RAVISSEMENT, (Synonyme) ces mots signifient enlévement violent et forcé ; on dit mieux le rapt de Ganymède fut fait par un aigle, que le ravissement de Ganymède ; cependant, on dit indifféremment le ravissement d'Helene, des Sabines, de Proserpine, ou le rapt d'Helene, des Sabines, de Proserpine ; mais en jurisprudence on dit rapt sans génitif ; il a été convaincu de rapt, le crime de rapt est capital, et l'ordonnance en France s'étend aux filles comme aux garçons. (D.J.)

RAPT, (Jurisprudence) est l'enlévement que quelqu'un fait de son autorité privée, d'une personne qu'il conduit ou fait conduire et detenir dans un lieu autre que celui où elle faisait sa demeure ordinaire, soit dans la vue de corrompre cette personne, ou de l'épouser, ou de lui faire contracter quelqu'autre engagement.

Ce crime se commet en enlevant une fille, une femme ou une veuve de la maison de son père, de son mari ou de la sienne propre, ou de celle de son tuteur ou curateur, ou même de tout autre endroit, ou en enlevant une religieuse de son couvent.

C'est aussi un rapt que d'enlever un mineur ou un fils de famille que l'on soustrait à la puissance de ses père, mère, tuteur ou curateur, pour lui faire contracter mariage à l'insu et sans le consentement de ceux à la prudence desquels il est soumis.

On distingue deux sortes de rapt : l'un qui se fait par violence et malgré la personne ravie, et celui-là est le rapt proprement dit ; l'autre qu'on appelle rapt de séduction, est celui qui se fait sans aucune résistance de la part de la personne ravie, et qui a lieu lorsque par artifice, promesses ou autrement, on séduit des fils ou filles mineurs et qu'on les fait consentir à leur enlevement ; on l'appelle aussi raptus in parentes, parce qu'il se commet contre le gré des parents ; ce rapt fut puni par Solon encore plus sévérement que celui qui aurait été commis par violence.

L'enlevement des filles et femmes a toujours été suivi de grands malheurs, et a même souvent occasionné des guerres sanglantes ; tel fut l'enlevement de Dina, fille de Jacob, qui porta Siméon et Lévi ses frères à massacrer les Sichimites ; tel fut encore l'enlevement de la belle Hélene qui fut cause de la destruction de Troie.

Il y avait une loi à Athènes que quelques-uns attribuent à Solon, d'autres à Dracon, qui condamnait le ravisseur à épouser celle qu'il avait ravie, ou à subir la mort.

Les Romains furent d'abord peu délicats sur le rapt, témoin l'enlevement des Sabines. Dans la suite ils établirent des peines, mais assez légères pour un si grand crime. La loi Julia de Ve publicâ, au ff. ne prononçait que l'interdiction de l'eau et du feu, à laquelle succéda la déportation.

Ces peines furent changées et augmentées dans la suite, à mesure que le crime de rapt devint plus fréquent. On peut voir dans le Code théodosien les constitutions faites sur ce sujet par les empereurs Constantin, Constance, Majorien et Jovien.

Justinien a refondu toutes ces lois dans la loi unique, au code de raptu virginum et viduarum ; il ordonne par cette loi que tous les ravisseurs des vierges ou femmes mariées seront, ainsi que leurs complices, punis de mort et leurs biens confisqués, lorsque les personnes ravies étaient de condition libre ; et si le ravisseur était de condition servile, il y avait contre lui peine du feu : il déclare que le consentement de la personne ravie, ni celui de ses père et mère, donné depuis l'enlevement, ne pourront exempter le ravisseur de cette peine ; que les père et mère qui dans ce cas garderont le silence, ou qui s'accommoderont à prix d'argent, subiront eux-mêmes la peine de la déportation : il permet aux père et mère, tuteurs et curateurs, frères et sœurs, maîtres et parents de la personne ravie, de tuer le ravisseur et ses complices qu'ils surprendraient dans l'acte même de l'enlevement ou dans leur fuite ; il ne veut pas que le ravisseur puisse s'aider de la prescription ni de la voie de l'appel, ni qu'il puisse jamais épouser la personne ravie quand même elle ou ses parents y consentiraient.

La loi raptores cod. de episcop. et cleric. qui concerne le rapt des religieuses et des diaconesses, porte qu'outre la peine de mort les biens seront confisqués au profit du monastère des religieuses ou de l'église à laquelle la personne ravie était attachée ; elle permet aussi au père et autres parents, tuteurs et curateurs de tuer le ravisseur surpris en flagrant délit.

La novelle 123. prononce la même peine de mort contre le ravisseur et ses complices, soit que la religieuse ait consenti ou non ; et au cas qu'elle ait consenti, la loi veut qu'elle soit punie sévérement par la supérieure du monastère.

Par rapport à la confiscation, les novelles 143 et 150. décident qu'elle appartiendra au fisc et non à la personne ravie, ni à ses parents qui s'en sont rendus indignes pour n'avoir pas veillé suffisamment à la garde de leurs enfants.

L'église, outre la peine de l'excommunication, défendait autrefois au ravisseur de jamais épouser la personne ravie, même de son consentement.

Mais par le droit nouveau l'on a permis le mariage lorsque la fille ayant été remise en liberté, persiste à consentir au mariage.

Le concîle de Trente ordonne la même chose, et veut de plus que le ravisseur dote la personne ravie à l'arbitrage du juge.

Les anciennes lois des Francs, telles que les lois gombettes et les lois saliques, ne prononçaient contre le ravisseur qu'une amende plus ou moins forte, selon les circonstances.

Mais les dernières ordonnances ont avec raison prononcé des peines plus sévères.

Celle de Blais, art. 42, veut qu'en cas de rapt de filles ou fils mineurs qui sont attirés par blandices à épouser sans le gré et consentement de leurs père et mère, le ravisseur soit puni de mort sans espérance de rémission et de pardon, et nonobstant tout consentement que les mineurs pourraient alléguer par après avoir donné audit rapt ; elle veut aussi que l'on procede extraordinairement contre tous ceux qui auront participé au rapt.

La déclaration du 26 Novembre 1639, veut pareillement que les ravisseurs de fils, filles ou veuves soient punis de mort et leurs complices, sans que cette peine puisse être modérée.

Elle déclare même les filles, veuves, mineures de vingt-cinq ans, qui après avoir été ravies contracteront mariage contre la teneur des ordonnances, notamment de celle de Blais, privées par le seul fait, et les enfants qui en naitront, de toutes successions directes et collatérales, et de tous droits et avantages qui pourraient leur être acquis par mariage, testaments, dispositions de coutume, même de la légitime, voulant que le tout soit confisqué et employé en œuvres pies.

Cette même loi déclare les mariages faits avec les ravisseurs pendant que la personne ravie est en leur possession, non-valablement contractés, sans qu'ils puissent être confirmés par le temps ni par le consentement des père et mère, tuteurs et curateurs, et s'ils sont faits après que la personne ravie a été remise en liberté, ou qu'étant majeure elle ait donné un nouveau consentement pour le mariage, les enfants qui naitront de ce mariage sont déclarés indignes et incapables de légitime et de toute succession, et les parents qui auraient favorisé ces mariages sont aussi déclarés incapables de succéder aux personnes ravies, et défenses sont faites à toutes personnes de solliciter pour eux des lettres de réhabilitation.

L'ordonnance de 1670 met le crime de rapt au nombre de ceux qui ne sont pas susceptibles de lettres de grâce ; mais elle n'entend parler que de rapt fait par violence et non du rapt de séduction.

Toutes ces dispositions ont encore été confirmées par la déclaration du 22 Septembre 1710, par laquelle il est défendu d'exempter de la peine de mort le ravisseur qui consentait d'épouser la personne ravie, comme cela se pratiquait en Bretagne et dans quelques autres provinces.

Sur le rapt, voyez le décret de Gratien, de raptoribus ; le code théodosien et le code de Justinien, tit. de raptu virginum ; Julius Clarus, Fontanon, Papon, Despeisses, Gui Pape, et le traité des matières criminelles de M. de Vouglans.