(Géographie et Histoire ancienne) autrefois ville maritime de l'Asie mineure, nommée présentement Ajasaloue par les Turcs, auxquels elle appartient.

Cette ville jadis si célébre, dit M. de Tournefort, le plus exact de tous les écrivains qui en ont parlé ; cette ville si fameuse par son temple, qui y attirait des étrangers de toutes parts ; cette ville qui a produit tant d'hommes illustres et d'artistes célébres, entr'autres, à ce qu'on croit, Parrhasius ; enfin cette ville qui se glorifiait d'être la métropole de toute l'Asie, n'est plus qu'un misérable village bâti de boue, parmi de vieux marbres cassés. Ce village encore n'est habité que par une trentaine de familles grecques, qui certainement, comme M. Spon le remarque, ne sont pas capables d'entendre les épitres que S. Paul leur a écrites.

Nous avons peu de villes dont il reste autant de médailles ; les unes nous apprennent qu'elle fut une fois néocore de Diane, et trois fois néocore des Césars ; les autres, qu'elle fut bâtie à l'occasion d'un sanglier ; la plupart représentent Diane, ou chasseresse, ou à plusieurs mammelles, ou parée de ses attributs.

L'origine de cette ville, ses anciens noms, et ceux de ses fondateurs, ne nous intéressent guère aujourd'hui ; mais il n'est pas inutîle de dire que pendant les guerres des Athéniens et des Lacédémoniens, Ephèse avait la sagesse de vivre en bon accord avec les deux partis, et que le jour de la naissance d'Alexandre, les devins de la cité se mirent à crier que le destructeur de l'Asie était venu au monde.

On n'oublie point que ce destructeur se rendit à Ephèse après la bataille du Granique, et qu'il y rétablit la démocratie ; que la place fut prise par Lysimachus, l'un de ses successeurs ; qu'ensuite Antigonus eut l'adresse de s'en emparer, et qu'il y pilla les trésors de Polysperchon.

On ne saurait encore oublier qu'Annibal vint s'aboucher à Ephèse avec Antiochus, pour y prendre ensemble des mesures contre les Romains ; que ce fut dans cet endroit que se commit le massacre effroyable des mêmes Romains, par les ordres de Mithridate ; et que Scipion, beau-pere de Pompée, s'empara des trésors du temple, sans crainte et sans scrupule.

Personne n'ignore aussi quelle fut la magnificence des fêtes que Lucullus y donna ; le voyage exprès d'Auguste, de Pompée et de Cicéron dans cette ville ; surtout celui de Cicéron, qui mandait à ses amis qu'il ne faisait aucun pas dans la Grèce sans y trouver de nouveaux sujets d'admiration.

Enfin l'on sait que Tibere, pendant son règne, fit rebâtir cette métropole, et qu'avant lui on y avait dressé des temples à Jules-César et à la ville de Rome ; tous ces événements renouvellent les grandes idées qu'on a sucées dans sa jeunesse de l'histoire ancienne : mais rien n'est si consolant pour ceux qui sont chrétiens, que de suivre S. Paul et S. Jean à Ephèse, d'y voir ce premier fonder l'église d'Ephèse, et y établir Timothée pour évêque : il est vrai que cet établissement ne fut pas de longue durée ; les persécutions succédèrent, les Perses pillèrent cette ville dans le troisième siècle, et les Scythes ne l'épargnèrent pas quelque temps après.

Enfin au bout d'un grand nombre de révolutions, Ephèse s'est Ve tomber entre les mains de Mahomet I. et elle est restée depuis ce temps-là soumise à l'empire ottoman. Son port, au sujet duquel on avait autrefois frappé tant de médailles, n'est à présent qu'une rade découverte que personne ne fréquente : tout son commerce a passé tant à Smyrne qu'à Scalanova. Plus de vestiges de cette ville et de son temple ; l'église de S. Jean a été convertie en mosquée, et les blocs de marbre qui restaient des ruines d'Ephèse, ont été transportés à Constantinople pour servir à la construction des mosquées royales. Article de M(D.J.)

EPHESE (Temple d') Histoire anc. temple superbe à l'honneur de Diane, bâti près d'Ephèse, et qui a été plusieurs fois détruit et réédifié. Traçons-en succinctement l'histoire, dont la plupart des écrivains modernes ont confondu les faits.

Le premier temple que les Ephésiens dressèrent à l'honneur de Diane, n'était qu'une espèce de niche creusée dans le tronc d'un ormeau, où apparemment la figure de la déesse était placée. Ce n'est pas sans-doute de cet ouvrage qu'entend parler Pindare, lorsqu'il avance que les Amazones firent édifier le temple d'Ephèse dans le temps qu'elles faisaient la guerre à Thésée.

Le temple de Pindare n'était pas non plus cette merveille du monde, ce superbe édifice dont Chersiphron fut l'architecte, et qui fut construit aux dépens des plus puissantes villes d'Asie : Pline remarque que la première invention de mettre des colonnes sur un pied d'estal, et de les orner de chapiteaux et de vases, fut pratiquée dans ce temple.

Il avait 425 pieds de long sur 220 pieds de large : on y voyait 127 colonnes, dont les rois d'Asie avaient fait la dépense, et ces colonnes portaient chacune 60 pieds de haut : il y en avait trente-six couvertes de bas-reliefs, et parmi celles-ci il s'en trouvait une de la main de Scopas. Les portes étaient de cyprès toujours luisant et poli ; la charpente était de cedre, et la statue de Diane était d'or, si l'on en croit Xénophon. Les richesses et les ornements de ce magnifique édifice étaient sans nombre : on le venait voir de fort loin, et les étrangers tâchaient à l'envi d'en emporter des modèles.

Voilà le temple d'Ephèse ou de Diane, car c'est la même chose, qui fut brulé par l'insensé Erostrate, le jour de la naissance d'Alexandre, l'an du monde 3648. Ce grand prince, comme on sait, fit dire aux Ephésiens, qu'il ferait volontiers la dépense de sa reconstruction, pourvu qu'on mit son nom sur le frontispice ; mais ils répondirent avec beaucoup de sagesse, " qu'il ne convenait pas à un dieu de dresser des temples à d'autres divinités "

Avides de rebâtir eux-mêmes leur temple, si malheureusement consumé, ils en vendirent les colonnes, convertirent en argent tous les bijoux des dames de la ville, rassemblèrent des fonds de toutes parts, et employèrent toutes ces sommes à faire, s'il était possible, un édifice aussi magnifique que celui qui avait péri par les flammes. Cheiromocrate en fut l'architecte : les plus fameux sculpteurs de Grèce l'ornèrent de leurs ouvrages : l'autel était presque tout de la main de Praxitele. Outre les bas-reliefs et les statues des plus grands maîtres, ce temple fut, selon les apparences, embelli des tableaux admirables de la main de Parrhasius et de plusieurs autres illustres artistes. Strabon en parle pour l'avoir Ve du temps d'Auguste : ainsi le temple que Pline a décrit était le même que celui que Strabon avait vu.

Nous avons plusieurs médailles, sur le revers desquelles il est représenté avec un frontispice, tantôt à deux colonnes, à quatre, à six, et même jusque à huit, aux têtes des empereurs Domitien, Adrien, Antonin Pie, Marc-Aurele, Lucius Verus, Septime Sevère, Caracalla, Macrin, Eliogabale, Alexandre Sevère, Maximin.

Néron, qui était né pour dessoler le monde, en emporta les plus grandes richesses ; les Scythes le dépouillèrent ensuite, et le brulèrent en 263 ; les Goths en pillèrent les restes sous l'Empereur Galien : enfin il est vraisemblable qu'il fut entièrement démoli sous Constantin, en conséquence de l'édit par lequel il ordonna de renverser tous les temples du paganisme. Quoi qu'il en sait, ce dernier temple de Diane a disparu comme les autres, de manière qu'il ne reste autour de ses ruines que des débris de maisons, jadis bâties de briques, dans lesquelles logeaient peut-être les prêtres de Diane, ou les vierges prêtresses confiées à leurs soins. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.