S. m. (Jurisprudence) est celui qui a le domaine d'une chose mobiliaire ou immobiliaire, corporelle ou incorporelle, qui a droit d'en jouir et d'en faire ce que bon lui semble, même de la dégrader et détruire, autant que la loi le permet, à-moins qu'il n'en soit empêché par quelque convention ou disposition qui restraigne son droit de propriété.

Le droit du propriétaire est bien plus étendu que celui de l'usufruitier ; car celui-ci n'a que la simple jouissance, au lieu que le propriétaire peut uti et abuti re suâ quatenùs juris ratio patitur.

Ainsi le propriétaire d'un héritage peut changer l'état des lieux, couper les bois de haute-futaie, démolir les bâtiments, en faire de nouveaux, et fouiller dans l'héritage si avant qu'il juge à propos, pour en tirer de la marne, de l'ardoise, de la pierre, du plâtre, du sable, et autres choses semblables.

Le propriétaire d'un héritage jouit en cette qualité de plusieurs privilèges.

Le premier est que lorsqu'il vient d'acquérir l'héritage, il peut résilier le bail fait par son vendeur, quand même ce ne serait pas pour occuper en personne, et sans être tenu d'aucune indemnité envers le locataire, sauf le recours de celui-ci contre le vendeur, lib. XXV. §. 1. ff. locati, et l. IX. cod. de locato cond.

Le second privilège du propriétaire est qu'il peut évincer le locataire auquel il a lui-même passé bail, pourvu que ce soit pour occuper en personne ; c'est ce qu'on appelle le privilège de la loi oede, parce qu'il est fondé sur la loi 3 au code locato, qui commence par ce mot oede.

Ce privilège n'appartient qu'à celui qui est propriétaire de la totalité de la maison, et non à celui qui n'en a qu'une partie, même par indivis, à-moins qu'il n'ait le consentement par écrit de ses co-propriétaires.

Le locataire même de la totalité, ne jouit pas de ce droit.

Mais une mère tutrice de sa fille qui demeure avec elle, peut user de ce droit au nom de sa fille.

Ce privilège n'a lieu que pour les maisons, et non pour les fermes des champs.

Quand le propriétaire a expressément renoncé à ce privilège, il ne peut plus en user ni son héritier ; mais cela ne lie pas les mains de l'acquéreur, à moins que le propriétaire n'eut expressément affecté la propriété à l'execution du bail ; car en ce cas, le bail serait une charge réelle.

Le propriétaire qui use du privilège de la loi oede, doit une indemnité au locataire ; cette indemnité s'évalue ordinairement au tiers du loyer qui reste à écouler ; par exemple, s'il reste trois années à expirer, et que le loyer fût de 1000 livres par an, l'indemnité sera de 1000 livres.

Le troisième privilège du propriétaire est celui qu'il a pour être payé des loyers ou fermages à lui dû. par préférence aux autres créanciers.

Pour les loyers d'une maison il est préféré à tous créanciers, même aux frais funéraires, sur le prix des meubles dont le locataire a garni les lieux.

Ce privilège a lieu, quoique le propriétaire ne soit pas le premier saisissant, mais il faut qu'il ait formé son opposition avant que les meubles soyent vendus par justice. Coutume de Paris, article 171.

Le propriétaire n'est ainsi préféré que pour les trois derniers quartiers et le courant, à-moins que le bail n'ait été passé devant notaire ; auquel cas le privilège aurait lieu pour tous les loyers échus et à échoir.

Les meubles des sous-locataires ne sont obligés envers le propriétaire, que pour le loyer de la portion qu'ils occupent. Coutume de Paris, article 172.

La même coutume, article 171, autorise le propriétaire à faire procéder par voie de gagerie sur les meubles étant en sa maison, pour le louage à lui dû. Voyez GAGERIE et SAISIE.

Quand les meubles sont transportés hors de la maison, le propriétaire perd son privilège sur ces meubles.

Mais si les meubles ont été enlevés sans son consentement, il peut les revendiquer comme son gage, et les faire réintégrer dans la maison pour la sûreté de ses loyers.

Le droit romain ne donne de privilège au propriétaire d'une ferme de campagne pour être payé de ses fermages, que sur les fruits recueillis dans sa ferme.

Ce privilège sur les fruits a lieu, soit que le fermier exploite lui-même, ou qu'il ait subrogé une autre personne en sa place, ou qu'il ait sous-fermé.

Mais le droit romain ne donne au propriétaire de la ferme aucun privilège sur les meubles et ustensiles, qu'au cas qu'il ait été ainsi stipulé.

Cependant la coutume de Paris, article 171, accorde un privilège sur les meubles pour les fermes comme pour les maisons en faveur des propriétaires. Cette disposition étant singulière, ne doit point être admise dans les coutumes qui ne l'ordonnent point ainsi. Voyez au digeste le titre locati conducti, et au code le titre de locato conducto ; Louet et Brod. lettre f, tome IV. et Coquille, quest. et rép. art. 102 ; le Prêtre, arrêts de la cinquième et seconde cent. ch. lvij. Henrys, tome I. liv. IV. ch. VIe quest. 27. Journ. des aud. tome I. livre VIII. ch. xxv. et les mots ACHAT, BAIL, FERME, FERMAGE, LOYER. (A)