S. m. (Droit naturel, Religion, Morale) en latin officium. Le devoir est une action humaine exactement conforme aux lois qui nous en imposent l'obligation.

On peut considérer l'homme, ou comme créature de Dieu, ou comme doué par son Créateur de certaines facultés, tant du corps que de l'âme, desquelles l'effet est fort différent, selon l'usage qu'il en fait ; ou enfin comme porté et nécessité même par sa condition naturelle, à vivre en société avec ses semblables.

La première relation est la source propre de tous les devoirs de la loi naturelle, qui ont Dieu pour objet, et qui sont compris sous le nom de religion naturelle. Il n'est pas nécessaire de supposer autre chose : un homme qui serait seul dans le monde, devrait et pourrait pratiquer ces devoirs, du moins les principaux, d'où découlent tous les autres.

La seconde relation nous fournit par elle-même tous les devoirs qui nous regardent nous-mêmes, et que l'on peut rapporter à l'amour propre, ou, pour ôter toute équivoque, à l'amour de soi-même. Le Créateur étant tout sage, tout bon, s'est proposé sans contredit, en nous donnant certaines facultés du corps et de l'âme, une fin également digne de lui, et conforme à notre propre bonheur. Il veut donc que nous fassions de ces facultés un usage qui réponde à leur destination naturelle. De-là nait l'obligation de travailler à notre propre conservation, sans quoi nos facultés nous seraient fort inutiles ; et ensuite de les cultiver et perfectionner autant que le demande le but pour lequel elles nous ont été données. Un homme qui se trouverait jeté dans une île déserte, sans espérance d'en sortir et d'y avoir jamais aucun compagnon, ne serait pas plus autorisé par-là à se tuer, à se mutiler ou à s'ôter l'usage de la raison, qu'à cesser d'aimer Dieu et de l'honorer.

La troisième et dernière relation est le principe des devoirs de la loi naturelle, qui se rapportent aux autres hommes. Quand je pense que Dieu a mis au monde des êtres semblables à moi, qu'il nous a tous faits égaux ; qu'il nous a donné à tous une forte inclination de vivre en société, et qu'il a disposé les choses de telle manière qu'un homme ne peut se conserver ni subsister sans le secours de ses semblables, j'infère de-là que Dieu, notre créateur et notre père commun, veut que chacun de nous observe tout ce qui est nécessaire pour entretenir cette société, et la rendre également agréable aux uns et aux autres.

Ce principe de la sociabilité est, je l'avoue, le plus étendu et le plus fécond ; les deux autres même viennent s'y joindre ensuite, et y trouvent une ample matière de s'appliquer : mais il ne s'ensuit point de-là qu'on doive les confondre et les faire dépendre de la sociabilité, comme s'ils n'avaient pas leur force propre et indépendante. Tout ce qu'on doit dire, c'est qu'ici, comme par-tout ailleurs, la sagesse de Dieu a mis une très-grande liaison entre toutes les choses qui servent à ses fins.

La nature humaine ainsi envisagée, nous découvre la volonté du Créateur, qui est le fondement de l'obligation où nous sommes de suivre les règles renfermées dans ces trois grands principes de nos devoirs. L'utilité manifeste que nous trouvons ensuite dans leur pratique, c'est un motif, et un motif très-puissant pour nous engager à les remplir.

Dans cette espèce de subordination qui se rencontre entre les trois grands principes de la loi naturelle, que je viens d'établir, s'il se trouve, comme il arrive quelquefois, qu'on ne puisse pas en même temps s'acquitter des devoirs qui émanent de chacun, voici, ce me semble, la manière dont on doit régler entre eux la préférence en ces cas-là. 1°. Les devoirs de l'homme envers Dieu l'emportent toujours sur tous les autres. 2°. Lorsqu'il y a une espèce de conflit entre deux devoirs d'amour de soi-même, ou deux devoirs de sociabilité, il faut donner la préférence à celui qui est accompagné d'un plus grand degré d'utilité, c'est-à-dire qu'il faut voir si le bien que l'on se procurera, ou que l'on procurera aux autres en pratiquant l'un de ces deux devoirs, est plus considérable que le bien qui reviendra ou à nous ou à autrui de l'omission de ce devoir, auquel on ne saurait satisfaire sur l'heure sans manquer à l'autre. 3°. Si, toutes choses d'ailleurs égales, il y a du conflit entre un devoir d'amour de soi-même, et un devoir de sociabilité, soit que ce conflit arrive par le fait d'autrui, ou non, alors l'amour de soi-même doit l'emporter ; mais s'il s'y trouve de l'inégalité, alors il faut donner la préférence à celui de ces deux sortes de devoirs qui est accompagné d'un plus grand degré d'utilité. Entrons maintenant dans le détail des trois classes générales sous lesquelles j'ai dit que tous nos devoirs étaient renfermés : ce sera faire avec le lecteur un cours abrégé de Morale dans un seul article, il aurait tort de s'y refuser.

Les devoirs de l'homme envers Dieu, autant qu'on peut les découvrir par les seules lumières de la raison, se réduisent en général à la connaissance et au culte de cet être souverain. Voyez DIEU. Voyez aussi CULTE.

Les devoirs de l'homme par rapport à lui-même, découlent directement et immédiatement de l'amour de soi-même, qui oblige l'homme non-seulement à se conserver autant qu'il le peut, sans préjudice des lois de la religion et de la sociabilité, mais encore à se mettre dans le meilleur état qu'il lui est possible, pour acquérir tout le bonheur dont il est capable ; étant composé d'une âme et d'un corps, il doit prendre soin de l'une et de l'autre.

Le soin de l'âme se réduit en général à se former l'esprit et le cœur ; c'est-à-dire à se faire des idées droites du juste prix des choses qui excitent ordinairement nos idées ; à les bien régler, et à les conformer aux maximes de la droite raison et de la religion : c'est à quoi tous les hommes sont indispensablement tenus. Mais il y a encore une autre sorte de culture de l'âme, qui, quoiqu'elle ne soit pas absolument nécessaire pour se bien acquitter des devoirs communs à tous les hommes, est très-propre à orner et perfectionner nos facultés, et à rendre la vie plus douce et plus agréable : c'est celle qui consiste dans l'étude des Arts et des Sciences. Il y a des connaissances nécessaires à tout le monde, et que chacun doit acquérir ; il y en a d'utiles à tout le monde, il y en a qui ne sont nécessaires ou utiles qu'à certaines personnes, c'est-à-dire à ceux qui ont embrassé un certain art ou une certaine science. Il est clair que chacun doit rechercher et apprendre non-seulement ce qui est nécessaire à tous les hommes, mais encore à son métier ou à sa profession.

Les devoirs de l'homme par rapport aux soins du corps, sont d'entretenir et d'augmenter les forces naturelles du corps, par des aliments et des travaux convenables ; d'où l'on voit clairement les excès et les vices qu'il faut éviter à cet égard. Le soin de se conserver renferme les justes bornes de la légitime défense de soi-même, de son honneur et de ses biens. Voyez DEFENSE DE SOI-MEME, HONNEUR.

Je passe aux devoirs de l'homme par rapport à autrui, et je les déduirai plus au long. Ils se réduisent en général à deux classes : l'une de ceux qui sont uniquement fondés sur les obligations mutuelles, où sont respectivement tous les hommes considérés comme tels : l'autre de ceux qui supposent quelque établissement humain, soit que les hommes l'aient eux-mêmes formé, ou qu'ils l'aient adopté, ou bien un certain état accessoire, c'est-à-dire un état où l'on est mis en conséquence de quelque acte humain, soit en naissant, ou après être né : tel est, par exemple, celui où est un père et son enfant, l'un par rapport à l'autre ; un mari et sa femme ; un maître et son serviteur ; un souverain et son sujet.

Les premiers devoirs sont tels que chacun doit les pratiquer envers tout autre, au lieu que les derniers n'obligent que par rapport à certaines personnes, et posé une certaine condition, ou une certaine situation. Ainsi on peut appeler ceux-ci des devoirs conditionnels, et les autres des devoirs absolus.

Le premier devoir absolu, ou de chacun envers tout autre, c'est de ne faire de mal à personne. C'est-là le devoir le plus général : car chacun peut l'exiger de son semblable en tant qu'homme, et doit le pratiquer ; c'est aussi le plus facile, car il consiste simplement à s'empêcher d'agir, ce qui ne coute guère, à moins qu'on ne se soit livré sans retenue à des passions violentes qui résistent aux plus vives lumières de la raison : c'est enfin le plus nécessaire ; car sans la pratique d'un tel devoir, il ne saurait y avoir de société entre les hommes. De ce devoir suit la nécessité de réparer le mal, le préjudice, le dommage que l'on aurait fait à autrui. Voyez DOMMAGE.

Le second devoir général absolu des hommes, est que chacun doit estimer et traiter les autres comme autant d'êtres qui lui sont naturellement égaux, c'est-à-dire qui sont aussi-bien hommes que lui, car il s'agit ici d'une égalité naturelle ou morale. Voyez ÉGALITE.

Le troisième devoir général respectif des hommes considérés comme membres de la société, est que chacun doit contribuer autant qu'il le peut commodément à l'utilité d'autrui. On peut procurer l'avantage d'autrui d'une infinité de manières différentes, et dont plusieurs sont indispensables. On doit même aux autres des devoirs, qui sans être nécessaires pour la conservation du genre humain, servent cependant à la rendre plus belle et plus heureuse. Tels sont les devoirs de la compassion, de la libéralité, de la bénéficence, de la reconnaissance, de l'hospitalité, en un mot, tout ce que l'on comprend d'ordinaire sous le nom d'humanité ou de charité, par opposition à la justice rigoureuse, proprement ainsi nommée, dont les devoirs sont le plus souvent fondés sur quelque convention. Mais il faut bien remarquer que dans une nécessité extrême, le droit imparfait que donnent les lois de la charité, se change en droit parfait ; de sorte qu'on peut alors se faire rendre par force, ce qui, hors un tel cas, devrait être laissé à la conscience et à l'honneur de chacun. Voyez COMPASSION, LIBERALITE, RECONNOISSANCE, HOSPITALITE, HUMANITE.

Les devoirs conditionnels de l'homme envers ses semblables, sont tous ceux où l'on entre de soi-même avec les autres par des engagements volontaires, exprès, ou tacites. Le devoir général que la loi naturelle prescrit ici, c'est que chacun tienne inviolablement sa parole, ou qu'il effectue ce à quoi il s'est engagé par une promesse ou par une convention. Voyez PROMESSE, CONVENTION.

Il y a plusieurs établissements humains sur lesquels sont fondés les devoirs conditionnels de l'homme par rapport à autrui. Les principaux de ces établissements sont l'usage de la parole, la propriété des biens, et le prix des choses.

Afin que l'admirable instrument de la parole soit rapporté à son légitime usage, et au dessein du Créateur, on doit tenir pour une maxime inviolable de devoir, de ne tromper personne par des paroles, ni par aucun autre signe établi pour exprimer nos pensées. On voit par-là combien la véracité est nécessaire, le mensonge blâmable, et les restrictions mentales, criminelles. Voyez VERACITE, MENSONGE, RESTRICTION MENTALE.

Les devoirs qui résultent de la propriété des biens considérée en elle-même, et de ce à quoi est tenu un possesseur de bonne soi, sont ceux-ci, 1°. chacun est indispensablement tenu envers tout autre, excepté le cas de la guerre, de le laisser jouir paisiblement de ses biens, et de ne point les endommager, faire périr, prendre, ou attirer à soi, ni par violence, ni par fraude, ni directement, ni indirectement. Par-là sont défendus le larcin, le vol, les rapines, les extorsions, et autres crimes semblables qui donnent quelque atteinte aux droits que chacun a sur son bien. Voyez LARCIN, etc. Si le bien d'autrui est tombé entre nos mains, sans qu'il y ait de la mauvaise foi, ou aucun crime de notre part, et que la chose soit encore en nature, il faut faire ensorte, autant qu'en nous est, qu'elle retourne à son légitime maître Voyez PROPRIETE, POSSESSEUR.

Les devoirs qui concernent le prix des choses, se déduisent aisément de la nature et du but des engagements libres où l'on entre, il est donc inutîle de nous y arrêter. Voyez ENGAGEMENT.

Parcourons maintenant en peu de mots les devoirs des états accessoires, et commençons par ceux du mariage qui est la première ébauche de la société, et la pépinière du genre humain. Le but de cette étroite union demande que les conjoints partagent les mêmes sentiments d'affection, les biens et les maux qui leur arrivent, l'éducation de leurs enfants, et le soin des affaires domestiques ; qu'ils se consolent et se soulagent dans leurs malheurs ; qu'ils aient une condescendance et une déférence mutuelle ; en un mot, qu'ils mettent en œuvre tout ce qui peut perpétuer d'heureuses chaînes, ou adoucir l'amertume d'un hymen mal assorti. Voyez MARIAGE, MARI, FEMME.

Du mariage viennent des enfants ; de-là naissent des devoirs réciproques entre les pères et mères et leurs enfants. Un père et une mère doivent nourrir et entretenir leurs enfants également et aussi commodément qu'il leur est possible, former le corps et l'esprit des uns et des autres sans aucune préférence par une bonne éducation qui les rende utiles à leur patrie, gens de bien et de bonnes mœurs. Ils doivent leur faire embrasser de bonne heure une profession honnête et convenable, établir et pousser leur fortune suivant leurs moyens, etc. Voyez PERE, MERE.

Les enfants de leur côté sont tenus de chérir, d'honorer, de respecter des pères et mères auxquels ils ont de si grandes obligations ; leur obéir, leur rendre avec zèle tous les services dont ils sont capables, les assister lorsqu'ils se trouvent dans le besoin ou dans la vieillesse ; prendre leurs avis et leurs conseils dans les affaires importantes, sur lesquelles ils ont des lumières et de l'expérience ; enfin, de supporter patiemment leur mauvaise humeur, et les défauts qu'ils peuvent avoir, etc.

Les devoirs accessoires réciproques de ceux qui servent et de ceux qui se font servir, sont de la part des premiers le respect, la fidélité, l'obéissance aux commandements qui n'ont rien de mauvais ni d'injuste, ce qui se sous-entend toujours en parlant de l'obéissance que les inférieurs doivent à leurs supérieurs, etc. Le maître doit les nourrir, leur fournir le nécessaire, tant en santé qu'en maladie, avoir égard à leurs forces et à leur adresse naturelle pour ne pas exiger les travaux qu'ils ne sauraient supporter, etc. Voyez MAITRE, SERVITEUR. Pour ce qui est des esclaves, voyez ESCLAVE.

Il me semble qu'il n'y a point d'avantages ni d'agréments que l'on ne puisse trouver dans la pratique des devoirs dont nous avons traité jusqu'ici, et dans les trois accessoires dont nous venons d'expliquer la nature et les engagements réciproques ; mais comme les hommes ont formé des corps politiques, ou des sociétés civiles, qui est le quatrième des états accessoires, ces sociétés civiles reconnaissent un souverain et des sujets qui ont respectivement des devoirs à remplir.

La règle générale qui renferme tous les devoirs du souverain, est le bien du peuple. Les devoirs particuliers sont, 1°. former les sujets aux bonnes mœurs : 2°. établir de bonnes lois : 3°. veiller à leur exécution : 4°. garder un juste tempérament dans la détermination et dans la mesure des peines : 5°. confier les emplois publics à des gens de probité et capables de les gérer : 6°. exiger les impôts et les subsides d'une manière convenable, et ensuite les employer utilement : 7°. procurer l'entretien et l'augmentation des biens des sujets : 8°. empêcher les factions et les cabales : 9°. se précautionner contre les invasions des ennemis. Voyez SOUVERAIN.

Les devoirs des sujets sont ou généraux, ou particuliers : les premiers naissent de l'obligation commune où sont tous les sujets en tant que soumis à un même gouvernement, et membres d'un même état.

Les devoirs particuliers résultent des divers emplois dont chacun est chargé par le souverain.

Les devoirs généraux des sujets ont pour objet, ou les conducteurs de l'état, ou tout le corps de l'état, ou les particuliers d'entre leurs concitoyens.

A l'égard des conducteurs de l'état, tout sujet leur doit le respect, la fidélité, et l'obéissance que demande leur caractère : par rapport à tout le corps de l'état, un bon citoyen doit préferer le bien public à toute autre chose, y sacrifier ses richesses, et sa vie même s'il est besoin. Le devoir d'un sujet envers ses concitoyens, consiste à vivre avec eux autant qu'il lui est possible en paix et en bonne union. Voyez SUJET.

Les devoirs particuliers des sujets sont encore attachés à certains emplois, dont les fonctions influent ou sur tout le gouvernement de l'état, ou sur une partie seulement : il y a une maxime générale pour les uns et les autres, c'est de n'aspirer à aucun emploi public, même de ne point l'accepter lorsqu'on ne se sent point capable de le remplir dignement. Mais voici les principaux devoirs qui sont propres aux personnes revêtues des emplois les plus considérables.

Un ministre d'état doit s'attacher à connaître les affaires, les intérêts du gouvernement, et en particulier de son district, se proposer dans tous ses conseils le bien public, et non pas son intérêt particulier, ne rien dissimuler de ce qu'il faut découvrir, et ne rien découvrir de ce qu'il faut cacher, etc. Les ministres de la religion doivent se borner aux fonctions de leur charge ; ne rien enseigner qui ne leur paraisse vrai, instruire le peuple de ses devoirs, ne point déshonorer leur caractère, ou perdre le fruit de leur ministère par des mœurs vicieuses, etc. Les magistrats et autres officiers de justice, doivent la rendre aux petits et aux pauvres aussi exactement qu'aux grands et aux riches ; protéger le peuple contre l'oppression, ne se laisser corrompre ni par des présents, ni par des sollicitations ; juger avec mesure et connaissance, sans passion ni préjugé ; empêcher les procès, ou du moins les terminer aussi promptement qu'il leur est possible, etc. Les généraux et autres officiers de guerre doivent maintenir la discipline militaire, conserver les troupes qu'ils commandent, leur inspirer des sentiments conformes au bien public, ne chercher jamais à gagner leur affection au préjudice de l'état de qui ils dépendent, etc. Les soldats doivent se contenter de leur paye, défendre leur poste, préférer dans l'occasion une mort honorable à une fuite honteuse. Les ambassadeurs et ministres auprès des puissances étrangères doivent être prudents, circonspects, fidèles à leur secret et à l'intérêt de leur souverain, inaccessibles à toutes sortes de corruptions, etc.

Tous ces devoirs particuliers des sujets que je viens de nommer, finissent avec les charges publiques, d'où ils découlent : mais pour les devoirs généraux, ils subsistent toujours envers tel, ou tel état, tant qu'on en est membre.

L'on voit par ce détail qu'il n'est point d'action dans la société civîle qui n'ait ses obligations et ses devoirs, et l'on est plus ou moins honnête homme, disait Ciceron, à proportion de leur observation ou de leur négligence. Mais comme ces obligations ont paru trop gênantes à notre siècle, il a jugé à-propos d'en alléger le poids et d'en changer la nature. Dans cette vue, nous avons insensiblement altéré la signification du mot de devoir pour l'appliquer à des mœurs, des manières, ou des usages frivoles, dont la pratique aisée nous tient lieu de morale. Nous sommes convenus de substituer des oboles aux pièces d'or qui devraient avoir cours.

Il est arrivé de-là que les devoirs ainsi nommés chez les grands, et qui font chez eux la partie la plus importante de l'éducation, ne consiste guère que dans des soins futiles, des apparences d'égard et de respect pour les supérieurs, des règles de contenance ou de politesse, des compliments de bouche ou par écrit, des modes vaines, des formalités puériles et autres sottises de cette espèce que l'on inculque tant aux jeunes gens, qu'ils les regardent à la fin comme les seules actions recommandables, à l'observation desquelles ils soient réellement tenus. Les devoirs du beau sexe en particulier sont aussi faciles qu'agréables à suivre. " Tous ceux qu'on nous impose (écrivait il n'y a pas longtemps l'ingénieuse Zilia, dans ses Lett. Péruv.) se réduisent à entrer en un jour dans le plus grand nombre de maisons qu'il est possible, pour y rendre et y recevoir un tribut de louanges réciproques sur la beauté du visage, de la coiffure, et de la taille, sur l'exécution du goût et du choix des parures. "

Il fallait bien que les devoirs de ce genre fissent fortune ; parce qu'outre qu'ils tirent leur origine de l'oisiveté et du luxe, ils n'ont rien de pénible ; et sont extrémement loués : mais les vrais devoirs qui procedent de la loi naturelle et du christianisme coutent à remplir, combattent sans-cesse nos passions et nos vices ; et pour surcrait de dégout, leur pratique n'est pas suivie de grands éloges. Article de M(D.J.)

DEVOIR, (Jurisprudence) signifie quelquefois office ou engagement. C'est ainsi qu'en droit on dit, qu'il est du devoir des pères de doter les filles, officium paternum dotare filias. (A)

DEVOIR, se dit aussi des engagements du vassal envers son seigneur, comme de lui faire la foi et hommage, fournir son aveu et dénombrement, etc. (A)

DEVOIR, se prend encore pour redevance seigneuriale ou emphytéotique. On dit, en pays de Droit écrit, qu'un héritage est tenu sous le devoir annuel, cens, et servis d'une telle somme d'argent, ou d'une certaine quantité de grains. Voyez CENS, SERVIS, REDEVANCE. (A)

DEVOIR DE MONTIGNE, était un droit de péage qui se payait au tablier de la prevôté de Nantes, consistant en huit deniers monnaie de Bretagne, par escafe ou bateau chargé de plus de six muids de sel, venant tant de Bretagne que de Poitou, et arrivant par la rivière de Loire au port de la ville de Nantes. Ce droit était ainsi appelé, parce qu'il y en avait quatre deniers qui se percevaient au profit du seigneur de Montigné. Il fut supprimé par arrêt du conseil du 18 Janvier 1729. (A)

DEVOIR, Ve a. (Commerce) c'est être obligé envers quelqu'un par promesses, billets, lettres de change, même seulement de parole, pour l'acquit d'achat de marchandises, prêt d'argent, service rendu, ou autrement. Dict. de Comm. et de Trév. Voyez DETTE. (G)

DEVOIR, terme de Commerce et de Teneur de livres : parmi les livres dont les marchands se servent pour leur négoce, il y en a un entr'autres qu'on appelle le grand livre, qui se tient en débit et en crédit. Dans ce livre, la page à droite qui est pour le crédit, se marque par le mot avoir, et la page à gauche réservée au débit par le mot doit ; avec cette différence qu'avoir se met à la tête de tout son côté, et que doit suit du sien le nom du débiteur. Dict. de Commerce. (G)

DEVOIR, (Commerce) on nomme ainsi en Bretagne, particulièrement dans la prevôté de Nantes, les droits qui s'y lèvent pour le Roi, et les octrais qui appartiennent à la ville sur certaines espèces de marchandises. Il y en a de plusieurs sortes.

Le devoir du quarantième est un droit qui se paye sur les marchandises venant de la mer à Nantes, et allant de Nantes à la mer, en passant par Saint-Nazaire.

Le devoir de la vieille coutume se paye sur les blés.

Le devoir de quillage se lève sur les vaisseaux chargés desdits blés, pourvu qu'il y en ait plus de 10 tonneaux.

Le devoir de brieux est sur les blés amenés de dehors dans le comté de Nantes. Il y a aussi des devoirs de brieux sur les vaisseaux, qui se paient suivant leur charge. Voyez BRIEUX.

Le devoir de registre ou congé, se lève sur les vins.

Le devoir de guimple sur les sels venant de la mer au port de Nantes. Voyez GUIMPLE.

Les Anglais nomment aussi devoirs tous les droits qui se lèvent par autorité publique sur les marchandises, vaisseaux, etc. Voyez l'article DROITS. Dict. de Comm. et Chamb. (G)