FRAYEUR, TERREUR, (Synonyme) ces trois expressions marquent par gradation les divers états de l'âme plus ou moins troublée par la crainte. L'appréhension vive de quelque danger cause la peur ; si cette appréhension est plus frappante, elle produit la frayeur ; si elle abat notre esprit, c'est la terreur.

La peur est souvent un faible de la machine pour le soin de sa conservation, dans l'idée qu'il y a du péril. La frayeur est une épouvante plus grande et plus frappante. La terreur est une passion accablante de l'âme, causée par la présence, ou par l'idée très-forte de l'effroi.

Quelques exemples tirés de l'histoire romaine, vont justifier la distinction qu'on vient de donner de ces trois mots.

Pyrrhus eut moins de peur des forces de la république, que d'admiration pour ses procédés ; au contraire dans la suite des siècles, Attila faisait un trafic continuel de la frayeur des Romains ; mais Julien par sa sagesse, sa constance, son économie, sa valeur, et une suite perpétuelle d'actions héroïques, rechassa les Barbares des frontières de son empire ; et la terreur que son nom leur inspirait, les contint tant qu'il vécut.

Auguste armé, craignait les révoltes des soldats ; et quand il fut en paix, il redoutait également les conjurations des citoyens. Dans la peur qu'il eut toujours devant les yeux d'éprouver le sort de son prédécesseur, il ne songea qu'à s'éloigner de sa conduite. Voilà la clé de toute la vie d'Octave.

On lit qu'après la perte de la bataille de Cannes, la frayeur fut extrême dans Rome ; mais il n'en est pas de la consternation d'un peuple libre et belliqueux, qui se trouve toujours des ressources de courage, comme de celle d'un peuple esclave qui ne sent que sa faiblesse.

Le célèbre sénatus-consulte que l'on voit encore gravé sur le chemin de Rimini à Cézene, par lequel on dévouait aux dieux infernaux quiconque avec une cohorte seulement, passerait le rubicon, prouve combien le sénat appréhendait les desseins de César. Aussi ne peut-on exprimer la terreur qu'il répandit lorsqu'il passa ce ruisseau. Pompée lui-même éperdu ne sut que fuir, abandonner l'Italie, et gagner promptement la mer. (D.J.)

PEUR et PALEUR, (Mythologie Médailles, Littér.) divinités payennes qui avaient des autels chez les Grecs et les Romains, afin qu'elles préservassent de l'opprobre et de l'infamie. Thésée leur sacrifia dans cette vue ; Alexandre en fit de même ; et par les mêmes principes, la Peur avait une chapelle à Sparte ; passons à Rome.

La ville d'Albe ayant été soumise aux Romains par un traité fait après la victoire des Horaces, la paix ne dura pas longtemps ; elle fut rompue par la trahison du dictateur Metius Suffetius, et par la révolte des Albains qui attirèrent dans leur parti les Fidénates et les Véïens. Le roi Tullus ayant pris la résolution de les combattre, il s'aperçut au milieu du combat, qu'à la sollicitation du dictateur, les Albains qui s'étaient d'abord déclarés pour les Romains, tournèrent leurs armes contr'eux. Tullus, pour prévenir l'épouvante qui pouvait se répandre dans son armée, voua dans le moment, dit l'historien, douze Saliens et des temples à la Peur et à la Pâleur. Ce vœu eut son effet, Tullus fut vainqueur. etc.

Il y a deux médailles de la famille Hostilia, rapportées dans les familles romaines de Fulvius Ursinus, de Patin, et de Vaillant, lesquelles représentent la Peur et la Pâleur. La première offre une tête avec des cheveux hérissés, un visage étonné, une bouche ouverte, et un regard qui marque l'épouvante dans une occasion périlleuse. La seconde offre une face maigre, allongée, les cheveux abattus, et le regard fixe ; c'est la pâleur, laquelle est l'effet ordinaire de la peur : le sang et la couleur se retirent au-dedans de nous, lorsque nous l'éprouvons ; le visage devient pâle, la sueur froide, le tremblement, l'immobilité, succedent, etc. Aussi Lucrèce applique ingénieusement à la peur les mêmes effets que Sapho attribue à un violent amour.

Verum ubi vehementi magis est commota metu ments,

Consentire animam totam per membra videmus

Sudores itaque et pallorem existère toto

Corpore, et infringi linguam, vocemque aboriri ;

Caligare oculos, sonare aures, succidere artus :

Denique concidere ex animi terrore videmus

Saepè homines.

(D.J.)