VÉRITABLE, (Synonyme) vrai marque précisément la vérité objective ; c'est-à-dire, qu'il tombe directement sur la réalité de la chose ; et il signifie qu'elle est telle qu'on l'a dit. Véritable désigne proprement la vérité expressive, c'est-à-dire, qu'il se rapporte principalement à l'exposition de la chose, et signifie qu'on l'a dit telle qu'elle est. Ainsi le premier de ces mots aura une grâce particulière, lorsque, dans l'emploi, on portera d'abord son point de vue sur le sujet en lui-même ; et le second conviendra mieux, lorsqu'on portera le point de vue sur le discours. Cette différence qu'établit M. l'Abbé Girard, est extrêmement métaphysique ; mais on ne doit pas exiger des différences marquées où l'usage n'en a mis que de très-délicates. L'exemple suivant qu'apporte le même auteur, peut donner jour à sa distinction, et faire qu'on la sente mieux dans l'application que dans la définition.

Quelques écrivains, même protestants, soutiennent qu'il n'est pas vrai qu'il y ait eu une papesse Jeanne, et que l'histoire qu'on en a faite, n'est pas véritable. Girard. (D.J.)

VRAI, adj. (Algèbre) une racine vraie est une racine affectée du signe +, ou autrement une racine positive, par opposition aux racines fausses, qui sont des racines négatives ou affectées du signe-. Voyez RACINE et EQUATION. (E)

VRAIES COTES. Voyez COTES.

VRAI, (Poésie) Boileau dit après les anciens,

Le vrai seul est aimable !

Il doit régner par-tout, et même dans la fable.

Il a été le premier à observer cette loi qu'il a donnée : presque tous ses ouvrages respirent le vrai ; c'est-à-dire qu'ils sont une copie fidèle de la nature. Ce vrai doit se trouver dans l'historique, dans la morale, dans la fiction, dans les sentences, dans les descriptions, dans l'allégorie.

Racine n'a presque jamais perdu le vrai dans les pièces de théâtre. Il n'y a guère chez lui l'exemple d'un personnage, qui ait un sentiment faux, qui l'exprime d'une manière opposée à sa situation ; si vous en exceptez Théramène, gouverneur d'Hippolite, qui l'encourage ridiculement dans ses froides amours pour Aricie.

Vous-même, où seriez-vous, vous qui la combattez,

Si toujours Antiope à ses lois opposée,

D'une pudique ardeur n'eut brulé pour Thésée.

Il est vrai physiquement qu'Hippolite ne serait pas venu au monde sans sa mère. Mais il n'est pas dans le vrai des mœurs, dans le caractère d'un gouverneur sage, d'inspirer à son pupille, de faire l'amour contre la défense de son père.

C'est pécher contre le vrai, que de peindre Cinna comme un conjuré timide, entrainé malgré lui dans la conspiration contre Auguste, et de faire ensuite conseiller à Auguste, par ce même Cinna, de garder l'empire, pour avoir un prétexte de l'assassiner. Ce trait n'est pas conforme à son caractère. Il n'y a rien de vrai. Corneille peche souvent contre cette loi dans les détails.

Moliere est vrai dans tout ce qu'il dit. Tous les sentiments de la Henriade, ceux de Zaïre, d'Alzire, de Brutus, portent un caractère de vérité sensible.

Il y a une autre espèce de vrai qu'on recherche dans les ouvrages ; c'est la conformité de ce que dit un auteur avec son âge, son caractère et son état. Une bonne règle pour lire les auteurs avec fruit, c'est d'examiner si ce qu'ils disent est vrai en général, s'il est vrai dans les occasions où ils le disent, enfin s'il est vrai dans la bouche des personnages qu'ils font parler ; car la vérité est toujours la première beauté, et les autres doivent lui servir d'ornement. C'est la pierre de touche dans toutes les langues et dans tous les genres d'écrire. (D.J.)