Imprimer
Catégorie parente: Histoire
Catégorie : Géographie & histoire ancienne
(Géographie et Histoire ancienne) Phocis, contrée de la Grèce, entre la Béotie et la Locride. Elle avait anciennement des frontières plus reculées, puisque Strabon, lib. IV. dit qu'elle était bornée au nord par la Boeotie, mais qu'elle s'étendait d'une mer à l'autre ; c'est-à-dire, depuis le golfe de Corinthe, jusqu'à la mer Eubée. Si nous nous en rapportons à Denis le périégete, la Phocide s'est autrefois étendue jusqu'aux Thermopyles, ce qui néanmoins fût de courte durée.

Deucalion commença à régner dans la Phocide, autour du mont Parnasse, du temps de Cécrops. Les Phocidiens formèrent ensuite une république, en changeant leurs chefs selon les occasions. Leur pays avait pour principaux ornements le temple de Delphes et le mont Parnasse.

Les Phocidiens s'avisèrent de labourer des terres consacrées à Apollon, ce qui était les profaner. Aussitôt les peuples d'alentour crièrent au sacrilege, les uns de bonne foi, les autres pour couvrir d'un pieux prétexte leurs vengeances particulières. La guerre qui survint à ce sujet, s'appela sacrée, comme entreprise par un motif de religion.

On déféra les profanateurs aux Amphictyons, qui composaient les états généraux de la Grèce, et qui s'assemblaient tantôt aux Thermopyles, tantôt à Delphes. L'affaire ayant été portée à leur tribunal, on déclara les Phocéens sacrileges, et on les condamna à une grosse amende. Un d'entr'eux nommé Philomele, homme audacieux et fort accrédité, les révolta contre ce decret. Il prouva par des vers d'Homère, qu'anciennement la souveraineté du temple de Delphes appartenait aux Phocidiens ; il fallut soutenir la révolte par les armes : on leva de part et d'autre des troupes.

Les Phocidiens s'assurèrent du secours d'Athènes et de Sparte, et ne se promirent pas moins que d'abattre l'orgueil de Thebes, qui s'était montrée la plus ardente à poursuivre le jugement. Les premiers avantages qu'ils remportèrent ne servirent pas peu à fortifier cette espérance. Mais bientôt les fonds nécessaires pour les dépenses de la guerre leur ayant manqué, ils y suppléèrent par un nouveau sacrilege.

Philomele avait eu assez de religion pour ne pas toucher au temple de Delphes. Onomarque et Phayllus qui lui succédèrent dans le commandement, furent moins scrupuleux ; ils enlevèrent tous les précieux dons que la piété des rois et des peuples y avait consacrés. Les sommes qu'ils en retirèrent à plusieurs fais, montèrent à plus de dix mille talents. Ils trouvèrent ainsi le secret de soutenir la guerre aux dépens d'Apollon. Les dévots crièrent plus que jamais au sacrilege. On en vint souvent aux mains. La fortune se rangea tantôt d'un parti, tantôt de l'autre. Les Phocidiens réduisirent enfin les Thébains à se jeter entre les bras de Philippe, qui se chargea volontiers de mettre les ennemis de Thebes à la raison.

Ce prince n'eut qu'à paraitre pour terminer une guerre qui durait depuis dix ans, et qui avait également épuisé l'un et l'autre parti. Les Phocidiens désespérèrent de résister à un tel ennemi. Les plus braves obtinrent la permission de se retirer dans le Péloponnèse ; le reste se rendit à discrétion, et fut traité fort inhumainement.

Philippe ne sauva que les apparences dans ce dessein aux yeux du peuple, il convoqua les Amphictyons, les établit pour la forme souverains juges de la peine encourue par les Phocidiens ; et sous le nom de ces juges dévoués à ses volontés, il ordonne qu'on ruinera les villes de la Phocide ; qu'on les réduira toutes en bourgs de soixante feux au plus ; que l'on proscrira les sacrileges, et que les autres ne demeureront possesseurs de leurs biens qu'à la charge d'un tribut annuel, qui s'exigera jusqu'à la restitution entière des six mille talents enlevés dans le temple de Delphes. Cela faisait une somme d'environ six millions d'écus, ou dix-huit millions de livres.

On ne doit point être surpris que le butin pris par les Phocéens montât si haut. Il y avait dans le temple de Delphes des richesses immenses, à cause de la multitude innombrable de vases, de trépiés, de statues d'or, d'argent et de bronze que les rais, les grands capitaines, les villes et les nations y envoyaient de tous les endroits de la terre.

Le vainqueur, c'est Philippe dont je veux parler, ne s'oublia pas pour prix d'une victoire qui ne lui couta que la peine de se montrer : outre le titre de prince religieux, de fidèle allié, il eut encore les Thermopyles, le grand objet de ses désirs, et l'unique passage qui menât de Macédoine en Italie.

Avec le temps néanmoins les Phocidiens parvinrent à se rouvrir une belle porte pour leur rétablissement ; car chassés en qualité de profanateurs exécrables, ils rentrèrent avec la qualité d'insignes libérateurs. Une œuvre de religion rehabilita de la sorte ceux qu'une action sacrilege avait dégradés. On les avait exclus des privilèges des autres Grecs, pour avoir pillé de leurs propres mains le temple de Delphes, on les leur rendit honorablement pour l'avoir sauvé du pillage des Gaulois, commandés par Brennus. (D.J.)




Affichages : 1589