sub. m. (Antiquité) membre du plus nombreux tribunal de la ville d'Athènes.

Le tribunal des Héliastes n'était pas seulement le plus nombreux d'Athènes, il était encore le plus important, puisqu'il s'agissait principalement dans ses décisions, ou d'interprêter les lois obscures, ou de maintenir celles auxquelles on pouvait avoir donné quelque atteinte.

Les héliastes étaient ainsi nommés, selon quelques-uns, du mot , j'assemble en grand nombre, et selon d'autres, de , le soleil, parce qu'ils tenaient leur tribunal dans un lieu découvert, qu'on nommait .

Les thesmothetes convoquaient l'assemblée des héliastes, qui était de mille, et quelquefois de quinze cent juges. Voyez THESMOTHETES. Selon Harpocration, le premier de ces deux nombres se tirait de deux autres tribunaux, et celui de quinze cent se tirait de trois, selon M. Blanchard, un des membres de l'Academie des Inscriptions, des recherches duquel je vais profiter.

Les thesmothetes, pour remplir le nombre de quinze cent, appelaient à ce tribunal ceux de chaque tribu qui étaient sortis les derniers des fonctions qu'ils avaient exercées dans un autre tribunal. Il parait que les assemblées des héliastes n'étaient pas fréquentes, puisqu'elles auraient interrompu le cours des affaires ordinaires, et l'exercice des tribunaux réglés.

Les thesmothetes faisaient payer à chacun de ceux qui assistaient à ce tribunal, trois oboles pour leur droit de présence ; ce qui revient à deux sesterces romaines, ou une demi-drachme ; c'est de-là qu'Aristophane les appelle en plaisantant, les confrères du Triobole. Le fond de cette dépense se tirait du trésor public, et cette solde s'appelait . Mais aussi on condamnait à l'amende les membres qui arrivaient trop tard ; et s'ils se présentaient après que les orateurs avaient commencé à parler, ils n'étaient point admis.

L'assemblée se formait après le lever du soleil, et finissait à son coucher. Quand le froid empêchait de la tenir en plein air, les juges avaient du feu ; le roi indiquait l'assemblée ; et y assistait ; les thesmothetes lisaient les noms de ceux qui devaient la composer, et chacun entrait, et prenait sa place, à mesure qu'il était appelé. Ensuite si les éxégetes, dont la fonction était d'observer les prodiges et d'avoir soin des choses sacrées, ne s'opposaient point, on ouvrait l'audience. Ces officiers nommés éxégetes, ont été souvent corrompus par ceux qui étaient intéressés à ce qui devait se traiter dans l'assemblée.

Le plus précieux monument qui nous reste sur le tribunal des héliastes, est le serment que prétaient ces juges entre les mains des thesmothetes. Démosthène nous l'a conservé tout entier dans son oraison contre Timocrate : en voici la forme, et quelques articles principaux.

" Je déclare que je n'ai pas moins de trente ans.

Je jugerai selon les lois et les décisions du peuple d'Athènes et du sénat des cinq cent.

Je ne donnerai point mon suffrage pour l'établissement d'un tyran, ou pour l'oligarchie.

Je ne consentirai point à ce qui pourra être dit ou opiné, qui puisse donner atteinte à la liberté du peuple d'Athènes.

Je ne rappellerai point les exilés, ni ceux qui ont été condamnés à mort.

Je ne forcerai point à se retirer ceux à qui les lois et les suffrages du peuple et du tribunal, ont permis de rester.

Je ne me présenterai point, et je ne souffrirai point qu'aucun autre, en lui donnant mon suffrage, entre dans aucune fonction de magistrature, s'il n'a au préalable rendu ses comptes de la fonction qu'il a exercée.

Je ne recevrai point de présent dans la vue de l'exercice de ma fonction d'héliaste, ni directement, ni indirectement, ni par surprise, ni par aucune autre voie.

Je porterai une égale attention à l'accusateur et à l'accusé ; et je donnerai mon suffrage sur ce qui aura été mis en contestation.

J'en jure par Jupiter, par Neptune, et par Cérès ; et si je viole quelqu'un de mes engagements, je les prie d'en faire tomber la punition sur moi et sur ma famille ; je les conjure aussi de m'accorder toutes sortes de prospérités, si je suis fidèle à mes promesses. "

Il faut lire dans Démosthène la suite de ce serment, pour connaître avec quelle éloquence il en applique les principes à sa cause. Mais j'aurais bien voulu que cet orateur ou Pausanias, nous eussent expliqué pourquoi dans ce serment, on n'invoque point Apollon, comme on le pratiquait dans ceux de tous les autres tribunaux.

La manière dont les juges y donnaient leurs suffrages nous est connue : il y avait une sorte de vaisseau sur lequel était un tissu d'osier, et par-dessus deux urnes, l'une de cuivre, et l'autre de bois ; au couvercle de ces urnes, était une fente garnie d'un carré long, qui large par le haut, se rétrécissait par le bas, comme nous voyons à quelques troncs anciens dans nos églises.

L'urne de bois nommée , était celle où les juges jetaient le suffrage de la condamnation de l'accusé ; celle de cuivre nommé , recevait les suffrages portés pour l'absolution.

C'est devant le tribunal des héliastes, que fut traduite la célèbre et généreuse Phrynée, dont les richesses étaient si grandes, qu'elle offrit de relever les murailles de Thebes abattues par Alexandre, si on voulait lui faire l'honneur d'employer son nom dans une inscription qui en rappelât la mémoire. Ses discours, ses manières, les caresses qu'elle fit aux juges, et les larmes qu'elle répandit, la sauvèrent de la peine que l'on croyait que méritait la corruption qu'elle entretenait, en séduisant les personnes de tout âge.

Ce fut encore dans une assemblée des héliastes, que Pisistrate vint se présenter couvert de blessures qu'il s'était faites, aussi-bien qu'aux mulets qui trainaient son char. Il employa cette ruse pour attendrir les juges contre ses prétendus ennemis, qui jaloux, disait-il, de la bienveillance que lui portait le peuple, parce qu'il soutenait ses intérêts, étaient venus l'attaquer, pendant qu'il s'amusait à la chasse. Il réussit dans son dessein, et obtint des héliastes une garde, dont il se servit pour s'emparer de la souveraineté. Le pouvoir de ce tribunal parait d'autant mieux dans cette concession, que Solon qui était présent, fit de vains efforts pour l'empêcher. (D.J.)