S. f. (Gouvernement) Ce mot vient de , ville, dont les Grecs ont fait , et nous police. Il a différentes acceptions qui demandent quelque détail pour être bien entendues. La vie commode et tranquille fut le premier objet des sociétés : mais les erreurs étant plus communes peut-être, l'amour propre plus raffiné, les passions, sinon plus violentes, dumoins plus étendues dans les hommes rassemblés que dans les hommes épars, il est presque arrivé le contraire de ce qu'on s'était proposé ; et celui qui n'entendant que la valeur des mots, tâcherait, sur celui de société, de se former une idée de la chose, devinerait exactement le contraire de ce que c'est. On a cherché des remèdes à ce terrible inconvénient, et l'on a fait les lais. Les lois sont des règles de conduite tirées de la droite raison et de l'équité naturelle que les bons suivent volontairement, et auxquelles la force contraint les méchants de se soumettre du moins en apparence. Entre les lais, les unes tendent au bien général de la société ; les autres ont pour but le bien des particuliers. La connaissance des premières est ce qu'on entend par la science du droit public. La science du droit privé a pour objet la connaissance des secondes.

Les Grecs donnaient le nom de police à la première branche : leur s'étendait donc à toutes les formes différentes de gouvernement : on pouvait même dire en ce sens la police du monde, monarchique ici, aristocratique ailleurs, etc. et c'était l'art de procurer à tous les habitants de la terre une vie commode et tranquille. En restreignant ce terme à un seul état, à une seule société, la police était l'art de procurer les mêmes avantages à un royaume, à une ville, etc.

Le terme police ne se prend guère parmi nous que dans ce dernier sens. Cette partie du gouvernement est confiée à un magistrat qu'on appelle lieutenant de police. C'est lui qui est particulièrement chargé de l'exécution des lois publiées pour procurer aux habitants d'une ville, de la capitale par exemple, une vie commode et tranquille, malgré les efforts de l'erreur et les inquiétudes de l'amour propre et des passions. Voyez l'article suivant.

On voit évidemment que la police a dû varier chez les différents peuples. Quoique son objet fût le même par-tout, la commodité et la tranquillité de la vie, c'est le génie des peuples, la nature des lieux qu'ils habitaient, les conjectures dans lesquels ils se trouvaient, etc. qui ont décidé des moyens propres à obtenir ces avantages.

Les Hébreux, les premiers peuples de la terre, ont été les premiers policés. Qu'on ouvre les livres de Moïse, on y verra des lois contre l'idolâtrie, le blasphème, l'impureté ; des ordonnances sur la sanctification du jour du repos et des jours de fêtes ; les devoirs réciproques des pères, des mères, des enfants, des maîtres et des serviteurs fixés, des decrets somptuaires en faveur de la modestie et de la frugalité ; le luxe, l'intempérance, la débauche, les prostitutions, etc. proscrites : en un mot, un corps de lois qui tendent à entretenir le bon ordre dans les états ecclésiastiques, civils et militaires ; à conserver la religion et les mœurs ; à faire fleurir le commerce et les arts ; à procurer la santé et la sûreté ; à entretenir les édifices ; à sustenter les pauvres ; et à favoriser l'hospitalité.

Chez les Grecs, la police avait pour objet la conservation, la bonté, et les agréments de la vie. Ils entendirent par la conservation de la vie ce qui concerne la naissance, la santé et les vivres. Ils travaillaient à augmenter le nombre des citoyens, à les avoir sains, un air salubre, des eaux pures, de bons aliments, des remèdes bien conditionnés, et des médecins habiles et honnêtes gens.

Les Romains, en 312, envoyèrent des ambassadeurs en Grèce chercher les lois et la sagesse. De-là vient que leur police suivit à-peu-près la même division que celle des Athéniens.

Les François et la plupart des habitants actuels de l'Europe ont puisé leur police chez les anciens. Avec cette différence, qu'ils ont donné à la religion une attention beaucoup plus étendue. Les jeux et les spectacles étaient chez les Grecs et les Romains une partie importante de la police : son but était d'en augmenter la fréquence et la somptuosité ; chez nous elle ne tend qu'à en corriger les abus et à en empêcher le tumulte.

Les objets particuliers de la police parmi nous sont la religion, les mœurs, la santé, les vivres, la sûreté, la tranquillité, la voirie, les Sciences et arts libéraux ; le commerce, les manufactures et arts mécaniques, les domestiques, manœuvres et pauvres.

Nous venons de voir quels étaient les objets de la police chez les différents peuples, passons aux moyens dont ils ont usé pour la faire.

L'an 2904 du monde, Menès partagea l'Egypte en trois parties, chaque partie en dix provinces ou dynasties, et chaque dynastie en trois préfectures Chaque préfecture fut composée de dix juges, tous choisis entre les prêtres ; c'était la noblesse du pays. On appelait de la sentence d'une préfecture à celle d'un nomos, ou de la juridiction ou parlement d'une des trois grandes parties.

Hermès Trismegiste, secrétaire de Menès, divisa les Egyptiens en trois classes ; le roi, les prêtres, et le peuple : et le peuple en trois conditions ; le soldat, la laboureur, et l'artisan. Les nobles ou les prêtres pouvaient seuls entrer au nombre des ministres de la justice et des officiers du roi. Il fallait qu'ils eussent au-moins vingt ans, et des mœurs irréprochables. Les enfants étaient tenus de suivre la profession de leurs pères. Le reste de la police des Egyptiens était renfermée dans les lois suivantes. Première loi, les parjures seront punis de mort. Seconde loi, si l'on tue ou maltraite un homme en votre présence, vous le secourrez si vous pouvez, à peine de mort : sinon, vous dénoncerez le malfaiteur. Traisième loi, l'accusateur calomnieux subira la peine du talion. Quatrième loi, chacun ira chez le magistrat déclarer son nom, sa profession : celui qui vivra d'un mauvais commerce, ou fera une fausse déclaration, sera puni de mort. Cinquième loi, si un maître tue son serviteur, il mourra ; la peine devant se régler, non sur la condition de l'homme, mais sur la nature de l'action. Sixième loi, le père ou la mère qui tuera son enfant, sera condamné à en tenir entre ses bras le cadavre pendant trois jours et trois nuits. Septième loi, le parricide sera percé dans tous les membres de roseaux pointus, couché nud sur un tas d'épines, et brulé vif. Huitième loi, le supplice de la femme enceinte sera différé jusqu'après son accouchement : en agir autrement, ce serait punir deux innocens, le père et l'enfant. Neuvième loi, la lâcheté et la désobéissance du soldat seront punies à l'ordinaire : cette punition consistait à être exposé trois jours de suite en habit de femme, rayé du nombre des citoyens, et renvoyé à la culture des terres. Dixième loi, celui qui révélera à l'ennemi les secrets de l'état, aura la langue coupée. Onzième loi, quiconque altérera la monnaie, ou en fabriquera de fausse, aura les poings coupés. Douzième loi, l'amputation du membre viril sera la punition du viol. Treizième loi, l'homme adultère sera battu de verges, et la femme aura le nez coupé. Quatorzième loi, celui qui niera une dette dont il n'y aura point de titre écrit, sera pris à son serment. Quinzième loi, s'il y a titre écrit, le débiteur payera ; mais le créancier ne pourra faire excéder les intérêts au double du principal. Seizième loi, le débiteur insolvable ne sera point contraint par corps : la société partagerait la peine qu'il mérite. Dix-septième loi, quiconque embrassera la profession de voleur, ira se faire inscrire chez le chef des voleurs qui tiendra registre des choses volées et qui les restituera à ceux qui les réclameront, en retenant un quart pour son droit et celui de ses compagnons. Le vol ne pouvant être aboli, il vaut mieux en faire un état, et conserver une partie que de perdre le tout.

Nous avons rapporté ces règles de la police des Egyptiens, parce qu'elles sont en petit nombre, et qu'elles peuvent donner une idée de la justice de ces peuples. Il ne sera pas possible d'entrer dans le même détail sur la police des Hébreux. Mais nous aurons ici ce qui nous manque d'un autre côté ; je veux dire une connaissance assez exacte des ministres à qui l'exécution des lois fut confiée.

Moïse, sur les avis de Jéthro son beau-pere, reconnaissant, malgré l'étendue de ses lumières et sa capacité, son insuffisance pour l'exercice entier de la police, confia une partie de son autorité à un certain nombre d'hommes craignant Dieu, ennemis du mensonge et de l'avarice ; partagea le peuple en tribus de 1000 familles chacune, chaque tribu en départements de 100 familles, chaque département en quartiers de 50, et chaque quartier en portions de 10 ; et créa un officier intendant d'une tribu entière, avec d'autres employés subalternes pour les départements et leurs divisions. Cet intendant s'appela sara alaphem, ou préfet, ou intendant de tribu ; ses subalternes, sara meot, préfet de 100 familles ; sara hhamischein, préfet de 50 familles ; sara hazaroth, préfet de 10 familles.

Il forma de plus un conseil de soixante-dix personnes, appelées, de leur âge et de leur autorité, zekemni, seniores et magistri populi. Ce conseil était nommé le sanhedrin. Le grand-prêtre y présidait. On y connaissait de toutes les matières de religion. Il veillait à l'observation des lais. Il jugeait seul des crimes capitaux ; et on y portait appel des juridictions inférieures.

Au-dessous du sanhedrin, il y avait deux autres conseils où les matières civiles et criminelles étaient portées en première instance ; ces tribunaux subalternes étaient composés chacun de sept juges, entre lesquels il y avait toujours deux lévites.

Tel fut le gouvernement et la police du peuple dans le désert : mais lorsque les Hébreux furent fixés, l'état des sare changea ; ils ne veillèrent plus sur des familles, mais sur des quartiers ou portions de ville, et s'appelèrent sare pelakim, le kireiah.

Jérusalem qui servit de modèle à toutes les autres villes de la Judée, fut distribuée en quatre régions appelées pelek bethacaram, ou le quartier de la maison de la vigne ; pelek bethsur, le quartier de la maison de force ; pelek malpha, le quartier de la guérite ; pelek ceila, le quartier de la division. Il y eut pour chaque quartier deux officiers chargés du soin de la police et du bien public ; l'un supérieur qui avait l'intendance de tout le quartier, on l'appelait sare pelek, préfet du quartier. Le sarahhtsi pelek, l'officier subalterne, n'avait inspection que sur une portion du quartier. C'était à-peu-près comme le commissaire ancien et les nouveaux commissaires parmi nous ; et leurs fonctions étaient, à ce qu'il parait, entièrement les mêmes. Voilà en général ce qui concerne la police et le gouvernement des Hébreux.

Police des Grecs dans Athènes. Ce fut aussi chez les Grecs la maxime de partager l'autorité de la magistrature entre plusieurs personnes. Les Athéniens formaient un sénat annuel de cinq cent de leurs principaux citoyens. Chacun présidait à son tour, et les autres membres de cette assemblée servaient de conseil au président.

Ces cinq cent juges se distribuaient en dix classes qu'on appelait prytanes ; et l'année étant lunaire et se partageant aussi chez eux en dix parties, chaque prytane gouvernait et faisait la police pendant 35 jours ; les quatre jours restants étaient distribués entre les quatre premiers prytanes qui avaient commencé l'année.

Entre les cinquante juges qui étaient de mois, on en élisait dix toutes les semaines qu'on nommait présidents, proeres ; et entre ces dix on en tirait sept au sort, qui partageaient entr'eux les jours de la semaine ; celui qui était de jour s'appelait l'archai. Voilà pour la police de la ville.

Voici pour l'administration de la république. Entre les dix prytanes ils en prenaient une pour ces fonctions. Les neuf autres leur fournissaient chacune un magistrat, qu'on appelait archonte. De ces neuf archontes, trois étaient employés à rendre au peuple la justice pendant le mois : l'un avait en partage les affaires ordinaires et civiles, avec la police de la ville ; on le nommait poliarque, préfet ou gouverneur de la ville : l'autre, les affaires de religion, et s'appelait basileus, le roi : le troisième, les affaires étrangères et militaires, d'où il tirait le nom de pôlemarque ou commandant des armées. Les six autres archontes formaient les conseils du poliarque, du roi et du pôlemarque. Ils examinaient en corps les nouvelles lais, et ils en faisaient au peuple le rapport ; ce qui les fit nommer du nom générique de thesmotetes.

Tous ces officiers étaient amovibles et annuels. Mais il y avait un tribunal toujours composé des mêmes personnes, c'était l'aréopage. C'était une assemblée formée de citoyens qui avaient passé par l'une des trois grandes magistratures, et toutes les autres juridictions leur étaient subordonnées. Mais ce n'étaient pas là les seuls officiers ni du gouvernement ni de la police ; les Grecs avaient conçu qu'il n'était guère possible d'obvier aux inconvénients qu'à force de subdivisions ; aussi avaient-ils leurs doesismates ou exploratores, leurs panepiscopes ou inspectores omnium rerum, leurs chorepiscopes ou inspectores regionum urbis. Les Lacédémoniens comprenaient tous ces officiers sous le nom commun de nomophulaques, dépositaires et gardiens de l'exécution des lais.

Les autres villes de la Grèce étaient pareillement divisées en quartiers, les petites en deux, les moyennes en trois, et les grandes en quatre. On appelait les premières dipolis, les secondes tripolis, et les troisiemes tetrapolis. Dans Athènes, chaque quartier avait son sophroniste, et dans Lacédémone, son armosin, ou inspecteur de la religion et des mœurs ; un gunaiconome, ou inspecteur de la décence et des habits des femmes ; un opsinome, ou inspecteur des festins ; un astunome, ou inspecteur de la tranquillité et commodité publique ; un agoranome, ou inspecteur des vivres, marchés et commerce ; un métronome, ou inspecteur des poids et mesures. Tels furent les officiers et l'ordre de la police des Grecs.

Les Romains eurent la leur, mais qui ne fut pas toujours la même : voyons ce qu'elle fut sous les rois et ce qu'elle devint sous les consuls et les empereurs. Les Romains renfermés dans une petite ville qui n'avait que mille maisons et douze cent pas de circuit, n'avaient pas besoin d'un grand nombre d'officiers de police ; leur fondateur suffisait, et dans son absence un vice-gérent, qu'il nommait sous le titre de préfet, praefectus urbis.

Il n'y avait que les matières criminelles qui fussent exceptées de la juridiction du souverain ou du préfet de la ville ; les rois qui se réservèrent la distribution des grâces, renvoyaient au peuple la punition des crimes ; alors le peuple s'assemblait ou nommait des rapporteurs.

Il n'y avait encore d'autre juge de police que le souverain et son préfet, car le sénateur n'était qu'un citoyen du premier des trois ordres, dans lesquels Romulus avait divisé le peuple romain ; mais la ville s'agrandissant, et le peuple devenant nombreux, on ne tarda pas à sentir la nécessité d'en créer d'autres. On institua donc deux officiers pour la recherche des crimes, sous le nom de quaesteurs ; voilà tout ce qui se fit sous les rais, soit jalousie de leur part, soit peu de besoin d'un plus grand partage de l'autorité.

Tarquin fut chassé et on lui substitua deux consuls. Les consuls tinrent la place du souverain, et créèrent, à son exemple, un préfet de la ville, en cas d'absence. Les choses demeurèrent cent seize ans dans cet état ; mais le peuple las de ne donner aucun magistrat à l'état, fit des efforts pour sortir de cet avilissement. Il demanda des tribuns tirés de son ordre ; il était le plus fort, et on lui en accorda deux. Les tribuns demandèrent des aides, et les édiles furent créés : les tribuns veillaient à la conservation des droits du peuple, et les édiles à celle des édifices.

Cependant les consuls étaient toujours les seuls législateurs de l'état. Le peuple exigea, par la bouche des tribuns, des lois écrites auxquelles il put se conformer. Il fallut encore céder et envoyer en Grèce des députés, pour en obtenir de ces peuples policés.

Les députés séjournèrent trois ans dans la Grèce, et en apportèrent un recueil de ce qu'ils avaient observé de plus sage. On en forma dix tables, auxquelles deux autres furent ajoutées dans la suite, et l'on eut la loi des douze tables.

Cependant Rome s'étendait, et les officiers se multipliaient au point que deux consuls n'y suffisaient plus. On créa donc deux nouveaux officiers sous le nom de censeurs. L'emploi des censeurs était de faire tous les cinq ans le dénombrement du peuple, de veiller aux édifices considérables, au parc, à la propreté des rues, aux réparations des grands chemins, aux aqueducs, au recouvrement des revenus publics, à leur emploi, et à tout ce qui concerne les mœurs et la discipline des citoyens.

Ce district était étendu, et les censeurs se choisirent des édiles comme ils en avaient le droit, sur lesquels ils se déchargèrent du soin des rues et du parc. On fut si content de ces officiers qu'on ajouta à leur intendance, celle des vivres, des jeux et des spectacles, et leur emploi fut le premier degré aux grandes charges de la république. Ils prirent le titre de curatores urbis, celui d'édiles ne leur convenant plus.

Les édiles étaient tirés de l'ordre plébeïen ; l'importance de leur charge excita la jalousie des sénateurs, qui profitèrent d'une demande du peuple, pour leur ravir une partie de cet avantage. Le peuple demandait qu'il y eut un consul de l'ordre plébeïen, et les sénateurs en revanche demandèrent deux édiles de l'ordre patricien. Le peuple fut étonné de cette démarche du sénat ; mais les édiles se trouvant alors dans l'impossibilité de donner au peuple les grands jeux dont la dépense excédait leurs moyens, la jeune noblesse s'offrit à en faire les frais, à condition de partager la dignité. On accepta cette proposition, et il y eut un consul plébeïen et deux édiles patriciens ou curules : ils tenaient ce nom d'un petit siège d'ivoire qu'ils faisaient porter dans leur char.

L'autorité des consuls se bornait à la réprimande, ignominia : lorsque la sentence des juges confirmait cette réprimande, la perte entière de la réputation, ou l'infamie, infamia, s'ensuivait.

L'accroissement des affaires occasionna une nouvelle création d'officiers. On sépara les affaires de la république et du gouvernement de celles de la police et de la juridiction contentieuse, et il y eut un préteur ; ce magistrat rendit la justice, et fit pour les consuls ce que les rois avaient fait par eux-mêmes pendant deux cent quarante ans, et les consuls pendant cent quarante-quatre.

Le préteur devint donc, pour ainsi dire, collègue des consuls, et fut distingué par les mêmes marques de dignité, et eut droit, ainsi que les questeurs, de se donner des aides ; les édiles lui furent subordonnés, et n'agirent jamais que par ses ordres et comme ses commis.

Les lois s'accumulèrent nécessairement à mesure que le nombre des magistrats différents augmenta. Il fallut du temps pour s'en instruire, et plus de savoir qu'un seul homme n'en pouvait acquérir ; ce fut par cette raison que le préteur créa les centumvirs, de 5 hommes pris dans chacune des trente-cinq tribus. Il avait recours à ce conseil dans les affaires de droit. Il se nommait dans celles de fait tels assesseurs qu'il jugeait à propos : quant aux matières criminelles, c'était l'affaire des questeurs d'en informer le peuple à qui il avait appartenu de tout temps d'en juger.

Mais l'inconvénient d'assembler le peuple dans toute occasion capitale, donna lieu à la création des questeurs perpétuels, et au renvoi de la plainte des questeurs, au tribunal du préteur, qui fit par conséquent la police pour le civil et pour le criminel. Les questeurs qui jusqu'alors avaient dépendu du peuple, commencèrent donc à être soumis au préteur, qui eut sous lui les édiles et les questeurs.

On donna aux édiles des aides au nombre de dix, sous le nom de décemvirs ; ces aides sans titres trouvèrent de la difficulté dans l'exercice de leurs fonctions, et ils obtinrent celui d'édiles, mais restreints aux incendies, aediles incendiorum extinguendorum. Jules César en créa dans la suite deux pour les vivres, aediles cereales : il y eut donc seize édiles, deux plébeïens, deux curules, dix incendiorum extinguendorum, et deux cereales ; mais tous furent soumis au préteur, ils agirent seulement delegatione et vice praetoris.

Ces officiers firent dans la suite quelques tentatives pour se soustraire à cette juridiction et former un corps indépendant ; ils réussirent au point de jouir du droit de publier en leur nom collectif, un édit sous le titre d'edictum aedilium ; mais ce désordre dura peu ; ils rentrèrent dans leur devoir ; et pour les empêcher dorénavant d'en sortir, on écrivit dans les lois que, edicta aedilium sunt pars juris praetorii ; mais que edicta praetorum habent vim legis.

Ce fut ainsi que l'autorité du préteur se conserva pleine et entière jusqu'au temps où des factions se proposant la ruine de la république, et s'apercevant quel obstacle faisait à leurs desseins la puissance de ce magistrat, se proposèrent de l'affoiblir d'abord, puis de l'anéantir entièrement en la divisant. Le préteur de Rome avait un collègue pour les affaires étrangères, sous le titre de praetor peregrinus. Les mécontens parvinrent à lui faire donner six adjoints pour les affaires criminelles. Ces adjoints furent pris du nombre des préteurs désignés pour les provinces, sous prétexte qu'ils avaient besoin d'instruction. On ajouta encore dans la suite deux préteurs pour les vivres ; enfin le partage fut poussé si loin que sous le triumvirat, qui acheva la ruine de la police et du bon ordre, on comptait jusqu'à soixante-quatre préteurs, qui tous avaient leurs tribunaux ; ce fut alors que recommencèrent les attentats des édiles, et comme si l'on eut eu peur que ce fût sans succès, on continua d'affoiblir les préteurs en les multipliant.

Tel était l'état des choses lorsqu'Auguste parvint à l'empire. Il commença la réforme par la réduction du nombre des préteurs à seize, dont il fixa la compétence aux seules matières civiles en première instance. Il les subordonna à un préfet de la ville, dont la juridiction s'étendait sur Rome et sur son territoire jusqu'à cinquante stades aux environs, ce qui revient à trente-cinq de nos lieues. Il fut le seul magistrat de police, et cette préfecture, qui avait toutes les prérogatives de notre lieutenance de police, fut un poste si important qu'Auguste en pourvut, pour la première fais, son gendre Agrippa, qui eut pour successeurs Mécène, Messala, Corvinus, Statilius Taurus, etc.

Le nouveau magistrat fut chargé de tout ce qui concerne l'utilité publique et la tranquillité des citoyens, des vivres, des ventes, des achats, des poids et mesures, des arts, des spectacles, de l'importation des blés, des greniers publics, des jeux, des bâtiments, du parc, de la réparation des rues et grands chemins, etc.

Auguste attaqua ensuite le corps remuant des édiles ; il en retrancha dix, et ôta à la juridiction de ceux qui restaient ce qu'ils avaient usurpé sur le dernier préteur, qu'il supprima. Il substitua aux préteurs et aux édiles quatorze curatores urbis, inspecteurs de ville, ou commissaires, qui servirent d'aides au préfet de la ville, adjutores praefecti urbis. Il institua autant de quartiers dans Rome qu'il avait créé de commissaires ; chaque commissaire eut un quartier pour son district.

L'innovation d'Auguste entraina, sous Constantin, la suppression des édiles. Les quatorze commissaires étaient plébeïens. Ce nombre fut doublé par Alexandre Sévère, qui en choisit quatorze autres dans l'ordre patricien, ce qui fait présumer que Rome fut subdivisée en quatorze autres quartiers.

Les Romains convaincus de la nécessité d'entretenir soigneusement les greniers publics, avaient créé, sous Jules César, deux préteurs et deux édiles, pour veiller à l'achat, au transport, au dépôt, et à la distribution des grains. Auguste supprima ces quatre officiers, et renvoya toute cette intendance au préfet de la ville, à qui il donna pour soulagement un subdélégué, qu'il nomma praefectus annonae, le préfet des provisions ; cet officier fut tiré de l'ordre des chevaliers.

La sûreté de la ville pendant la nuit fut confiée à trois officiers qu'on appelait triumvirs nocturnes. Ils faisaient leurs rondes, et s'assuraient si les plébeïens chargés du guet étaient à leur devoir. Les édiles succédèrent à ces triumvirs nocturnes, et pour cet effet leur nombre fut augmenté de dix, qu'Auguste supprima, comme nous avons dit. Il préféra à ce service celui de mille hommes d'élite dont il fit sept cohortes qui eurent chacune leur tribun. Une cohorte avait par conséquent la garde de deux quartiers ; tous ces tribuns obéissaient à un commandant en chef appelé prefectus vigilum, commandant du guet, cet officier était subordonné au préfet de la ville. Il ajouta à ces officiers subordonnés au préfet de Rome, un commissaire des canaux et autres ouvrages construits, soit pour la conduite, soit pour la conservation des eaux, un commissaire du canal ou lit du Tibre et des cloaques ; quant à la censure, il s'en réserva l'autorité, confiant seulement à un officier qui portait le titre de magister census le soin de taxer les citoyens et de recouvrer les deniers publics. Il créa un commissaire des grands ouvrages, un commissaire des moindres édifices, un commissaire des statues, un inspecteur des rues et de leur nettoyement, appelé praefectus rerum nitentium.

Pour que les commissaires de quartiers fussent bien instruits, il leur subordonna trois sortes d'officiers, des dénonciateurs, des vicomaires, et des stationnaires. Les dénonciateurs au nombre de dix pour chaque quartier instruisaient les commissaires des désordres ; pour savoir ce que c'était que les vicomaires, il faut observer que chaque quartier était subdivisé en départements ; quatre officiers annuels avaient l'inspection de chaque département. Ils marchaient armés et prêtaient main forte aux commissaires : tel était l'emploi des vicomaires. Il y avait à Rome quatorze quartiers ; chaque quartier se subdivisait en quatre cent vingt-quatre départements, vici. Il y avait donc pour maintenir l'ordre et la tranquillité publique et faire la police dans cette étendue, soixante et dix-huit commissaires, vingt-huit dénonciateurs, et mille six cent quatre-vingt-seize vicomaires. Les stationnaires occupaient les postes fixés dans la ville, et leur fonction était d'apaiser les séditions.

Voilà pour la police de Rome, mais quelle fut celle du reste de l'empire ? Les Romains maîtres du monde, posèrent pour premier principe d'un sur et solide gouvernement, cette maxime censée, omnes civitates debent sequi consuetudinem urbis Romae. Ils envoyèrent donc dans toutes les provinces subjuguées un proconsul ; ce magistrat avait dans la province l'autorité et les fonctions du préfet de Rome, et du consul. Mais c'en était trop pour un seul homme ; on le soulagea donc par un député du proconsul, legatus proconsulis. Le proconsul faisait la police et rendait la justice. Mais dans la suite on jugea à propos, pour l'exactitude de la police, qui demande une présence et une vigilance ininterrompue, de fixer dans chaque ville principale des députés du proconsul, sous le titre de servatores locorum. Auguste ne toucha point à cet établissement, il songea seulement à le perfectionner, en divisant les lieux dont les députés du proconsul étaient les conservateurs, en des départements plus petits, et en augmentant le nombre de ces officiers.

Les Gaules furent partagées en dix-sept provinces, en trois cent cinq peuples ou cités, et chaque peuple en plusieurs départements particuliers. Chaque peuple avait sa capitale, et la capitale du premier peuple d'une province s'appela la métropole de la province. On répandit des juges dans toutes les villes. Le magistrat dont la juridiction comprenait une des dix-sept provinces entières, s'appela président ou proconsul, selon que la province était du partage de l'empereur ou du sénat. Les autres juges n'avaient d'autres titres que celui de juges ordinaires, judices ordinarii, dans les grandes villes ; de juges pedanés, judices pedanei, dans les villes moyennes ; et de maires des bourgs ou villages, magistri pagorum, dans les plus petits endroits. Les affaires se portaient des maires aux juges ordinaires de la capitale, de la capitale à la métropole, et de la métropole à la primatie, et de la primatie quelquefois à l'empereur. La primatie fut une juridiction établie dans chacune des quatre plus anciennes villes des Gaules, à laquelle la juridiction des métropoles était subordonnée.

Mais tous ces appels ne pouvaient manquer de jeter les peuples dans de grands frais. Pour obvier à ces inconvéniens, Constantin soumit tous ces tribunaux à celui d'un préfet du prétoire des Gaules, où les affaires étaient décidées en dernier ressort, sans sortir de la province.

Les juges romains conservèrent leurs anciens noms jusqu'au temps d'Adrien ; ce fut sous le règne de cet empereur qu'ils prirent ceux de ducs et de comtes : voici à quelle occasion. Les empereurs commencèrent alors à se former un conseil ; les membres de ce conseil avaient le titre de comtes, comites. Ils en furent tellement jaloux que, quand ils passèrent du conseil de l'empereur à d'autres emplois, ils jugèrent à propos de le conserver, ajoutant seulement le nom de la province où ils étaient envoyés ; mais il y avait des provinces de deux sortes ; les unes pacifiques, et les autres militaires. Ceux qu'on envoyait dans les provinces militaires étaient ordinairement les généraux des troupes qui y résidaient ; ce qui leur fit prendre le titre de ducs, duces.

Il y avait peu de chose à reprocher à la police de Rome ; mais celle des provinces était bien imparfaite. Il était trop difficile, pour ne pas dire impossible, à des étrangers de connaître assez bien le génie des peuples, leurs mœurs, leurs coutumes, les lieux, une infinité d'autres choses essentielles, qui demandent une expérience consommée, et de ne pas faire un grand nombre de fautes considérables. Aussi cela arriva-t-il ; ce qui détermina l'empereur Auguste, ou un autre, car la date de cette innovation n'est pas certaine, à ordonner que les députés des consuls et les conservateurs des lieux feraient tirer du corps même des habitants, un certain nombre d'aides qui les éclaireraient dans leurs fonctions. Le choix de ces aides fut d'abord à la discrétion des présidents ou premiers magistrats des provinces ; mais ils en abusèrent au point qu'on fut obligé de le transférer à l'assemblée des évêques, de leur clergé, des magistrats, et des principaux citoyens. Le préfet du prétoire confirmait cette élection. Dans la suite les empereurs se réservèrent le droit de nommer à ces emplois.

Ces aides eurent différents noms ; ils s'appelèrent comme à Rome, curatores urbis, commissaires ; servatores locorum, défenseurs des lieux ; vicarii magistratuum, vice-gérents des magistrats ; parentes plebis, pères du peuple ; defensores disciplinae, inquisitores, discussores ; et dans les provinces grecques, irenarchi, modérateurs ou pacificateurs. Leurs fonctions étaient très-étendues, et afin qu'ils l'exerçassent surement, on leur donna deux huissiers : les huissiers des barrières, apparitores stationarii, avaient aussi ordre de leur obéir.

Il y eut entre ces nouveaux officiers de police, et les officiers romains, des démêlés qui auraient eu des suites fâcheuses, si les empereurs ne les eussent prévenues, en ordonnant que les aides des députés des consuls et des conservateurs des lieux seraient pris entre les principaux habitants, ce qui écarta d'eux le mépris qu'en faisaient les officiers romains. L'histoire de la police établie par les Romains dans les Gaules, nous conduit naturellement à celle de France où nous allons entrer.

Police de France. Il y avait 470 ans que les Gaules étaient sous la domination des Romains, lorsque Pharamond passa le Rhin à la tête d'une colonie, s'établit sur ses bords, et jeta les fondements de la monarchie française à Treves, où il s'arrêta. Clodion s'avança jusqu'à Amiens : Mérovée envahit le reste de la province, la Champagne, l'Artais, une partie de l'île de France, et la Normandie. Childeric se rendit maître de Paris ; Clovis y établit son séjour, et en fit la capitale de ses états. Alors les Gaules prirent le nom de France, province d'Allemagne, d'où les François sont originaires.

Trais peuples partageaient les Gaules dans ces commencements : les Gaulois, les Romains et les Français. Le seul moyen d'accorder ces peuples, que la prudence de nos premiers rois mit en usage, ce fut de maintenir la police des Romains. Pour cet effet ils distribuèrent les primaties, les duchés et les comtés du premier ordre à leurs officiers généraux ; les comtés du second ordre à leurs mestres-de-camp et colonels, et les mairies à leurs capitaines, lieutenans, et autres officiers subalternes. Quant aux fonctions elles demeurèrent les mêmes ; on accorda seulement à ces magistrats à titre de récompense, une partie des revenus de la juridiction.

Les généraux, mestres-de-camp et colonels, acceptèrent volontiers les titres de patrice, primat, duc et comte ; mais les capitaines et autres officiers aimèrent mieux conserver leurs noms de centeniers, cinquanteniers et dixainiers, que de prendre ceux de juges pédanés, ou maires de village. La juridiction de dixainiers fut subordonnée à celle des cinquanteniers, et celle-ci à celle des centeniers ; et c'est de là que viennent apparemment les distinctions de haute, moyenne et basse justice.

On substitua au préfet du prétoire des Gaules, dont le tribunal dominait toutes ces juridictions, le comte du palais, comes palatii, qui s'appela dans la suite maire du palais, duc de France, duc des ducs.

Tel était l'état des choses sous Hugues Capet. Les troubles dont son règne fut agité, apportèrent des changements dans la police du royaume. Ceux qui possédaient les provinces de France s'avisèrent de prétendre que le gouvernement devait en être héréditaire dans leur famille. Ils étaient les plus forts, et Hugues Capet y consentit, à condition qu'on lui en ferait foi et hommage, qu'on le servirait en guerre, et qu'au défaut d'enfants mâles, elles seraient reversibles à la couronne. Hugues Capet ne put mieux faire.

Voilà donc le roi maître d'une province, et les seigneurs souverains des leurs. Bien-tôt ceux-ci ne se soucièrent plus de rendre la justice ; ils se déchargèrent de ce soin sur des officiers subalternes, et de là vinrent les vicomtes, vice-comites ; les prevôts, praepositi juridicundo ; les viguiers, vicarii ; les chatelains, castillorum custodes ; les maires, majores villarum, premiers des villages.

Les ducs et comtes qui s'étaient réservé la supériorité sur ces officiers, tenaient des audiences solennelles quatre fois ou six fois l'année, ou plus souvent, et présidaient dans ces assemblées composées de leurs pairs ou principaux vassaux, qu'ils appelaient assises.

Mais les affaires de la guerre les demandant tout entiers, ils abandonnèrent absolument la discussion des matières civiles aux baillis ; bailli est un vieux mot gaulois qui signifie protecteur ou gardien ; en effet les baillis n'étaient originairement que les dépositaires ou gardiens des droits des ducs et comtes. On les nomma dans certaines provinces sénéchaux ; sénéchal est un terme allemand qui se rend en français par ancien domestique, ou chevalier, parce que ceux à qui les ducs et comtes confiaient préférablement leur autorité, avaient été leurs vassaux. Telle est l'origine des deux degrés de juridiction qui subsistent encore dans les principales villes du royaume, la vicomté, viguerie, ou prevôté, et le bailliage ou la sénéchaussée.

La création des prevôts succéda à celle des baillis. Les prevôts royaux eurent dans les provinces de la couronne toute l'autorité des ducs et des comtes, mais ils ne tardèrent pas à en abuser. Les prélats et chapitres élevèrent leurs cris ; nos rois les entendirent, et leur accordèrent pour juge le seul prevôt de Paris. Voilà ce que c'est que le droit de garde-gardienne, par lequel les affaires de certaines personnes et communautés privilégiées sont attirées dans la capitale.

On eut aussi quelqu'égard aux plaintes de ceux qui ne jouissaient pas du droit de garde-gardienne. On répandit dans le royaume des commissaires pour redresser les torts des prevôts, des ducs et des comtes, ce que ces seigneurs trouvèrent mauvais ; et comme on manquait encore de force, on se contenta de réduire le nombre des commissaires à quatre, dont on fixa la résidence à Saint-Quentin, autrefois Vermande, à Sens, à Mâcon et à Saint-Pierre-le-Moutier. Aussi-tôt plusieurs habitants des autres provinces demandèrent à habiter ces villes, ou le droit de bourgeoisie, qui leur fut accordé à condition qu'ils y acquerraient des biens et qu'ils y séjourneraient. De là viennent les droits de bourgeoisie du roi, et les lettres de bourgeoisie.

Ces quatre commissaires prirent le titre de baillis, et le seul prevôt de Paris fut excepté de leur juridiction. Mais en moins de deux siècles, la couronne recouvra les duchés et comtés aliénés ; les bailliages et sénéchaussées devinrent des juges royaux, et il en fut de même de ces justices qui ont retenus leurs anciens noms de vicomtés, duchés, et prevôtés.

Les titres de bailli et de sénéchal ne convenaient proprement qu'aux vice-gérents des ducs et des comtes ; cependant de petits seigneurs subalternes en honorèrent leurs premiers officiers, et l'abus subsista ; et de là vint la distinction des grands, moyens et petits bailliages subordonnés les uns aux autres, ceux de villages à ceux des villes, ceux-ci à ceux des provinces. De ces petits bailliages il y en eut qui devinrent royaux, mais sans perdre leur subordination.

Les baillis et sénéchaux avaient droit de se choisir des lieutenans, en cas de maladies ou d'absence ; mais les lois s'étant multipliées, et leur connaissance demandant une longue étude, il fut ordonné que les lieutenans des baillis et sénéchaux seraient licentiés en droit.

Tel était à peu près l'état de la police de France.

Ce royaume était divisé en un grand nombre de juridictions supérieures, subalternes, royales et seigneuriales, et ce fut à-peu-près dans ces temps que le bon ordre pensa être entièrement bouleversé par ceux qui maniaient les revenus du roi. Leur avidité leur fit comprendre dans l'adjudication des domaines royaux, les bailliages et sénéchaussées. La prevôté de Paris n'en fut pas même exceptée.

Mais pour bien entendre le reste de notre police, et ses révolutions, il faudrait examiner comment les conflits perpétuels de ces juridictions donnèrent lieu à la création des bourgeois intendants de police, et se jeter dans un dédale d'affaires dont on aurait bien de la peine à se tirer, et sur lequel on peut consulter l'excellent ouvrage de M. de la Mare. Il suffira seulement de suivre ce que devint la police dans la capitale, etc.

Elle était confiée en 275, sous l'empereur Aurélien, à un principal magistrat romain, sous le titre de praefectus urbis, qu'il changea par ostentation en celui de comte de Paris, comes parisiensis. Il se nommait en cas de maladie ou d'absence, un vice-gérent, sous le titre de vicomte, vicecomes.

Hugues le Grand obtint en 554 de Charles le simple son pupille, l'inféodation du comté de Paris, à la charge de reversion au défaut d'hoirs mâles. En 1082 Odon, comte de Paris, mourut sans enfant mâle ; le comté de Paris revint à la couronne, et Falco fut le dernier vicomte de Paris. Le magistrat que la cour donna pour successeur à Falco, eut le titre de prevôt, avec toutes les fonctions des vicomtes dont le nom ne convenait plus.

Saint Louis retira la prevôté de Paris d'entre les mains des fermiers, et la finance fut séparée de la magistrature dans la capitale. Philippe-le-Bel et Charles VII. achevèrent la réforme dans le reste du royaume, en séparant des revenus royaux, les sénéchaussées, bailliages, prevôtés, et autres justices subalternes.

L'innovation utîle de saint Louis donna lieu à la création d'un receveur du domaine, d'un scelleur et de soixante notaires. Originairement le nom de notaire ne signifiait point un officier, mais une personne gagée pour écrire les actes qui se passaient entre des particuliers. On ne trouve aucun acte passé par-devant notaire comme officier avant 1270 ; ces écritures étaient ensuite remises au magistrat, qui leur donnait l'autorité publique en les recevant inter acta, et qui en délivrait aux parties des expéditions scellées.

La prevôté de Paris fut un poste important jusqu'à la création des gouverneurs. Louis XII. en avait établi dans ses provinces. François I. en donna un à Paris ; et ce nouveau magistrat ne laissa bien-tôt au prevôt de toutes ses fonctions, que celle de convoquer et conduire l'arriere-ban ; ce fut un grand échec pour la juridiction du châtelet. Elle en souffrit un autre, ce fut la création d'un magistrat supérieur, sous le titre de bailli de Paris, à qui l'on donna un lieutenant conservateur, douze conseillers, un avocat, un procureur du Roi, un greffier et deux audienciers. Mais cet établissement ne dura que quatre ans, et le nouveau siège fut réuni à la prevôté de Paris.

Le prevôt de Paris, les baillis et les sénéchaux jugeaient autrefois en dernier ressort ; car le parlement alors ambulatoire, ne s'assemblait qu'une ou deux fois l'année au lieu que le roi lui désignait, et tenait peu de jours. Il ne connaissait que des grandes affaires ; mais la multitude des affaires obligea Philippe le Bel, par édit de 1302, de fixer ses séances, et d'établir en différents endroits de semblables cours, et l'usage des appels s'introduisit.

Le prevôt de Paris avec ses lieutenans, y exerçaient la juridiction civîle et criminelle en 1400 ; mais il survint dans la suite des contestations entre les lieutenans même de ce magistrat, occasionnées par les ténèbres qui couvrent les limites de leurs charges. Ces contestations durèrent jusqu'en 1630, que la police fut conservée au tribunal civil du châtelet. Les choses demeurèrent en cet état jusque sous le règne de Louis XIV. ce monarque reconnaissant le mauvais état de la police, s'appliqua à la réformer. Son premier pas fut de la séparer de la juridiction civîle contentieuse, et de créer un magistrat exprès qui exerçât seul l'ancienne juridiction du prevôt de Paris. A cet effet l'office de lieutenant civil du prevôt de Paris fut éteint en 1667, et l'on créa deux offices de lieutenans du prevôt de Paris, dont l'un fut nommé et qualifié conseiller et lieutenant civil de ce prevôt, et l'autre conseiller et lieutenant du même prevôt pour la police. L'arrêt qui créa ces charges fut suivi d'un grand nombre d'autres, dont les uns fixent les fonctions, d'autres portent défenses aux baillis du palais de troubler les deux nouvelles juridictions du châtelet. Il y eut en 1674 réunion de l'office de lieutenant de police de 1667 avec celui de la même année 1674, en la personne de M. de la Reynie. Voilà donc un tribunal de police érigé dans la capitale, et isolé de tout autre.

Après avoir conduit les choses où elles sont, il nous reste un mot à dire des officiers qui doivent concourir avec ce premier magistrat, à la conservation du bon ordre.

Les premiers qui se présentent sont les commissaires ; on peut voir à l'article COMMISSAIRE et dans le traité de M. de la Mare, l'origine de cet office, et les révolutions qu'il a souffertes. Je dirai seulement que très-anciennement les commissaires assistaient les magistrats du châtelet dans l'exercice de la police ; qu'il y avait 184 ans qu'ils étaient fixés au nombre de seize, par l'édit de Philippe de Valais, du 21 Avril 1337, lorsque François I. doubla ce nombre ; qu'on en augmenta encore le nombre ; que ce nombre fut ensuite réduit ; enfin qu'il fut fixé à 55. Je ne finirais point si j'entrais dans le détail de leurs fonctions : c'est ce qu'il faut voir dans le traité de M. de la Mare, pag. 220, tom. I. où cette énumération remplit plusieurs pages. On peut cependant les réduire à la conservation de la religion, à la pureté des mœurs, aux vivres et à la santé ; mais ces quatre tiges ont bien des branches.

Les commissaires sont aidés dans leurs fonctions par des inspecteurs, des exempts, des archers, etc. dont on peut voir leurs fonctions aux articles de ce Dictionnaire qui les concernent.

Quelques personnes désireraient peut-être que nous entrassions dans la police des autres peuples de l'Europe. Mais outre que cet examen nous ménerait trop loin, on y verrait à-peu-près les mêmes officiers sous des noms différents ; la même attention pour la tranquillité et la commodité de la vie des citoyens ; mais on ne la verrait nulle part peut-être poussée aussi loin que dans la capitale de ce royaume.

Je suis toutefois bien éloigné de penser qu'elle soit dans un état de perfection. Ce n'est pas assez que d'avoir connu les désordres, que d'en avoir imaginé les remèdes ; il faut encore veiller à ce que ces remèdes soient appliqués ; et c'est là la partie du problème qu'il semble qu'on ait négligée ; cependant sans elle, les autres ne sont rien.

Il en est du code de la police comme de l'amas des maisons qui composent la ville. Lorsque la ville commença à se former, chacun s'établit dans le terrain qui lui convenait, sans avoir aucun égard à la régularité ; et il se forma de là un assemblage monstrueux d'édifices que des siècles entiers de soins et d'attention pourront à peine débrouiller. Pareillement lorsque les sociétés se formèrent, on fit d'abord quelques lais, selon le besoin qu'on en eut ; le besoin s'accrut avec le nombre des citoyens, et le code se grossit d'une multitude énorme d'ordonnances sans suite, sans liaison, et dont le désordre ne peut être comparé qu'à celui des maisons. Nous n'avons de villes régulières que celles qui ont été incendiées ; et il semblerait que pour avoir un système de police bien lié dans toutes ses parties, il faudrait bruler ce que nous avons de recueilli. Mais ce remède, le seul bon, est peut-être encore impraticable. Cependant une expérience que chacun est à portée de faire, et qui démontre combien notre police est imparfaite, c'est la difficulté que tout homme de sens rencontre à remédier d'une manière solide, au moindre inconvénient qui survient. Il est facîle de publier une loi ; mais quand il s'agit d'en assurer l'exécution, sans augmenter les inconvéniens, on trouve qu'il faut presque tout bouleverser de fond en comble.

POLICE, (Jurisprudence) les François ont conservé le même ordre que les Romains ; ils ont comme eux établi différents magistrats pour maintenir une bonne police dans le royaume, et en particulier dans chaque ville.

Mais au lieu que les payens se proposaient pour premier objet de la police, la conservation de la vie naturelle, les premiers empereurs chrétiens, et nos rois après eux, ont rapporté le premier objet de la police à la religion.

La police est exercée dans les justices seigneuriales par les juges des seigneurs, et autres officiers établis à cet effet.

L'édit de Cremieu, du 19 Juin 1536, avait attribué la police en première instance aux prevôts royaux dans l'étendue de leurs prevôtés.

Il fut ordonné par l'article 72 de l'ordonnance de Moulins, que dans les villes on élirait des bourgeois tous les ans ou tous les six mois, pour veiller à la police sous la juridiction des juges ordinaires ; et que ces bourgeois pourraient condamner en l'amende jusqu'à 60 sols sans appel.

Des édits postérieurs ordonnèrent de tenir des assemblées fréquentes dans les villes, pour déliberer avec les notables sur les règlements qu'il convenait faire ; mais les inconvénients qui en résultaient firent abroger ces assemblées.

La police était exercée à Paris en première instance par les lieutenans civil et criminel du châtelet, qui avaient souvent des contestations pour leur compétence dans ces matières.

Il arrivait la même chose entre les officiers des bailliages, ceux des prevôtés royales, les juges des seigneurs, et les juges municipaux.

Par édit du mois de Mars 1667, il fut créé un lieutenant général de police pour Paris ; et par un autre édit du mois d'Octobre 1699, il en fut créé de même pour les autres villes.

Dans celles où il y a un juge royal et quelque justice seigneuriale, la police générale appartient au juge royal seul ; et pour la police particulière dans la justice seigneuriale, le juge royal a la prévention. Edit du mois de Décembre 1666.

Outre les lieutenans généraux de police, il y a dans quelques villes des procureurs du roi de police, des commissaires de police, des inspecteurs de police, et des huissiers particuliers pour la police.

Un des principaux soins du magistrat de police, est de faire publier les règlements de police ; il peut lui-même en faire, pourvu qu'il n'y ait rien de contraire à ceux qui sont émanés d'une autorité supérieure ; il est préposé pour tenir la main à l'exécution des règlements.

Il est aidé dans ses fonctions par les commissaires de police, et autres officiers. Voyez COMMISSAIRES.

Les soins de la police peuvent se rapporter à onze objets principaux ; la religion, la discipline des mœurs, la santé, les vivres, la sûreté et la tranquillité publique, la voirie, les Sciences et les Arts libéraux, le Commerce, les Manufactures et les Arts mécaniques, les serviteurs domestiques, les manouvriers, et les pauvres.

Les fonctions de la police par rapport à la religion, consistent à ne rien souffrir qui lui soit préjudiciable, comme d'écarter toutes les fausses religions et pratiques superstitieuses ; faire rendre aux lieux saints le respect qui leur est dû ; faire observer exactement les dimanches et les fêtes ; empêcher pendant le carême la vente et distribution des viandes défendues ; faire observer dans les processions et autres cérémonies publiques, l'ordre et la décence convenable ; empêcher les abus qui se peuvent commettre à l'occasion des confrairies et pélerinages ; enfin, veiller à ce qu'il ne se fasse aucuns nouveaux établissements, sans y avoir observé les formalités nécessaires.

La discipline des mœurs, qui fait le second objet de la police, embrasse tout ce qui est nécessaire pour réprimer le luxe, l'ivrognerie, et la fréquentation des cabarets à des heures indues, l'ordre convenable pour les bains publics, pour les spectacles, pour les jeux, pour les loteries, pour contenir la licence des femmes de mauvaise vie, les jureurs et blasphémateurs, et pour bannir ceux qui abusent le public sous le nom de magiciens, devineurs, et pronostiqueurs.

La santé, autre objet de la police, l'oblige d'étendre ses attentions sur la conduite des nourrices et des recommandaresses, sur la salubrité de l'air, la propreté des fontaines, puits et rivières, la bonne qualité des vivres, celle du vin, de la bière, et autres boissons, celle des remèdes ; enfin, sur les maladies épidémiques et contagieuses.

Indépendamment de la bonne qualité des vivres, la police a encore un autre objet à remplir pour tout ce qui a rapport à la conservation et au débit de cette partie du nécessaire ; ainsi la police veille à la conservation des grains lorsqu'ils sont sur pied ; elle prescrit des règles aux moissonneurs, glaneurs, laboureurs, aux marchands de grain, aux blatiers, aux mesureurs-porteurs de grains, meuniers, boulangers ; il y a même des lois particulières pour ce qui concerne les grains en temps de cherté.

La police étend pareillement ses attentions sur les viandes, et relativement à cet objet sur les pâturages, sur les bouchers, sur les chaircuitiers, sur ce qui concerne le gibier et la volaille.

La vente du poisson, du lait, du beurre, du fromage, des fruits et légumes, sont aussi soumises aux lois de la police.

Il en est de même de la composition et le débit des boissons, de la garde des vignobles, de la publication du ban de vendanges, et de tout ce qui concerne la profession des Marchands de vin, des Brasseurs et Distillateurs.

La voierie qui est l'objet de la police, embrasse tout ce qui concerne la solidité et la sûreté des bâtiments, les règles à observer à cet égard par les Couvreurs, Mâçons, Charpentiers, Plombiers, Serruriers, Menuisiers.

Les précautions que l'on doit prendre au sujet des périls éminens ; celles que l'on prend contre les incendies ; les secours que l'on donne dans ces cas d'accidents ; les mesures que l'on prend pour la conservation des effets des particuliers, sont une des branches de la voierie.

Il en est de même de tout ce qui a rapport à la propreté des rues, comme l'entretien du pavé, le nettoyement ; les obligations que les habitants et les entrepreneurs du nettoyement, ont chacun à remplir à cet égard le nettoyement des places et marchés, les égouts, les voiries, les inondations ; tout cela est du ressort de la police.

Elle ne néglige pas non plus ce qui concerne l'embellissement et la décoration des villes, les places vides, l'entretien des places publiques, la saillie des bâtiments, la liberté du passage dans les rues.

Ses attentions s'étendent aussi sur tous les voituriers de la ville ou des environs, relativement à la ville, sur l'usage des carosses de place, sur les charretiers et bateliers-passeurs d'eau, sur les chemins, ponts et chaussées de la ville et fauxbourgs et des environs, sur les postes, chevaux de louage, et sur les messageries.

La sûreté et la tranquillité publique, qui font le sixième objet de la police, demandent qu'elle prévienne les cas fortuits et autres accidents ; qu'elle empêche les violences, les homicides, les vols, larcins, et autres crimes de cette nature.

C'est pour procurer cette même sûreté et tranquillité, que la police oblige de tenir les portes des maisons closes passé une certaine heure ; qu'elle défend les ventes suspectes et clandestines ; qu'elle écarte les vagabonds et gens sans aveu ; défend le port d'armes aux personnes qui sont sans qualité pour en avoir ; qu'elle prescrit des règles pour la fabrication et le débit des armes, pour la vente de la poudre à canon et à giboyer.

Ce n'est pas tout encore ; pour la tranquillité publique, il faut empêcher les assemblées illicites, la distribution des écrits séditieux, scandaleux, et diffamatoires, et de tous les livres dangereux.

Les magistrats de police ont aussi inspection sur les auberges, hôtelleries, et chambres garnies, pour savoir ceux qui s'y retirent.

Le jour fini, il faut encore pourvoir à la tranquillité et sûreté de la ville pendant la nuit ; les cris publics doivent cesser à une certaine heure, selon les différents temps de l'année : les gens qui travaillent du marteau ne doivent commencer et finir qu'à une certaine heure ; les soldats doivent se retirer chacun dans leur quartier quand on bat la retraite ; enfin, le guet et les patrouilles bourgeoises et autres veillent à la sûreté des citoyens.

En temps de guerre, et dans les cas de trouble et émotion populaire, la police est occupée à mettre l'ordre, et à procurer la sûreté et la tranquillité.

Les Sciences et les Arts libéraux, qui font le septième objet de la police, demandent qu'il y ait un ordre pour les universités, colléges et écoles publiques, pour l'exercice de la Médecine et de la Chirurgie, pour les Sages-femmes, pour l'exercice de la Pharmacie, et pour le débit des remèdes particuliers, pour le commerce de l'Imprimerie et de la Librairie, pour les estampes, pour les colporteurs, et généralement pour tout ce qui peut intéresser le public dans l'exercice des autres sciences et arts libéraux.

Le Commerce qui fait le huitième objet de la police, n'est pas moins intéressant : il s'agit de régler les poids et mesures, et d'empêcher qu'il ne soit commis aucune fraude par les marchands, commissionnaires, agens de change ou de banque, et par les courtiers de marchandises.

Les manufactures et les arts mécaniques font un objet à part : il y a des règlements particuliers concernant les manufactures particulières ; d'autres concernant les manufactures privilégiées : il y a aussi une discipline générale à observer pour les arts mécaniques.

Les serviteurs, domestiques et manouvriers, font aussi un des objets de la police, soit pour les contenir dans leur devoir, soit pour leur assurer le payement de leurs salaires.

Enfin, les pauvres honteux, les pauvres malades ou invalides, qui font le dernier objet de la police, excitent aussi ses soins, tant pour dissiper les mendiants valides, que pour le renfermement de ceux qui sont malades ou infirmes, et pour procurer aux uns et aux autres les secours légitimes.

Nous passerions les bornes de cet ouvrage, si nous entreprenions de détailler ici toutes les règles que la police prescrit par rapport à chacun de ces différents objets. Pour s'instruire plus à fond de cette matière, on peut consulter l'excellent traité de la Police, du commissaire de la Mare, continué par M. le Clerc du Brillet, et le code de la Police, de M. Duchesne, lieutenant général de police à Vitry le Français. (A)

POLICE, en terme de Commerce, se prend pour les ordonnances, statuts et règlements dressés pour le gouvernement et discipline des corps des marchands et des communautés des arts et métiers, et pour la fixation des taux et prix des vivres et denrées qui arrivent dans les halles et marchés, soit dans les halles et marchés, soit dans les ports des grandes villes, ou qui se débitent à la suite de la cour, et dans les camps et armées.

Police se dit encore des conditions dont les contractants conviennent ensemble pour certaines sortes d'affaires ; ce qui pourtant n'a guère lieu que dans le commerce ; en ce sens on dit une police d'assurance, et presque dans le même sens, une police de chargement. Voyez POLICE D'ASSURANCE et POLICE DE CHARGEMENT.

Police signifie aussi quelquefois un état, un tarif, sur lequel certaines choses doivent se régler. C'est de ces sortes de polices qu'ont les Fondeurs de caractères d'Imprimerie, pour fixer le nombre des caractères que chaque corps et fonte de lettres doivent avoir. Voyez POLICE en terme de Fondeur. Dict. du Commerce.

POLICE D'ASSURANCE, terme de Commerce de mer. C'est un contrat ou convention, par lequel un particulier que l'on appelle assureur, se charge des risques qui peuvent arriver à un vaisseau, à ses agrès, apparaux, victuailles, marchandises, soit en tout, soit en partie, suivant la convention qu'ils en font avec les assurés, et moyennant la prime qui lui en est par eux payée comptant. Voyez ASSURE, ASSUREUR et PRIME.

Le terme de police en ce sens est dérivé de l'espagnol polica, qui signifie cédule ; et celui-ci est venu des Italiens et des Lombards, et peut-être originairement du latin pollicitatio, promesse. Ce sont les négociants de Marseille qui l'ont mis en usage dans le commerce parmi nous.

Autrefois on faisait des polices simplement de parole qu'on appelle police de confiance, parce qu'on supposait que l'assureur les écrivait sur son livre de raison ; mais maintenant on les fait toujours par écrit. Voyez ASSURANCE.

On trouve dans le Dictionnaire de Commerce de Savari, de qui nous empruntons ceci, tout ce qui concerne les polices d'assurance à Amsterdam tant sur les marchandises que pour la liberté des personnes, avec la forme ordinaire de ces sortes de conventions. Voyez cet ouvrage.

POLICE DE CHARGEMENT, terme de Commerce de mer, qui signifie la même chose sur la Méditerranée que connaissement sur l'Océan. C'est la reconnaissance des marchandises qui sont chargées dans un vaisseau. Elle doit être signée par le maître ou par l'écrivain du bâtiment. Voyez CONNOISSEMENT. Dictionnaire de Commerce.

Police signifie aussi billet de change ; mais ce terme n'est en usage que sur mer ou sur les côtes. Voyez BILLET DE CHANGE. Dictionnaire de Comm.

POLICE, (Fonderie de caractères d'Imprimerie) elle sert pour connaître la quantité qu'il faut de chaque lettre en particulier, pour faire un caractère complet et propre à imprimer un livre. Cette police est un état de toutes les lettres servant à l'impression, où est marqué la quantité qu'il faut de chacune d'elles relative à leur plus ou moins d'usage, et à la quantité de livres pesant que l'Imprimeur voudra avoir de caractère.

Il demandera, par exemple, un caractère de cicéro propre à composer quatre feuilles, ce qui fera huit formes. Pour cet effet on fera une fonte dont le nombre de toutes les lettres montera à cent mille, qui peseront trois cent vingt à trois cent trente livres, qui, avec les quadrats et espaces, feront environ quatre cent livres, parce que la feuille est estimée cent livres. Pour remplir ce nombre de 100000 lettres, on fera cinq mille a, mille b, trois mille c, dix mille e, six cent &, deux mille virgules, trois cent A capitaux, deux cent de chaque des chiffres, et ainsi des autres lettres à proportion.