S. m. (Grammaire) distance, espace qui est entre deux extrémités de temps ou de lieux. Voyez DISTANCE.

Ce mot vient du latin intervallum, qui ne signifie autre chose, selon Isidore, que spatium inter fossam et murum, entre le fossé et le mur : d'autres remarquent que les pieux que les Romains plantaient dans leurs boulevards, étaient appelés valla, et l'espace d'entre deux, inter valla. Dict. étym. et Chambers. (G)

INTERVALLE, (Art militaire) se dit dans l'art militaire, de la distance ou de l'espace qu'on laisse ordinairement entre les troupes placées en ligne ou à côté les unes des autres. On le dit aussi pour exprimer l'espace qui est entre deux lignes de troupes, soit en bataille ou dans le camp. Voyez DISTANCE.

Ainsi, lorsque des troupes sont en bataille, la distance d'un bataillon à un autre se nomme l'intervalle des bataillons. Il en est de même pour les escadrons, et pour la distance de la première ligne à la seconde.

L'intervalle des bataillons et celui des escadrons, est ordinairement égal au front de ces troupes ; mais il arrive de-là qu'une armée médiocre occupe une très-grande étendue de front, et que les différentes parties de l'armée sont trop éloignées les unes des autres, pour pouvoir se soutenir réciproquement. Voyez ORDRE DE BATAILLE et ARMEE.

Pour donner une idée de ces intervalles, ou de l'arrangement des bataillons et des escadrons de la première et de la seconde ligne d'une armée, il faut,

1°. Concevoir que toutes ces troupes sont rangées sur une même et seule ligne sans aucune distance.

2°. Qu'on fasse marcher en avant la moitié, mais de manière qu'alternativement une troupe s'avance, et que celle qui la touche immédiatement, par exemple à gauche, demeure à la même place ; et que celle qui touche la gauche de celle-ci, s'avance aussi, et ainsi de suite.

Il résultera de ce mouvement deux lignes de troupes, dont les intervalles de la première se trouveront opposés aux troupes de la seconde, et ces intervalles seront égaux aux fronts des troupes.

Ces intervalles ont pour objet de laisser passer la première ligne, si elle se trouve obligée de ployer derrière la seconde sans déranger l'ordre de cette seconde ligne, qui se trouve en état d'arrêter l'ennemi, pendant que la première ligne se rallie ou se réforme à couvert de la seconde. Mais cette considération ou cet objet ne parait pas exiger que les troupes aient des intervalles égaux à leur front. Une troupe qui se retire en désordre n'occupe pas le même front, que lorsqu'elle est rangée en ordre de bataille ; ainsi elle peut s'écouler par des intervalles moindres que son front. Il suit de-là que les intervalles peuvent être plus petits que le front des troupes ; ils le doivent même, si l'on veut considérer qu'un tout étant d'autant plus solide que toutes ses parties se tiennent ensemble, et qu'elles s'aident mutuellement, l'armée aura aussi plus de force, lorsque les troupes qui la composent se trouveront moins éloignées ou moins séparées les unes des autres. Cette observation a déjà été faite par de très-habiles généraux. Feu M. le maréchal de Puysegur ne prescrit dans son traité de l'Art de la guerre, que dix taises pour l'intervalle des bataillons, et six taises pour celui des escadrons. Il prétend que ces intervalles sont plus que suffisans, et même qu'il serait à propos de faire combattre les troupes à lignes pleines, c'est-à-dire sans intervalles. Voyez ARMEE.

A Leuze en 1691, et à Fredelingue en 1702, la cavalerie française ou la maison du Roi, battit les ennemis qui étaient rangés en lignes pleines : à Ramilly les lignes pleines des ennemis battirent les lignes tant pleines que vides de la cavalerie française ; " mais ces exemples ne prouvent rien, dit l'illustre maréchal de Puysegur ; car outre l'ordre de bataille, il y a d'autres parties qui dans l'action doivent concourir en même temps pour donner la victoire, et qui ont manqué à ceux qui avaient l'avantage de la ligne pleine lorsqu'ils ont été battus par des troupes rangées avec des intervalles ".

L'intervalle des lignes de troupes en bataille doit être d'environ 150 taises ; mais dans le combat la seconde ligne doit s'approcher davantage de la première, pour être plus à portée de la soutenir.

A l'égard de l'intervalle ou de la distance qui est entre les deux lignes du camp, il faut la régler sur la profondeur des camps des bataillons et des escadrons. Cette profondeur peut être évaluée environ à 120 taises ; il faut aussi un espace libre en-avant du terrain de la seconde ligne, pour qu'elle puisse s'y porter en bataille. On peut estimer cet espace de 30 taises ou environ : ainsi l'intervalle du front de bandière de la première ligne à celui de la seconde, sera donc d'environ 150 taises, ou trois cent pas ; le pas étant compté à la guerre pour une longueur de trois pieds.

INTERVALLE, en Musique, est la distance qu'il y a d'un son à un autre, du grave à l'aigu : c'est tout l'espace que l'un des deux aurait à parcourir pour arriver à l'unisson de l'autre. A prendre ce mot en son sens le plus étendu, il est évident qu'il y a une infinité d'intervalles : mais comme en Musique, on borne le nombre des sons à ceux qui composent un certain système, on borne aussi par-là le nombre des intervalles à ceux que ces sons peuvent former entr'eux. Desorte qu'en combinant deux à deux tous les sons d'un système quelconque, on aura précisément tous les intervalles possibles dans ce même système : sur quoi il restera à réduire sous la même espèce tous ceux qui se trouveront égaux.

Les anciens divisaient les intervalles de leur musique en intervalles simples ou diastèmes, et en intervalles composés, qu'ils appelaient systèmes. V. ces mots.

Les intervalles, dit Aristoxène, diffèrent entre eux en cinq manières ; 1°. en étendue : un grand intervalle diffère ainsi d'un plus petit ; 2°. en résonnance ou en accord ; et c'est ainsi qu'un intervalle consonnant diffère d'un dissonnant ; 4°. en quantité, comme un intervalle simple d'un intervalle composé ; 4°. en genre. C'est ainsi que les intervalles diatoniques, chromatiques, et enharmoniques, diffèrent entr'eux ; 5°. et enfin, en nature de rapport, comme l'intervalle dont la raison peut s'exprimer en nombres, diffère d'un intervalle irrationnel. Je parlerai en peu de mots de toutes ces différences.

1°. Le plus petit de tous les intervalles de Musique, selon Gaudence et Bacchius, est le dièse enharmonique. Le plus grand, à le prendre de l'extrémité aiguë du mode hypermixolydien, jusqu'à l'extrémité grave de l'hypodorien, serait de trois octaves et un ton ; mais comme il y a une quinte et même une sixte à retrancher, selon un passage d'Adraste, cité par Meibomius, reste la quarte par-dessus le disdiapason, c'est-à-dire la dix-huitième, pour le plus grand intervalle du diagramme des Grecs.

2°. Les Grecs divisaient aussi-bien que nous, tous les intervalles en consonnans et dissonans : mais leur division n'était pas la même que la nôtre. Voyez CONSONNANCE. Ils subdivisaient encore les intervalles consonnans en deux espèces, sans y compter l'unisson qu'ils appelaient homophonie, ou parité de sons, et dont l'intervalle est nul. La première espèce était l'antiphonie ou opposition de sons qui se faisait à l'octave ou à la double octave, et qui n'était proprement qu'une replique du même son, mais pourtant avec opposition du grave à l'aigu. La seconde espèce était la paraphonie ou surabondance de son, sous laquelle on comprenait toute consonnance autre que l'octave, tous les intervalles, dit Théon de Smyrne, qui ne sont ni unissonnans ni dissonans.

3°. Quand les Grecs parlent de leurs diastèmes ou intervalles simples, il ne faut pas prendre ce terme absolument à la rigueur ; car le dièse même n'était pas selon eux exempt de composition ; mais il faut toujours le rapporter au genre auquel l'intervalle s'applique : par exemple, le semiton est une intervalle simple dans le genre chromatique et dans le diatonique, et composé dans l'enharmonique ; le ton est composé dans le chromatique, et simple dans le diatonique ; et le diton même, ou la tierce majeure qui est composée dans le diatonique, est incomposée dans l'enharmonique. Ainsi ce qui est système dans un genre, peut être diastème dans l'autre, et réciproquement.

4°. Sur les genres, divisez successivement le même tétracorde, selon le genre enharmonique, selon le diatonique et selon l'enharmonique, vous aurez trois accords différents, qui, au lieu de trois intervalles, vous en donneront neuf, outre les compositions et combinaisons qu'on en peut faire, et les différences de tous ces intervalles, qui vous en donneront une multitude d'autres ; si vous comparez, par exemple, le premier intervalle de chaque tétracorde dans l'enharmonique et dans le chromatique mol d'Aristoxène, vous aurez d'un côté un quart ou trois douziemes de ton, et de l'autre un tiers ou quatre douziemes ; or il est évident que les deux cordes aiguës de ces deux intervalles feront entr'elles un intervalle qui sera la différence des deux précédents, ou la douzième partie d'un ton.

5. Cet article me mène à une petite digression. Les Aristoxeniens prétendaient avoir bien simplifié la Musique par leurs divisions égales des intervalles, et se moquaient fort de tous les calculs de Pythagore. Il me semble cependant que toute cette prétendue simplicité n'était guère que dans les mots, et que si les Pythagoriciens avaient un peu mieux entendu leur maître et la Musique, ils auraient bientôt fermé la bouche à leurs adversaires.

Pythagore n'avait point imaginé les rapports des sons qu'il calcula le premier. Guidé par l'expérience, il ne fit que tenir registre de ses observations. Aristoxène, incommodé de tous ces calculs, bâtit dans sa tête un système tout différent, et comme s'il avait pu changer la nature à son gré, pour avoir simplifié les mots, il crut avoir simplifié les choses ; mais il n'en était pas ainsi. Comme les rapports des consonnances étaient simples, ces deux Philosophes étaient d'accord là-dessus. Ils l'étaient même sur les premières dissonances, car ils convenaient également que le ton était la différence de la quarte à la quinte ; mais comment déterminer déjà cette différence autrement que par le calcul ? Aristoxène partait pourtant de-là, et sur ce ton, dont il se vantait d'ignorer le rapport, il bâtissait, par des additions et des retranchements, toute sa doctrine musicale. Qu'y avait-il de plus aisé que de lui montrer la fausseté de ses opérations, et de les comparer avec la justesse de celles de Pythagore ? Mais, aurait-il dit, je prends toujours des doubles, ou des moitiés, ou des tiers, cela est plutôt fait que tous vos comma, vos limma, vos apotomes. Je l'avoue, eut répondu Pythagore ; mais dites-moi, comment les prenez-vous ces moitiés et ces tiers ? L'autre eut répliqué qu'il les entonnait naturellement, ou qu'il les prenait sur son monocorde. Hé bien, eut dit Pythagore, entonnez-moi juste le quart d'un ton. Si l'autre eut été assez charlatan pour le faire, Pythagore eut ajouté, maintenant entonnez-moi le tiers de ce même ton ; puis prouvez-moi que vous avez fait exactement ce que je vous ai demandé : car cela est indispensable pour la pratique de vos genres. Aristoxène l'eut mené apparemment à son monocorde. Si l'autre lui eut encore demandé : mais est-il bien divisé votre monocorde ? montrez moi, je vous prie, de quelle méthode vous vous êtes servi : comment êtes-vous venu à bout d'y prendre le quart ou le tiers d'un ton ? J'avoue qu'il m'est impossible de voir ce qu'il aurait eu à répondre : car de dire que l'instrument avait été accordé sur la voix, outre que c'eut été faire le cercle vicieux, cela ne pouvait jamais convenir à Aristoxène, puisque lui et ses sectateurs convenaient qu'il fallait exercer longtemps la voix avec un instrument de la dernière justesse, pour venir à bout de bien entonner les intervalles du chromatique mol, et du genre enharmonique.

Tous les intervalles de Pythagore sont rationnels, et déterminés dans toute leur justesse avec la dernière précision ; mais les moitiés, les tiers et les quarts de ton d'Aristoxène bien examinés, se trouvent être des rapports incommensurables qu'on ne peut déterminer ; des intervalles qu'on ne peut accorder qu'avec le secours de la Géométrie. C'est donc avec raison que sans être dupes des termes spécieux des Aristoxéniens, Nicomaque, Boèce, et plusieurs autres hommes savants en Musique, ont préféré des calculs faciles et justes, à des figures embrouillées et toujours infidèles dans la pratique.

Il faut remarquer que ces raisonnements qui conviennent à la musique des Grecs, ne serviraient pas également pour la nôtre, parce que tous les sons de notre système s'accordent par des consonnances, ce qui ne pouvait se faire également dans le leur, que pour le seul genre diatonique.

Il s'ensuit de tout ceci qu'Aristoxène distinguait avec raison les intervalles en rationnels et irrationnels, puisque, quoiqu'ils fussent tous rationnels dans le système de Pythagore, la plupart des dissonances étaient irrationnelles dans le sien.

Dans la musique moderne on considère les intervalles de plusieurs manières ; savoir, ou généralement comme l'espace ou la distance quelconque des deux sons qui composent l'intervalle, ou seulement comme celles de ces distances qui peuvent se noter, ou enfin comme celles qu'on peut exprimer en notes sur des degrés différents. Selon le premier sens, toute raison numérique ou sourde peut exprimer un intervalle musical. Tel est le comma ; tels seraient les dièses d'Aristoxène. Le second s'applique aux seuls intervalles reçus dans le système de notre musique, dont le moindre est le semi-ton mineur, exprimé sur le même degré par un dièse ou par un bémol. Voyez SEMI TON. Le troisième sens suppose nécessairement quelque différence de position, c'est-à-dire, un ou plusieurs degrés entre les deux sons qui forment l'intervalle. C'est le dernier sens que ce mot reçoit dans la pratique, de sorte que deux intervalles égaux, tels que sont la fausse quinte et le triton, portent pourtant des noms différents, si l'un a plus de degrés que l'autre.

Nous divisons, comme faisaient les anciens, les intervalles en consonnans et dissonans. Les consonnances sont parfaites ou imparfaites. Voyez CONSONNANCE. Les dissonances sont telles par leur nature, ou le deviennent par accident. Il n'y a que deux intervalles dissonans par leur nature, savoir la seconde et la septième, en y comprenant leurs octaves ou repliques ; mais toutes les consonnances peuvent devenir dissonances par accident.

De plus, tout intervalle est simple ou redoublé. L'intervalle simple est celui qui est renfermé dans les bornes de l'octave ; tout intervalle qui excède cette étendue, est redoublé, c'est-à-dire, composé d'une ou plusieurs octaves, et de l'intervalle simple dont il est la replique.

Les intervalles simples se peuvent encore diviser en directs et renversés. Prenez pour direct un intervalle simple quelconque ; son complément à l'octave en est toujours le renversé, et réciproquement.

Il n'y a que six espèces d'intervalles simples, dont trois sont les compléments des trois autres à l'octave, et par conséquent aussi leurs renversés. Si vous prenez d'abord les moindres intervalles, vous aurez pour directs la seconde, la tierce et la quarte ; et pour leurs renversements, la septième, la sixte et la quinte. Que les derniers soient directs, les autres seront renversés ; tout est réciproque.

Pour trouver le nom d'un intervalle quelconque, il ne faut qu'ajouter l'unité au nombre des degrés qui le composent ; ainsi l'intervalle d'un degré donnera la seconde, de deux la tierce, de quatre la quinte, de sept l'octave, de neuf la dixième, etc. Mais ce n'est pas assez pour bien déterminer un intervalle, car sous le même nom il peut être majeur ou mineur, juste ou faux, diminué ou superflu.

Les consonnances imparfaites et les deux dissonances naturelles peuvent être majeures ou mineures, ce qui, sans changer le degré, fait dans l'intervalle la différence d'un semi-ton. Que si d'un intervalle mineur on ôte encore un semi-ton, il devient diminué ; si l'on augmente d'un semi-ton un intervalle majeur, il devient superflu.

Les consonnances parfaites sont invariables par leur nature ; quand leur intervalle est ce qu'il doit être, elles s'appellent justes : que si l'on vient à altérer cet intervalle d'un semi-ton, la consonnance s'appelle fausse, et devient dissonance ; superflue, si le semi-ton est ajouté ; diminuée, s'il est retranché. On donne mal-à-propos le nom de fausse quinte à la quinte diminuée ; c'est prendre le genre pour l'espèce.

Voici une table générale de tous les intervalles simples, praticables dans la Musique.

Il faut remarquer que ce que les harmonistes appellent septième superflue n'est qu'une véritable septième majeure avec un accompagnement particulier, la propre septième superflue n'ayant pas lieu dans l'harmonie.

On observera aussi que la plupart de ces rapports peuvent se déterminer de plusieurs manières ; nous avons préféré la plus simple et celle qui donne les moindres nombres.

Pour composer ou redoubler un de ces intervalles simples, il suffit d'y ajouter l'octave autant de fois qu'on veut, et pour avoir le nom de ce nouvel intervalle, il faut ajouter au nom de l'intervalle simple autant de fois sept qu'on y a ajouté d'octaves. Réciproquement pour connaître le simple d'un intervalle redoublé dont on a le nom, il ne faut qu'en rejeter sept autant de fois qu'on le peut ; le reste donnera le nom de l'intervalle simple qui l'a produit. Voulez-vous une quinte doublée, c'est-à-dire, l'octave de la quinte, ou la quinte de l'octave ? ajoutez 7 à 5, vous aurez 12 : la quinte redoublée est donc une douzième. Pour trouver le simple d'une douzième, rejetez 7 autant que vous le pourrez de ce nombre 12, le reste 5 vous indique une quinte. A l'égard du rapport, il ne faut que doubler le conséquent, ou prendre la moitié de l'antécédent de la raison simple autant de fois qu'on ajoute d'octaves, et l'on aura la raison de l'intervalle composé ; ainsi 2. 3. étant la raison de la quinte, 1. 3. ou 2. 6. sera celle de la douzième, etc. sur quoi l'on doit bien prendre garde qu'en termes de Musique, composer ou redoubler un intervalle, ce n'est pas l'ajouter à lui-même, mais c'est y ajouter l'octave, le triple, c'est en ajouter deux, etc.

Je dois avertir ici que tous les intervalles exprimés dans ce Dictionnaire, par les noms des notes qui les forment, doivent toujours se compter du grave à l'aigu, et non de l'aigu au grave ; c'est-à-dire, par exemple, que cet intervalle, re ut, n'est pas une seconde, mais une septième. (S)