S. f. (Grammaire) mouvement admiratif de l'âme, occasionné par quelque phénomène étrange. Je ne sais s'il y a beaucoup de diversité dans la manière dont nos organes sont émus. Tout se réduit peut-être aux différents degrés d'intensité et la différence des objets ; et depuis l'émotion la plus légère de plaisir, celle qui altère à-peine les traits de notre visage, qui n'émeut que l'extrémité de nos lèvres et y répand la finesse du souris, et qui n'ajoute qu'une nuance imperceptible d'éclat à celui de nos yeux : jusqu'aux agitations, aux transports de la terreur qui nous tient la bouche entr'ouverte, le front pâle, le visage transi, les yeux hagards, les cheveux hérissés, tous les membres convulsés et tremblans, ce n'est peut-être qu'un accroissement successif d'une seule et même action dans les mêmes organes, accroissement qui a une infinité de termes dont nous ne représentons que quelques-uns par les expressions de la voix ; ces termes dans le cas présent, sont surprise, admiration, étonnement, alarme, frayeur, terreur, etc.

SURPRISES, (Art militaire) ce sont à la guerre des événements ou plutôt des attaques imprévues auxquelles on ne s'attend point.

Il y a des surprises de différentes sortes, comme celles des armées dans le camp ou dans les marches, celles des quartiers, des villes, etc.

On surprend une armée lorsqu'on tombe sur elle dans son camp ou dans sa marche, avant qu'elle ait pris aucune précaution pour se défendre ; on surprend les quartiers et les villes, quand on s'y introduit secrètement, ou qu'on cherche à les forcer par une attaque brusque et imprévue.

Ce qui peut faire réussir les surprises, c'est le secret, et l'art de se conduire de manière qu'on ne donne aucun soupçon à l'ennemi.

Si l'on considère toutes les règles et les préceptes que prescrit la science militaire pour se garantir des surprises, il paraitra que rien ne doit être plus difficîle que la réussite de ces sortes d'entreprises. Mais si l'on fait attention que les hommes se négligent souvent sur les devoirs les plus essentiels de leur état ; que tous n'ont pas une assez grande étendue d'esprit pour prévoir tout ce qui peut arriver, et le prévenir ; on verra bientôt que les surprises conduites avec art et intelligence peuvent réussir dans bien des circonstances, surtout vis-à-vis des généraux bornés ou présomptueux.

Nous avons déjà remarqué que les ruses et les surprises doivent être la ressource des faibles. Voyez RUSES MILITAIRES. C'est par-là qu'ils peuvent se soutenir devant les plus puissants, et leur faire perdre l'avantage de leur supériorité.

Comme cette partie de la guerre dépend absolument de l'esprit et du génie du général ; qu'elle est le fruit de l'étude et de la réflexion, et que la routine n'apprend rien sur ce sujet ; il arrive que les surprises sont plus rares qu'elles ne l'étaient autrefois. Il faut que le général imagine lui-même les différents pieges qu'il veut tendre à son ennemi, et cela relativement aux connaissances qu'il a de son caractère, et de sa science, du pays qu'il occupe, et de la manière dont il fait observer le service militaire. C'est à quoi Annibal donnait la plus grande attention. Il changeait sa manière de faire la guerre, suivant les généraux qui lui étaient opposés, et c'est par cette conduite que ce redoutable ennemi des Romains leur fit éprouver tant de défaites.

Si l'on se trouve opposé à un général qui se croit supérieur en tout à son ennemi, et qui se persuade qu'on le craint, il faut pour le surprendre, l'entretenir dans cette idée, se retrancher avec soin lorsqu'il est à portée, affecter d'éviter avec grande attention toutes les occasions de se commettre avec lui ; et lors qu'on s'aperçoit qu'il se conduit relativement à l'idée qu'il croit qu'on a de ses forces et de ses talents, qu'il commence à se relâcher sur l'exactitude du service, il n'est pas bien difficîle de lui tendre les piéges pour tomber sur lui, et l'attaquer dans le moment même qu'il pense qu'on n'a dessein que de l'éviter.

Comme les ruses et les moyens qu'il faut employer pour surprendre l'ennemi, doivent varier à l'infini, suivant les circonstances qui peuvent y donner lieu ; il est difficîle d'entrer dans aucun détail raisonné sur ce sujet. Nous observerons seulement que le secret de se garantir des surprises n'est pas impossible, et que la meilleure précaution qu'on puisse prendre à cet égard, consiste à avoir des espions surs et fidèles, à portée de pénétrer les secrets de l'ennemi, et d'être informés de tous ses desseins. Mais il ne faut pas que la confiance que l'on a dans les espions fasse négliger les autres moyens qui peuvent mettre à l'abri des surprises ; parce qu'il peut arriver qu'un espion étant découvert, soit obligé de donner des faux avis, comme le prince d'Orange obligea celui de M. de Luxembourg, qui était dans son secrétariat, d'écrire à ce général, ce qui manqua de le faire battre à Steinkerque. C'est pourquoi indépendamment des avis que donnent les espions, il faut éclairer toutes les démarches du général ennemi par des partis commandés par des officiers habiles et intelligens, qui puissent rendre compte de tout ce qui entre et qui sort de son camp.

M. le chevalier de Folard prétend, dans son commentaire sur Polybe, que les événements de la guerre ne sont pas au-dessus de la prévoyance d'un chef habîle et expérimenté ; et que quand ils ne seraient pas tous prévus, on peut au-moins les rendre vains et inutiles par une défiance : non, dit-il, de celles qui sont assez ordinaires aux esprits trop fins, qui la poussent trop loin, mais de celles qui se bornent aux précautions que la guerre nous enseigne, qui sont de la compétence de tout le monde, et qu'on peut apprendre avant même qu'on ait dormi à l'air d'un camp.

Tous les cas différents qui peuvent arriver à la guerre, quelques singuliers et extraordinaires qu'ils puissent être, sont arrivés ; et par conséquent doivent nous être connus, autant par notre propre expérience, que par l'étude de l'histoire qui nous les représente.

Tout ce qui arrive aujourd'hui est arrivé il y a un siècle ou deux ; il y en a dix si l'on veut. Tous les stratagêmes de guerre qui se trouvent dans Frontin, dans Polyen, dans une infinité d'historiens anciens et modernes, ont été imités par mille généraux. Ceux de l'Ecriture-sainte, qui en contient un grand nombre de très-remarquables, ont trouvé des imitateurs. Tout est dit, tout est fait : c'est une circulation d'événements toujours semblables, sinon dans toutes les circonstances, du-moins dans le fond.

Les anciens convenaient qu'ils n'avaient pas besoin de recourir aux oracles pour prévoir les événements de la guerre, ou pour les faire naître. Un général profond dans la science des armes, et d'ailleurs instruit à fond des desseins primitifs de son ennemi, de la nature de ses forces, du pays où il s'engage pour venir à ses fins, de ce qu'il peut raisonnablement tirer de ses troupes et de sa tête, comme de son courage, peut aisément prévenir les desseins de son adversaire, et les reduire à l'absurde. Les grands capitaines ont tous été remplis de cet esprit prophétique. Qu'on suive M. de Turenne dans toutes ses actions, et l'on verra qu'aucun des anciens ni des modernes ne l'a surpassé sur cet article. Il prévoyait tout ; il faisait usage de son esprit, de ses talents, de sa capacité ; tout cela est très-grand et très-étendu. Il dépend de nous de faire usage du premier, de cultiver les autres, ou de les acquérir par l'étude, et de les perfectionner par l'expérience. Comment. sur Polybe, tome III.

Nous n'entrerons point ici dans le détail des surprises anciennes et modernes. Nous renvoyons pour ce sujet à l'ouvrage de M. le chevalier de Folard que nous venons de citer, où l'on trouve beaucoup de réflexions et d'observations sur cet important objet ; aux réflexions militaires de M. le marquis de Santa-Crux, 2, 11 ; aux mémoires de M. le marquis de Feuquière, 2, 111, etc. (Q)

SURPRISE, c'est encore, parmi les Horlogers, le nom d'une pièce de la cadrature d'une montre ou pendule à répétition. Cette pièce est représentée dans nos Planches de l'Horlogerie ; et dans le développement elle est mince et platte, et porte d'un côté une cheville, que l'on ne voit pas dans la figure, parce qu'elle est par-dessous. Cette cheville déborde du côté que l'on voit en K, et entre dans une fente 2, faite exprès dans le limaçon des quarts, même figure.

Cependant l'usage ordinaire est de ne la point faire déborder de ce côté-là, et de renverser cet ajustement ; c'est-à dire, de fixer la cheville au limaçon des quarts par-dessous, et de faire la fente dans la surprise. Cette pièce se pose à-plat contre ce limaçon, sur la face qui regarde la platine, de façon que la partie R se trouve sous la partie Q ; elle est retenue dans cette situation au moyen d'une petite virole 4, 4, qui entre sur le canon de la chaussée, et qui en la pressant contre le limaçon lui laisse cependant la facilité de pouvoir se mouvoir horizontalement. Voici comment elle fait son effet ; ajustée sur le limaçon des quarts, ainsi que nous venons de le dire, et tournant avec lui sa cheville, située en-dessous, elle fait sauter l'étoile, comme on l'a Ve à l'article REPETITION. Or, la largeur de cette cheville étant telle que l'étoîle en sautant, la face de la dent qui succede à celle qui vient d'échapper vienne frapper cette cheville par derrière, ce coup produit un petit mouvement horizontal dans la surprise, au moyen de quoi elle déborde un peu le degré 2 du limaçon par sa partie R ; de sorte qu'alors, c'est comme si l'on avait un limaçon dont ce degré formerait une plus grande portion de la circonférence ; cette pièce est nécessaire, parce que si la cheville qu'elle porte était fixée au limaçon, elle ferait bien sauter l'étoîle de même ; mais comme il faut que dans l'instant que l'étoîle a sauté, le degré Q soit situé de façon, que si l'on fait répéter la pendule ou la montre, la queue de la main vienne s'appuyer dessus, afin que la répétition sonne l'heure juste sans quarts ; il arriverait souvent que ce degré se trouvant ou trop ou pas assez avancé, la répétition sonnerait tantôt l'heure, tandis qu'il ne serait encore que les trois quarts, et tantôt l'heure et les trois quarts en sus, tandis qu'elle ne devrait sonner que l'heure, parce qu'il serait fort difficîle de faire cet ajustement assez parfait, pour que dans le même temps que l'étoîle a sauté, et par-là que le degré du limaçon des heures a changé, il serait fort difficile, dis-je, que le degré du limaçon des quarts fût assez bien déterminé, pour qu'il ne fit pas sonner à la pendule l'heure trop-tôt, ou les trois quarts trop-tard. Voyez REPETITION.