Grammaire & Morale

S. f. (Grammaire et Morale) c'est une crainte habituelle d'être trompé. La défiance est un doute que les qualités qui nous seraient utiles ou agréables soient dans les hommes ou dans les choses, ou en nous-mêmes. La méfiance est l'instinct du caractère timide et pervers. La défiance est l'effet de l'expérience et de la réflexion. Le méfiant juge des hommes par lui-même, et les craint ; le défiant en pense mal, et en attend peu. On nait méfiant, et pour être défiant, il suffit de penser, d'observer, et d'avoir vécu. On se méfie du caractère et des intentions d'un homme ; on se défie de son esprit et de ses talents.
S. f. (Grammaire et Morale) c'est le signe extérieur de la colere ou du ressentiment. Il y en a de permises ; ce sont celles qui précèdent l'injure, et qui peuvent intimider l'aggresseur et l'arrêter. Il y en a d'illicites ; ce sont celles qui suivent le mal. Si la vengeance n'est permise qu'à Dieu, la menace qui l'annonce est ridicule dans l'homme. Licite ou illicite, elle est toujours indécente. Les termes menace et menacer ont été employés métaphoriquement en cent manières diverses. On dira très-bien, par exemple, lorsque le gouvernement d'un peuple se déclare contre la philosophie, c'est qu'il est mauvais : il menace le peuple d'une stupidité prochaine. Lorsque les honnêtes gens sont traduits sur la scène, c'est qu'ils sont menacés d'une persécution plus violente ; on cherche d'abord à les avilir aux yeux du peuple, et l'on se sert, pour cet effet, d'un Anite, d'un Milite, ou de quelqu'autre personnage diffamé, qui n'a nulle considération à perdre. La perte de l'esprit patriotique menace l'état d'une dissolution totale.
S. f. OFFENSER, OFFENSEUR, OFFENSE, (Grammaire et Morale) l'offense est toute action injuste considérée relativement au tort qu'un autre en reçoit, ou dans sa personne ou dans la considération publique, ou dans sa fortune. On offense de propos et de fait. Il est des offenses qu'on ne peut mépriser ; il n'y a que celui qui l'a reçue qui en puisse connaître toute la griéveté ; on les repousse diversement selon l'esprit de la nation. Les Romains qui ne portèrent point d'armes durant la paix, traduisaient l'offenseur devant les lois ; nous avons des lois comme les Romains, et nous nous vengeons de l'offense comme des barbares. Il n'y a presque pas un chrétien qui puisse faire sa prière du matin sans appeler sur lui-même la colere et la vengeance de Dieu : s'il se souvient encore de l'offense qu'il a reçue, quand il prononce ces mots : pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; c'est comme s'il disait : j'ai la haine au fond du cœur, je brule d'exercer mon ressentiment ; Dieu que j'ai offensé, je consens que tu en uses envers moi, comme j'en userais envers mon ennemi, s'il était en ma puissance. La philosophie s'accorde avec la religion pour inviter au pardon de l'offense. Les Stoïciens, les Platoniciens ne voulaient pas qu'on se vengeât ; il n'y a presque aucune proportion entre l'offense et la réparation ordonnée par les lais. Une injure et une somme d'argent, ou une douleur corporelle, sont deux choses hétérogènes et incommensurables. La lumière de la vérité offense singulièrement certains hommes accoutumés aux ténébres ; la leur présenter, c'est introduire un rayon du soleil dans un nid de hiboux, il ne sert qu'à blesser leurs yeux et à exciter leurs cris. Pour vivre heureux, il faudrait n'offenser personne et ne s'offenser de rien ; mais cela est bien difficile, l'un suppose trop d'attention, et l'autre trop d'insensibilité.
adj. PLAISANTERIE, s. f. (Grammaire et Morale) c'est une manière de s'amuser si dangereuse, que le plus sur est de s'en abstenir. La religion, les matières d'état, les grands hommes, les affaires graves des particuliers, en un mot tout ce qui est digne de respect ou de pitié, doit être privilégié de la plaisanterie. Son succès dans les coteries dépend moins de la finesse d'esprit de l'auteur qui les emploie, que de l'attention qu'il porte à ne ridiculiser que les hommes ou les choses qui ne sont pas du goût de la coterie dont il est l'oracle. Il en est des plaisanteries comme des ouvrages de parti : elles sont toujours admirées de la cabale ; c'est pour cela que le philosophe est joué par le plus mauvais bouffon.