au mois de Janvier de l'an 1594 ; mais comme le parlement fut rétabli à Paris un mois après, cela fut cause que ces lettres n'ont point eu d'exécution.

Nos rois ont convoqué plusieurs fois les états à Tours. Louis XI. les y assembla l'an 1470, Charles VIII. en 1484, et Louis XII. en 1506, pour le mariage de madame Claude de France sa fille, avec François de Valais, duc d'Angoulême.

S. Gatien fut le premier évêque de Tours, et mourut vers la fin du IIIe siècle. S. Martin eut cet évêché l'an 371, et décéda l'an 397 ; on le regardait de son temps comme le maître des évêques. Aujourd'hui l'archevêque de Tours a pour suffragans les évêques du Mans, d'Angers et les neuf de Bretagne, conformément à la décision du pape Innocent III. Le revenu de cet archevêque est d'environ quarante-cinq mille liv. Son diocèse est composé de 300 paroisses, de 12 chapitres, de 17 abbayes, etc. Le chapitre de la cathédrale de Tours est un des plus illustres du royaume. Celui de S. Martin est aussi nombreux que riche. Son abbé est le roi même, comme successeur de Hugues Capet.

Mais ceux qui aiment les historiens d'église de provinces, peuvent lire l'histoire latine de l'église de Tours par Jean Maau ; elle est imprimée à Paris en 1667 in-fol. et s'étend depuis l'an de J. C. 251, jusqu'à l'année 1655. Au reste cette ville est la patrie de S. Odon, d'un illustre prélat de l'église gallicane et de quelques hommes de lettres. S. Odon naquit en 879 ; après avoir été élevé par Foulques, comte d'Anjou, il fut nommé chanoine de S. Martin de Tours en 898, et second abbé de Clugny en 927. Il mourut en 942, et laissa plusieurs ouvrages qui ont été imprimés avec sa vie dans la bibliothèque de Clugny.

L'illustre prélat de l'église gallicane dont je veux parler, est Renaud de Beaune, archevêque de Bourges, né en 1527, l'un des plus éloquents et des plus savants prélats de son temps ; mais ce qui le distingue davantage, est qu'il n'abandonna point, comme firent tant d'autres ecclésiastiques, les lois du royaume à l'égard de la succession à la couronne. Il soutint toujours qu'encore que le roi de Navarre fût hérétique, c'était à lui que le royaume de France appartenait légitimement après la mort de Henri III. Il déploya aux conférences de Surène tout ce que le droit et l'écriture pouvaient fournir de plus fort à l'appui de son sentiment. Il donna à ce prince l'absolution dans l'église de S. Denis, et proposa au clergé dans l'assemblée de Mantes, de créer un patriarche en France, ou, ce qui revient au même, de défleur-déliser la couronne pontificale. Ces deux choses le rendirent si odieux à la cour de Rome qu'elle lui refusa longtemps ses bulles pour l'archevêché de Sens, auquel il avait été nommé en 1596. Enfin le cardinal d'Ossat y travailla si puissamment, qu'il les obtint en 1602. Rénaud de Beaune devint bientôt après grand-aumonier de France et commandeur des ordres du roi. Il mourut à Paris en 1606 à 79 ans.

M. de Thou dit une chose singulière de ce prélat, c'est qu'il était pour ainsi dire attaqué d'une faim canine, sans que cet état ait nui à sa santé. A peine avait-il dormi quatre heures que la faim le contraignait de se lever pour déjeuner : c'est ce qu'il faisait réglément à une heure après minuit ; il se reposait cinq heures, et puis il se mettait à table ; il faisait la même chose à huit heures ; il dinait et collationnait quatre heures après ; il soupait amplement à l'heure ordinaire. Il était volontiers une heure à table ; c'est pour cela qu'il n'aimait point à manger hors de chez lui ; et lorsqu'un grand prince qui l'avait invité souvent, sans l'avoir jamais trouvé désarmé d'excuses, lui demanda la raison de ce refus, il eut pour réponse : vos repas sont trop courts, et vos services se suivent de trop près.

Le plus étrange, c'est que malgré cette prodigieuse quantité d'aliments qu'il prenait, il n'en était pas moins disposé au travail d'esprit ; car pour celui du corps, il s'en gardait bien, n'osant en user de peur d'irriter son appétit : nunquam, dit l'historien, somnolentior visus, nullâ gravedine, aut dolore capitis tenebatur, semper aeque sui compos et ad omnia paratus ; extrà negotia quietem et confabulationem sectabatur.

Je passe aux simples hommes de lettres natifs de Tours, et je trouve d'abord MM. (Jean et Julien) Brodeau issus d'une famille illustre et féconde en gens de mérite. Jean Brodeau, célèbre écrivain du XVIe siècle, mourut dans sa patrie où il était chanoine de S. Martin, l'an 1563 âgé de 63 ans. Il publia divers ouvrages de littérature qui sont estimés des savants. On fait surtout cas de ses dix livres de Miscellanées, de ses commentaires sur les épigrammes grecques, de ses notes sur Euripide, sur Martial, sur Oppian et sur Appien.

" Jean Brodeau, dit M. de Thou, né à Tours des premières maisons de la ville, avait étudié avec Pierre Danès, et ayant été en Italie grand ami de Pierre Sadolet, de Pierre Bembo, tous deux cardinaux, de Baptiste Egnace, de Paul Manuce et d'un grand nombre de savants ; il avait ajouté à la philosophie, en quoi il était habile, une grande connaissance des mathématiques et de la langue-sainte. Ensuite étant revenu en son pays, il s'abandonna à une vie tranquille, non pas toutefois oisive, comme le témoignent quantité d'ouvrages d'érudition, que cet excellent homme entièrement éloigné d'ambition et de vanité, laissa publier plutôt sous le nom d'autrui que sous le sien, par un exemple de modestie d'autant plus rare, que dans le siècle où nous sommes, chacun veut tirer de la gloire, non seulement des richesses, des magistratures et des autres honneurs, mais aussi de la science et des lettres ". On a conservé dans notre pays toutes les glorioles dont parle M. de Thou, excepté la dernière à laquelle on a substitué celle qu'on tire des vices.

Brodeau (Julien) avocat au parlement de Paris, s'est distingué par des commentaires sur la coutume de cette ville, et des notes sur les arrêts de Louet. On lui doit aussi la vie de Charles Dumoulin. Il est mort en 1635.

Grécourt (Jean-Baptiste Joseph Villart de), chanoine de S. Martin de Tours, et poète français, mourut dans sa patrie à 59 ans. Ses œuvres ont été imprimées en 1748, et plusieurs autres fois depuis. Elles contiennent des fables, des madrigaux, des chansons, des contes, des épigrammes, etc. où l'on remarque un esprit aisé, naturel et quelquefois agréable ; mais l'obscénité, la licence et le libertinage qui règnent dans la plus grande partie des poésies de ce chanoine, en interdisent la lecture à toute personne honnête.

Son poème de Philotanus eut dans le temps un grand succès. " Le mérite de ces sortes d'ouvrages, dit M. de Voltaire, n'est d'ordinaire que dans le choix du sujet et dans la malignité humaine. Ce n'est pas qu'il n'y ait quelques vers bien faits dans ce poème. Le commencement en est très-heureux, mais la suite n'y répond point. Le diable n'y parle pas aussi plaisamment qu'il est amené. Le style est bas, uniforme, sans dialogue, sans grâces, sans finesse, sans pureté, sans imagination dans l'expression ; et ce n'est enfin qu'une histoire satyrique de la bulle Unigenitus en vers burlesques, parmi lesquels il s'en trouve de très-plaisans ".

Guyet (Charles), jésuite, né l'an 1601, et mort en 1664 ; il s'attacha à la connaissance des cérémonies de l'église, et fit sur les fêtes un gros livre intitulé : heortologia, sive de festis propriis locorum, à Paris, chez Sebastien Cramaisy, 1657, in-folio. C'est une entreprise plus difficîle qu'utîle que celle d'expliquer les fêtes de chaque lieu.

Houdry (Vincent) jésuite, connu par un grand et médiocre répertoire intitulé, la bibliothèque des prédicateurs. Il naquit en 1631, et mourut en 1729, âgé de 99 ans et trois mois.

Martin (dom Claude) bénédictin, a fait des méditations chrétiennes en deux volumes in-4 °. et d'autres ouvrages de piété. Il est mort en 1696 à 78 ans.

Mornac (Antoine), un des célèbres jurisconsultes de son temps, et dont les œuvres ont été imprimées à Paris en 1724, en quatre volumes in-folio. Il est mort en 1619 âgé d'environ 60 ans.

Rapin (René) jésuite, né en 1621, s'attacha à Paris en qualité de préfet, à de jeunes gens du premier rang, ce qui le mit à portée d'acquérir l'usage du monde. Les grâces de son esprit se font remarquer dans ses poésies latines, et principalement dans son poème des jardins. Sa connaissance des belles-lettres l'engagea de mettre au jour les comparaisons de Virgile et d'Homère, de Démosthène et de Cicéron, de Platon et d'Aristote, de Thucydide et de Tite-Live. On leur fit un grand accueil dans le temps ; mais on ne les lit plus guère, peut-être à cause du style, qui est recherché, froid et diffus. Tous ses autres ouvrages sont peu de chose, et en particulier ses réflexions sur la philosophie, fruit du préjugé, ne font pas honneur à son jugement. Il mourut en 1687 à 66 ans. Une bonne édition de ses poésies latines est celle de Paris en 1723, trois volumes in-12. (D.J.)

TOURS, gros-de-tours riche, broché et nué. Tous les gros-de-tours ordinaires qui se travaillent à Lyon, sont montés avec quatre lisses pour faire lever la moitié de la chaîne et quatre lisses pour faire baisser ou rabattre l'autre moitié, ce qui se fait en faisant lever à chaque coup de navette que l'on passe, deux lisses, et faisant baisser les deux lisses dessous lesquelles sont passés les fils de la chaîne qui ne lèvent point, afin de les séparer, et que l'ouvrage soit plus net. Il faut faire attention que pour armer le métier, il est d'une nécessité absolue que si on commence à lever par la première lisse du côté du corps, il ne faut pas prendre la seconde, mais la troisième pour le premier coup, et faire rabattre la seconde et la quatrième ; de même pour le second coup, il faut faire lever la seconde et la quatrième, et faire rabattre la première et la troisième.

Or comme tous les gros-de-tours qui se fabriquent aujourd'hui à Lyon, ont un coup, deux et même trois de lizeré, les navettes une, deux et trois qui forment ce lizeré, doivent être passées sur la même marche, je veux dire, sur une seconde marche qui fait lever les mêmes lisses de la première, on observant de ne point faire baisser de lisse de rabat, attendu que si ces lisses baissaient, elles feraient baisser la moitié du lac tiré, et ne produiraient pas plus d'effet que si on ne tirait point de lac, ou que l'on passât ce lizeré sur la première marche sans tirer. On a déjà dit que le lizeré est une figure qui se fait par la trame de la seconde navette, lorsqu'il n'y en a qu'un, ce qui fait qu'outre la navette du coup de fond, il en faut d'autres autant qu'il y a de lizerés. Par exemple, on passe un lizeré, cerise, rose vif et rose pâle dans des étoffes disposées pour de semblables couleurs, de même que des gros bleus, bleu vif et bleu pâle dans d'autres, des violets foncés, des lilas et des gris-de-lin dans d'autres, etc. et toujours deux ou trois couleurs en dégradation ; c'est la façon de tous les gros-de-tours lizerés en général. Tous les gros-de-tours sont montés ordinairement avec quatre lisses de fond, quatre de rabat et quatre de liage, ce qui fait douze lisses. Ils travaillent ou sont travaillés avec deux marches de fond et deux de lizerés, les deux, un ou trois lizerés se passant sur la même marche, ce qui compose quatre marches et quatre de liage qui font huit.

Le gros-de-tours dont est question, est monté avec six lisses seulement, au lieu de douze, et quatre marches au lieu de huit. Les quatre lisses de rabat sont supprimées, ce qui ne pourrait se faire suivant la méthode ordinaire, attendu que les quatre lisses de rabat ne sont disposées uniquement que pour séparer les fils qui se lient avec ceux qui lèvent ou qui s'y trouvent attachées par quelques tenues, terme usité, lorsque deux fils ou trois se trouvent liés par quelque petite bourre de soie ou autre du remisse ou du corps ; les fils qui ne lèvent pas, sont si aisés à suivre ceux qui lèvent, lorsqu'il n'y a point de rabat au premier coup, que lorsque l'ouvrier foule la marche pour passer le coup de fond, il est sensible que la moitié des fils qui lèvent, supportant toute l'extension de la chaîne, ceux qui ne lèvent pas, sont toujours moins tendus, ou tirant, ce qui est le terme, et par conséquent sont plus aisés ou faciles à suivre ceux qui lèvent, pour peu qu'une légère bourre les unisse : ce qui n'arrive pas lorsqu'ils sont rabattus par les deux lisses qui baissent, parce qu'elles détachent la tenue, laquelle cessant d'unir les fils, donne lieu de passer ensuite le lizeré sans aucune difficulté ni tenue, sur la seconde marche qui lève les mêmes lisses.

Il faut bien faire attention que dans toutes les étoffes de gros-de-tours et taffetas, on ne doit faire lever qu'un fil, et baisser l'autre successivement, ce qui fait qu'ordinairement on fait lever la première et la troisième lisse pour un coup, et la seconde et la quatrième pour l'autre, attendu que si on faisait lever la première et la deuxième, il arriverait que les deux fils qui leveraient, et les deux qui baisseraient, se trouvant ensemble, chaque fil surtout étant double, ils feraient une ouverture qui ne cacherait pas la trame, et rendraient l'étoffe défectueuse.

Pour éviter les quatre lisses de rabat, on a monté le métier avec des maillons à six trous, quatre desquels sont disposés pour passer les quatre fils doubles qui sont passés dans les maillons ordinaires, ce qui tient chaque fil séparé, et empêche les tenues qui pourraient se faire entre le corps et le remisse qui en est près ; les deux autres trous sont disposés l'un enhaut, pour y attacher la maille du corps qui tient à l'arcade, et celui d'en-bas pour y passer le fil ou la maille à laquelle est attachée l'aiguille qui fait baisser le maillon, et tient tout le cordage en règle ; chaque fil étant séparé devant et derrière le corps, il n'est pas possible qu'il puisse passer une tenue ni entorsure dans le maillon, comme il arrive en tous les autres métiers.

Outre la suppression des quatre lisses de rabat, on évite encore les deux marches destinées à passer le lizeré, parce que tout se passe sur la même marche, ce qui est une facilité pour le travail ou pour l'ouvrier. Voilà donc quatre lisses et deux marches de moins d'un côté.

A l'égard du liage, au lieu de quatre lisses il n'y en a que deux ; on ne saurait en mettre moins.

Toutes les étoffes riches qui se fabriquent aujourd'hui à Lyon sont composées de laine, or, argent, lié, du frisé lié de même, et d'un glacé sans liage, qui est un or ou un argent lis broché à deux bouts ; toutes les nuances sont sans liage, pour qu'elles imitent la broderie.

Pour que la lame sorte mieux dans l'étoffe, on la lie par un liage droit, c'est-à-dire, que l'on fait baisser la même lisse, ce qui augmente encore de deux marches de plus, outre les quatre qui servent à lier le frisé ; dans le métier on a supprimé les quatre marches de liage, et on n'a mis que deux lisses pour lier ; ces deux lisses prennent le quinzième et le seizième fil, et comme les deux fils se joignent, ils paraissent n'en composer qu'un. Quant au frisé, comme le grain de cette espèce de dorure enterre le liage, il parait tout aussi beau, même plus, que s'il était lié avec les quatre lisses ordinaires.

Suivant cette disposition on supprime deux lisses de liage, même quatre, lorsqu'on veut lier la lame avec un liage droit ; à observer encore qu'on ne saurait mettre un liage droit dans une étoffe de cette espèce qu'en ajoutant un poil, parce que la même lisse dans un gros-de-tours sans poil ne saurait lier la lame qu'elle ne coupât tous les deux coups, attendu qu'il s'en trouverait nécessairement un où le fil destiné à lier, aurait levé au coup de fond, ce qui causerait une contrariété qui couperait ou séparerait le broché, comme on l'a déjà dit ; on peut voir là-dessus l'article des gros-de-tours broché, et examiner pourquoi le liage doit être de quatre le cinq, et dans les taffetas de trois le quatre.

Le gros-de-tours est le seul qu'il y ait à Lyon monté de même ; il est évident par la façon dont il est disposé, que l'étoffe doit se faire mieux et plus vite, attendu que plus il y a d'embarras, soit par la quantité de lisses, soit par la quantité de marches, plus il se casse de cordages ou d'estrivières, même plus de fils.

Damas à l'imitation de ceux de Gènes. Dans l'article concernant la façon dont les Génois fabriquent les damas pour meubles, l'on y a inséré qu'ils en faisaient de cent vingt portées, dont la lisière, qu'ils appellent cimossa, formait un parfait gros-de-tours, et que de dix mille fabriquans qui se trouvaient à Lyon, peut-être pourrait-on en trouver dix qui fussent en état de rendre compte de quelle façon cette lisière était montée pour former le gros-de-tours dont est question, c'est ce que l'on Ve démontrer.

C'est un fait certain que tous les damas qui se fabriquent à Lyon sont montés sur cinq lisses de levée et cinq de rabat. La chaîne de ces damas est fixée par les règlements anciens et nouveaux à 90 portées pour les damas meubles, il s'en fait quelques-uns de 100 portées ; il y en a aussi de 75 portées toujours dans la même largeur. Or comme il est physiquement impossible de faire une lisière gros-de-tours ou taffetas avec cinq lisses, les Génois pour parvenir à ce point, qui parait si difficile, ont imaginé de faire des damas de 120 portées avec 8 lisses, et de passer les cordons et les cordelines de façon qu'il s'en trouve toujours la moitié levée, et l'autre baissée à chaque coup de navette que l'on passe, de façon qu'il se trouve continuellement deux coups sous le même pas, attendu qu'il faut dans tous les damas passer deux coups régulièrement de la même navette, c'est-à-dire, aller et venir sous le même lac tiré.

La façon de passer le cordon et la cordeline dans les lisses pour faire cette lisière mystérieuse, est la même qui a été démontrée dans l'article des satins à 8 lisses, c'est-à-dire, que du côté droit par lequel on commence à passer la navette, il faut passer un fil le premier sur la première lisse, sur la quatrième, la cinquième, et sur la huitième ; le second est passé sur la seconde, la troisième, sur la sixième et la septième, en recommençant par le troisième, comme par le premier et le quatrième, comme le second, ainsi des autres jusqu'à la fin. Il n'en est pas de même pour le côté à gauche, là il faut commencer à passer le premier sur la troisième, la quatrième, la septième et la huitième, le second sur la première, la seconde, la cinquième et la sixième, et continuer comme dans la partie du côté droit.

Ce qui rend la façon de faire cette lisière impossible à nos Lyonnais, est qu'ils ne sauraient penser que l'on montât des damas à 8 lisses, attendu que chacune des huit ne contiendrait que 11 portées et un quart pour une chaîne de 90 portées, de même que sur une chaîne de 100 portées, il ne se trouverait que 12 portées et demie sur chaque lisse, ce qui rendrait le damas trop maigre, puisque sur 100 portées à 5 lisses, elles portent chacune 20 portées. Les Génois pour parer à cet inconvenient mettent 120 portées pour les damas de cette espèce, ce qui leur donne 15 portées sur chaque lisse, et fournit autant qu'il le faut la lisse ; et comme la chaîne est infiniment mieux garnie, la diminution qu'on est obligé de faire sur la trame fait que le tout revient au même ; au contraire, le satin dans ce genre d'étoffe est infiniment plus beau, Ve la quantité supérieure d'organsin dont la chaîne est composée.

Si la façon de faire cette lisière vient à la connaissance de nos Lyonnais par le moyen de l'Encyclopédie, ils seront surpris que la lecture de ce livre leur enseigne ce qu'ils ne devraient pas ignorer, ce qui ne saurait flatter leur amour propre, quoiqu'ils ne doutent point ou ne doivent pas douter que les Génois fabriquent mieux le velours et le damas que nous.