FAUTE, PÉCHé, DÉLIT, FORFAIT, (Synonyme) Faute est le mot générique, avec cette restriction cependant qu'il signifie moins que les autres, quand on ne lui joint point d'épithète aggravante. Péché est une faute contre la loi divine. Délit est une faute contre la loi humaine. Crime est une faute énorme. Forfait ajoute encore à l'idée de crime, soit par la qualité, soit par la quantité : nous disons par la quantité, car forfait se prend plus souvent au pluriel qu'au singulier ; et il est rare d'appliquer ce mot à quelqu'un qui n'a commis qu'un crime. (O)

CRIME, s. m. (Droit naturel) action atroce commise par dol, et qui blesse directement l'intérêt public ou les droits du citoyen. On peut ranger tous les crimes sous quatre classes : ceux de la première choquent la religion ; ceux de la seconde, les mœurs ; ceux de la troisième, la tranquillité ; ceux de la quatrième, la sûreté des citoyens. Mais cette division n'est pas la seule qu'on puisse faire ; les jurisconsultes en ont même une autre. Voyez CRIME (Jurispr.) En conséquence les peines que l'on inflige doivent dériver de la nature de chacune de ces espèces de crimes. C'est le triomphe de la liberté, dit M. de Montesquieu, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du crime : tout l'arbitraire cesse ; la peine ne dépend point du caprice du législateur, mais de la nature de la chose ; et ce n'est point l'homme qui fait violence à l'homme.

Dans la classe des crimes qui intéressent la religion, sont ceux qui l'attaquent directement ; tels sont, par exemple, l'impiété, le blaspheme, les sacriléges. Pour que leur peine soit tirée de la nature de la chose, elle doit consister dans la privation de tous les avantages que donne la religion, l'expulsion hors des temples, la privation de la société des fidèles pour un temps ou pour toujours, les conjurations, les admonitions, les exécrations, et ainsi des autres.

La seconde classe renferme les crimes qui sont contre les mœurs : tels sont la violation de la continence publique ou particulière, c'est-à-dire des lois établies sur la manière de jouir des plaisirs attachés à l'usage des sens et à l'union des corps. Les peines de ces crimes doivent être encore tirées de la nature de la chose : la privation des avantages que la société a attachés à la pureté des mœurs, les amendes, la honte, la contrainte de se cacher, l'infamie publique, l'expulsion hors de la ville et du territoire, enfin toutes les peines qui sont du ressort de la juridiction correctionnelle, suffisent pour réprimer la témérité des deux sexes ; témérité qui est fondée sur les passions du tempérament, sur l'oubli ou le mépris de soi-même.

Les crimes de la troisième classe sont ceux qui choquent la tranquillité des citoyens : les peines en doivent être tirées de la nature de la chose, et se rapporter à cette tranquillité, comme la prison, l'exil, les corrections, et autres peines qui ramènent les esprits inquiets, et les font rentrer dans l'ordre établi.

Les crimes de la quatrième classe sont ceux qui troublant la tranquillité, attaquent en même temps la sûreté des citoyens : tels sont le rapt, le viol, le meurtre, l'assassinat, l'empoisonnement, etc. La peine de ces derniers crimes est la mort : cette peine est tirée de la nature de la chose, puisée dans la raison et les sources du bien et du mal. Un citoyen mérite la mort, lorsqu'il a violé la sûreté au point qu'il a ôté la vie, ou même qu'il a entrepris par des voies de fait de l'ôter à un autre citoyen : cette peine de mort est comme le remède de la société malade. Voyez l'Esprit des Lais, sur ces quatre classes de crimes.

Comme tous les crimes, renfermés même sous chacune des classes particulières dont nous venons de parler, ne sont pas égaux, on peut juger de la grandeur de ces crimes en général par leur objet, par l'intention et la malice du coupable, par le préjudice qui en revient à la société ; et c'est à cette dernière considération que les deux autres se rapportent en dernier ressort. Il faut donc mettre au premier rang les crimes qui intéressent la société humaine en général : ensuite ceux qui troublent l'ordre de la société civile, enfin ceux qui regardent les particuliers ; et ces derniers sont plus ou moins grands, selon que le mal qu'ils ont causé est plus ou moins considérable, selon le rang et la liaison du citoyen avec le coupable, etc. Ainsi celui qui tue son père, commet un homicide plus criminel que s'il avait tué un étranger ; un prêtre sacrilège est plus criminel qu'un laïc ; un voleur qui assassine les passants, est plus criminel que celui qui se contente de les dépouiller ; un voleur domestique est plus coupable qu'un voleur étranger, etc.

Le degré plus ou moins grand de malice, les motifs qui ont porté au crime, la manière dont il a été commis, les instruments dont on s'est servi, le caractère du coupable, la récidive, l'âge, le sexe, le temps, les lieux, etc. contribuent pareillement à caractériser l'énormité plus ou moins grande du crime ; en un mot l'on comprend sans peine que le différent concours des circonstances, qui intéressent plus ou moins la sûreté des citoyens, augmente ou diminue l'atrocité des crimes.

Les mêmes réflexions doivent s'appliquer aux crimes qui ont été commis par plusieurs ; car 1°. on est plus ou moins coupable, à proportion qu'on est plus ou moins complice des crimes des autres ; 2°. dans les crimes commis par un corps, ou par une communauté, ceux-là sont coupables qui ont donné un consentement actuel, et ceux qui ont été d'un avis contraire sont absolument innocens ; 3°. en matière de crimes commis par une multitude, la raison d'état et l'humanité demandent une grande clémence. Voyez CLEMENCE.

Nous avons dit ci-dessus que les peines doivent dériver de la nature de chaque espèce de crime. Voyez PEINE. Ces peines sont justes, parce que celui qui viole les lois de la société, faites pour la sûreté commune, devient l'ennemi de cette société. Or les lois naturelles en défendant le crime, donnent le droit d'en punir l'auteur dans une juste proportion au crime qu'il a commis ; elles donnent même le pouvoir de faire souffrir à l'auteur du crime le plus grand des maux naturels, je veux dire la mort, pour balancer le crime le plus atroce par un contrepoids assez puissant.

Mais d'un autre côté, l'instinct de la nature qui attache l'homme à la vie, et le sentiment qui la porte à fuir l'opprobre, ne souffrent pas que l'on mette un criminel dans l'obligation de s'accuser lui-même volontairement, encore moins de se présenter au supplice de gaieté de cœur ; et aussi le bien public, et les droits de celui qui a en main la puissance du glaive, ne le demandent pas.

C'est par une conséquence du même principe, qu'un criminel peut chercher son salut dans la fuite, et qu'il n'est pas tenu de rester dans la prison, s'il aperçoit que les portes en sont ouvertes, qu'il peut les forcer aisément, et s'évader avec adresse. On sait comment Grotius sortit du château de Louvestein, et l'heureux succès du stratagême de son épouse, auquel il crut pouvoir innocemment se prêter ; mais il ne serait pas permis à un coupable de tenter de se procurer la liberté par quelque nouveau crime ; par exemple, d'égorger ses gardes ou de tuer ceux qui sont envoyés pour se saisir de lui.

Quoique les peines dérivent du crime par le droit de nature, il est certain que le souverain ne doit jamais les infliger qu'en vue de quelque utilité : faire souffrir du mal à quelqu'un, seulement parce qu'il en a fait lui-même, est une pure cruauté condamnée par la raison et par l'humanité. Le but des peines est la tranquillité et la sûreté publique. Dans la punition, dit Grotius, on doit toujours avoir en vue ou le bien du coupable même, ou l'avantage de celui qui avait intérêt que le crime ne fût pas commis, ou l'utilité de tous généralement.

Ainsi le souverain doit se proposer de corriger le coupable, en ôtant au crime la douceur qui sert d'attrait au vice, par la honte, l'infamie, ou quelques peines afflictives. Quelquefois le souverain doit se proposer d'ôter aux coupables les moyens de commettre de nouveaux crimes, comme en leur enlevant les armes dont ils pourraient se servir, en les faisant travailler dans des maisons de force, ou en les transportant dans des colonies ; mais le souverain doit surtout pourvoir par les lois les plus convenables aux meilleurs moyens de diminuer le nombre des crimes dans ses états. Quelquefois alors pour produire plus d'effet, il doit ajouter à la peine de la mort que peut exiger l'atrocité du crime, l'appareil public le plus propre à faire impression sur l'esprit du peuple qu'il gouverne.

Finissons par quelques-uns des principes les plus importants, qu'il est bon d'établir encore sur cette matière.

1°. Les législateurs ne peuvent pas déterminer à leur fantaisie la nature des crimes.

2°. Il ne faut pas confondre les crimes avec les erreurs spéculatives et chimériques qui demandent plus de pitié que d'indignation, telles que la magie, le convulsionisme, etc.

3°. La sévérité des supplices n'est pas le moyen le plus efficace pour arrêter le cours des crimes.

4°. Les crimes contre lesquels il est le plus difficîle de se précautionner, méritent plus de rigueur que d'autres de même espèce.

5°. Les crimes anciennement commis, ne doivent pas être punis avec la même sévérité que ceux qui sont récents.

6°. On ne doit pas être puni pour un crime d'autrui.

7°. Il serait très-injuste de rendre responsable d'un crime d'autrui, une personne qui n'ayant aucune connaissance de l'avenir, et ne pouvant ni ne devant empêcher ce crime, n'entrerait d'ailleurs pour rien dans l'action de celui qui le doit commettre.

8°. Les mêmes crimes ne méritent pas toujours la même peine, et la même peine ne doit pas avoir lieu pour des crimes inégaux.

9°. Les actes purement intérieurs ne sauraient être assujettis aux peines humaines ; ces actes connus de Dieu seul, ont Dieu pour juge et pour vengeur.

10°. Les actes extérieurs quoique criminels, mais qui dépendent uniquement de la fragilité de notre nature, exigent de la modération dans les peines.

11°. Il n'est pas toujours nécessaire de punir les crimes d'ailleurs punissables ; et quelquefois il serait dangereux de divulguer des crimes cachés par des punitions publiques.

12°. Il serait de la dernière absurdité, comme le remarque l'auteur de l'Esprit des Lais, de violer les régles de la pudeur dans la punition des crimes, qui doit toujours avoir pour objet le rétablissement de l'ordre.

13°. Un principe qu'on ne peut trop répéter, est que dans le jugement des crimes, il vaut mieux risquer de laisser échapper un criminel, que de punir un innocent. C'est la décision des meilleurs philosophes de l'antiquité ; celle de l'empereur Trajan, et de toutes les lois chrétiennes. En effet, comme le dit la Bruyere, un coupable puni est un exemple pour la canaille ; un innocent condamné est l'affaire de tous les honnêtes gens.

14°. On ne doit jamais commettre de crimes pour obéir à un supérieur : à quoi je n'ajoute qu'un mot, pour détourner du crime les personnes qu'un malheureux penchant pourrait y porter ; c'est de considérer mûrement l'injustice qu'il renferme, et les suites qu'il peut avoir. Article de M(D.J.)

CRIME, (Jurisprudence) transgression des lois tant naturelles que civiles, et qui tend à troubler l'ordre public, de manière que la vindicte publique y est intéressée ; ou qui fait à quelque particulier un grief tel que le fait mérite punition.

Il y a des actions qui sont réputées criminelles, selon la religion et selon la morale, mais que les lois civiles ne punissent pas ; parce que ces actions sont du ressort du for intérieur, et que les lois civiles ne règlent que ce qui touche le for extérieur.

Le terme de crime comprend toutes sortes de délits et de maléfices : ces deux derniers termes pris dans une signification étendue, comprennent aussi toutes sortes de crimes ; cependant chacun de ces termes a ordinairement sa signification propre.

On entend par crime, les délits les plus graves qui intéressent la vindicte publique.

Sous le nom de délits proprement dits, on n'entend que les moindres délits dont la réparation n'intéresse que quelque particulier.

Enfin on appelle proprement maléfices, l'action par laquelle on procure du mal, soit aux hommes ou aux animaux, et aux fruits de la terre, en employant le sortilège, le poison, ou autres choses semblables.

Tout ce qui est défendu par la loi n'est pas réputé crime ; il faut que le fait soit tel qu'il mérite punition.

Pour qu'il y ait un crime, il faut que le fait soit commis par dol et avec connaissance de cause : ainsi ceux qui sont incapables de dol, tels que les insensés et les impuberes, ne peuvent être poursuivis pour crime, parce qu'on ne présume point qu'ils aient animum delinquendi.

Les Crimes et délits se peuvent commettre en quatre manières différentes ; savoir, re, verbis, litteris, et solo consensu. Re, lorsque le crime est commis par effet et par quelque action extérieure ; comme les homicides, assassinats, empoisonnements, sacriléges, vols, larcins, battures, excès, et violences, et autres choses semblables. Verbis : on commet des crimes par paroles, en proférant des convices et injures verbales, en chantant des chansons injurieuses. Litteris : les crimes se commettent par écrit, en fabriquant quelque acte faux, ou en composant et distribuant des libelles diffamatoires. Consensu : on commet un crime par le seul consentement, en participant au crime d'un autre, soit par suggestion, mauvais conseils, ou complicité.

Celui qui tue quelqu'un par mégarde et contre son intention, ne laisse pas d'être punissable suivant les lois civiles ; parce que tout homme qui tue mérite la mort, mais il obtient facilement des lettres de grâce.

La volonté qu'un homme peut avoir eu de commettre un crime dont l'exécution n'a point été commencée, n'est point punie en justice, cogitationis poenam nemo patitur. La punition de ces crimes cachés est réservée à la justice de Dieu, qui connait seul le fond des cœurs.

Mais celui qui ayant dessein de commettre un crime s'est mis en état de l'exécuter, quoiqu'il en ait été empêché, mérite presque la même peine que si le crime avait été consommé ; la volonté dans ce cas est réputée pour le fait : in maleficiis voluntas spectatur, non exitus.

L'ordonnance de Blais, art. 195. veut que l'on punisse de mort ceux qui se louent pour tuer, outrager, et excéder quelqu'un, ensemble ceux qui auront fait avec eux de telles conventions, ou qui les y auront induits : dans ce cas, on punit la seule volonté, quoiqu'elle n'ait été suivie d'aucune exécution ; parce que la convention est un acte complet et un commencement d'exécution de la volonté : tout est même déjà consommé par rapport à celui qui donne charge à un autre d'exécuter le crime ; et celui qui se charge de le faire, commet aussi un crime en faisant une telle convention qui blesse l'ordre de la société. Cette convention est un acte extérieur de la volonté, dont on peut avoir la preuve à la différence d'une simple volonté qui n'a point été manifestée, et que par cette raison l'on ne punit point.

Les crimes sont divisés, suivant le droit romain, en crimes privés et publics.

Les crimes ou délits privés, sont ceux qui ne regardent que les particuliers, et dont la poursuite n'est permise par les lois romaines qu'à ceux qui y sont intéressés, et auxquels la réparation en est dû..

Les crimes publics sont ceux qui troublent l'ordre public, et dont la réparation intéresse le public. Chez les Romains, la poursuite en était permise à toutes sortes de personnes, quoique non-intéressées. Mais parmi nous, la poursuite n'en est permise qu'aux parties intéressées, ou au ministère public : mais toutes sortes de personnes sont reçues à les dénoncer.

On distinguait aussi chez les Romains les crimes publics ou privés, en crimes ordinaires ou extraordinaires. Les premiers étaient ceux dont la peine était fixée par les lais, et qui se poursuivaient par la voie ordinaire ou civile. Les crimes extraordinaires étaient ceux dont la peine n'était point fixée par les lais, et qui se poursuivaient par la voie extraordinaire de la plainte et accusation.

En France on n'observe point cette distinction, la réparation publique de tous crimes et délits ne peut être poursuivie que par la voie extraordinaire : néanmoins les dommages et intérêts peuvent être poursuivis par la voie civîle contre le coupable.

A l'égard des peines, on dit communément qu'elles sont arbitraires en France ; ce qui ne signifie pas que les juges puissent prononcer des peines qui ne sont point décernées par la loi contre le crime dont il s'agit, ils ne peuvent au contraire prononcer contre chaque crime une peine plus grave que celle qui est établie par la loi : ainsi ils ne peuvent condamner à mort, dans un cas où il n'y a point de loi qui prononce la peine de mort ; mais l'application des peines plus ou moins rigoureuses est arbitraire, c'est-à-dire qu'elle dépend des circonstances et de la prudence du juge, lequel peut absoudre ou infliger une peine plus légère, s'il ne croit pas que l'accusé soit précisément dans le cas d'une peine plus rigoureuse.

On distingue parmi nous de même que chez les Romains les crimes capitaux, c'est-à-dire qui emportent peine de mort naturelle ou civile, de ceux qui ne le sont pas, et donnent seulement lieu à quelque condamnation moins grave.

Les crimes les plus legers que l'on qualifie ordinairement de délits simplement, sont les injures faites, soit verbalement, ou par écrit, ou par gestes, comme en levant la canne sur quelqu'un, ou par effet en le frappant de soufflets, de coups de poing ou de pied, ou autrement.

Les autres crimes plus graves qui sont les plus connus, sont les vols et larcins, les meurtres, homicides et parricides, l'homicide de soi-même, le crime des femmes qui celent leur grossesse et se font avorter, la supposition de part, le crime de lese-majesté divine et humaine, les empoisonnements, les crimes de concussion et de péculat, les crimes de débauche publique, adultère, rapts, et autres procédant de luxure ; le crime de faux, de fausse monnaie, les sortiléges, jurements et blasphemes, l'hérésie, et plusieurs autres, de chacun desquels on parlera en leur lieu.

Nous observerons seulement ici que les crimes en général sont réputés plus ou moins graves, eu égard aux circonstances qui les accompagnent ; par exemple, l'injure est plus grave lorsqu'elle est faite à un homme qualifié, et par un homme de néant, lorsqu'elle est faite en public ; et ainsi des autres circonstances qui peuvent accompagner les différents crimes.

La connaissance des crimes appartient à certains juges, privativement à d'autres ; ainsi qu'on le verra aux mots COMPETENCE, JUGES, LIEUTENANS-CRIMINELS, PREVOTS DES MARECHAUX, PREVENTION, et PROCEDURE CRIMINELLE.

La manière de poursuivre les crimes est expliquée aux mots ACCUSATION, ACCUSATEUR, ACCUSE, DENONCIATION, PLAINTE, PROCEDURE CRIMINELLE, et autres termes qui appartiennent à la procédure extraordinaire.

Il y a aussi plusieurs choses à observer par rapport aux preuves nécessaires en matière criminelle : par exemple, que la confession de l'accusé ne suffit pas pour le condamner, qu'il faut des preuves très-claires, surtout lorsqu'il s'agit de condamner un homme à mort. Il y a des crimes qui se commettent en secret, tels que l'adultère, l'inceste, et autres crimes de cette espèce, pour lesquels on n'exige pas des témoins oculaires ; mais on a égard aux autres circonstances qui fournissent des indices du crime, comme la fréquentation et la grande familiarité, les privautés, les discours libres tenus verbalement et par écrit, qui annoncent la débauche. Voyez INFORMATION et PREUVE.

Les différentes peines que l'on peut infliger aux accusés selon la qualité des crimes et délits, tels que les amendes, aumônes, peines du carcan, du fouet, d'être marqué, le bannissement, les galeres, la peine de mort, seront expliquées en général au mot PEINES, et plus particulièrement chacune au mot qui leur est propre.

Tous crimes en général sont éteints par la mort de l'accusé, pour ce qui est de la peine corporelle et de la peine pécuniaire applicable au fisc ; mais quant aux réparations pécuniaires qui peuvent être dû.s à la partie civile, les héritiers de l'accusé sont tenus à cet égard de ses faits.

Il y a même certains crimes dont la réparation publique n'est point éteinte par la mort de l'accusé, tels que l'homicide de soi-même, le duel, le crime de lese-majesté.

La peine portée par le jugement peut être remise par des lettres de grâce, qu'il dépend de la clémence du prince d'accorder. Voyez LETTRES DE GRACE.

Mais sans le secours d'aucunes lettres, le crime ou plutôt la peine publique, et les condamnations pécuniaires prononcées pour raison du crime, se prescrivant au bout d'un certain temps, savoir après 20 ans, lorsque la condamnation n'a pas été exécutée, et au bout de 30 ans, lorsqu'elle a été exécutée soit par effigie ou par simple signification, selon la qualité du jugement. Voyez PRESCRIPTION. Voyez les livres XLVII. et XLVIII. du digest. et le IX. du code, le liv. V. des décret. et ACCUSATEUR, ACCUSE, et ci-après CRIMINEL, PEINES, PROCEDURE CRIMINELLE.

Crime atroce ; est celui qui blesse griévement le public, et qui mérite une punition des plus sevères.

Crime capital, est celui qui emporte peine de mort naturelle ou civile.

Crime double, les lois Romaines donnent ce nom aux actions qui renferment tout à la fois deux crimes différents, tel que l'enlevement d'une femme mariée, dont l'auteur commet en même temps le crime de rapt et celui d'adultère. Le crime double est opposé au crime simple. Voyez au Code, liv. IX. tit. XIIIe l. 1.

Crimen duorum, est celui qu'une personne ne peut commettre seule, et sans qu'il y ait deux coupables, tel que le crime d'adultère.

Crime énorme ou atroce, est la même chose.

Crimes extraordinaires, chez les Romains, étaient opposés aux crimes qu'on appelait ordinaires. On entendait par ceux-ci les crimes qui avaient une peine certaine et fixée par les lois Romaines, et dont la poursuite se faisait par la voie ordinaire des demandes et des défenses ; au lieu que les crimes extraordinaires, tant privés que publics, étaient ceux dont la peine n'était point déterminée par les lais, dont par conséquent la punition était arbitraire, et qui se poursuivaient par la voie extraordinaire de la plainte et de l'accusation. Parmi nous, on fait peu d'attention à ces distinctions de crimes privés et publics, et de crimes ordinaires et extraordinaires ; on ne s'arrête principalement, qu'à la distinction des crimes qui sont capitaux d'avec ceux qui ne le sont pas ; et quoique nos lois aient réglé la peine des crimes les plus connus, on tient cependant qu'en France toutes les peines sont arbitraires, c'est-à-dire qu'elles dépendent beaucoup des circonstances et de la prudence du juge. Quant à la voie par laquelle on poursuit la vengeance des crimes, le ministère public le fait toujours par la voie de la plainte. Les particuliers intéressés à la vengeance du crime, peuvent aussi prendre la voie de la plainte ou de la dénonciation ; mais ils peuvent aussi prendre la voie civîle pour les intérêts civils.

La voie de la plainte est bien regardée comme une voie et procédure extraordinaire : cependant la procédure criminelle commencée par une plainte, quoiqu'elle soit suivie d'information et de decret, n'est vraiment réglée à l'extraordinaire que quand il y a un jugement qui ordonne le recolement et la confrontation, qui est ce que l'on appelle le règlement à l'extraordinaire ; car jusqu'à ce règlement l'affaire peut, sur le Ve des charges, être civilisée ou du moins renvoyée à l'audience. Voyez au digeste 47. tit. XIe de extraordinariis criminibus.

Crime graciable, est celui pour lequel on peut obtenir des lettres de grâce du prince, tel qu'un homicide que l'on a commis involontairement ou à son corps défendant.

Crime grave, est un crime qui est de qualité à mériter une punition rigoureuse.

Crime ordinaire. Voyez ci devant Crime extraordinaire.

Crime parfait, est celui qui a été consommé, à la différence du crime imparfait, qui n'a été que projeté ou exécuté seulement en partie. Voyez ce qui est dit ci-devant des crimes en général, et comment on punit la volonté.

Crime prescrit, est celui dont la peine est remise par le laps de 20 ans sans poursuites contre le coupable. Voyez PRESCRIPTION.

Crime privé : chez les Romains on distinguait tous les crimes en publics et privés ; les premiers étaient ceux qui regardaient le public, et dont la poursuite était permise à toutes sortes de personnes, quoique non intéressées, cuilibet è populo ; au lieu que les crimes privés étaient ceux qui ne regardaient que les particuliers, et dont la poursuite n'était permise par les lois qu'à ceux qui y étaient intéressés, et à qui la réparation en était dû.. Tous crimes et délits étaient réputés privés, à moins que la loi ne les déclarât publics ; mais on regardait alors comme crime public un mariage prohibé. Parmi nous on ne qualifie ordinairement de crimes, que ceux qui blessent le public ; ceux qui n'intéressent que des particuliers, ne sont ordinairement qualifiés que de délits. Toutes personnes sont reçues à dénoncer un crime public, mais il n'y a que les parties intéressées ou le ministère public qui puisse en rendre plainte et en poursuivre la vengeance. A l'égard des crimes ou délits privés, les parties intéressées sont les seules qui puissent en demander la réparation.

Crime public. Voyez ci-devant Crime privé.

Crimen repetundarum ; c'est ainsi qu'on appelait chez les Romains, le crime de concussion. Voyez CONCUSSION.

Crime simple, est opposé à crime double. Voyez ci-devant Crime double. (A)