(Géographie moderne) royaume d'Afrique sous la ligne. On lit dans le dictionnaire géographique de M. Vosgien, que les habitants s'y nourrissent de chair humaine ; qu'ils ont des boucheries publiques où l'on voit pendre des membres d'homme ; qu'ils mangent leurs pères, mères, frères et sœurs, aussi-tôt qu'ils sont morts ; et qu'on tue deux cens hommes par jour, pour être servis à la table du grand Macoco, c'est le nom de leur monarque. Plus ces circonstances sont extraordinaires, plus il faudra de témoins pour les faire croire. Y a-t-il sous la ligne un royaume appelé Ansico ? les habitants d'Ansico sont-ils de la barbarie dont on nous les peint, et sert-on deux cens hommes par jour dans le palais du Macoco ? ce sont des faits qui n'ont pas une égale vraisemblance : le témoignage de quelques voyageurs suffit pour le premier ; les autres exigent davantage. Il faut soupçonner en général tout voyageur et tout historien ordinaire d'enfler un peu les choses, à moins qu'on ne veuille s'exposer à croire les fables les plus absurdes. Voici le principe sur lequel je fonde ce soupçon, c'est qu'on ne veut pas avoir pris la plume pour raconter des aventures communes, ni fait des milliers de lieues pour n'avoir Ve que ce qu'on voit sans aller si loin ; et sur ce principe j'oserais presque assurer que le grand Macoco ne mange pas tant d'hommes qu'on dit : à deux cens par jour, ce serait environ soixante et treize mille par an ; quel mangeur d'hommes ! mais les seigneurs de sa cour apparemment ne s'en passent pas, non plus que les autres sujets. Si toutefois le pays pouvait suffire à une si horrible anthropophagie, et que le préjugé de la nation fût qu'il y a beaucoup d'honneur à être mangé par son souverain, nous rencontrerions dans l'histoire des faits appuyés sur le préjugé, et assez extraordinaires pour donner quelque vraisemblance à celui dont il s'agit ici. S'il y a des contrées où des femmes se brulent courageusement sur le bucher d'un mari qu'elles détestaient ; si le préjugé donne tant de courage à un sexe naturellement faible et timide ; si ce préjugé, tout cruel qu'il est, subsiste malgré les précautions qu'on a pu prendre pour le détruire, pourquoi dans une autre contrée les hommes entêtés du faux honneur d'être servis sur la table de leur monarque, n'iraient-ils pas en foule et gaiment présenter leur gorge à couper dans ses boucheries royales ?