S. f. (Morale) application de notre esprit à un autre objet que celui dont le moment présent exigerait que nous continuassions de nous occuper. La distraction a sa source dans une excellente qualité de l'entendement, une extrême facilité dans les idées de se réveiller les unes les autres. C'est l'opposé de la stupidité, qui reste sur une même idée. L'homme distrait les suit toutes indistinctement à mesure qu'elles se montrent ; elles l'entraînent et l'écartent de son but ; celui au contraire qui est maître de son esprit, jette un coup-d'oeil sur les idées étrangères à son objet, et ne s'attache qu'à celles qui lui sont propres. Un bon esprit doit être capable de distractions, mais ne doit point être distrait. La distraction est presque toujours un manque d'égards pour ceux avec qui nous nous entretenons. Elle leur fait entendre très-clairement que ce qui se passe dans notre âme nous intéresse plus que ce qu'ils nous disent. On peut avec un peu d'attention sur soi-même, se garantir de ce libertinage d'esprit, qui fait tenir tant de discours déplacés, et commettre tant d'actions ridicules. L'homme dans la distraction perd de vue tout ce qui l'environne ; et quand il revient de son délire, il agit comme si rien n'avait changé autour de lui ; il cherche des objets où ils ne sont plus ; il s'entretient de choses dont il n'est plus question ; il se croit à tout et il n'est plus à rien ; parce que la distraction est une absence dont souvent on ne s'aperçoit pas, et dont on ne connait presque jamais exactement la durée. Il n'y a qu'un moyen d'apprécier l'intervalle de la distraction ; c'est d'en pouvoir rapporter le commencement et la fin à deux instants différents d'une action continue, dont la durée nous soit connue par expérience.

DISTRACTION, (Jurisprudence) signifie en général la séparation d'une chose d'avec une autre ; il y a plusieurs sortes de distractions, savoir :

DISTRACTION DE DEPENS, est la faculté que le procureur demande de toucher ses frais et salaires sur les dépens adjugés à sa partie, comme les ayant avancés pour elle.

Le procureur est en droit de former cette demande malgré sa partie ; et dès qu'elle est signifiée à la partie qui a succombé, elle tient lieu de saisie ; et lorsque le procureur a obtenu la distraction, elle opère la décharge de sa partie envers lui.

Celui qui a été condamné aux dépens envers un autre, et qui est en état de lui opposer quelque compensation, ne peut pas l'opposer au procureur qui demande la distraction des dépens ; mais si cette partie a fait saisir entre ses mains avant que la demande en distraction fût formée, la saisie prévaudrait sur cette demande. (A)

DISTRACTION DE JURISDICTION ; c'est quand on ôte à un juge la connaissance d'une affaire pour la donner à un autre ; ce qui arrive en différentes manières, comme par des attributions, commissions, évocations, que le roi accorde ou par des renvois en vertu de privilèges de committimus, garde gardienne. (A)

DISTRACTION DE RESSORT, c'est lorsque le roi par des lettres patentes distrait un lieu du ressort ordinaire ou d'appel d'une justice, et l'annexe à une autre justice : ces sortes de distractions arrivent lors de l'érection des terres en duchés-pairies, marquisats, comtés, baronies, etc. la distraction de ce ressort ne se fait qu'à la charge d'indemniser les justices dont on démembre quelque portion. (A)

DISTRACTION D'UNE SAISIE REELLE, c'est ce qui retire d'une saisie réelle quelque héritage qui n'a pas dû y être compris.

Voyez OPPOSITION A FIN DE DISTRAIRE. (A)