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Catégorie : Jurisprudence
ou LE JUGEMENT, (Jurisprudence) falsare judicium, ainsi que l'on s'exprimait dans la basse et moyenne latinité ; c'était soutenir qu'un jugement avait été rendu méchamment par des juges corrompus ou par haine, que le jugement était faux et déloyal.

Pour bien entendre ce que c'était que cette manière de procéder, il faut observer qu'anciennement en France on ne qualifiait pas d'appel la manière dont on attaquait un jugement ; on appelait cela fausser le jugement ou accusation de fausseté de jugement, ce qui se faisait par la bataille ou le duel, suivant le chap. IIIe des assises de Jérusalem qu'on tient avoir été rédigées l'an 1099.

Dans les chartes de commune du temps de Philippe Auguste, sous lequel les baillis et sénéchaux étaient répandus dans les provinces, on ne trouve point qu'il y soit mention de la voie d'appel, mais seulement d'accusation de fausseté de jugements et de duel ou gages de bataille pour prouver cette accusation ; en sorte que si les baillis s'entremettaient de la justice en parcourant les provinces, c'était officio judicis.

Il est parlé de l'accusation de fausseté du jugement dans une ordonnance de S. Louis, faite au parlement de la chandeleur en 1260, et insérée en ses établissements, liv. I. ch. VIe qui porte art. 8. que si aucun veut fausser le jugement au pays où il appartient, que jugement soit faussé (ce pays était sans-doute le pays coutumier), il n'y aura point de bataille ; mais que les clains ou actions, les respons, c'est-à-dire les défenses et les autres destrains de plet, seront apportés en la cour, que selon les errements du plet on fera dépecier le jugement ou tenir, et que celui qui sera trouvé en son tort, l'amendera selon la coutume de la terre.

Selon Beaumanoir, dans le chap. lxvij. de ses coutumes de Beauvaisis, pag. 337. à la fin, il était deux manières de fausser le jugement, desquels lieux des appiaux, c'est-à-dire appels, se devaient mener par gages ; c'était quand l'on ajoutait avec l'appel VILAIN CAS : l'autre se devait demener par ERREMENS, sur quoi li jugement avait été fait. Ne pourquant se len appelait de faux jugements des hommes qui jugeaient en la cour le comte, et li appelières (l'appelant) ne mettait en son appel VILAIN CAS, il était au choix de cheluy contre qui l'on voulait fausser jugement, de faire le jugement par gages devant le comte et devant son conseil, &c.

On voit par ce que dit cet auteur, que les jugements se faussaient, ou par défaut de droit, ou deni de justice, c'est-à-dire lorsqu'ils n'étaient pas rendus juridiquement, ou parce qu'ils étaient faussement rendus. Celui qui prenait cette dernière voie devait, comme dit Pierre de Fontaines en son conseil, chap. xxij. art. 19. prendre le seigneur à partie en lui disant : je fausse le mauvais jugement que vous m'avez fait par loyer que vous en avez eu ou promesse, &c.

Beaumanoir dit encore à ce sujet, pag. 315. que les appels qui étaient faits par défaut de droit, ne devaient être demenés par gages de bataille, mais par montrer raisons, parquoi le défaute de droit fut clair, et que ces raisons convenait il averer par tesmoins loyaux si elles étaient niées de celui qui était appelé de defaute de droit : mais que quand les tesmoins venaient pour témoigner en tel cas, de quelque partie que ils vinssent, ou pour l'appelant ou pour celui qui était appelé, celui contre qui ils voulaient témoigner pouvait, si il lui plaisait, lever le second témoin et lui mettre sus que il était faux et parjure, et qu'ainsi pouvaient bien naître gages de l'appel qui était fait sur défaut de droit, etc.

L'accusation de fausseté contre le jugement, était une espèce d'appelation interjetée devers le seigneur lorsque le jugement était faussé contre les jugeurs ; et dans ce cas le seigneur était tenu de nommer d'autres juges : mais si le seigneur lui-même était pris à partie, alors c'était une appelation à la cour supérieure.

On ne pouvait fausser le jugement rendu dans les justices royales. A l'égard de ceux qui étaient émanés des justices seigneuriales, il fallait fausser le jugement le jour même qu'il avait été rendu. C'est sans-doute par une suite de cet usage que l'on était autrefois obligé d'appeler illicò.

Celui qui était noble devait fausser le jugement ou le reconnaître bon ; s'il le faussait contre le seigneur, il devait demander à le combattre et renoncer à son hommage. S'il était vaincu, il perdait son fief : si au contraire il avait l'avantage, il était mis hors de l'obéissance de son seigneur.

Il n'était pas permis au roturier de fausser le jugement de son seigneur ; s'il le faussait, il payait l'amende de sa loi ; et si le jugement était reconnu bon, il payait en outre l'amende de 60 sous au seigneur, et une pareille amende à chacun des nobles ou possesseurs des fiefs qui avaient rendu le jugement.

Les règles que l'on suivait dans cette accusation, sont ainsi expliquées dans différents chapitres des établissements de S. Louis.

Defontaines, cha. XIIIe et xxiij. dit, que si aucun est qui a fait faux jugement en court, il a perdu repons. Voyez M. Ducange, sur les établissements de S. Louis, p. 162. (A)




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