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Catégorie : Grammaire
Préposition, vient du latin à, à dextris, à sinistris, à droite, à gauche. Plus souvent encore notre à vient de la préposition latine ad, loqui ad, parler à. On trouve aussi dicère ad. Cic. It lucrum ad me, (Plaute) le profit en vient à moi. Sinite parvulos venire ad me, laissez venir ces enfants à moi.

Observez que a mot, n'est jamais que ou la troisième personne du présent de l'indicatif du verbe avoir, ou une simple préposition. Ainsi à n'est jamais adverbe, comme quelques Grammairiens l'on cru, quoiqu'il entre dans plusieurs façons de parler adverbiales. Car l'adverbe n'a pas besoin d'être suivi d'un autre mot qui le détermine, ou, comme disent communément les Grammairiens, l'adverbe n'a jamais de régime ; parce que l'adverbe renferme en soi la préposition et le nom, prudemment, avec prudence. (V. ADVERBE) au lieu que la préposition a toujours un régime, c'est-à-dire, qu'elle est toujours suivie d'un autre mot, qui détermine la relation ou l'espèce de rapport que la préposition indique. Ainsi la préposition à peut bien entrer, comme toutes les autres prépositions, dans des façons de parler adverbiales : mais comme elle est toujours suivie de son complément, ou, comme on dit, de son régime, elle ne peut jamais être adverbe.

A n'est pas non plus une simple particule qui marque le datif ; parce qu'en français nous n'avons ni déclinaison, ni cas, ni par conséquent de datif. Voyez CAS. Le rapport que les Latins marquaient par la terminaison du datif, nous l'indiquons par la préposition à. C'est ainsi que les Latins mêmes se sont servis de la préposition ad, quod attinet ad me. Cic. Accedit ad, referre ad aliquem, et alicui. Ils disent aussi également loqui ad aliquem, et loqui alicui, parler à quelqu'un, etc.

A l'égard des différents usages de la préposition à, il faut observer 1. que toute préposition est entre deux termes, qu'elle lie et qu'elle met en rapport.

2. Que ce rapport est souvent marqué par la signification propre de la préposition même, comme avec, dans, sur, &c.

3. Mais que souvent aussi les prépositions, surtout à, de ou du, outre le rapport qu'elles indiquent quand elles sont prises dans leur sens primitif et propre, ne sont ensuite par figure et par extension, que de simples prépositions unitives ou indicatives, qui ne font que mettre deux mots en rapport ; en sorte qu'alors c'est à l'esprit même à remarquer la sorte de rapport qu'il y a entre les deux termes de la relation unis entre-eux par la préposition : par exemple, approchez-vous du feu : du, lie feu avec approchez-vous, et l'esprit observe ensuite un rapport d'approximation, que du ne marque pas. Eloignez-vous du feu ; du, lie feu avec éloignez-vous, et l'esprit observe-là un rapport d'éloignement. Vous voyez que la même préposition sert à marquer des rapports opposés. On dit de même donner à et ôter à. Ainsi ces sortes de rapports diffèrent autant que les mots diffèrent entre-eux.

Je crois donc que lorsque les prépositions ne sont, ou ne paraissent pas prises dans le sens propre de leur première destination, et que par conséquent elles n'indiquent pas par elles-mêmes la sorte de rapport particulier que celui qui parle veut faire entendre ; alors c'est à celui qui écoute ou qui lit, à reconnaître la sorte de rapport qui se trouve entre les mots liés par la préposition simplement unitive et indicative.

Cependant quelques Grammairiens ont mieux aimé épuiser la Métaphysique la plus recherchée, et si je l'ose dire, la plus inutîle et la plus vaine, que d'abandonner le lecteur au discernement que lui donne la connaissance et l'usage de sa propre Langue. Rapport de cause, rapport d'effet, d'instrument, de situation, d'époque, table à pieds de biche, c'est-là un rapport de forme, dit M. l'abbé Girard, tom. II. p. 199. Bassin à barbe, rapport de service, (id. ib.) Pierre à feu, rapport de propriété productive, (id. ib.) etc. La préposition à n'est point destinée à marquer par elle-même un rapport de propriété productive, ou de service, ou de forme, etc. quoique ces rapports se trouvent entre les mots liés par la préposition à. D'ailleurs, les mêmes rapports sont souvent indiqués par des prépositions différentes, et souvent des rapports opposés sont indiqués par la même préposition.

Il me parait donc que l'on doit d'abord observer la première et principale destination d'une préposition. Par exemple : la principale destination de la préposition à, est de marquer la relation d'une chose à une autre, comme, le terme où l'on va, ou à quoi ce qu'on fait se termine, le but, la fin, l'attribution, le pourquoi. Aller à Rome, prêter de l'argent à usure, à gros intérêt. Donner quelque chose à quelqu'un, etc. Les autres usages de cette préposition reviennent ensuite à ceux-là par catachrèse, abus, extension, ou imitation : mais il est bon de remarquer quelques-uns de ces usages, afin d'avoir des exemples qui puissent servir de règle, et aider à décider les doutes par analogie et par imitation. On dit donc :

APRES UN NOM SUBSTANTIF.

Air à chanter. Billet à ordre, c'est-à-dire, payable à ordre. Chaise à deux. Doute à éclaircir. Entreprise à exécuter. Femme à la hotte ? (au vocatif). Grenier à sel. Habit à la mode. Instrument à vent. Lettre de change à vue, à dix jours de vue. Matière à procès. Nez à lunette. Oeufs à la coque. Plaine à perte de vue. Question à juger. Route à gauche. Vache à lait.

A APRES UN ADJECTIF.

Agréable à la vue. Bon à prendre et à laisser. Contraire à la santé. Délicieux à manger. Facîle à faire.

Observez qu'on dit : Il est facîle de faire cela.

Quand on le veut il est facîle

De s'assurer un repos plein d'appas. Quinault.

La raison de cette différence est que dans le dernier exemple de n'a pas rapport à facile, mais à il ; il, hoc, cela, à savoir de faire, etc. est facile, est une chose facile. Ainsi, il, de s'assurer un repos plein d'appas, est le sujet de la proposition, et est facîle en est l'attribut.

Qu'il est doux de trouver dans un amant qu'on aime

Un époux que l'on doit aimer ! (Idem.)

Il, à savoir, de trouver un époux dans un amant, etc. est doux, est une chose douce (V. PROPOSITION).

Il est gauche à tout ce qu'il fait. Heureux à la guerre. Habîle à dessiner, à écrire. Payable à ordre. Pareil à, etc. Propre à, etc. Semblable à, etc. Utîle à la santé.

APRES UN VERBE.

S'abandonner à ses passions. S'amuser à des bagatelles. Applaudir à quelqu'un. Aimer à boire, à faire du bien. Les hommes n'aiment point à admirer les autres ; ils cherchent eux-mêmes à être goutés et à être applaudis. La Bruyère. Aller à cheval, à califourchon, c'est-à-dire, jambe deçà, jambe delà. S'appliquer à, etc. S'attacher à, etc. Blesser à, il a été blessé à la jambe. Crier à l'aide, au feu, au secours. Conseiller quelque chose à quelqu'un. Donner à boire à quelqu'un. Demander à boire. Etre à. Il est à écrire, à jouer. Il est à jeun. Il est à Rome. Il est à cent lieues. Il est longtemps à venir. Cela est à faire, à taire, à publier, à payer. C'est à vous à mettre le prix à votre marchandise. J'ai fait cela à votre considération, à votre intention. Il faut des livres à votre fils. Jouer à Colin Maillard, jouer à l'hombre, aux échecs. Garder à vue. La dépense se monte à cent écus, et la recette à, etc. Monter à cheval. Payer à quelqu'un. Payer à vue, à jour marqué. Persuader à. Prêter à. Puiser à la source. Prendre garde à soi. Prendre à gauche. Ils vont un à un, deux à deux, trois à trois. Voyons à qui l'aura, c'est-à-dire, voyons à ceci, (attendamus ad hoc nempe) à savoir qui l'aura.

A AVANT UNE AUTRE PREPOSITION.

A se trouve quelquefois avant la préposition de comme en ces exemples.

Peut-on ne pas céder à de si puissants charmes ?

Et peut-on refuser son cœur

A de beaux yeux qui le demandent ?

Je crois qu'en ces occasions il y a une ellipse synthétique. L'esprit est occupé des charmes particuliers qui l'ont frappé ; et il met ces charmes au rang des charmes puissants, dont on ne saurait se garantir. Peut-on ne pas céder à ces charmes qui sont du nombre des charmes si puissants, etc. Peut-on ne pas céder à l'attrait, au pouvoir de si puissants charmes ? Peut-on refuser son cœur à ces yeux, qui sont de la classe des beaux yeux ? L'usage abrège ensuite l'expression, et introduit des façons de parler particulières auxquelles on doit se conformer, et qui ne détruisent pas les règles.

Ainsi, je crois que de ou des sont toujours des prépositions extractives, et que quand on dit des Savants soutiennent, des hommes m'ont dit, etc. des Savants, des hommes, ne sont pas au nominatif. Et de même quand on dit, j'ai Ve des hommes, j'ai Ve des femmes, etc. des hommes, des femmes, ne sont pas à l'accusatif ; car, si l'on veut bien y prendre garde, on reconnaitra que ex hominibus, ex mulieribus, etc. ne peuvent être ni le sujet de la proposition, ni le terme de l'action du verbe ; et que celui qui parle veut dire, que quelques-uns des Savants soutiennent, etc. quelques-uns des hommes, quelques-unes des femmes, disent, etc.

A APRES DES ADVERBES.

On ne se sert de la préposition à après un adverbe, que lorsque l'adverbe marque relation. Alors l'adverbe exprime la sorte de relation, et la préposition indique le corrélatif. Ainsi, on dit conformément à. On a jugé conformément à l'Ordonnance de 1667. On dit aussi relativement à.

D'ailleurs l'adverbe ne marquant qu'une circonstance absolue et déterminée de l'action, n'est pas suivi de la préposition à.

A en des façons de parler adverbiales, et en celles qui sont équivalentes à des prépositions Latines, ou de quelqu'autre Langue.

A jamais, à toujours. A l'encontre. Tour à tour. Pas à pas. Vis-à-vis. A pleines mains. A fur et à mesure. A la fin, tandem, aliquando. C'est-à-dire, nempe, scilicet, Suivre à la piste. Faire le diable à quatre. Se faire tenir à quatre. A cause, qu'on rend en latin par la proposition propter. A raison de. Jusqu'à, ou jusques à. Au-delà. Au-dessus. Au-dessous. A quoi bon, quorsùm. A la vue, à la présence, ou en présence, coram.

Telles sont les principales occasions où l'usage a consacré la préposition à. Les exemples que nous venons de rapporter, serviront à décider par analogie les difficultés que l'on pourrait avoir sur cette préposition.

Au reste la préposition au est la même que la préposition à. La seule différence qu'il y a entre l'une et l'autre, c'est que à est un mot simple, et que au est un mot composé.

Ainsi il faut considérer la préposition à en deux états différents.

I. Dans son état simple : 1°. Rendez à César ce qui appartient à César ; 2°. se prêter à l'exemple ; 3°. se rendre à la raison. Dans le premier exemple à est devant un nom sans article. Dans le second exemple à est suivi de l'article masculin, parce que le mot commence par une voyelle : à l'exemple, à l'esprit, à l'amour. Enfin dans le dernier, la préposition à précède l'article féminin, à la raison, à l'autorité.

II. Hors de ces trois cas, la préposition à devient un mot composé par sa jonction avec l'article le ou avec l'article pluriel les. L'article le à cause du son sourd de l'e muet a amené au, de sorte qu'au lieu de dire à le nous disons au, si le nom ne commence pas par une voyelle. S'adonner au bien ; et au pluriel au lieu de dire à les, nous changeons l en u, ce qui arrive souvent dans notre Langue, et nous disons aux, soit que le nom commence par une voyelle ou par une consonne : aux hommes, aux femmes, etc. ainsi au est autant que à le, et aux que à les.

A est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition des mots : donner, s'adonner, porter, apporter, mener, amener, etc. ce qui sert ou à l'énergie, ou à marquer d'autres points de vue ajoutés à la première signification du mot.

Il faut encore observer qu'en Grec à marque

1. Privation, et alors on l'appelle alpha privatif, ce que les Latins ont quelquefois imité, comme dans amens qui est composé de ments, entendement, intelligence, et de l'alpha privatif. Nous avons conservé plusieurs mots où se trouve l'alpha privatif, comme amazone, asile, abîme, etc. l'alpha privatif vient de la préposition , sine, sans.

2. A en composition marque augmentation, et alors il vient de ἄγαν, beaucoup.

3. A avec un accent circonflexe et un esprit doux marque admiration, désir, surprise, comme notre ah ! ou ha ! vox quiritantis, optantis, admirantis, dit Robertson. Ces divers usages de l'a en Grec ont donné lieu à ce vers des Racines Grecques.

A fait un, prive, augmente, admire.

En terme de Grammaire, et surtout de Grammaire Grecque, on appelle a pur un a qui seul fait une syllabe comme en ϕιλία, amicitia. (F)




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