(Géographie moderne) état d'Afrique, dans la Barbarie, sur la côte de la mer Méditerranée, qui le baigne au nord et à l'orient. Il a au midi divers peuples arabes, et au couchant le royaume d'Alger et le pays d'Essab. Cet état répond à-peu-près à l'ancien état de Carthage, tel qu'il était avant les grandes conquêtes qu'il fit dans la suite ; mais il s'en faut bien que les Tunisiens ne soient les mêmes que les Carthaginois.

On divise aujourd'hui cet état en huit contrées, qui comprennent chacune diverses bourgades, qui pour la plupart ont été ruinées par les Arabes. De ces bourgades les unes sont sur la côte, et les autres dans les terres.

Le terroir de l'état de Tunis est un peu plus fertîle que celui de Tripoli ; mais son gouvernement est à-peu-près le même. Il est avantageux à la régence de Tunis d'être toujours en bonne intelligence avec la régence d'Alger, qui manque rarement de profiter de tous les troubles qui arrivent dans la régence de Tunis. Il semble que les Maures soient un ennemi aussi dangereux ; mais ces peuples partagés entre divers souverains ne songent qu'à jouir en paix de leurs pays, et ne remuent que quand on les chagrine par les impots et autres vexations. La régence de Tripoli ne s'avisera point d'attaquer celle de Tunis ; les forces sont trop inégales en pareil cas ; mais si Tunis voulait se ressaisir de l'ancienne domination qu'elle a eue sur Tripoli, il serait difficîle qu'elle réussit, parce qu'alors elle ne serait pas plutôt embarrassée dans cette guerre, que ses voisins fondraient sur elle.

A parler généralement, l'état de Tunis n'est nullement propre à faire de grandes conquêtes. Les dignités de dey, de bey et de bacha partagent trop l'autorité quand elles sont divisées ; et si quelqu'un les réunit, il peut compter d'attirer sur lui l'envie de tous ses sujets. Le gouvernement tel qu'il est établi, est exposé à un flux et reflux perpétuel, et à des orages qui renversent les plus hautes fortunes. Sinan bacha après avoir fait la conquête de l'état de Tunis, le mit sous la protection du grand-seigneur, et y établit un nouveau gouvernement, avec une milice de cinq mille turcs divisés en plusieurs compagnies ; mais le gouvernement fondé par Sinan bacha a aussi éprouvé un grand nombre de vicissitudes. (D.J.)

TUNIS, royaume de, (Géographie moderne) royaume d'Afrique, dans la Barbarie, dont il était le quatrième, et le dernier du côté de l'orient. Il comprenait autrefois les provinces de Constantine, de Bugie, de Tunis, de Tripoli et d'Essab, et avait plus de six vingt lieues de longueur le long de la mer ; mais Essab n'est plus aujourd'hui de ses dépendances ; Tripoli fait un royaume à part ; et Bugie et Constantine sont incorporées au royaume d'Alger ; ainsi Tunis a conservé seulement les villes du ressort de son état. Voyez TUNIS état de, TUNIS ville de. (D.J.)

TUNIS, ville de, (Géographie moderne) anciennement Tunes, ville d'Afrique en Barbarie, capitale du royaume de même nom, dans une plaine, sur le lac de la Goulette, à 4 lieues de la mer, et à 145 au nord est d'Alger.

Les rues et les places de cette ville sont fort bien ordonnées ; mais sa plus grande force consiste dans le nombre de ses habitants, pour la plupart artisans, entre lesquels se distinguent les tisserants, qui font la meilleure toîle d'Afrique. Il n'y a dans cette ville aucun moulin à vent ni à eau, point de fontaines, point de ruisseaux, point de puits, mais seulement de grandes citernes où se rendent les eaux de pluie, tant pour boire que pour le service de chaque maison.

Il ne manque pas de mosquées dans Tunis ; les anciens collèges qui y étaient, sont la plupart ruinés. Les maisons n'ont qu'un étage, et sont toutes en terrasse, afin de faire mieux écouler l'eau de pluie dans les citernes. Les vestibules sont frais et propres, parce que les hommes y demeurent la plupart du temps à faire leur négoce, pour empêcher leurs amis ou leurs gens d'entrer dans l'appartement de leurs femmes. Les fauxbourgs, au nombre de trois, sont extrêmement peuplés, et renferment deux à trois mille maisons.

Les dehors de la ville contiennent d'amples jardins ou vergers remplis de citronniers, d'orangers et d'oliviers, qui sont soigneusement cultivés. Près du lac est un arsenal, avec un chantier pour la construction des galeres. De l'autre côté du lac, sur le bord de la mer, est la forteresse de la Goulette, et le canal par où l'eau entre dans le lac. Longit. 28. 25. latit. 36. 42.

Tunis est ancienne, et le pays qui en dépend, répond à l'Afrique proconsulaire des Romains. Elle fut possédée par les Carthaginois, par les Romains, ensuite par les Vandales qui la saccagèrent du temps de S. Augustin. Les Arabes mahométants relevèrent cette ville, et l'embellirent de plusieurs édifices, quoiqu'ils aient été depuis fixer leur demeure trente lieues plus loin dans le pays, où ils bâtirent Carvan.

Les Almohades devinrent alors maîtres de Tunis, dont ils furent dépossédés par Abu Férez, qui par ses conquêtes prit le titre glorieux de roi d'Afrique et de Tunis. Après la mort de son fils, les rois de Fez se rendirent si puissants, qu'ils se firent reconnaître pour souverains par tous les mahométants d'Afrique ; cependant les rois de Tunis se maintinrent dans leurs états jusqu'à Muley Hascen, qui en fut chassé par Barberousse II. lorsqu'il reprit cette ville sur les Espagnols en 1535.

Barberousse était un homme étonnant ; il mourut chargé d'années en 1547, après avoir ravagé à plusieurs reprises toutes les côtes d'Italie. A l'âge de 80 ans il s'occupait encore à Constantinople à mettre sa flotte en mer, sans que son âge, la grosseur et la pesanteur de son corps eussent pu le guérir de l'amour des femmes.

En 1570, Aluch Ali, gouverneur d'Alger, s'empara de Tunis au nom du grand-seigneur ; mais quelque temps après dom Juan d'Autriche débusqua les turcs de cette place, et établit pour gouverneur de la ville Gabriel Villon, et Pedro Carrero eut le commandement de la Goulette. Enfin le sultan Amurat que l'agrandissement des Espagnols inquiétait, équipa une flotte des plus formidables sous la conduite de l'amiral Ochiali, et leva une puissante armée de terre sous les ordres du bacha Sinan. Les Turcs emportèrent de vive force la Goulette et la citadelle de la ville dont ils sont demeurés en possession depuis ce temps : ce qui mit fin au royaume de Tunis qui avait duré trois cent soixante-dix ans.

C'est devant Tunis que S. Louis finit ses jours en 1270, à 56 ans. Aucun roi de France ne fit paraitre plus de valeur, plus de justice et plus d'amour pour son peuple. Les statuts de ce prince pour le commerce, une nouvelle police établie par lui dans Paris, sa pragmatique sanction qui assura la discipline de l'église gallicane, l'érection de ses quatre grands bailliages auxquels ressortissaient les jugements de ses vassaux, et qui paraissent être l'origine du parlement de Paris, ses règlements et sa fidélité sur les monnaies ; tout indique que la France eut été florissante sous ce monarque, sans le funeste préjugé des croisades qui causa ses malheurs, et qui le fit mourir sur les sables d'Afrique. Voyez sa vie et son caractère au mot POISSY, Géographie moderne (D.J.)