(Géographie moderne) ville de France, capitale du Saissonnais, sur la rivière d'Aisne qu'on y passe sur un pont de pierre. Elle est assez grande, peuplée et située dans un vallon agréable et fertile, à 12 lieues d'Amiens et à 22 de Paris. Quoique ses dehors soient charmants, ses rues sont généralement étroites, et ses maisons mal bâties. Il y a dans cette ville un intendant, bureau des finances, présidial, élection, maréchaussée, juridiction des juges consuls et maitrise des eaux et forêts. Les PP. de l'oratoire occupent le collège. On voit quelques abbayes d'hommes dans cette ville, entr'autres celles de S. Jean qui est chef d'ordre et l'unique. L'abbaye de filles, ordre de S. Benait, appelée l'abbaye de Notre-Dame, est très-riche. On remarque dans son église deux tombeaux de marbre assez antiques, qui ont chacun cinq à six pieds de longueur, et trois de hauteur. L'un de ces tombeaux parait être celui de quelque chrétien riche et illustre ; et l'autre est celui de quelque homme de guerre.

L'évêché de Saissons est très-ancien ; son évêque est le premier suffragant de Rheims, et a droit de sacrer nos rois au défaut de l'archevêque, ce qui a été pratiqué au sacre de S. Louis, et à celui de Louis XIV. Il est vrai que la cérémonie de ce sacre ne se fait dans l'église métropolitaine de Rheims, par l'évêque de Saissons, que sous l'autorité et avec la permission du chapitre. Le revenu de l'évêché de Saissons est de 15 à 20000 livres. Son diocèse compte près de 400 paroisses, et 23 abbayes tant d'hommes que de filles. Le chapitre de l'église cathédrale est nombreux, et les canonicats sont un peu meilleurs depuis la suppression qu'on a fait de onze prébendes. Long. 20. 59. lat. 49. 22.

Saissons, en latin Augusta Suessionum, a pris, comme on voit, son nom des peuples Suessiones. Elle s'appelait auparavant Noviodunum, et elle était célèbre du temps de Jules-César, qui remarque que Divitiacus son roi, avait été un prince illustre et puissant. Ce fut Auguste qui abolit le nom de Noviodunum qu'avait cette ville, pour lui donner le sien.

Dans nos temps modernes Louis XIV. a érigé à Saissons une académie de beaux esprits par des lettres patentes enregistrées au parlement, le 27 Juin 1675. En effet, elle a produit de temps en temps des gens de lettres de mérite.

Héricourt (Julien de), né dans cette ville, occasionna l'établissement de l'académie de Saissons. Son petit fils, Louis d'Héricourt, s'est distingué dans le barreau de Paris, et a mis au jour un livre fort estimé, sur le droit ecclésiastique français.

Les Théologiens savent assez que Paschase Ratbert, abbé de Corbie, dans le neuvième siècle, était de Saissons. Il se rendit illustre par un grand nombre d'ouvrages que le P. Sirmond a recueillis, et publiés pour la première fois à Paris, en 1618, en un volume in-folio. Le Traité de Paschase du corps et du sang de Notre Seigneur J. C. excita dans son temps, et a causé depuis de grandes contestations qu'il est inutîle de reveiller.

Robbe (Jacques), connu par ses ouvrages de géographie, naquit à Saissons en 1643, et y est mort en 1721. Il a fait deux dissertations qui n'ont pas été imprimées. Dans la première, il prétend que le Bibrax oppidum Rhemorum, dont parle César, est la ville de Laon. L'autre dissertation traite du lieu où se donna en 593, la fameuse bataille de True (ou Traussi), dans le Suessonais, sous Clotaire II. M. Robbe croit que ce lieu appelé en latin Trucciu, dans les gesta Francorum, c. xxxvj. est Prêle sur l'Aisne, village au nord de Braine.

Sussannau (Hubert) poète et humaniste, naquit à Saissons, en 1514, publia quelques traités de grammaire, et des poésies latines qui furent assez bien reçues.

Voilà pour les gens de lettres. Ajoutons un mot d'un homme célèbre dans l'histoire de France, et qui mourut à Saissons en 1611, à l'âge de 57 ans, je veux parler de Charles de Lorraine, duc de Mayenne, frère de Henri duc de Guise. Il fut longtemps jaloux de la réputation de ce frère, dont il avait toutes les grandes qualités à l'activité près. Nourri comme le duc de Guise dans les alarmes, il succéda à sa gloire ainsi qu'à ses desseins. L'un donnait beaucoup au hasard, et l'autre à la prudence ; l'un était trop hardi, l'autre trop mesuré ; le premier promettait tout et tenait peu, celui-ci promettait rarement et ne manquait guère à sa parole. Dès que le sceptre de la ligue eut passé dans ses mains, il sçut longtemps par une sage politique, réunir sous ses lois les diverses factions des esprits ; et s'il n'eut pas trouvé dans sa propre famille des rivaux qui lui disputaient la couronne de France, on ne doute guère qu'il n'eut réussi à la mettre sur sa tête. (D.J.)

SOISSONS, (Académ. de) société littéraire établie à Saissons, sous la protection du cardinal d'Estrées, par lettres patentes du roi en 1674.

Avant qu'elle eut reçu cette forme munie de l'autorité royale, et dès l'an 1650, les premiers qui ont composé cette compagnie, s'assemblaient régulièrement une fois la semaine, conféraient ensemble de leurs études, se communiquant leurs lumières, et corrigeant ensemble leurs compositions : encouragés à ces exercices par les liaisons qu'ils avaient avec plusieurs membres de l'académie Française, qui leur donnèrent la pensée de former une académie, en sorte qu'on peut la regarder comme fille de l'académie Française avec laquelle elle conserve des liaisons très-étroites.

L'académie de Saissons a presque les mêmes statuts et les mêmes usages que l'académie Française. Le nombre de ses membres est fixé à 20, et elle doit toujours prendre un protecteur du corps de l'académie Française, à laquelle elle envoye tous les ans pour tribut, une pièce de sa composition. La perfection de la langue française, l'Eloquence, les Belles - lettres et l'Histoire, sont les objets de ses études ; et pour marquer encore davantage ses rapports avec la première de nos académies, elle a pris pour devise un aiglon qui s'élève vers le soleil à la suite d'un aigle, avec ces mots : maternis ausibus audax. Si quelque membre de l'académie Française se trouve à Saissons, les académiciens de cette dernière ville le prient de présider à leurs assemblées ; et de son côté l'académie Française admet dans les siennes les académiciens de Saissons, leur permet d'y prendre séance, et demande leur avis sur les matières qu'on y agite.

En 1734 M. de Laubrières, alors évêque de Saissons, fonda un prix annuel, qui doit être distribué à celui qui remplira le mieux, au jugement de l'académie, un sujet qu'elle propose sur quelque sujet d'histoire ou de littérature. Ce prix est une médaille d'or de trois cent livres.