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Catégorie : Grammaire
S. f. (Grammaire) dans la basse latinité, rothorium, rouissoir en quelques provinces ; et rotheur en d'autres, est une fosse où l'on met pourrir à demi le chanvre, afin que la filasse puisse s'en détacher. L'action de telle eau que ce soit suffit pour opérer cette pourriture ; il est même des pays où l'on se contente d'exposer le chanvre à la rosée ; ce qui sans doute était autrefois l'usage le plus général, puisque, suivant les étimologistes, rouis dérive à rore.

Dans le pays où l'impression de la rosée ne suffit pas, on y supplée en y laissant séjourner le chanvre dans des eaux mortes, mais les plus claires qu'il soit possible de les choisir. Ce séjour est de 8 jours, plus ou moins, selon que la chaleur plus ou moins grande accélere plus ou moins la pourriture du chanvre.

Le choix des eaux mortes pour cette opération, n'est pas une preuve que les eaux vives ne lui convinssent autant, et peut-être mieux. Ce choix n'est point libre : les plus anciens règlements sur le fait des eaux ont pris les plus grandes précautions pour éloigner les chanvres des rivières et des eaux courantes. Salubritatem aeris, portent les anciennes constitutions du royaume de Sicile, divino judicio reseratam, in quantùm possumus, studio provisionis nostrae studemus conservare : mandantes ut nulli à modo liceat, in aquis currentibus linum aut cannabum ad maturandum ponere, nè ex eo, prout certò didicimus, aeris dispositio corrumpatur : quod si fecerit, linum ipsum aut cannabum amittat.

La vieille charte normande avait la même disposition, ch. VIIe en ces termes. Rothoria in aquis defluentibus fieri non possunt, cum illis aquae frequentiùs corrumpantur : ce que l'ancienne coutume de Normandie avait conservé en défendant, première part. §. 1. ch. XVIIe que l'on ne fit roteurs, ne chanvrer roir en eaus courantes, parquoi ne soyent souventes fois corrompues, si que les poissons en meurent. Ce qui a passé dans la nouvelle coutume, par laquelle, pour prévenir les entreprises des particuliers qui, en détournant l'eau des rivières, et en l'y faisant rentrer après qu'elle avait abreuvé leurs raises, avaient trouvé le moyen d'éluder la loi, statue, art. 209. rotheurs ne peuvent être faits en eaux courantes, c'est aulcun veut détourner eau pour en faire, il doit vider l'eau dudit rotheur, en sorte que l'eau d'icelui rotheur ne puisse retourner en la rivière. Sur quoi M. Josias Berault, conseiller à la table de marbre du parlement de Rouen, observe en son commentaire sur la coutume de Normandie, que les rotheurs font mourir le poisson, parce que les sucs grossiers que le chanvre a tirés d'une terre très-forte par elle-même et extrêmement chargée de fumier, enivrent le poisson, et portent la mortalité dans les rivières : pourquoi, ajoute-t-il, les officiers des eaux et forêts doivent y veiller comme sur une des choses de leur ministère les plus intéressantes pour le bien public.

Ces attentions ne sont point particulières à la coutume de Normandie : celles de Bourbonnais, art. 162. ch. xiv. d'Amiens, tit. 11. art. 243. de Haynault, ch. Xe art. 16. de Mons, ch. liij. art. 6. de Lille, tit. 1. art. 11, etc. portent les mêmes dispositions, auxquelles est conforme l'art. 7. du règlement général de la table de marbre de Paris, du 15 Mai 1585, relatif à un arrêt du même siège, du 26 Juillet 1557, portant défenses et inhibitions de faire rouir aucuns chanvres et lins, et de mettre aucune chauly, tannerie, ou autres choses portant poison, dans les étangs ou marais publics, ou même dans les eaux particulières, parce que cela corrompt l'eau, ensuite l'air, et fait mourir le poisson.

En conformité de tous ces règlements, aussi positifs dans leurs dispositions, que clairement motivés, ont été rendus plusieurs arrêts du conseil, rapportés en la conférence de l'ordonnance de 1669, édit. in-4 °. contenant les lois forestières de France.

Ainsi, la défense de rouir des chanvres dans les rivières et dans les eaux courantes, même particulières, fait partie du droit public de la France. Ce droit n'abandonne pour le rouissement des chanvres que les eaux mortes, ou celles qui étant tirées d'une rivière ou eau courante se perdent dans des terrains plus bas, et ne retournent plus à la rivière, ou s'y rendent par un circuit, dont la longueur leur donne le temps de déposer les sucs dangereux dont elles se sont chargées par leur séjour dans la raise.

La connaissance des observations qui ont servi de base à toutes les lois que je viens de rapporter, auraient pu éclairer sur un phénomène qui a mérité l'attention de l'académie des Sciences de Paris.

Il est arrivé récemment que les eaux de la Seine étant très-basses, se sont chargées insensiblement de principes de corruption, qui répandirent à Paris une espèce d'épidémie. Les médecins ne prirent point le change sur la cause du mal ; ils l'attribuèrent unanimement à une espèce d'infection qu'avait contracté le peu d'eau qui restait dans la rivière. Mais d'où venait cette infection ? était-ce du défaut ou de la lenteur de la circulation de l'eau ? était-ce des immondices que la Seine ne pouvait plus absorber et déposer, &c ? les avis étaient incertains et partagés ; enfin un des membres de l'académie des Sciences remonta la Seine, l'analysa, l'observa, crut découvrir la source du mal dans certaines plantes aquatiques qui s'étaient emparées du lit que la rivière leur avait abandonné, et constata cette découverte par un savant mémoire inséré dans les recueils de l'académie.

Mais toutes les eaux mortes étaient desséchées par l'ardeur de l'été de cette année. Les eaux courantes roulant à peine dans leur lit, ne pouvaient fournir à l'abreuvement des raises, et la nécessité força de mettre rouir les chanvres dans les rivières mêmes et dans les ruisseaux. Que l'on se représente maintenant les ruisseaux, les fontaines, les rivières qui portent leurs eaux dans la Seine, le lit même de ce fleuve depuis sa source, rempli de chanvre pendant les mois du travail et l'on imaginera aisément pourquoi, et pendant ces deux mois, l'eau de la Seine a été corrompue au point d'imprégner des sucs grossiers et putrides dont elle était chargée, les plantes, même les plus insipides de leur nature. Ainsi, l'on peut comparer les recherches de l'académicien sur ce phénomène, aux efforts que faisait un ancien philosophe pour découvrir la cause du goût mielleux et des parties mellifiques qu'il avait découvertes dans une soupe qui avait été préparée dans un pot où il y avait eu du miel. De tout ce qui vient d'être dit sur cet article, il résulte que les raisons et le choix de l'eau pour les abreuver méritent toutes les attentions qu'ont rapportées nos anciennes lois pour les écarter des rivières et des eaux courantes. Cet article est de M. GROSLEY, avocat à Troie..




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