S. m. (Jurisprudence) est un officier particulier des eaux et forêts, qui juge en première instance les délits et malversations qui se commettent dans les forêts.

L'institution des gruyers est aussi ancienne que le droit de grurie dont ils ont pris leur nom ; il en est fait mention dans les ordonnances dès le temps de la première race ; ils sont nommés gruarii custodes, saltuarii, viridarii, et en français verdiers, forestiers, maîtres-sergens : on leur donne encore ces différents noms selon l'usage des lieux.

Il en est aussi parlé dans une ordonnance de l'an 1318 ; il y a aussi une sentence du 22 Mars 1365, rendue par le maître-général des eaux et forêts du royaume, adressée au gruyer de Champagne et de Brie.

Le nom de gruyer était le titre que les ducs de Bourgogne et de Bretagne, et les comtes de Champagne, donnaient au principal officier chargé du gouvernement de leurs eaux et forêts.

Les ordonnances de 1346, Septembre 1402, et Mars 1515, défendirent aux gruyers d'avoir des lieutenans ; s'ils en avaient, ils en étaient responsables, à-moins qu'ils ne fussent officiers de la maison du roi ou des enfants de France.

Il y a deux sortes de gruyers ; les uns royaux, les autres seigneuriaux.

Les gruyers royaux ont été créés en titre d'office par édit du mois de Février 1554, suivant lequel ils doivent être reçus par le maître particulier dans le ressort duquel ils sont établis.

Les ordonnances de 1346, Juillet 1376, Mars 1388, Septembre 1402, Mars 1515, 1556, et d'Orléans en 1560, ordonnent de donner caution lors de leur réception.

Leurs offices ont été déclarés héréditaires par édit de Janvier 1583.

Par d'autres édits des mois de Mai, Aout, et Septembre 1645, il en fut créé d'alternatifs, triennaux et quatriennaux, qui furent supprimés par édit de Décembre 1663 et Avril 1667.

Au mois de Mars 1707, le roi créa un gruyer dans chaque justice des seigneurs ecclésiastiques et laïques ; mais par une déclaration du mois de Mai 1708, ces offices furent réunis aux justices des seigneurs ; ce qui a été confirmé et expliqué par la déclaration du 8 Janvier 1715.

Suivant l'ordonnance des eaux et forêts les gruyers royaux doivent avoir un lieu fixe pour y tenir leur siège à jour et heure certains chaque semaine, et doivent résider dans le détroit de leur grurie le plus près des bois que faire se peut, à peine de perte de leurs gages et d'interdiction.

Ils doivent aussi avoir un marteau particulier pour marquer les arbres de délit et les chablis.

Ils ne peuvent juger d'autres délits que ceux dont l'amende est fixée par les ordonnances à 12 liv. et au-dessous ; si elle excède ou qu'elle soit arbitraire, ils doivent renvoyer la cause en la maitrise du ressort, à peine de 500 liv. d'amende pour la première fais, et d'interdiction en cas de récidive.

Leur devoir est de visiter tous les quinze jours les eaux et forêts de leur grurie en la même forme que les officiers des maitrises.

Les sergens à garde doivent affirmer devant eux leurs rapports dans les vingt-quatre heures, à peine de nullité.

Ils ont un registre paraphé par le maître particulier, le lieutenant et procureur du roi, où ils transcrivent leurs visites, les rapports, affirmés devant eux, et autres actes de leur charge.

Faute d'avoir fait les diligences nécessaires, ils sont responsables des délits.

Tous les trois mois ils délivrent au procureur du roi en la maitrise, le rôle des amendes qu'ils ont prononcées, pour être par lui fourni au collecteur, à l'effet d'en faire le recouvrement.

Il leur est défendu, sous peine d'interdiction, de disposer des amendes, sauf au grand-maître à leur faire taxe pour leurs vacations.

L'appel des gruyers royaux ne peut être relevé directement en la table de marbre, mais en la maitrise, où il doit être jugé définitivement sur le champ.

Ces appelations doivent être relevées et poursuivies dans la quinzaine de la sentence, sinon elle s'exécute par provision ; et le mois écoulé sans appel ou sans poursuite, elle passe en force de chose jugée en dernier ressort.

Tous seigneurs hauts-justiciers ont droit de grurie, et leur juge est gruyer dans l'étendue de leur haute justice ; ce qui ne fait plus de difficulté depuis la déclaration du roi du 8 Janvier 1715.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que le droit de grurie a été accordé à des seigneurs ; car dans un règlement fait par Charles V. au mois d'Avril 1380, pour les pêcheurs de Nogent-sur-Seine, il est parlé du gruyer de la reine Jeanne, qui était dame de ce lieu ; et dans des lettres de Charles VI. du mois d'Octobre 1381, il est dit que le seigneur de Dourlemont en Champagne établira un gruyer auquel seront soumis les messiers et forestiers qui gardent ses bois. Il parait aussi qu'au-dessus de ces gruyers des seigneurs particuliers, il y avait un gruyer général pour toute la province : c'est ce que supposent des lettres de Charles VI. du mois de Janvier 1382, qui sont adressées au gruyer de Champagne.

Les gruyers seigneuriaux peuvent connaître de tous délits dans les eaux et forêts, à quelque somme que l'amende puisse monter ; en quoi leur pouvoir est beaucoup plus étendu que celui des gruyers royaux.

L'appel de leurs sentences dans ces matières ressortit directement au siège de la table de marbre, omisso medio. Voyez le gloss. de Ducange, au mot gruarius, et ci-devant GRUAGE, GRURIE. (A)