L'ILE DE, (Géographie moderne) île sur la côte méridionale de l'Angleterre comprise dans le Hampshire, au sud-ouest de Portsmouth. Elle a environ soixante milles de tour, et renferme trente - six paroisses et trois bourgs à marché ; savoir, Newport, Yarmouth et Cows, dont les deux premiers députent au parlement.

Cette île est remarquable par l'honneur qu'elle a eu autrefois de porter le titre de royaume. Ce fut Henri VI. qui l'érigea en royaume en faveur d'Henri Beauchamp, comte de Warwick, son favori, qui fut couronné roi de Wight et des îles de Jersey et Guernsey, en 1445. Il mourut deux ans après, et par sa mort l'île de Wight perdit le titre de royaume. Edouard IV. qui succéda à Henri VI. donna cette île à son beaupere Richard Woodville, comte de Rivers, avec le titre de Seigneur de Wight.

Les anciens l'ont appelé Vecta et Vectis ; les Bretons du Gallois lui ont donné le nom de Guith, et les Saxons l'ont nommée Withland et Wicthea. Elle est de forme ovale, étendue en long de l'orient à l'occident, et séparée de la Terre-ferme par un petit détroit nommé autrefois Solent et aujourd'hui Solwent. Comme ce détroit n'est pas fort large, n'ayant que deux milles de trajet en quelques endroits, on pourrait croire que l'île de Wight était autrefois une presqu'île jointe au continent par quelque isthme, qui avec le temps a été emporté par la violence des flots. Cette opinion semble confirmée par le témoignage de Diodore de Sicile, qui dit que la côte de la Grande-Bretagne était bordée d'une île nommée Icta, qui paraissait une île entière, et qui était entourée d'eau lorsque la marée montait ; mais que le reflux laissait à découvert le terrain qui était entredeux, et que les Bretons prenaient ce temps favorable pour passer en chariot de la terre ferme dans l'ile, où ils allaient vendre leur étaim, qui delà était transporté dans la Gaule.

Cette île est extrêmement fertîle ; elle abonde en prés et en pâturages ; la laine de ses brebis est presque aussi fine que celle de Lempster dans la province de Hereford. Le blé n'y manque pas, non plus que la pêche et la chasse ; mais il faut tirer le bois dont on a besoin de l'Hampshire. Les habitants dépendent pour le temporel de cette dernière province, et pour le spirituel de l'évêque de Winchester.

Deux hommes célèbres nés dans l'île de Wight, se présentent à ma mémoire ; James (Thomas) savant théologien, et Hooke (Robert) grand physicien du dernier siècle.

James nâquit vers l'an 1571, et mourut à Oxford en 1629, âgé de cinquante-huit ans. Divers ouvrages ont été le fruit de ses études ; je n'en citerai que trois. 1. Catalogus scriptorum oxoniensium et cantabrigiensium librorum, Londres 1600 in -4°. c'est un des plus exacts d'entre les catalogues de cette nature. 2. Traité de la corruption de l'écriture, des conciles et des pères, par les prélats de l'église de Rome, Londres, 1611 et 1688, in -8°. Il y a, dit-il, dans la bibliothèque du Vatican des écrivains entretenus pour transcrire les actes des conciles et pour copier les ouvrages des pères, en imitant le caractère des anciens livres aussi parfaitement qu'il est possible : c'est un moyen, continue-t-il, de donner dans la suite ces copies modernes sur le pied d'anciens manuscrits. 3. Catalogus indulgentiarum urbis Romae, ex veteri manuscripto descriptus, Lond. 1617, in -4°.

Hooke naquit en 1635, et montra dès son enfance une grande dextérité à imiter les ouvrages de mécanique ; car il fit une horloge de bois sur le modèle d'une vieille horloge de cuivre qu'il avait sous les yeux. Le père cultiva les heureuses dispositions que son fils avait pour les arts, et qui perfectionnèrent le génie inventif qui brille dans les ouvrages de M. Hooke. L'illustre Boyle l'employa à ses expériences, et bientôt après la société royale lui donna une pension pour travailler sous ses ordres. En 1666, la ville de Londres ayant été ruinée par le feu, il fut nommé pour marquer le terrain aux propriétaires ; et ce fut dans cette emploi qu'il gagna la plus grande partie de son bien. Il mourut en 1703, âgé de soixante-sept ans.

Il était très-mal fait de sa personne, bossu, pâle et maigre, mais actif, laborieux, et d'une admirable sagacité à pénétrer dans les mystères cachés de la nature. Il n'en faut pas d'autre preuve que le grand nombre d'expériences qu'il a faites et les machines pour les faire qui montent à quelques centaines ; les nouveaux instruments, et les utiles inventions dont on lui est redevable ; l'heureux talent qu'il avait d'inventer des expériences aisées et simples, et de passer des expériences aux théories ; ce qu'il disait être la meilleure méthode pour réussir dans l'explication de la nature. C'est lui qui a donné le plan du nouveau Béthléhem à Londres, de Montague-house, du collège des Médecins, du théâtre qui y est joint, et de beaucoup d'autres édifices.

C'est lui qui perfectionna en 1659 la pompe pneumatique de M. Boyle. Il inventa l'année suivante et fit l'essai de différentes manières de voler en l'air, et de se remuer rapidement sur terre et sur l'eau. Il imagina d'employer des ailes assez semblables à celles des chauve-souris pour les bras et les jambes, et fit une machine pour s'élever en l'air par le moyen de girouettes horizontales placées un peu de travers au vent, lesquelles, en faisant le tour, font tourner une vis continue au centre, qui aide à faire mouvoir les ailes, et que la personne dirige pour s'élever par ce moyen.

Il a toujours soutenu, et même peu de semaines avant sa mort, il dit à M. Richard Waller et à d'autres personnes, qu'il connaissait une méthode sure pour découvrir le véritable lieu d'un vaisseau en mer par rapport à sa distance est et ouest du port d'où il était parti. Si c'était par des horloges, par quelques autres machines pour mesurer le temps, ou par d'autres voies, c'est ce qu'on ignore, quoiqu'il y ait lieu de penser que c'était par le moyen des horloges qu'il travailla à perfectionner, ayant fait diverses expériences et lu plusieurs discours sur ce sujet. Cependant sa prétention a produit la découverte de cette utîle manière de régler les montres par la spirale appliquée à l'arbre du balancier, comme l'on fait encore, sans que l'on ait rien ajouté de considérable depuis.

Vers l'an 1660, il inventa le pendule cycloïde, et la manière de le faire servir à continuer le mouvement d'un autre pendule, invention qu'il communiqua ensuite à la société royale en 1663 ; et on inséra sous son nom alors et après, dans les journaux de la société, diverses choses touchant les pendules cycloïdes.

En 1664, il produisit une expérience pour montrer quel nombre de vibrations une corde tendue doit faire dans un temps déterminé, pour donner un certain ton ; et il parut qu'un fil de métal faisant deux cent soixante-douze vibrations dans l'espace d'une seconde, sonne G, sol, ré, ut ; il fit encore d'autres expériences sur la division d'un monocorde.

En 1666, il produisit à la société royale un très-petit quart de cercle, pour observer exactement les minutes et les secondes ; cet instrument était avec une aire mobile, par le moyen d'une vis qui était attaché au bord, c'était peut-être le premier de cette façon qu'on eut vu, quoiqu'il soit à-présent assez connu et en usage. M. Hooke a publié en 1674 la description d'un grand instrument de cette espèce, de toutes ses parties, de tout le reste qui y est nécessaire, et de la manière de s'en servir, dans ses Remarques sur la machina coelestis d'Hevelius, p. 54.

Le 23 Mai 1666, il lut un mémoire où il explique (comme le portent les registres de la société royale) l'inflexion du mouvement direct en courbe, par l'intervention d'un principe attractif ; on ordonna que ce mémoire serait enregistré. Cette pièce sert d'introduction à une expérience, pour montrer que le mouvement circulaire est composé de l'effort du mouvement direct par la tangente et d'un autre effort vers le centre. On attacha au plancher de la chambre un pendule avec une grosse boule du bois appelé lignum vitae au bout, et l'on trouva que si l'effort par la tangente était d'abord plus fort que l'effort vers le centre, il résultait un mouvement elliptique, dont le plus grand diamètre était parallèle à l'effort direct du corps à la première impulsion. Mais que si cet effort était plus faible que l'effort vers le centre, il en résultait un mouvement elliptique, dont le plus petit diamètre était parallèle à l'effort du corps dans le premier point de l'impulsion. Que si les deux efforts étaient égaux, il en résultait un mouvement parfaitement circulaire.

On fit une seconde expérience, qui consistait à attacher un autre pendule avec une corde courte à la partie inférieure du fil auquel le principal poids était suspendu, de manière que ce pendule put librement faire un mouvement circulaire ou elliptique autour du poids, tandis que celui-ci se mouvait circulairement ou elliptiquement autour du centre. Le but de cette expérience était d'expliquer le mouvement de la lune autour de la terre ; elle montrait évidemment que ni la plus grosse boule représentant la terre, ni la plus petite qui représente la lune, ne se mouvaient pas d'une manière parfaitement circulaire ou elliptique, comme elles auraient fait si elles avaient été suspendues ou mues chacune à part, mais qu'un certain point qui parait être le centre de gravité des deux corps (situés de quelque façon que ce soit et considérés comme n'en faisant qu'un), semble se mouvoir régulièrement en cercle ou en ellipse, les deux boules ayant d'autres mouvements particuliers dans de petits épicycles autour du point susdit.

M. Hooke s'étant aperçu que le télescope par réflexion de M. Newton était de plus en plus estimé, proposa peu de temps après par écrit à la société royale de perfectionner les télescopes, les microscopes, les scotoscopes, et les verres ardents, par des figures aussi aisées à faire que celles qui sont unies ou sphériques, de manière qu'ils augmentent extraordinairement la lumière et grossissent prodigieusement les objets ; qu'ils exécutent parfaitement tout ce que l'on a jusqu'à présent tenté ou désiré de plus dans la Dioptrique, avec un chiffre qui renferme le secret ; il le découvrit à mylord Brounker et au docteur Wren, qui en firent un rapport favorable ; le tout se fait par des réfractions des verres. M. Hooke assura aussi en présence d'un grand nombre de personnes, qu'en l'année 1664, il avait fait un petit tube d'un pouce de long, et qui produit plus d'effet qu'un télescope commun de cinquante pieds ; mais la peste étant survenue à Londres, et le grand incendie lui ayant procuré des occupations utiles, il négligea cette invention, ne voulant pas que les tailleurs de verres eussent aucune connaissance de son secret.

En 1669, il établit devant la société royale, qu'une des méthodes les plus exactes pour mesurer un degré de la terre, était de faire des observations précises dans le ciel, à une seconde près, par le moyen d'un tube perpendiculaire, et de prendre ensuite des distances exactes par le moyen des angles aussi à une seconde près.

En 1674, il communiqua à la société une manière de déterminer quel est le plus petit angle qu'on peut distinguer à l'oeil nud ; et il se trouva qu'aucun de ceux qui y étaient, ne put observer d'angle beaucoup plus petit que d'une minute.

Il proposa quelque temps après une théorie pour expliquer la variation de l'aiguille aimantée ; cette théorie revenait à ceci : que l'aimant a ses pôles particuliers éloignés de ceux de la terre de dix degrés, autour desquels ils se meuvent ; en sorte qu'ils font leur révolution dans l'espace de trois cent soixante-dix ans. C'est ce qui fait que la variation a changé de dix ou onze minutes par an, et continuera vraisemblablement à changer pendant quelque temps, jusqu'à ce qu'elle diminue peu-à-peu, et enfin elle s'arrêtera, rétrogradera, et probablement recommencera.

Il proposa en même temps la construction d'un instrument curieux, pour observer la variation des variations de l'aiguille dans les différentes parties du monde. Il est difficîle de déterminer ce que c'était que cet instrument, mais on peut voir dans ses Oeuvres posthumes, p. 486. la figure d'un instrument qui y a quelque rapport.

En 1678, il publia son Traité des ressorts, où l'on explique la puissance des corps élastiques, Londres, 1678, in -4°. La substance de son hypothèse est comprise dans un chiffre à la fin de sa Description des hélioscopes ; c'est la troisième d'une décade d'inventions, dont il parle là, et dont il assure qu'il avait seul le secret. M. Richard Waller en a découvert quelques-uns ; il transcrit d'abord ce que le docteur Hooke en dit, et il ajoute ensuite l'explication ou la clé.

La seconde invention, qui est le premier chiffre, est énoncée en ces termes : the true mathematical, and mechanical form, of all manner of arches for building, with the true butment, necessary to each of them ; problême qu'aucun écrivain d'Architecture n'a jamais touché, bien loin d'en avoir donné la solution : a b, c c c, d d, e e e e e e, f, g g, i i i i i i i i, l l, m m m m, n n n n n, o o, p, r r, s s s, t t t t t t, u u u u u u u u, x ; ce qu'on explique par ces mots, ut pendet continuum flexile, sic stabit, continuum, rigidum, inversum, which is the linea catenaria.

La troisième est la théorie de l'élasticité, exprimée par ces lettres e e, i i i, n o, s s s, t t, u u ; ce qui signifie ut tensio, sic vis : c'est-là la théorie des ressorts. La neuvième, qui est le second chiffre, regarde une nouvelle espèce de balance philosophique d'un grand usage dans la philosophie expérimentale, c d e, i i, n n, o o, p, s s s, t t, u u, ut pondus, sic tensio.

On annonce la dernière comme une invention extraordinaire dans la mécanique, supérieure pour divers usages aux inventions chimériques du mouvement perpétuel ; a a, a, b, c c, d d, e e e e e e, g, i i i, l, m m m, n n, o o, p p, q, r r r, s, t t t, u u u u u : pondere premit aèr vacuum, quod ab igne relictum est. Cette invention parait être la même chose que la méthode du marquis de Worcester d'élever l'eau par le moyen du feu, qui est la soixante-huitième invention de la centurie qu'il a publiée en 1663. C'est aussi le principe sur lequel est fondé la machine de M. Savery pour élever les eaux.

Au mois de Décembre 1679, on proposa de faire une expérience pour déterminer si la terre a un mouvement diurne ou non, en faisant tomber un corps d'une hauteur considérable ; et l'on soutint qu'il tomberait à l'est de la véritable perpendiculaire. M. Hooke lut un discours sur ce sujet, où il expliquait quelle ligne le corps tombant devait décrire, en supposant qu'il se meut circulairement par le mouvement diurne de la terre, et perpendiculairement par la force de la pesanteur ; et il fit voir que ce ne serait pas une spirale, mais une ligne excentrique-elliptoïde, en ne supposant nulle résistance dans le milieu ; mais en y supposant de la résistance, elle serait excentrique-ellipti-spirale, et qu'après plusieurs révolutions elle resterait enfin dans le centre, et que la chute du corps ne serait pas directement à l'est, mais au sud-est, et plus au sud qu'à l'est. On en fit l'essai, et l'on trouva que la boule tomba au sud-est.

En 1681, il montra publiquement une manière de produire des sons de musique et autres, en abattant les dents de plusieurs roues d'airain coupées d'une manière proportionnée à leurs nombres, et tournées avec force ; ce qu'il y avait de remarquable, c'est que les coups égaux ou proportionnés des dents, c'est-à-dire 2 à 1, 4 à 3, etc. formaient les notes de musique ; mais les coups inégaux avaient plus de rapport au son de la voix en parlant.

En 1682, il montra un instrument pour décrire toutes sortes d'hélixes sur un cône, assurant qu'il pouvait avec cet instrument diviser toute longueur donnée, quelque courte qu'elle fût, en autant de parties presque qu'on voudrait assigner, par exemple, un pouce de 100000 parties égales. Il prétendait que cette invention pouvait être d'un grand usage pour perfectionner les instruments astronomiques et géographiques.

Dans l'assemblée suivante de la société royale, il produisit un autre instrument avec lequel il découvrait une courbe qu'on pouvait nommer une parabole inventée, ou une hyperbole parabolique, ayant les propriétés d'être infinie des deux côtés, d'avoir deux asymptotes, comme il y en a dans l'hyperbole, etc. Il montra un troisième instrument pour décrire exactement la spirale d'Archimède, par une nouvelle propriété de cet instrument, et cela aussi aisément et aussi surement qu'un cercle, en sorte qu'on pouvait diviser non-seulement tout arc donné en un nombre égal de parties demandées, mais aussi une ligne droite donnée, égale à la circonférence d'un cercle.

On trouvera dans les Transact. philos. quantité d'autres observations du docteur Hooke ; sa Micrographie a paru en 1665 in-fol. Sa vie est à la tête de ses Oeuvres posthumes, imprimées à Londres en 1705 in-fol. Enfin l'on a publié dans la même ville en 1726, in -8°. un livre sous le titre d'Expériences et observations philosophiques du docteur Hooke, par G. Derham, avec figures. (D.J.)