Imprimer
Catégorie parente: Logique
Catégorie : Grammaire
adj. (Grammaire) on distingue en Grammaire la proposition principale et la proposition incidente. La proposition incidente est toujours partielle à l'égard de la principale ; et l'on peut dire que c'est une proposition particulière liée à un mot dont elle est un supplément explicatif ou déterminatif.

Par exemple, quand on dit, les savants, qui sont plus instruits que le commun des hommes, devraient aussi les surpasser en sagesse, c'est une proposition totale ; qui sont plus instruits que le commun des hommes, c'est une proposition partielle liée au mot savants, dont elle est un supplément explicatif, parce qu'elle sert à en développer l'idée, pour y trouver un motif qui justifie l'énoncé de la proposition principale, les savants devraient surpasser les autres hommes en sagesse ; la proposition partielle, qui sont plus instruits que le commun des hommes, est donc une proposition incidente.

Pareillement quand on dit, la gloire qui vient de la vertu a un éclat immortel, c'est une proposition totale ; qui vient de la vertu, c'est une proposition partielle liée au mot gloire ; mais elle en est un supplément déterminatif, parce qu'elle sert à restreindre la signification trop générale du mot gloire, par l'idée de la cause particulière qui la procure, savoir la vertu ; ainsi la proposition partielle qui vient de la vertu, est une proposition incidente.

Il y a donc deux sortes de propositions incidentes, la première est explicative, et elle sert à développer la compréhension de l'idée du mot auquel elle est liée, pour en faire sortir pour ou contre la proposition principale, une preuve, si elle est spéculative, ou un motif, si elle est pratique ; la seconde est déterminative, et elle ajoute à l'idée du mot auquel elle est liée, une idée particulière qui la restreint à une étendue moins générale.

Lorsque la proposition incidente est explicative, on peut la retrancher de la principale sans en altérer le sens, parce que laissant dans toute l'étendue de sa valeur le mot sur lequel elle tombe, elle peut en être séparée sans qu'il cesse d'exprimer la même idée. Mais si la proposition incidente est déterminative, on ne peut la retrancher de la principale sans en altérer le sens, parce que restraignant l'étendue de la valeur du mot auquel elle est liée, elle ne peut en être séparée, sans qu'il recouvre sa première généralité par la suppression de l'idée particulière exprimée dans la proposition incidente. Ainsi dans le premier exemple, les savants, qui sont plus instruits que le commun des hommes, devraient aussi les surpasser en sagesse ; si l'on supprime la proposition incidente, la principale conservera toujours le même sens dans toute son intégrité, parce qu'elle aura toujours le même sujet et le même attribut, les savants devraient surpasser en sagesse le commun des hommes. Mais dans le second exemple, la gloire qui vient de la vertu a un éclat immortel ; si l'on supprime la proposition incidente, l'intégrité de la principale est altérée au point que ce n'est plus la même, parce que ce n'est plus le même sujet ; la gloire a un éclat immortel, il s'agit ici de la gloire en général, d'une gloire quelconque, ayant une cause quelconque, de manière qu'il en résulte une proposition fausse, au lieu de la première qui est vraie.

Quand la proposition incidente est explicative, elle est toujours liée au mot sur lequel elle tombe, par l'un des mots conjonctifs, qui, que, dont, lequel, etc. Le mot expliqué par la proposition incidente est appelé l'antécédent du pronom conjonctif et de la proposition incidente même, et c'est toujours un nom ou l'équivalent d'un nom. Dans ce cas, on peut, sans altérer la vérité, substituer l'antécédent au pronom conjonctif, pour transformer la proposition incidente en principale, en soumettant l'antécédent à la même syntaxe que le pronom conjonctif. Ainsi lorsqu'on a la proposition totale, les savants, qui sont plus instruits que le commun des hommes, etc. on peut dire, les savants sont plus instruits que le commun des hommes ; et cette proposition devenue principale, a encore la même vérité que quand elle était incidente. Ce serait la même chose de ces autres propositions incidentes : l'homme que Dieu a doué de raison, la providence par qui tout est gouverné, la religion chrétienne dont les preuves sont invincibles : après la substitution de l'antécédent à la place du pronom conjonctif selon la même syntaxe, on aura autant de propositions principales également vraies ; Dieu a doué l'homme de raison, tout est gouverné par la providence, les preuves de la religion chrétienne sont invincibles.

Mais quand la proposition incidente est déterminative, quoiqu'elle soit amenée par l'un des pronoms conjonctifs qui, que, dont, lequel, etc. on ne peut pas la rendre principale, en substituant l'antécédent au pronom conjonctif, sans en altérer la vérité. Ainsi dans la proposition totale, la gloire qui vient de la vertu a un éclat immortel, on ne peut pas dire la gloire vient de la vertu, parce que ce serait affirmer que toute gloire en général a sa source dans la vertu, ce que ne disait point la proposition incidente, et qui est faux en soi. Voyez la Logique de P. R. Part. I. ch. VIIIe et Part. II. ch. Ve et VIe

M. du Marsais définit la proposition incidente, celle qui se trouve entre le sujet personnel et l'attribut d'une autre proposition qu'on appelle proposition principale (voyez CONSTRUCTION) ; et il ajoute que le mot incidente vient du latin incidere (tomber dans), parce que la proposition incidente tombe en effet entre le sujet et l'attribut de la proposition principale. La définition et l'étymologie du mot incidente sont également erronées.

Le mot latin incidere signifie autant tomber sur que tomber dans ; et c'est assurément dans ce premier sens que l'on a donné le nom d'incidente à une proposition partielle, liée à un mot dont elle développe la compréhension, ou dont elle restreint l'étendue : toute proposition incidente tombe sur l'antécédent ; elle est amenée pour lui dans la proposition principale ; et c'est par rapport à lui qu'elle doit prendre un nom qui caractérise sa destination : pourquoi serait-elle nommée relativement à la proposition principale, puisque quand elle est simplement explicative, elle n'apporte absolument aucun changement au sens de la principale ?

Pour ce qui regarde l'assertion de M. du Marsais, qui prétend que la proposition incidente se trouve entre le sujet personnel et l'attribut de la proposition principale ; il me semble que c'est une opinion bien surprenante dans ce grammairien philosophe, pour quiconque a lu ce qu'on a cité ci-dessus de la Logique de P. R. Il y est dit, et la chose est évidente, qu'une proposition incidente peut tomber ou sur le sujet de la proposition principale, ou sur l'attribut, ou sur l'un et l'autre. La gloire qui vient de la vertu a un éclat immortel, proposition dont le sujet est modifié par une incidente. César fut le tyran d'une république dont il devait être le défenseur, proposition dont l'attribut renferme une incidente. Les grands qui oppriment les faibles seront punis de Dieu, qui est le protecteur des opprimés, proposition qui renferme deux incidentes, l'une qui tombe sur le sujet, et l'autre qui modifie l'attribut. Ce n'est donc pas au sujet seul de la principale qu'il faut rapporter l'incidente ; c'est à tout mot dont on veut développer la compréhension ou restraindre l'étendue.

J'ajouterai encore une remarque : c'est que les pronoms conjonctifs qui, que, dont, lequel, etc. ne sont pas, comme on le pense ordinairement, les seuls mots qui servent à lier les propositions incidentes déterminatives à leurs antécédents. Dans cette phrase, par exemple, l'état présent des Juifs prouve que notre religion est divine ; il y a une proposition incidente, savoir notre religion est divine ; elle est liée à son antécédent sous-entendu une vérité, par la conjonction que équivalente à qui est ; et c'est comme si l'on disait, l'état présent des Juifs prouve une vérité, qui est notre religion est divine. Cette manière d'analyser explique aussi naturellement la phrase italienne, l'allemande et l'anglaise : je crois que j'aime, c'est-à-dire, je crois une chose qui est j'aime : en italien : credo che amo, c'est-à-dire credo cosa che è amo ; en allemand, ich glaube dass ich liebe, c'est-à-dire ich glaube eine dinge dass ist ich liebe ; en anglais, i think that i love, c'est-à-dire i think a thing that is i love. Les Anglais vont même plus loin, ils suppriment tout ce qui n'est pas la proposition incidente, qu'ils envisagent alors comme un seul mot complément du premier verbe ; i think i love, comme si l'on disait en allemand ich glaube ich liebe, en italien credo amo, et en français je crois j'aime.

L'incrédulité est si injuste qu'elle condamne la religion sans la connaître, c'est-à-dire l'incrédulité est injuste à un point qui est elle condamne la religion sans la connaître : la proposition incidente déterminative, elle condamne la religion sans la connaître, est donc liée par la conjonction que à l'antécédent vague un point renfermé dans l'adverbe si : tout adverbe équivaut comme on sait, à une proposition avec son complément, si (tellement, à un point).

Personne ne sait si le lendemain lui sera donné, c'est-à-dire personne ne sait cette chose incertaine, qui est si le lendemain lui sera donné. Le génie du latin confirme ce tour analytique ; on s'y sert du même mot an pour le doute et pour l'interrogation, et cet usage est très-raisonnable.

Ajoutons un exemple latin : Pausanias ut audivit Argilium confugisse in aram, perturbatus eò venit (Nep. Pausan. IV.) ; il y a de sous-entendu statim (in tempore stante, adstante, praesente, dans l'instant même) ; quel instant ? ut Pausanias audivit, etc. ainsi Pausanias audivit Argilium confugisse in aram est une proposition incidente déterminative de l'antécédent sousentendu statim, dont la signification est en soi indéterminée.

On ne doit donc pas avancer généralement et sans restriction, comme a fait l'auteur de la Logique ou l'art de penser, que les propositions incidentes sont celles dont le sujet est qui. Outre que l'on vient de voir qu'une simple conjonction est souvent le lien de la proposition incidente avec son antécédent, il est certain encore que le pronom conjonctif n'est pas toujours sujet de l'incidente : il est quelquefois le déterminatif d'un nom qui est une partie quelconque de l'incidente : les écrivains dont la foi est suspecte, les juges dont on achète les suffrages, les philosophes selon l'opinion desquels l'âme est immortelle, etc. Quelquefois il est le complément du verbe ou d'une préposition ; la justice que vous violez, les moyens par lesquels vous vous soutenez, &c.

Quoi qu'il en sait, il est essentiel d'observer 1°. que la proposition incidente, soit explicative, soit déterminative, forme avec son antécédent un tout, qui est une partie logique de la proposition principale ; l'antécédent en est la partie grammaticale correspondante. La religion que nous professons est divine ; dans cette phrase la religion est le sujet grammatical de la proposition principale, et prendrait en latin la terminaison du nominatif pour caractériser cette fonction que la grammaire lui assigne ; la religion que nous professons est le sujet logique, parce que c'est l'expression totale de l'idée unique dont la proposition principale énonce un jugement, assure qu'elle est divine : la Grammaire n'envisage comme sujet que le mot religion, pour le revêtir de la livrée relative à cette destination ; la raison, , sans compter les mots, envisage une idée totale. Il faut que je cede ; il (illud, illud negotium, cela, cette chose), sujet grammatical de faut ; il que je cede, sujet logique ; il que je cede faut (est nécessaire), proposition totale. Ce que l'on vient de voir de la proposition incidente qui tombe sur le sujet, est encore le même quand elle tombe sur le complément d'une préposition ou d'un verbe, ou sur le complément déterminatif d'un nom appelatif.

2°. Il faut reconnaître dans toute proposition incidente les mêmes parties essentielles que dans la principale, le sujet, l'attribut, les divers compléments, etc. Par exemple, César fut le tyran d'une république dont il devait être le défenseur, c'est une proposition totale et principale ; dont il devait être le défenseur, est incidente ; il (César) sujet de l'incidente ; devait, verbe qui renferme l'attribut grammatical devant (était devant) ; devant être le défenseur dont ou de laquelle, attribut logique ; dont (de laquelle), complément déterminatif du nom appelatif le défenseur : telles sont les parties de la proposition incidente, déterminative de l'antécédent d'une république. Dans la proposition principale, d'une république est le complément déterminatif grammatical du nom appelatif le tyran ; d'une république dont il devait être le défenseur, en est le complément déterminatif logique ; le tyran, attribut grammatical de la proposition principale ; le tyran d'une république dont il devait être le défenseur, attribut logique : César est le sujet de la proposition totale.

3°. Le mot conjonctif qui sert à lier la proposition incidente à son antécédent, doit toujours être à la tête de la proposition incidente, et immédiatement après l'antécédent, soit grammatical, soit logique, sans cela le rapport de liaison ne serait pas assez sensible, et l'énonciation en serait moins claire. Cependant dans notre langue même, dont la marche est analogue à l'ordre analytique, le pronom conjonctif peut être après une préposition dont il est complément, les amis sur qui vous comptez, ou même après le complément grammatical d'une préposition, s'il est déterminatif de ce complément, les amis sur le secours desquels vous comptez.

4°. En consequence de la distinction des incidentes en explicatives et déterminatives, M. l'abbé Girard (Vrais principes, disc. xvj.) établit une règle de ponctuation qui me parait très-raisonnable ; c'est de mettre entre deux virgules la proposition incidente explicative, et de mettre de suite sans virgule la déterminative. En effet, l'explicative est une espèce de remarque interjective mise en parenthèse, que l'on peut ajouter ou retrancher à la proposition principale sans en altérer le sens ; elle n'a donc pas avec l'antécédent une liaison logique bien nécessaire : mais la déterminative est une partie essentielle du tout logique qu'elle constitue avec son antécédent ; si on la retranche, on change le sens de la principale au point d'en altérer la vérité ; ainsi il ne faut pas même la séparer de l'antécédent par une virgule, qui indiquerait faussement la séparabilité des deux idées. Il faut écrire avec la virgule, il est rare que le mérite seul perce à la cour, où rien ne réussit sans protection ; et sans virgule, il est rare que le seul mérite réussisse dans une cour où tout se fait par intrigue : ce sont les exemples de M. l'abbé Girard.




Affichages : 2524